Vie nocturne à Shinjuku, Tokyo : Kevin Poh, https://goo.gl/kgS4Zi, sous licence CC BY 2.0

Chapitre 1 Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?

1.1 Sensibilisation

Au 14e siècle, l’érudit marocain Ibn Battûta décrivit la région indienne du Bengale comme une région d’une grande superficie où le riz était très abondant : « Je n’ai, en effet, jamais vu une région du monde recelant une telle abondance de provisions. » Il avait pourtant parcouru une grande partie du monde, voyageant à travers la Chine, l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-Orient et l’Europe. Trois siècles plus tard, la même observation fut relatée par le diamantaire français du 17e siècle Jean-Baptiste Tavernier, qui écrivit à propos de cette région : « Même dans les plus petits villages, on peut se procurer en abondance du riz, de la farine, du beurre, du lait, des haricots et autres légumes, du sucre, des confiseries, sous forme de poudre et de liquide. »

Illustration 1.1 Ibn Battûta en Égypte.

Une illustration du livre de Jules Verne Découverte de la terre réalisée par Léon Benett.

Qu’observe-t-on aujourd’hui ? En termes d’accès à la nourriture, aux soins médicaux, au logement et aux biens de première nécessité, les Indiens sont bien mieux lotis aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a sept siècles. Cependant, au regard des comparaisons internationales, la plupart des Indiens demeurent pauvres. À l’époque des voyages d’Ibn Battûta, l’Inde n’était pas plus riche que les autres régions du monde. Mais elle n’était pas plus pauvre non plus. Un voyageur à cette époque aurait remarqué que les personnes, en moyenne, étaient mieux loties en France, en Chine et en Angleterre qu’au Japon ou en Inde. Mais les grandes différences entre les riches et les pauvres, que le voyageur aurait remarquées partout où il se serait rendu, sautaient bien plus aux yeux que les différences entre les régions. Le Graphique 1.1 illustre cette évolution.

Graphique 1.1 La crosse de hockey de l’Histoire : produit intérieur brut réel par habitant dans cinq pays (1000–2016).

Base de données du projet Maddison, version 2018. Bolt, Jutta, Robert Inklaar, Herman de Jong et Jan Luiten van Zanden (2018), “Rebasing ‘Maddison’: new income comparisons and the shape of long-run economic development”. Document de travail du projet Maddison, n° 10, disponible en téléchargement sur www.ggdc.net/maddison. Note : le PIB réel appelé PIB en volume ou PIB à prix constants est la valeur du PIB nominal qui a été déflaté.

Il y a 1 000 ans, le monde était, d’un point de vue économique, bel et bien plat. Il existait certes des différences de revenus entre les régions du monde, mais, comme vous pouvez le constater sur le Graphique 1.1, ces différences étaient faibles au regard de celles qui allaient survenir des siècles plus tard. Aujourd’hui, plus personne ne considère que le monde est plat.

Exercice 1.1 Questions sur la sensibilisation

  1. Comparez la situation de l’Inde avec celle de la France en 1900 puis en 2016.
  2. Qu’observe-t-on pour la France, le Japon et le Royaume-Uni à partir du milieu du 19e siècle et pour la Chine et l’Inde à partir de la fin du 20e siècle ?
  3. Comment peut-on expliquer de telles évolutions du PIB réel par habitant ?
croissance économique
La croissance économique est un processus quantitatif qui désigne l’augmentation de la richesse produite sur le territoire national entre deux années ou entre deux trimestres. L’agrégat qui permet de mesurer le niveau de richesse sur le territoire national est le PIB réel ou PIB à prix constants ou encore le PIB en volume (donc le PIB déflaté).
sources de la croissance
Ensemble des moyens mobilisables dans une économie pour accroître le PIB réel. On distingue traditionnellement trois sources de la croissance économique : l’accumulation du facteur travail, l’accumulation du facteur capital physique et les gains de productivité générés principalement par le progrès technique.
facteurs de production
Désigne l’ensemble des ressources mises en œuvre lors du processus de production. On peut distinguer notamment le facteur travail, qui représente l’ensemble de l’intervention humaine rémunérée, et le facteur capital physique, qui se compose de l’ensemble des biens et des services de production utilisés pour produire d’autres biens ou d’autres services. On distingue alors le capital circulant qui désigne les biens et services de production qui sont détruits ou incorporés lors du processus de production ou dont la durée de vie est inférieure à un an et le capital fixe qui désigne l’ensemble des biens et des services de production qui ont une durée de vie supérieure à un an et qui donc peuvent être utilisés pendant plusieurs cycles de production.
progrès technique
Ensemble des innovations mises en œuvre au sein d’une unité de production. Joseph Aloïs Schumpeter distingue cinq formes d’innovation ; il ajoute aux innovations de procédés et de produits les innovations de modes de production, de débouchés et de matières premières. On peut traditionnellement distinguer deux principaux types d’innovations : d’une part, les innovations de procédés comme de nouvelles techniques de production, une nouvelle organisation du travail ou encore de nouveaux équipements, dont l’objectif est de réaliser des gains de productivité et ainsi de permettre une réduction des coûts de production ; d’autre part, les innovations de produits qui consistent à créer de nouveaux produits ou à améliorer des produits déjà existants. Les innovations de produits permettent généralement d’accroître les débouchés d’une unité de production et d’améliorer sa compétitivité hors-prix.
progrès technique endogène
Théorie économique qui considère que le progrès technique n’est pas une « manne céleste », mais provient du comportement et des choix des acteurs économiques et notamment des décisions des pouvoirs publics. Par ailleurs, si le progrès technique est source de croissance économique, en retour la croissance économique est source de progrès technique. On parle alors de croissance cumulative et autoentretenue.
innovation
Le processus d’invention et de diffusion dans son ensemble. Voir également : invention, diffusion.
institutions
Ensemble des règles, lois et coutumes sociales régissant l’interaction des individus dans la société.
droits de propriété
Protection légale qui confère à son détenteur le droit de jouir de ses possessions de la manière désirée, en exclure les autres de leur usage, tout en ayant la possibilité de les offrir ou les vendre à des tiers qui deviendront ensuite les nouveaux propriétaires.
destruction créatrice
Nom attribué par Joseph Aloïs Schumpeter au processus par lequel les anciennes technologies et les entreprises qui ne s’adaptent pas aux évolutions de la société sont évincées par les nouvelles, car elles ne peuvent plus rivaliser sur le marché. Selon lui, l’échec des entreprises non rentables est créateur, car il libère le travail et les biens d’équipement qui peuvent alors être utilisés dans de nouvelles combinaisons productives.
inégalités de revenus
Différences ou écarts de revenus entre des ménages qui ont pour conséquences un accès inégal à des ressources socialement valorisées et des différences dans les niveaux de consommation ou les capacités d’épargne de ces mêmes agents.
croissance économique soutenable
Croissance pérenne, c’est-à-dire une croissance qui permet aux générations présentes de produire davantage de biens ou de services afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins, sans compromettre la capacité des générations futures à produire des quantités suffisantes de biens ou de services pour satisfaire leurs propres besoins.
limites écologiques
Ensemble des contraintes liées à la croissance comme l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, l’épuisement des ressources naturelles renouvelables (tragédie des biens communs), dégradations de la qualité de l’air ou de l’eau, émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique, processus de pollution des nappes phréatiques, des mers, des océans, des espaces naturels, etc.
Objectifs d’apprentissage (programme) Plan du chapitre
Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance : accumulation des facteurs et accroissement de la productivité globale des facteurs ; comprendre le lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale des facteurs. Section 1.2 : Quelles sont les sources du processus de croissance économique ?
Comprendre que le progrès technique est endogène et qu’il résulte en particulier de l’innovation. Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance en affectant l’incitation à investir et innover ; savoir que l’innovation s’accompagne d’un processus de destruction créatrice. Section 1.3 : En quoi le progrès technique présente-t-il un caractère endogène, notamment par l’innovation, que les institutions favorisent ?
Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus. Section 1.4 : Comment le progrès technique peut-il engendrer des inégalités de revenus ?
Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique) et que l’innovation peut aider à reculer ces limites. Section 1.5 : En quoi une croissance économique soutenable se heurte-t-elle à des limites écologiques que l’innovation peut faire reculer ?

Tableau 1.1 Objectifs d’apprentissage (programme) et plan du chapitre.

1.2 Quelles sont les sources du processus de croissance économique ?

Qu’est-ce que le processus de croissance économique ?


Objectif : Comprendre le processus de croissance économique.

Qu’est-ce que la croissance économique ?

La croissance économique est un processus quantitatif qui désigne l’augmentation de la richesse produite sur le territoire national entre deux années ou entre deux trimestres. L’agrégat qui permet de mesurer le niveau de richesse sur le territoire national est le PIB réel ou PIB à prix constants ou encore PIB en volume (PIB nominal déflaté).1

Regardez la vidéo « Qu’est-ce que le produit intérieur brut (PIB) ? ». En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

Comment calcule-t-on le PIB d’une économie ?

Le PIB est un indicateur qui mesure la richesse d’une économie, en calculant tout ce qui est produit dans un pays donné au cours d’une année. Pour calculer le PIB, on additionne les valeurs ajoutées des productions marchandes et non marchandes réalisées sur le territoire.

Les productions non marchandes sont comptabilisées selon leurs coûts ; c’est le cas des services comme l’éducation.

En ce qui concerne les productions marchandes, qui sont produites par des entreprises privées, comme les boulangeries ou encore des entreprises de textile, le calcul de la valeur ajoutée se fait ainsi :

Pour calculer le PIB de l’économie française, l’Insee additionne donc l’ensemble des valeurs ajoutées créées par les unités économiques résidentes (les entreprises et les administrations) auxquelles il convient d’ajouter la TVA et les droits de douane.

Qu’est-ce que la valeur ajoutée brute ?

Produire, c’est créer des biens et des services à l’aide de facteurs de production, mais c’est également détruire, incorporer ou user d’autres biens ou services. Lorsque l’on souhaite mesurer les richesses créées au cours d’une année, il faut soustraire à la production des unités résidentes la valeur des biens et des services détruits ou incorporés lors du processus de production (on parle de consommations intermédiaires). On obtient alors la valeur ajoutée brute.

En fin de compte, le coût des biens et services utilisés au cours du processus de production qui sont détruits ou incorporés est soustrait de la valeur de la production. En effet, ces consommations intermédiaires sont en fait mesurées dans la valeur ajoutée d’autres unités résidentes (organisations productives). Les soustraire permet donc d’éviter de les compter deux fois lorsque l’on mesure la production de l’économie dans son ensemble.

Pourquoi retenir le PIB réel et non pas le PIB nominal pour mesurer la croissance économique ?

On appelle PIB nominal, ou PIB en valeur ou PIB à prix courants, le PIB calculé en utilisant les prix courants de l’année de production. En effet, lorsque les statisticiens estiment la valeur nominale de la production d’une économie dans son ensemble, à une période donnée (par exemple, une année), ils utilisent les prix auxquels les biens et services sont vendus sur le marché.

Par conséquent, d’une année sur l’autre, le PIB nominal d’une économie peut augmenter sans que la richesse du pays ait réellement augmenté. En effet, cette hausse peut être due simplement à la majoration des prix. Dès lors, pour estimer si l’économie est en croissance ou si elle ralentit, il faut disposer d’une mesure de la quantité de biens et services achetés. Il s’agit du PIB réel. Pour calculer celui-ci, il convient de prendre en compte le changement des prix au cours du temps et, ainsi, de « gommer » la variation des prix. Ce dernier rend compte de la variation des quantités de richesse produites d’une année sur l’autre. On dit que c’est le PIB en volume, mesuré à prix constants.

Si l’on compare l’économie au cours de deux années différentes et si toutes les quantités restent identiques, mais que les prix augmentent, par exemple, de 2 % d’une année sur l’autre, alors le PIB nominal augmente de 2 %, mais le PIB réel demeure inchangé. On peut en déduire que malgré des changements probables dans la composition de la production (moins de trajets en avion, mais plus d’ordinateurs vendus, par exemple), la quantité totale de biens et services produits n’a pas changé. En termes réels, l’économie n’a pas connu de croissance : le taux de croissance de l’économie est nul.

Pourquoi qualifier la croissance économique de processus ?

La croissance économique est un processus, car c’est un phénomène qui se déroule au cours du temps entre plusieurs trimestres, années ou encore décennies. C’est un phénomène par ailleurs non linéaire. À des périodes où le PIB réel augmente très rapidement peuvent succéder des périodes où le PIB réel augmente moins vite, voire diminue. On dit d’ailleurs que la croissance économique est un phénomène cyclique.

Graphique 1.2 Croissance du PIB réel en France (1821–2016).

Base de données du projet Maddison, version 2018. Bolt, Jutta, Robert Inklaar, Herman de Jong et Jan Luiten van Zanden. 2018. ‘Rebasing “Maddison”: New Income Comparisons and the Shape of Long–Run Economic Development’. Document de travail du projet Maddison, n° 10, disponible au téléchargement sur www.ggdc.net/maddison. Pour des informations et des explications sur les séries de données, veuillez vous référer au www.ggdc.net/maddison. Note : le PIB réel appelé PIB en volume ou PIB à prix constants est la valeur du PIB nominal qui a été déflaté.

Graphique 1.3 Les principales phases du cycle économique.

Selon l’Insee, la récession désigne la période de recul temporaire de l’activité économique d’un pays. Le plus souvent, on parle de récession si l’on observe un recul du produit intérieur brut (PIB) sur au moins deux trimestres consécutifs. Si le ralentissement de l’activité économique n’est pas enrayé et s’accroît, alors la récession peut se transformer en dépression. Dans ce cas, on observe, entre autres, une baisse forte et durable de la production pendant plusieurs années ainsi qu’une hausse du chômage et la faillite de nombreuses entreprises.

Question 1.1 Choisissez les bonnes réponses

Regardez de nouveau le Graphique 1.3. En vous appuyant sur ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • La phase d’expansion désigne le fait que le PIB réel augmente de plus en plus vite.
  • La crise économique désigne la chute brutale du PIB réel.
  • La phase de ralentissement désigne le fait que le PIB réel baisse.
  • La dépression désigne une baisse durable et marquée du PIB réel contrairement à la récession qui est une baisse temporaire et souvent moins marquée du PIB réel.
  • En effet, la phase d’expansion désigne le fait qu’année après année le taux de croissance du PIB réel augmente. C’est donc un phénomène qui désigne l’accélération du rythme de la croissance au cours du temps sur une période plus ou moins longue.
  • La crise économique désigne au sens strict le point de retournement du cycle économique. Au sens courant, la crise désigne la période de stagnation durable du niveau de production ou de la baisse de celui-ci.
  • La phase de ralentissement désigne le fait que le PIB réel augmente, mais de moins en moins vite. En revanche, il ne diminue pas.
  • En effet, si la phase de récession se prolonge et s’amplifie, l’économie plonge en dépression.

Synthèse

La croissance économique désigne l’augmentation au cours d’une période donnée du PIB réel d’une économie. C’est un phénomène cyclique. À des périodes où le PIB augmente de plus en plus vite succèdent des périodes où le PIB continue d’augmenter, mais de moins en moins vite, et, enfin, des périodes où le PIB réel peut diminuer. Dans ce cas, le niveau de richesses baisse.

En quoi l’accumulation des facteurs de production permet-elle la croissance économique ?


Objectif : Comprendre que l’accumulation des facteurs de production est une des sources de la croissance économique.

L’accumulation du facteur travail contribue au processus de croissance économique

Toutes choses égales par ailleurs, lorsque dans une économie la quantité d’heures travaillées augmente, le PIB réel augmente. Dans une économie, la quantité d’heures travaillées dépend à la fois du niveau de l’emploi (nombre d’actifs occupés) et du nombre d’heures travaillées par actif occupé.

Le niveau de l’emploi résulte de plusieurs éléments. Il dépend tout d’abord de la population totale, qui, elle-même, dépend du solde naturel et du solde migratoire. Le solde naturel peut se définir comme la différence au cours d’une année entre le nombre de naissances et le nombre de décès dans un pays donné. Lorsqu’il est positif, la population totale augmente. Ce fut notamment le cas en France durant la période dite « du baby boom » (1945–1975). Il en est de même pour le solde migratoire, qui se définit comme la différence entre le nombre d’immigrés et le nombre d’émigrants au cours d’une année donnée. Ce solde migratoire a été largement positif en France entre 1955 et 1975. Il a alors contribué à faire augmenter la population totale.

Au-delà de l’accroissement de la population totale, le niveau de l’emploi dépend de facteurs institutionnels qui vont déterminer la durée de la vie active. À ce niveau, il s’agit de prendre en compte l’âge de la durée de la scolarité obligatoire. Un allongement de la scolarité contribue à faire baisser la population en âge de travailler. Un recul de l’âge légal de départ à la retraite contribue, au contraire, à faire augmenter la population en âge de travailler. C’est d’ailleurs généralement l’objectif des différentes réformes des retraites mises en œuvre en France depuis 1993.

taux de chômage
Le nombre de personnes au chômage rapporté à la population active totale puis multiplié par 100. Pour l’Insee, le chômage représente l’ensemble des personnes de 15 ans et plus qui sont sans emploi et qui en recherchent un. Les chômeurs font partie de la population active, ce sont les actifs inoccupés. Pour calculer le taux de chômage, il convient de diviser le nombre de chômeurs par la population active totale. Voir également : population active, taux d’emploi.

À population en âge de travailler donnée, le niveau de l’emploi dépend alors de deux paramètres. Il découle d’une part des comportements d’activité des individus en âge de travailler : ainsi, des comportements en faveur de l’activité contribuent à faire augmenter la population active occupée. Cela fut, par exemple, le cas avec la montée de l’activité des femmes en France à partir du milieu des années 1960 ou encore aujourd’hui avec le maintien en activité plus important pour les hommes ou les femmes de plus de 55 ans. Il résulte également du taux de chômage : plus le chômage est élevé, plus il existe sur le marché du travail un nombre important de personnes en âge de travailler qui souhaitent exercer une activité professionnelle et qui sont disponibles pour cela, mais qui sont sans emploi. Ainsi, plus le chômage est élevé, moins la population active occupée est importante.

Une fois le niveau de l’emploi déterminé, la quantité d’heures de travail à la disposition d’une économie se mesure en multipliant le nombre d’actifs occupés par la durée annuelle du travail.

Question 1.2 Complétez le schéma

L’accumulation du facteur capital contribue au processus de croissance économique

Pour pouvoir produire plus, il est nécessaire de disposer de plus de travailleurs, mais également de plus d’unités de capital fixe. Dès lors, toutes choses égales par ailleurs, si le stock de capital fixe s’accroît dans une économie, alors les unités productrices résidentes sont en capacité de produire plus. Le stock de capital fixe ne peut s’accroître dans un pays que si les dépenses de la formation brute de capital fixe (FBCF) sont supérieures à la consommation de capital fixe.

obsolescence
Fait pour une technique de production ou un produit d’être techniquement dépassé(e).

Selon l’Insee, la FBCF est constituée par les acquisitions moins cessions d’actifs fixes réalisées par les producteurs résidents. Les actifs fixes regroupent les actifs corporels (comme les machines-outils, les véhicules, les ordinateurs, etc.) ou incorporels (les logiciels, par exemple) utilisés pendant plusieurs cycles de production durant au moins un an. La consommation de capital fixe désigne la dépréciation subie par le capital fixe au cours de la période considérée par suite d’usure normale et d’obsolescence prévisible.

Graphique 1.4 Formation brute et nette de capital fixe en France (1978–2018).

Insee, comptes nationaux annuels, base 2014. Note : branche des activités immobilières exclue.

Exercice 1.2 L’accumulation du facteur capital

  1. Distinguez formation brute de capital fixe (FBCF) et formation nette de capital fixe (FNCF).
  2. Regardez le Graphique 1.4. En vous appuyant sur ces informations, de combien a augmenté le stock de capital fixe entre 1978 et 2018 ?

Synthèse

La croissance économique peut provenir de l’accumulation, autrement dit de l’augmentation des quantités de facteurs de production mobilisés. Toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de la quantité du facteur travail et/ou une augmentation de la quantité du facteur capital dans une économie permettent de produire plus. Lorsque la hausse du PIB réel est due dans une économie à l’accroissement des quantités de facteurs de production, on parle de croissance extensive.

Comment le progrès technique, via l’accroissement de la productivité globale des facteurs (PGF) qu’il génère, permet-il la croissance économique ?


Objectif : Comprendre que l’une des sources de la croissance économique est l’accroissement de la productivité globale des facteurs et comprendre le lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale des facteurs.

À la découverte du lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale des facteurs de production (PGF)

On observe sur le Graphique 1.1 que le PIB réel par habitant s’est fortement accru à partir du 18e siècle en Angleterre au moment même où de remarquables avancées scientifiques et technologiques ont eu lieu. Par exemple, de nouvelles technologies majeures ont été introduites dans les domaines du textile, de l’énergie et des transports au 18e siècle. Leur caractère cumulatif leur a valu le titre de Révolution industrielle.

Dans le textile, les inventions les plus célèbres concernèrent la filature (activité traditionnellement effectuée par les femmes) et le tissage (traditionnellement effectué par les hommes). En 1733, John Kay inventa la navette volante, qui augmenta considérablement la quantité qu’un tisserand pouvait produire en une heure. Cela provoqua une hausse de la demande en fil utilisé pour le tissage, à tel point qu’il devint difficile pour les fileuses d’en produire des quantités suffisantes avec la technologie de l’époque, le rouet. La machine à filer de James Hargreaves, développée en 1764, apporta une réponse à ce problème. Le progrès technique fut également important dans d’autres domaines. La machine à vapeur de James Watt, développée en 1769, en est un exemple typique. Ces machines furent progressivement améliorées sur une longue période et finirent par se généraliser dans toute l’industrie, non seulement dans le secteur minier, où la première machine à vapeur actionnait des pompes à eau, mais aussi dans le textile et dans d’autres secteurs manufacturiers, ainsi que dans les transports ferroviaire et maritime. Finalement, on observe que jusqu’en 1800 des techniques artisanales traditionnelles utilisant des compétences transmises de génération en génération étaient utilisées dans la plupart des procédés de production. La nouvelle ère apporta de nouvelles idées, de nouvelles découvertes, de nouvelles méthodes et de nouvelles machines, rendant obsolètes les anciennes idées et les anciens outils. Ces nouveautés devinrent elles-mêmes obsolètes à mesure que de nouvelles sources d’énergie ou d’autres méthodes de production apparurent, comme l’électricité, le pétrole, l’organisation scientifique du travail, l’informatique et les nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc.

Ces bouleversements ont marqué le début d’une révolution technologique permanente, et le temps nécessaire à la production de la plupart des biens et des services n’a cessé de diminuer de génération en génération. Autrement dit, grâce au progrès technique, les facteurs de production ont été de plus en plus efficaces : on parle de gains de productivité. On comprend alors que le progrès technique est à l’origine de l’accroissement de la productivité globale des facteurs de production, c’est-à-dire de l’accroissement de l’efficacité combinée du travail et du capital.

Un point sur le concept de productivité

La productivité d’un facteur de production se calcule par le rapport entre la production réalisée et la quantité de ce facteur de production. La productivité d’un facteur de production est une mesure de l’efficacité de ce facteur.

La productivité globale des facteurs de production se calcule par le rapport entre la valeur de la production réalisée et le coût des facteurs de production mobilisés pour l’obtenir. La PGF est une mesure de l’efficacité combinée du travail et du capital ; elle est une mesure du progrès technique.

Soit une entreprise A qui utilise pour réaliser une valeur ajoutée brute (VAB) journalière de 60 000 euros, 100 travailleurs et 50 machines-outils. Le coût journalier global des facteurs de production est estimé quant à lui à 15 000 euros.

Calculez la productivité (en valeur) par travailleur pour l’entreprise A en 2010.

En 2010, la productivité en valeur par travailleur pour l’entreprise A équivaut à 600 euros par jour (60 000 euros/100 travailleurs). Cela signifie qu’apparemment et en moyenne chaque travailleur a permis de produire par jour une VAB de 600 euros.

Calculez la productivité (en valeur) par machine pour l’entreprise A en 2010.

En 2010, la productivité en valeur par machine-outil pour l’entreprise A en 2010 équivaut à 1 200 euros par jour (60 000 euros/50 machines). Cela signifie qu’apparemment et en moyenne chaque machine a permis de produire par jour une VAB de 1 200 euros.

Calculez la productivité globale des facteurs de production pour l’entreprise A en 2010.

En 2010, la productivité globale des facteurs de production équivaut à 4 euros par unité produite (60 000 euros/15 000 euros), c’est-à-dire que pour chaque euro dépensé dans cette entreprise dans la combinaison productive, 4 euros de VAB sont créés.

En 2019, l’entreprise A réalise une VAB journalière de 66 000 euros (on suppose que tous les prix sont restés constants). Sa VAB journalière a donc augmenté de 10 % entre 2010 et 2019 (elle est passée de 60 000 à 66 000 euros). Mais, pour réaliser cette VAB journalière, l’entreprise utilise désormais 110 salariés (+10 %) et 55 machines-outils (+10 %) Le coût journalier global des facteurs de production est donc désormais estimé à 16 500 euros (+10 %).

Calculez la productivité (en valeur) par travailleur pour l’entreprise A en 2019.

En 2019, la productivité en valeur par travailleur pour l’entreprise A en 2010 équivaut à 600 euros par jour (66 000 euros/110 travailleurs). Cela signifie qu’apparemment et en moyenne chaque travailleur permet de produire par jour une VAB de 600 euros.

Calculez la productivité (en valeur) par machine pour l’entreprise A en 2019.

En 2019, la productivité en valeur par machine-outil pour l’entreprise A en 2010 équivaut à 1 200 euros par jour (66 000 euros/55 machines). Cela signifie qu’apparemment et en moyenne chaque machine permet de produire par jour une VAB de 1 200 euros.

Calculez la productivité globale des facteurs de production pour l’entreprise A en 2019.

En 2019, la productivité globale des facteurs de production équivaut à 4 euros par unité produite (66 000 euros/16 500 euros), c’est-à-dire que pour chaque euro dépensé dans cette entreprise dans la combinaison productive, 4 euros de VAB sont créés.

Comment s’explique dans cette entreprise l’accroissement de la VAB de 10 % entre 2010 et 2019 ?

Dans cette entreprise, la hausse de la VAB de 10 % s’explique par une hausse de 10 % des quantités de facteurs de production mobilisés. La productivité de chaque facteur de production et la productivité globale n’ont pas augmenté. Il n’y a pas eu de progrès technique dans cette entreprise.

Supposons désormais qu’il existe une entreprise B, strictement identique en tout point à l’entreprise A en 2010 et dont la seule différence en 2019 soit que sa VAB journalière soit de 72 000 euros (et non pas de 66 000 euros comme pour l’entreprise A).

Comment peut-on expliquer l’accroissement de 20 % de la VAB journalière de l’entreprise B entre 2010 et 2019 alors même que, comme pour l’entreprise A, les quantités de facteurs de production ont augmenté seulement de 10 % ?

Dans l’entreprise B, la VAB a augmenté de 20 % alors que les quantités de facteurs de production mobilisés n’ont augmenté que de 10 % : c’est donc que la productivité globale des facteurs de production (PGF) a augmenté. Autrement dit, les facteurs de production sont plus efficaces.

Quelle a été l’évolution de la productivité globale des facteurs de production de l’entreprise B entre 2010 et 2019 ?

Dans cette entreprise, la PGF a augmenté de 10 %. En effet, la PGF équivalait à 4 euros par unité produite en 2010 et celle-ci est de 4,40 euros par unité produite en 2019 (72 000/16 500).

Comment pouvez-vous expliquer cette hausse de la PGF dans l’entreprise B ?

L’entreprise B a sans doute acheté des machines-outils plus performantes ou changé son organisation du travail pour la rendre plus efficace.

Le progrès technique permet la réalisation de gains de productivité qui sont source de croissance économique (effet d’offre)

Dans une économie, si chaque facteur de production est plus efficace et si l’on suppose que les quantités de facteurs de production restent inchangées, alors le progrès technique est source de croissance économique.

États-Unis Japon Allemagne France
1960
-1973
1973
-1990
1990
-2025
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Taux de croissance annuel moyen du PIB réel (%) 3,8 2,5 2,0 9,5 4,0 3,4 4,3 2,2 1,8 5,9 2,4 2,1
Contribution du travail (points de %) 1,0 1,0 0,2 0,4 0,3 −0,2 0,0 −0,3 −0,5 0,3 −0,4 0,0
Contribution du capital (points de %) 1,1 1,1 1,4 3,5 2,0 1,9 1,9 1,1 0,9 1,6 1,1 0,4
Contribution de la PGF (points de %) 1,7 0,4 0,4 5,6 1,7 1,7 2,4 1,4 1,4 4,0 1,7 1,7

Tableau 1.2 Les explications de la croissance.

Coudert, V., 1992. « Croissance et démographie dans les pays industrialisés ». Économie prospective internationale, (52).

Question 1.3 Complétez le texte

Regardez le Tableau 1.2. En vous appuyant sur ces informations, choisissez la bonne proposition.

On observe qu’en France, sur la période 1960-1973, le PIB réel a augmenté en moyenne chaque année de . Cette hausse du PIB réel peut s’expliquer pour par l’accroissement de la quantité des facteurs de production et pour de la PGF. Autrement dit, l’accroissement de la PGF explique à elle seule de la croissance économique sur cette période.

De même, en France, de 1973 à 1990, alors que le PIB réel a augmenté en moyenne chaque année de 2,4 %, l’accroissement de la PGF (lié en grande partie au progrès technique) a contribué à expliquer de la croissance économique. Entre 1990 et 2025, celle-ci devrait expliquer de la croissance.

On observe en France que la principale source de la croissance économique depuis 1960 est . Dans une économie, lorsque la croissance économique s’explique majoritairement par les gains de productivité permis par le progrès technique, on parle de croissance intensive. Hormis la France, sur l’ensemble de la période a connu également un processus de croissance intensif. En revanche, comme nous l’avons déjà souligné, lorsque la croissance économique est principalement due à l’accroissement des quantités des facteurs de production utilisés, on parle de croissance extensive : c’est le cas sur l’ensemble de la période .

L’accroissement de la PGF, résultat en grande partie du progrès technique, contribue au processus de croissance économique par des effets de demande globale (répartition des gains de productivité)

demande globale
Selon l’Insee, en économie ouverte, la demande globale se compose des consommations intermédiaires, des dépenses de consommation effective des ménages, de consommation collective des administrations publiques, de la formation brute de capital fixe, des exportations ainsi que des variations de stocks.
salaire réel
Le salaire nominal divisé par l’indice des prix : il évalue le pouvoir d’achat, autrement dit la quantité de biens et services que le salaire permet d’acquérir. Le salaire réel correspond au salaire nominal déflaté. En cas d’inflation par exemple, pour que le salaire réel augmente, il faut que le salaire nominal augmente à un rythme supérieur à celui de l’inflation. Par exemple, si le salaire nominal d’un salarié est de 2 000 euros en 2018 et que ce même salarié perçoit 2 100 euros en 2019, alors son salaire nominal est relevé de 5 %, mais pas forcément son salaire réel, autrement dit le pouvoir d’achat de son salaire nominal. Si entre 2018 et 2019 les prix sont restés constants, alors à la fois le salaire nominal de ce salarié et son salaire réel se sont accrus de 5 %. Ce n’est pas le cas si les prix ont augmenté de 2 % : alors le salaire réel n’a augmenté que de 3 % environ. Si les prix ont été majorés de 8 %, alors le salaire réel du salarié a diminué de 3 % environ. Voir également : salaire nominal.

Lorsqu’il y a croissance économique, autrement dit lorsque les quantités produites augmentent grâce, notamment (mais pas exclusivement), aux gains de productivité générés par le progrès technique, il faut que la demande globale s’accroisse. Sinon, la production supplémentaire ne trouve pas de débouchés, et, face à la constitution massive de stocks, les entreprises peuvent être amenées à licencier des travailleurs. Au contraire, si la demande globale augmente au même rythme que la production, alors le processus de croissance économique se poursuit. C’est ce qui peut se passer lorsqu’il y a une répartition équitable des fruits de la croissance économique, c’est-à-dire si les gains de productivité permettent un accroissement des salaires réels ou des revenus mixtes favorisant notamment une hausse du niveau de consommation des ménages, si un accroissement des profits pour les entreprises leur donne la possibilité d’investir davantage, ou encore si une augmentation des recettes fiscales perçues par les administrations publiques leur permet de réaliser des investissements publics ou de distribuer davantage de prestations aux ménages.

Question 1.4 Complétez le texte

Regardez la vidéo « Comprendre l’impact des gains de productivité sur l’économie ». En vous appuyant sur ces informations, choisissez la bonne proposition.

Au niveau des ménages, les gains de productivité peuvent permettre aux entreprises les salaires nominaux versés à leurs salariés. Dans le même temps, les revenus mixtes (les revenus perçus par les indépendants) et certains revenus de la propriété (comme les plus-values réalisées ou les dividendes versés aux actionnaires) peuvent également . De même, les pouvoirs publics, voyant le niveau de leurs recettes fiscales , peuvent augmenter le montant des prestations sociales versées aux ménages. Toutes choses égales par ailleurs, le revenu disponible brut des ménages . Par ailleurs, des coûts de production permise par la hausse de la productivité globale des facteurs de production peut permettre aux entreprises leurs prix. Ainsi, le pouvoir d’achat des ménages ce qui leur permet de consommer plus et ainsi cela incite les entreprises à produire plus. En effet, les entreprises, pour répondre à la demande de consommation finale des ménages, vont chercher à accroître leur niveau de production. Cet effet est d’autant plus important que de nouveaux produits apparaissent dans l’économie.

Dans le même temps, la baisse des prix permet la compétitivité-prix des produits nationaux vis-à-vis des produits étrangers et, dans ce cas, les exportations peuvent et les importations , ce qui là encore incite les entreprises à produire plus.

Par ailleurs, en dépit d’une hausse des salaires nominaux, d’une éventuelle réduction de la durée du travail et de la baisse des prix, les entreprises peuvent voir leur profit . Par conséquent, non seulement les investissements à venir leur paraissent rentables mais elles disposent de d’épargne pour s’autofinancer. Ainsi, les entreprises peuvent être conduites à investir, c’est-à-dire à faire l’acquisition de capital fixe, ce qui incite les entreprises produisant les biens et les services de production durables à produire plus. Une partie des profits supplémentaires peut toutefois être redistribuée aux actionnaires sous la forme de dividendes ce qui, nous l’avons vu précédemment, contribue à faire le pouvoir d’achat de certains ménages.

Enfin, les pouvoirs publics voient leurs recettes fiscales du fait, par exemple, de la hausse des revenus des agents ou encore de la hausse du niveau de consommation finale des ménages. Cette hausse des recettes fiscales peut permettre, nous l’avons vu, une hausse des prestations sociales versées aux ménages en cas de risque social (chômage, maladie, vieillesse, etc.). Mais, cette hausse des recettes fiscales permet aussi aux administrations sociales de produire davantage de services non marchands ; les pouvoirs publics sont donc conduits à embaucher et à investir, ce qui renforce le processus de croissance économique.

Question 1.5 Complétez le schéma

Regardez à nouveau la vidéo « Comprendre l’impact des gains de productivité sur l’économie ». En vous appuyant sur ces informations, choisissez la bonne proposition.

Pour aller plus loin : la Révolution industrielle et l’accroissement des niveaux de vie en Grande-Bretagne

Le Graphique 1.5 représente un indice du salaire réel moyen des artisans qualifiés londoniens sur la période comprise entre 1264 et 2001, ainsi que la population britannique sur la même période.

Graphique 1.5 Population britannique et salaires réels au cours de sept siècles (1264–2001) : salaires des artisans (travailleurs qualifiés) à Londres.

Robert C. Allen. 2001. ‘The Great Divergence in European Wages and Prices from the Middle Ages to the First World War’. Explorations in Economic History 38 (4): pp. 411–447; Stephen Broadberry, Bruce Campbell, Alexander Klein, Mark Overton and Bas van Leeuwen. 2015. British Economic Growth, 1270–1870, Cambridge University Press.

Le terme « indice » désigne la valeur d’un montant (disons 6 shillings par heure à l’époque) par rapport à sa valeur à un autre moment (la période de référence) qui est en général normalisée à 100. Dans notre cas, l’année de référence est 1850, mais la courbe aurait eu la même forme si une autre année avait été sélectionnée. La courbe serait simplement positionnée plus en haut ou plus en bas dans le plan, mais elle garderait la même forme : celle de la crosse de hockey que nous avons déjà vue dans le Graphique 1.1.

On remarque graphiquement une longue période au cours de laquelle les conditions de vie des artisans, et plus largement des travailleurs, ne se sont pas améliorées. En effet, on peut constater que les salaires réels n’ont pas augmenté entre 1450 et 1800. Dans le même temps, avec la hausse de la population, la demande de nourriture a augmenté. Dès lors, comme les terres pouvant être utilisées pour produire de la nourriture étaient en quantité limitée, elles ont pris de la valeur. Ainsi, à cette époque, la position économique relative des propriétaires terriens s’est quant à elle améliorée. L’écart de revenus entre les propriétaires terriens et les travailleurs s’est alors creusé. Aux 17e et 18e siècles, le rapport entre les salaires des travailleurs britanniques non qualifiés et les revenus des propriétaires terriens ne correspondait qu’à un cinquième de ce qu’il était au 16e siècle.

Toutefois, vers 1800, l’économie se déplaça vers un régime entièrement nouveau, dans lequel la population et les salaires réels augmentèrent simultanément. C’est ce qui eut lieu en Grande-Bretagne, et, plus tard, dans de nombreux endroits dans le monde.

Graphique 1.6 Évolution des salaires réels et de la productivité du travail en Grande-Bretagne de 1760 à 1930.

Robert C. Allen. 2001. ‘The Great Divergence in European Wages and Prices from the Middle Ages to the First World War’. Explorations in Economic History 38 (4): pp. 411–447. Note : la productivité du travail et les salaires réels sont des moyennes mobiles centrées sur cinq ans.

La révolution technologique permanente

La période fut tout d’abord marquée par des améliorations technologiques qui firent augmenter la production par travailleur, telles la machine à filer et la machine à vapeur. Les innovations se multiplièrent au cours de la période avec la révolution technologique permanente, de nouvelles machines se substituant à des milliers de fileuses, tisserands et fermiers.

Chômage urbain

Cette perte d’emplois affaiblit le pouvoir de négociation des travailleurs et contribua à la stagnation des salaires réels entre 1750 et 1830, alors même que, sur cette même période, la productivité moyenne du travail s’accrut. Finalement, au cours de cette période, on peut dire que la taille du gâteau augmenta, mais pas la part accordée aux travailleurs.

De nouvelles opportunités

Dans les années 1830, la hausse de la productivité du travail associée à la stagnation des salaires réels engendrèrent une envolée des profits. Les profits, la concurrence et la technologie permirent le développement de l’activité économique. La demande de travail augmenta donc. Dès lors, la population abandonna l’agriculture pour travailler dans les nouvelles usines.

Pouvoir de négociation des travailleurs

L’offre de travail chuta lorsque l’on interdit aux propriétaires d’entreprises d’employer des enfants. La combinaison d’une hausse de la demande et d’une baisse de l’offre de travail améliora le pouvoir de négociation des travailleurs, ce qui contribua à l’accroissement du niveau des salaires réels.

Accroissement du pouvoir de négociations des travailleurs

Le pouvoir des travailleurs s’accrut également quand ils obtinrent le droit de voter et purent former des syndicats. Les travailleurs purent alors demander une part constante, voire croissante, des gains de productivité engendrés par la révolution technologique permanente.

L’histoire de la révolution technologique permanente met en évidence deux canaux d’influence sur les salaires :

Après 1830, la taille du gâteau a continué de croître, et la part des travailleurs également.

Dans de nombreux pays, ce processus de hausse de la productivité et du pouvoir de négociation des travailleurs s’est traduit par un accroissement des niveaux de vie de ces derniers.

Regardez la vidéo « Pourquoi certains pays sont devenus riches ». En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

Quel pays a été le berceau de la Révolution industrielle ?

C’est l’Angleterre, principalement le nord de l’Angleterre autour des villes de Manchester et de Liverpool.

Quels sont les trois facteurs qui ont permis à l’Angleterre de passer d’un pays pauvre à un pays riche ?

L’évolution du nombre d’habitants, la productivité technologique, ainsi que les institutions et les politiques publiques sont les trois facteurs qui ont permis à l’Angleterre de passer d’un pays pauvre à un pays riche.

Décrivez succinctement le processus de croissance économique sur les 800 dernières années en Angleterre.

Au cours du 13e siècle, la population anglaise atteint environ 5 millions d’habitants, mais en 1348 le premier épisode de peste noire tue une grande partie de la population. En conséquence, la population diminue mais, conjointement, les salaires réels augmentent, conférant une plus grande aisance à la population. L’augmentation du niveau de vie tend à induire une plus grande natalité. Dès lors, la croissance démographique vise à faire pression à la baisse des salaires réels. Durant cette période, il y a une corrélation négative entre le nombre d’habitants et les salaires réels. Mais, à partir de la fin du 18e siècle, alors que la population continue de croître, les salaires réels augmentent à nouveau. Ceci s’explique par une hausse de la productivité technologique liée au progrès technique, mais également en raison d’institutions (syndicats de travailleurs, contrats de travail) dont l’existence tend à maintenir les salaires réels à un niveau élevé à partir du début du 19e siècle. Grâce à cela, la production par habitant croît et l’Angleterre connaît une croissance économique sans précédent.

Quel est l’intérêt de s’intéresser à l’histoire économique ?

S’intéresser à l’histoire économique permet de comprendre les faits économiques, les processus qui ont amené certains pays à être riches alors que d’autres sont restés dans une pauvreté relative. L’histoire économique permet de saisir comment ces pays en voie de développement peuvent s’inspirer, apprendre du passé pour se développer et devenir des pays riches.

Synthèse

Le progrès technique est à l’origine d’un accroissement de l’efficacité des facteurs de production et donc d’un accroissement de la productivité globale des facteurs de production (PGF). Autrement dit, grâce au progrès technique, chaque unité de facteur travail et/ou de capital permet de produire plus.

Les gains de productivité générés par le progrès technique sont source de croissance, et ce, de deux manières.

Premièrement, si chaque unité de facteur de production est plus efficace, et que l’on garde les mêmes quantités de facteurs (on raisonne « toute chose égale par ailleurs »), alors mécaniquement l’accroissement de la PGF entraîne la croissance économique. Dans ce cas, on parle de croissance intensive, par opposition à la croissance extensive qui est principalement due, comme nous l’avons déjà souligné, à l’accroissement de la quantité des facteurs de production mobilisés.

Deuxièmement, des effets de demande peuvent également expliquer le fait que les gains de productivité soient source de croissance économique. En effet, les gains de productivité peuvent permettre une hausse des revenus perçus par les différents agents économiques ; dès lors, la hausse de la demande globale qui peut s’ensuivre incite les entreprises à produire plus. On observe alors un cercle vertueux : le progrès technique entraîne une hausse de la productivité laquelle permet, d’une part, d’accroître l’offre et, d’autre part, d’accroître la demande. Le supplément d’offre permis par les gains de productivité trouve donc ses débouchés dans l’accroissement de la demande.

1.3 En quoi le progrès technique présente-t-il un caractère endogène, notamment par l’innovation que les institutions favorisent ?

Quels sont les liens entre le progrès technique et l’innovation ?


Objectif : Comprendre les liens entre le progrès technique et l’innovation.

Rappel historique pour mieux comprendre les liens entre le progrès technique et l’innovation

Avant la Révolution industrielle, le tissage, le filage et la fabrication d’habits pour le foyer étaient des tâches chronophages pour la plupart des femmes. En Angleterre, les femmes célibataires étaient appelées « spinsters » (fileuses), car le filage était leur occupation principale. L’historienne Eve Fisher a calculé que la fabrication d’une seule chemise demandait 579 heures de travail, dont 500 heures de filage.

Comme nous l’avons déjà vu dans la section précédente, John Kay inventa en 1733 la navette volante (flying shuttle), qui augmenta considérablement la quantité qu’un tisserand pouvait produire en une heure. Cela provoqua une augmentation de la demande en fil utilisé pour le tissage, à tel point qu’il devint difficile pour les fileuses d’en produire des quantités suffisantes avec la technologie de l’époque, le rouet. La machine à filer (spinning jenny) de James Hargreaves, développée en 1764, apporta une réponse à ce problème. Les premières machines à filer avaient huit bobines. Une machine exploitée par un seul adulte pouvait donc remplacer huit fileuses, travaillant sur huit rouets.

À l’aide de cet exemple, nous pouvons expliciter les liens entre le progrès technique et l’innovation. Le progrès technique correspond à l’ensemble des innovations de produits et de procédés, qui permettent d’augmenter la productivité et de lutter ainsi contre les rendements décroissants et l’état stationnaire. En effet, les économistes classiques de la fin du 18e siècle et du début du 19e siècle accordaient une grande importance à la loi des rendements décroissants, qui stipule que les facteurs de production sont de moins en moins efficaces à mesure qu’on les accumule. Cette loi paraissait une évidence à l’époque où la production était essentiellement agricole.

Illustration 1.2 Quelques innovations majeures de produits qui ont changé la vie des hommes.

En quelle année a été inventé le premier véhicule à moteur thermique et par qui ?

En 1886, par Carl Benz.

En quelle année a été inventé le téléphone portable et par qui ?

En 1973, par Martin Cooper.

En quelle année a été inventée la première ampoule halogène et par qui ?

En 1959, par Edward G. Zubler et Frederick Mosby.

En quelle année a été inventée la première télévision couleur et par qui ?

En 1940, par Guillermo González Camarena.

En quelle année a été inventé le premier ordinateur portable et par qui ?

En 1968, par Alan Kay.

Synthèse

Nous venons de comprendre les liens entre le progrès technique et les innovations. En effet, le progrès technique désigne l’ensemble des innovations. Parmi celles-ci, on peut notamment distinguer les innovations de produits et les innovations de procédés.

D’une part, les innovations de produits permettent l’émergence de nouveaux marchés et dynamisent ainsi la demande globale. Elles concernent à la fois l’invention de nouveaux produits (invention du téléphone, de l’automobile, du réfrigérateur, de la télévision ou de l’ordinateur, etc.), mais aussi l’amélioration de produits déjà existants (exemple du passage du téléphone fixe au téléphone portable ou encore du passage de la télévision en noir et blanc à la télévision couleur).

D’autre part, les innovations de procédés permettent d’accroître l’efficacité des facteurs de production et sont par conséquent source de croissance économique (cf. section précédente). Elles concernent l’ensemble des nouvelles techniques de production ou de vente, comme de nouvelles machines-outils, une nouvelle organisation du travail, l’informatisation des procédés de production ou de nouvelles manières de vendre (vente par Internet).

En quoi le progrès technique présente-t-il un caractère endogène ?


Objectif : Comprendre que le progrès technique est endogène.

Un peu d’histoire économique : deux écoles de pensée s’affrontent

Pendant très longtemps, les économistes ont considéré que la croissance économique était uniquement le résultat de la hausse des quantités des facteurs de production mobilisés. Mais à partir du moment où les rythmes de la croissance se sont accélérés, il est devenu évident qu’il existait d’autres sources susceptibles d’expliquer le processus de croissance économique.

L’économiste américain Robert Solow, en cherchant les origines du processus de la croissance économique dans les années 1950, mit en évidence le rôle fondamental du progrès technique, appelé également résidu ou bien encore la productivité globale des facteurs (PGF). Selon lui, le résidu est une mesure de l’augmentation de la PGF dans le processus de croissance, c’est-à-dire la part de la croissance qui ne s’explique pas par l’augmentation des facteurs travail et capital. Ce modèle économique proposé en 1956 s’appelle la croissance exogène. Robert Solow insiste sur le fait que la croissance économique s’explique par la contribution de trois facteurs : le travail, le capital et le résidu, que l’on peut assimiler au progrès technique. Selon les travaux de Robert Solow, grâce au progrès technique, dont on ne connaît pas l’origine (concept de « manne céleste »), les facteurs de production deviennent de plus en plus efficaces et permettent ainsi une croissance supérieure au rythme d’accumulation. Par conséquent, dans son modèle, Robert Solow considère le progrès technique comme exogène, c’est-à-dire une variable dépendant de facteurs externes au système économique.

Nous allons découvrir dans la section suivante que le modèle de la croissance exogène de Solow est remis en cause dans les années 1980 par des économistes, qui vont démontrer que la croissance économique est davantage de nature endogène et que le progrès technique, élément fondateur de ce processus, dépend en fait de facteurs internes au système économique. Le progrès technique n’est donc pas « manne céleste », mais il dépend, au contraire, du choix des acteurs économiques et de la croissance économique elle-même. Ainsi, il nous faut, à présent, expliquer l’origine du progrès technique et mettre en évidence le rôle de l’État dans ce processus. C’est tout l’enjeu des travaux de ces économistes, qui, face aux limites du modèle exogène de la croissance économique, essaient d’analyser les déterminants du progrès technique. Ils donnent ainsi le jour aux modèles dits « de croissance endogène » et démontrent que la croissance économique provoque l’accumulation du progrès technique, qui lui-même suscite la croissance.

Nous allons insister dans les sous-sections suivantes sur le rôle de l’État-providence à l’origine de l’accumulation de plusieurs formes de capitaux et du caractère cumulatif de ce processus de croissance.

L’accumulation des formes de capitaux permet un processus de croissance endogène et autoentretenue

Présentation des quatre formes de capitaux de la croissance endogène

Dans de nombreux pays, la combinaison de progrès technique et d’investissements en vue d’augmenter le stock de capital a fait approximativement doubler la productivité du travail à chaque génération. Le recours croissant aux machines et autres biens d’équipement dans le processus de production ainsi que le progrès technique rendu possible par l’accroissement des connaissances ont constitué le socle de l’amélioration du niveau de vie à long terme. Le progrès technique et l’accumulation de biens d’équipement sont par conséquent complémentaires : chacun fournit les conditions nécessaires à la réalisation de l’autre.

Dans les modèles de la croissance endogène, nous pouvons finalement identifier quatre formes de capitaux :

Les théories de la croissance endogène reposent essentiellement sur les contributions de trois économistes des années 1980 :

Pour ces trois théoriciens, la croissance économique résulte ainsi des investissements réalisés par les agents économiques et le montant de ces investissements influe sur le rythme du progrès technique. Pour résumer, ces investissements prennent des formes diverses.

Illustration 1.3 Les différentes formes d’investissement.

Mécanisme : l’accumulation des capitaux favorise la croissance économique, qui présente un caractère autoentretenu et cumulatif

Examinons, à l’aide de l’Illustration 1.4 et de l’Exercice 1.3, les caractéristiques principales du processus de la croissance endogène.

Illustration 1.4 Le processus de croissance endogène.

Notes : le crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises. Les entreprises qui engagent des dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental peuvent bénéficier du CIR en déduisant ces dépenses engagées de leurs impôts (sous certaines conditions). Dans le cas du crédit d’impôt recherche, il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une hausse des dépenses de l’État. L’État voit ses recettes publiques augmenter du fait de la croissance économique et peut réduire les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises (impôts sur les sociétés), et ce, sans accroître son déficit budgétaire.

Exercice 1.3 Le processus de croissance endogène

Regardez à nouveau l’Illustration 1.4. En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

  1. Pourquoi peut-on dire que le schéma met en évidence une croissance économique autoentretenue et cumulative ?
  2. Montrez par des exemples que l’accumulation du capital physique, humain, technologique et public contribue au processus de croissance économique.
  3. Démontrez le rôle moteur du progrès technique dans le processus de la croissance endogène.
  4. Quelle est la différence entre le modèle de la croissance endogène et l’approche exogène de Solow ?

Pour aller plus loin : trajectoires de croissance à long terme d’un ensemble d’économies

Découvrons l’évolution de la croissance économique de plusieurs pays entre 1760 et 1990 et vérifions si elle peut s’analyser selon les caractéristiques de la croissance endogène.

Graphique 1.7 Trajectoires de croissance à long terme d’un ensemble d’économies.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16. Notes : le capital par travailleur est le rapport entre la quantité de facteur capital et du nombre de travailleurs ; les données en abscisses et en ordonnées sont en dollars constants base 1985, en parité de pouvoir d’achat.

Royaume-Uni

La série commence en 1760 au coin inférieur du graphique et s’achève en 1990 avec une intensité capitalistique et une productivité bien plus élevées.

PIB par travailleur

L’insert, ajouté sur le graphique en bas à droite, présente les mêmes données dans la représentation familière du PIB par travailleur avec la courbe en crosse de hockey.

États-Unis

La productivité américaine dépasse celle du Royaume-Uni en 1910 et demeure plus élevée depuis lors.

Japon, Taiwan et l’Inde

Les trajectoires de la croissance économique du Japon, de Taïwan et de l’Inde montrent que l’accroissement du niveau de vie nécessite l’accumulation de capital et l’adoption de nouvelles technologies.

L’interprétation du Graphique 1.7 suggère que les pays étudiés ont adopté des méthodes de production à plus forte intensité capitalistique, et ce, au fur et à mesure qu’ils devenaient plus riches. Cela démontre le caractère autoentretenu et cumulatif du progrès technique et, donc, de la croissance, dans le sens où les profits réalisés sont réinvestis afin d’améliorer encore la productivité, source de nouveaux profits.

Par exemple, si nous prenons le cas des États-Unis, le capital par travailleur (mesuré en dollars américains de 1985) a augmenté de 4 325 dollars en 1880 à 14 407 dollars en 1953 puis à 34 705 dollars en 1990. Parallèlement à cette augmentation de l’intensité capitalistique, la productivité américaine du travail a augmenté de 7 400 dollars en 1880 à 21 610 dollars en 1953 et 36 771 dollars en 1990.

Pour aller plus loin : la Grande-Bretagne et la Révolution industrielle

Bien qu’il y ait eu des inventions tout au long de l’Histoire, l’accélération du processus d’innovation a commencé en Angleterre vers 1750, avec de nouvelles technologies majeures introduites dans le textile, l’énergie et les transports. Leur caractère cumulatif leur a valu le titre de Révolution industrielle. L’historien de l’économie David Landes a écrit que la Révolution industrielle était une « succession de changements technologiques étroitement liés » qui ont transformé les sociétés dans lesquelles ils ont eu lieu.

Pourquoi la Révolution industrielle s’est-elle produite pour la première fois au 18e siècle, sur une île au large des côtes européennes ? Pourquoi la machine à filer, la machine à vapeur et tout un ensemble d’autres inventions ont-elles émergé et se sont-elles propagées dans l’économie britannique à cette époque ? Il s’agit d’une des questions les plus importantes de l’histoire économique. Les historiens continuent d’ailleurs d’en débattre.

Regardez la vidéo « Pourquoi la Grande-Bretagne s’est industrialisée alors que d’autres ne l’ont pas fait ? » dans laquelle l’historien de l’économie Bob Allen explique pourquoi, selon lui, la Révolution industrielle a eu lieu à une époque et dans une région particulière, à savoir à la fin du 18e siècle en Grande-Bretagne.

En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

En quoi consistait le progrès technique à la fin du 18e siècle ?

À cette époque, le progrès technique ne consistait pas en des innovations technologiques majeures incorporant des idées nouvelles, mais consistait plutôt en l’application d’une ingénierie relativement simple pour faire fonctionner des idées préexistantes de manière efficace.

Quel est l’exemple emblématique utilisé pour illustrer cette observation ?

C’est le métier à tisser.

Pourquoi une nouvelle machine qui est inventée à une période économique peu propice ne se diffuse pas ? Utilisez l’exemple présenté par Bob Allen.

Si la machine à tisser avait été inventée avant 1750, elle n’aurait pas pu être développée, car son coût élevé n’aurait pas été compensé par une demande importante. Ainsi, son taux de rendement aurait été faible et aucun agent économique n’aurait voulu investir dans cette machine. Mais à partir de la seconde moitié du 18e siècle, les salaires réels des travailleuses augmentent et le marché du textile s’élargit avec l’Empire britannique : la demande en textile croît. Le métier à tisser devient alors utile pour augmenter la productivité des usines textiles et donc produire plus pour répondre à la demande croissante. Dès lors, son taux de rendement augmente. Il devient alors intéressant d’investir dans les métiers à tisser, c’est pourquoi ils se développent à partir de ce moment-là.

Pourquoi la Révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Angleterre et non pas ailleurs ? Quelles ont été les conséquences en termes de richesse sur les autres pays ?

La Révolution industrielle a eu lieu en Angleterre, pays qui réunissait des conditions socio-économiques favorables à l’émergence d’innovations majeures (salaires réels élevés et marché de l’Empire britannique). Grâce à la croissance économique réalisée, l’Angleterre s’est enrichie et les inégalités entre l’Angleterre et les autres pays se sont accrues.

Le rôle fondamental de l’État pour contribuer à la mise en œuvre d’un processus de croissance endogène

Rappelons qu’un État-providence d’inspiration keynésienne est un État qui reconnaît que le marché est défaillant, qui prend en charge les biens collectifs et que la main invisible d’Adam Smith ne fonctionne pas toujours. L’intervention d’un État-providence est susceptible d’être à l’origine d’externalités positives (ou effets externes positifs), c’est-à-dire des conséquences positives de l’action d’un agent économique sur le bien-être d’un ou plusieurs autres agents économiques ne se traduisant pas par une compensation monétaire.

Nous allons mettre en évidence dans cette section le rôle fondamental de l’État pour contribuer à la mise en place de ce processus de croissance endogène et en particulier l’influence majeure du progrès technique dans la réalisation de ce processus.

Intervention de l’État-providence par l’intermédiaire des capitaux humain et public, source de croissance économique

Les économistes de la croissance endogène soutiennent la thèse selon laquelle une grande partie de la croissance s’explique par les progrès considérables effectués au niveau de l’éducation, du savoir scientifique et technique et enfin par l’utilisation du capital public. La réalisation d’effets externes (ou externalités positives) est indéniable, car chaque agent économique (les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics eux-mêmes) bénéficie du savoir déjà acumulé par l’ensemble de la société de manière gratuite.

En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

Quelles sont les conséquences d’une amélioration du niveau d’éducation de la population ?

L’accumulation du savoir en général permet d’augmenter le rythme des découvertes, notamment scientifiques, de favoriser une meilleure adaptation des actifs aux innovations et d’améliorer de manière significative la capacité des travailleurs à effectuer de bons choix économiques. On pourra alors constater une augmentation de la productivité du travail et, donc, de la croissance économique.

Illustrez le caractère autoentretenu de la croissance économique par le biais de l’accumulation du capital humain.

La croissance économique favorise des recettes publiques supplémentaires qui permettent à nouveau d’augmenter des dépenses publiques au niveau de l’éducation, de la formation et de la santé, source d’externalités positives et de hausse de l’efficacité productive.

Expliquez le rôle particulier du capital public (infrastructures publiques, réseaux de transport et de communication) pour favoriser le processus de la croissance endogène.

Les investissements publics permettent d’accroître et de moderniser le capital public ce qui permet de réaliser des externalités positives. Celles-ci alimentent la dynamique d’une croissance autoentretenue et cumulative, notamment par la réalisation de gains de productivité permis par les infrastructures publiques.

Intervention de l’État-providence de manière directe et indirecte dans le financement du progrès technique, source de croissance économique

Si nous reprenons les conclusions du rapport du Sénat sur la stratégie de recherche et d’innovation de juin 2008 rédigé par J. Kergueris et C. Saunier, dans les modèles endogènes de la croissance, « les connaissances conditionnent les innovations et le progrès technique, qui, d’une part, favorisent l’investissement et la croissance en se diffusant à l’ensemble de l’économie et, d’autre part, favorisent l’accumulation des connaissances et de nouvelles innovations, formant un cercle vertueux ».

Il est évident que ces investissements dans la recherche et les innovations génèrent des externalités positives dans la mesure où « les rendements sociaux pour l’ensemble de l’économie sont supérieurs à leur rendement privé au niveau de l’entreprise ». On sait que la recherche fondamentale, par exemple, ne permet pas de rendement privé à court terme, mais les conséquences de cette recherche peuvent provoquer à long terme des effets externes et une diffusion de connaissances à l’ensemble de la société, ce qui permet d’améliorer la qualification des actifs. On assistera, par conséquent, à une augmentation de leur productivité et à une amélioration de leur adaptabilité au niveau de leurs emplois.

C’est donc le rôle de l’État-providence de décider de mener des politiques de soutien à la recherche-développement par l’intermédiaire de subventions accordées aux agents économiques ou en finançant directement la recherche publique. De cette façon, l’État contribue bien à donner au progrès technique un caractère endogène.

Rappelons que la recherche-développement correspond à un ensemble de processus, qui, de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et au développement industriel, permet la découverte, l’invention et ses applications économiques. On recense globalement deux moyens pour un État d’intervenir pour soutenir la recherche-développement :

On étudiera dans la section suivante l’instauration progressive d’un cadre institutionnel par l’État pour favoriser le processus de croissance endogène par le biais des innovations.

Exercice 1.4 Le rôle fondamental de l’État pour contribuer à la mise en œuvre d’un processus de croissance endogène

Le tableau suivant présente les dépenses intérieures de R&D et effectifs de recherche dans les entreprises et les administrations en 2017.

    Dépenses intérieures en R&D
(en milliards €)
Effectif total de R&D
(en milliers ETP)
Effectifs de chercheurs
(en milliers ETP)
Entreprises   33,0 265,5 180,4
  Branches de R&D industrielles 24,9 183,0 116,2
  Branches de R&D des services 8,1 82,5 64,2
Administrations   17,6 176,0 115,3
  Établissements publics et services ministériels 9,5 80,0 47,8
  Enseignement supérieur 7,3 88,4 63,0
  Institutions sans but lucratif 0,8 7,5 4,5
Total   50,6 441,5 295,8

Les dépenses intérieures de recherche-développement en 2017, Note Flash du SIES, ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, n° 16, septembre 2019. Notes : en raison des arrondis, le total peut différer de la somme des éléments qui le composent ; données semi-définitives ; ETP (équivalent temps plein).

En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

  1. Quels sont les acteurs qui réalisent des dépenses intérieures de recherche-développement en France en 2017 ?
  2. Quel est le montant total de l’effort de recherche-développement des administrations publiques en France en 2017 ?
  3. Calculez la part de l’effort réalisé par les entreprises au niveau des dépenses de recherche-développement en 2017.

Pour aller plus loin : exemples de recherche fondamentale financée par l’État

Étudions maintenant plusieurs exemples de recherche fondamentale financée par l’État et qui donneront lieu à des innovations majeures dans plusieurs domaines d’activités

Laisser simplement la concurrence sur le marché réguler le processus d’innovation ne va pas en général aboutir à un résultat efficace. Les politiques publiques cherchent ainsi à diffuser les innovations bénéfiques pour la société, tout en procurant des récompenses suffisantes à ceux qui innovent.

Prenons un exemple. Les origines de l’ordinateur et, par extension, la révolution de l’information tout entière, illustrent bien le rôle que joue l’État dans le processus d’innovation lui-même. Pour rappel, nous utilisons le mot innovation pour désigner aussi bien le développement de nouvelles méthodes de production et de nouveaux produits.

Plus précisément, les origines de la révolution des technologies de l’information remontent à la construction des premiers ordinateurs électroniques après la Seconde Guerre mondiale, bien que, comme dans toute technologie, certains de leurs composants soient plus anciens. Charles Babbage mit tout d’abord au point un ordinateur sous la forme de la machine à différences dans un article publié en 1822 (le gouvernement britannique subventionna son développement) et son idée aida Ada Lovelace à développer le premier programme pour ordinateur.

Les efforts des gouvernements britannique et nord-américain pendant et après la Seconde Guerre mondiale permirent l’invention de machines électroniques programmables.

Aux États-Unis, l’objectif initial reposait sur le développement de systèmes de missiles, puis se porta sur le Projet Manhattan visant à développer la bombe atomique. Ces projets nécessitaient d’effectuer un nombre considérable de calculs rapides, aussi bien pour la balistique que pour prévoir les réactions atomiques. Les fonds du gouvernement américain servirent à financer les travaux de groupes privés, tels que les Bell Labs dans le New Jersey, et des centres de recherche fédéraux, comme Los Alamos. Un partenariat étroit s’établit alors entre le secteur privé, les organismes publics et les universités, menant à la construction de la machine Eniac en 1946 sous l’égide de l’armée américaine. Il s’agissait du premier ordinateur électronique, mais il ne pouvait pas stocker de programmes. D’autres innovations suivirent rapidement, comme le développement du transistor par William Shockley aux Bell Labs en 1948 et la création de nouvelles entreprises, comme Fairchild Semiconductor. Le soutien du gouvernement américain à ce secteur se poursuivit via un financement de la recherche, permettant notamment la création d’Internet (en 1969) dans le cadre d’un projet financé par l’agence pour les projets de recherche avancée de défense américaine, la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency).

Au Royaume-Uni, les premiers progrès dans le domaine informatique furent concentrés à Bletchley Park où le mathématicien Alan Turing travailla sur le déchiffrage du code allemand Enigma. La machine Colossus, qui y fut développée, resta secrète jusque dans les années 1970, mais les scientifiques et ingénieurs de Bletchley Park poursuivirent leurs travaux de recherche avec la construction en 1948 du premier ordinateur d’après-guerre pouvant stocker des programmes, appelé Baby, à l’université de Manchester. Le développement commercial des ordinateurs suivit rapidement, effectué par des entreprises comme Ferranti. Ce modèle de financement de la recherche initiale par l’État, via des organismes publics, dont l’armée ou les universités, permet bien souvent de trouver des applications économiques et commerciales.

À l’instar des industries informatiques et électroniques, Internet et le World Wide Web (créé par Tim Berners-Lee au laboratoire de recherche du CERN financé par un consortium de pays), les secteurs de la pharmacie et des biotechnologies modernes, ainsi que les applications commerciales de nouveaux matériaux, tels que le graphène, trouvent tous leur origine dans la recherche fondamentale et un développement initial financé par les pouvoirs publics. Les écrans tactiles et la souris d’ordinateur sont également le résultat d’une recherche financée par les pouvoirs publics aux États-Unis.

Mariana Mazzucato, une économiste spécialiste des causes et des conséquences de l’innovation, utilise l’exemple de quelques innovations numériques fondamentales, telles qu’Internet, le GPS et les écrans tactiles, pour montrer que l’État joue un rôle essentiel dans le financement de la recherche et des start-up technologiques. Elle ne voit pas seulement l’État comme un acteur chargé de s’occuper des activités dont le marché ne s’occupe pas, par exemple lorsque les rendements sont trop incertains, mais aussi comme un acteur capable de décider à quels types d’activité le secteur privé devrait s’intéresser. Selon elle, les investissements stratégiques du gouvernement américain, par exemple, aident à expliquer la domination des entreprises américaines dans les secteurs de haute technologie, incluant le numérique et les biotechnologies.

Dans la vidéo « Le gouvernement : investisseur, preneur de risques, innovateur », Mariana Mazzucato suggère que les États devraient commencer à investir dans des entreprises technologiques, afin d’obtenir un rendement sur les financements qu’ils réalisent dans la recherche.

Grâce à ces exemples, nous comprenons mieux le rôle essentiel de l’État dans le financement du progrès technique et dans le processus d’une croissance économique endogène, autoentretenue et cumulative.

Synthèse

La croissance économique s’explique par la mobilisation et l’accumulation des facteurs de production et par la hausse de la productivité globale des facteurs de production, appelée « résidu » par l’économiste Robert Solow en 1957 (modèle de croissance exogène). Dans ces travaux, cet économiste affirme qu’à long terme le progrès technique est fondamental pour augmenter le niveau de vie, mais il n’en explique pas l’origine. Il utilise, à ce propos, l’expression « manne céleste » pour qualifier l’absence d’explications de l’origine du processus des innovations.

En revanche, dans les années 1980, d’autres économistes vont démontrer le fait qu’en définitive le processus de la croissance économique a un caractère endogène, explicable par le comportement des agents économiques, qui mobilisent des ressources pour atteindre un objectif de croissance autoentretenue et cumulative. L’accumulation de quatre formes de capitaux (humain, public, physique et technologique) a des effets directs et indirects sur la croissance et en particulier sur le progrès technique. Les investissements publics dans les infrastructures, l’éducation et les dépenses de recherche-développement vont générer une croissance soutenue notamment grâce à la réalisation d’externalités positives. Le rôle de l’État-providence est primordial pour contribuer à la mise en place de ce processus de croissance endogène : il doit inciter les agents économiques, notamment les entreprises, à engager des dépenses pour soutenir la croissance économique.

L’intervention de l’État se fait de manière directe et indirecte, en particulier pour soutenir la recherche-développement à l’origine du progrès technique. Diverses modalités sont utilisées, comme le soutien direct à la recherche publique ou encore le recours à des subventions accordées aux entreprises ou des allègements fiscaux et sociaux (en termes d’impôts ou bien de cotisations sociales patronales).

Comment les institutions, en favorisant les innovations, contribuent-elles à la croissance économique ?


Objectif : Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance économique en affectant l’incitation à investir et innover.

Définissons dans un premier temps le concept d’institutions comme étant un ensemble de règles formelles ou informelles et de contraintes qui encadrent les interactions humaines et les transactions. Dans un sens plus étroit, les institutions désignent la protection des droits de propriété, l’application équitable des lois et règlements et la lutte contre la corruption. Cette définition des institutions est celle de Douglas North, historien de l’économie appartenant au courant institutionnaliste, qui attribue un rôle fondamental aux institutions dans le processus de croissance.

Vous pouvez visionner la vidéo « Pas d’économie sans confiance ! » pour mieux comprendre l’importance des institutions dans le processus de croissance économique.

Comment les institutions en contrôlant le fonctionnement des marchés favorisent-elles les innovations, qui sont des facteurs de croissance économique ?

L’analyse économique, en particulier appuyée par les auteurs de la croissance endogène, admet l’idée que la croissance a besoin d’un environnement légal et politique approprié.

Certaines institutions contribuent à la croissance économique, celles notamment qui sont « créatrices de marché », puisqu’en leur absence les marchés n’existeraient pas ou fonctionneraient très mal. Les institutions favorisent ainsi le développement économique de long terme en stimulant notamment l’investissement et l’esprit d’entreprise.

Les économistes Dani Rodrick et Arvind Subramanian ont publié en juin 2003 un article intitulé « La primauté des institutions » dans lequel ils montrent qu’il faut mettre en place quatre types d’institutions pour soutenir la dynamique de la croissance, renforcer la capacité de résistance aux chocs et ainsi faciliter une répartition des charges socialement acceptables en cas de chocs :

Exercice 1.5 Institutions, innovation et croissance économique

Dans un article intitulé « Causes profondes de la pauvreté », l’économiste Daron Acemoglu écrit :

De bonnes institutions présentent trois caractéristiques : en garantissant le respect des droits de propriété à une grande partie de la population, elles incitent une large palette d’individus à investir et à participer à la vie économique ; en limitant l’action des élites, des politiciens et autres groupes puissants, elles les empêchent de s’approprier les revenus et investissements d’autrui ou de fausser les règles du jeu, et en promouvant l’égalité des chances pour de vastes pans de la société, elles encouragent l’investissement, notamment dans le capital humain, et la participation à la production économique.2

Dans un article intitulé « La primauté des institutions », les économistes Dani Rodrik et Arvind Subramanian écrivent :

Dans quelle mesure de bonnes institutions peuvent-elles accroître les revenus ? Nos estimations indiquent qu’une amélioration de la qualité des institutions peut entraîner une forte hausse du revenu par habitant. Par exemple, en termes statistiques, l’écart de qualité des institutions entre la Bolivie et la Corée du Sud équivaut à un écart type, soit un coefficient de 6,4. En d’autres termes, si la Bolivie disposait d’institutions de la qualité de celles de la Corée du Sud, son PIB avoisinerait 18 000 dollars, contre 2  700 dollars aujourd’hui. Ce n’est pas tout à fait un hasard si cela correspond grosso modo à l’écart de revenu entre les deux pays.3

En vous appuyant sur ces informations et sur panel intitulé « Le revenu augmente parallèlement à la qualité des institutions… » dans le Graphique 2 de l’article « La primauté des institutions » (op. cit., p. 33), vous montrerez que les institutions sont nécessaires à l’innovation et, donc, sont source de croissance économique.

Pour aller plus loin : le « boom » de la Silicon Valley

Pour comprendre les origines de l’innovation, il faut oublier l’image de l’inventeur excentrique, isolé, devenant riche, récompensé par le bénéfice de son inspiration pour la société. L’innovation ne trouve pas ses origines dans un éclair de génie. L’innovation dépend de nombreux paramètres : l’état des connaissances, la créativité individuelle, les politiques publiques, les normes sociales et les institutions économiques.

Pensez, par exemple, à la Silicon Valley en Californie, qui était à l’origine une région agricole paisible nichée dans la Santa Clara Valley. Le surnom de Silicon Valley lui a été donné lorsque des entreprises à forte croissance spécialisées dans l’informatique et la conception de semi-conducteurs s’y sont établies, plus tard rejointes par des innovateurs en biotechnologies.

Pendant les années 1960, la Silicon Valley en Californie ne jouait qu’un rôle marginal dans l’industrie technologique par rapport à la Route 128 près de Boston, dans l’État du Massachusetts, qui bénéficiait de la proximité de l’université Harvard et du Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Toutefois, la Route 128 différait de la Silicon Valley sur des points importants, comme l’usage des clauses de non-concurrence dans les contrats de travail, qui interdisaient à quiconque quittant une entreprise d’être embauché dans une entreprise concurrente, afin de protéger l’innovation de l’entreprise. L’État du Massachusetts faisait appliquer des clauses de non-concurrence : cela limita la mobilité inter-entreprises et le partage d’informations qui aurait pu en découler. L’État de Californie choisit quant à lui de prendre la direction opposée : il interdit les clauses de non-concurrence, en stipulant que « tout contrat selon lequel quiconque est empêché d’exercer un métier, une profession ou un commerce légal [était] […] nul ».

Les institutions peuvent être à l’origine de contraintes, mais également d’incitations. La rotation des ingénieurs dans les différentes entreprises de la Silicon Valley a ainsi favorisé la diffusion rapide de nouvelles connaissances entre ces entreprises.

Par exemple, en 2010, dans la seule zone postale américaine de code ZIP 95054 au centre de la Silicon Valley, 20 000 brevets ont été enregistrés. Les avocats spécialistes des brevets se regroupent dans cette partie de Santa Clara. Si cette petite zone de 16,2 km2 avait été un pays, elle aurait été classée à la 17e place mondiale en matière de brevets en 2010.

Recherchez sur Internet le nombre de brevets déposés par les entreprises installées dans la Silicon Valley en 2018.

Combien d’entreprises high-tech sont installées dans la Silicon Valley en 2018 ?

11 500 entreprises high-tech sont installées dans la Silicon Valley en 2018.

Combien de salariés travaillent dans la Silicon Valley en 2018 ?

Environ 42 000 personnes travaillent dans la Silicon Valley en 2018.

Sur 100 brevets déposés par des entreprises américaines en 2018, combien l’ont été par des entreprises installées dans la Silicon Valley ?

Sur 100 brevets déposés aux États-Unis en 2018, 15 ont été déposés par des entreprises installées dans la Silicon Valley.

Comment les droits de propriété favorisent-ils l’incitation à investir et innover et, donc, à la croissance économique ?

Présentation des droits de propriété : deux catégories

Les droits de propriété donnent à leurs détenteurs l’autorité légale de déterminer l’emploi d’une ressource, y compris le droit de faire payer ceux qui veulent en faire usage. Cela correspond finalement à la possibilité reconnue et garantie de consommer, d’obtenir un revenu et de céder un bien ou un actif.

On sait qu’en cas de droits de propriété incertains, si une entreprise n’avait pas la garantie de pouvoir tirer des bénéfices des nouvelles idées et des résultats de ses recherches, alors sa propension à investir serait nulle. En effet, si les entreprises n’avaient pas la perspective de s’approprier une partie substantielle des gains liés à leurs investissements ou si n’importe qui pouvait confisquer leurs actifs, elles ne seraient pas incitées à innover. Les économistes démontrent que cette situation aboutit finalement à un « sous-optimum » social.

Il existe deux catégories de droits de propriété :

Les liens entre les droits de propriété et la croissance économique

Rappelons d’abord que les droits de propriété ont deux rôles dans le processus de croissance économique :

Découvrons de manière plus approfondie le cas de la protection des innovations. L’innovation peut être envisagée comme la production de nouvelles connaissances ou celle d’une nouvelle combinaison de connaissances dont certaines peuvent être anciennes.

La plupart des formes de connaissances sont non rivales : les rendre disponibles à un utilisateur supplémentaire ne signifie pas qu’un utilisateur actuel en sera dépossédé. L’innovation est un bien non rival et non excluable : elle est considérée comme un bien public. Un bien public est caractérisé par le fait que s’il est accessible à un agent économique, il peut être accessible à tout le monde sans coût supplémentaire. Rappelons que les biens publics sont non rivaux et non excluables parce que gratuits.

Si des entreprises concurrentes peuvent librement s’approprier la connaissance que les premières produisent, leur incitation à innover est réduite. Les États adoptent par conséquent différentes politiques pour résoudre ce problème et encourager l’innovation, source d’externalités positives.

Les États ont ainsi créé des lois protégeant les droits de propriété intellectuelle portant sur de nouvelles idées à la fois codifiables (elles peuvent être écrites) et non exclusives (l’imitation ne peut pas être évitée). Par exemple, ils délivrent des brevets pour inciter les entreprises à investir en R&D.

Pour aller plus loin : le rôle de l’innovation, vecteur de la croissance économique

Les individus ou entreprises qui développent des innovations bénéfiques pour la société sont récompensés par des profits excédant le coût d’opportunité du capital, appelés rentes d’innovation. Une entreprise innovante peut produire un bien ou un service à un coût plus faible que ses concurrents ou un nouveau bien à un coût qui attirera les acheteurs. Imaginez que vous avez trouvé un nouveau moyen de reproduire un son en haute qualité. Votre invention est vraiment moins chère que les autres méthodes utilisées. Vos concurrents continuent à proposer leurs services à un prix nettement supérieur à vos coûts. Si vous proposez un prix identique ou juste inférieur au leur, vous pourrez vendre autant que ce que vous pouvez produire : vous fixez donc un prix similaire, mais vous réalisez des profits bien plus élevés que ceux de vos concurrents. Dans ce cas, nous disons que vous profitez d’une rente d’innovation. Supposons qu’ils ne peuvent pas vous copier, soit parce qu’ils n’arrivent pas à développer cette méthode, soit parce que vous avez breveté ce procédé (rendant illégale toute tentative de vous copier). Les brevets nécessitent que l’innovateur révèle son idée dans la demande de brevet, qui est examinée par un bureau des brevets, puis publiée. Si les examinateurs sont convaincus que l’idée est suffisamment nouvelle et inventive, ils accordent un brevet à l’innovateur.

Regardez la vidéo « Pourquoi les brevets encouragent l’innovation dans l’industrie pharmaceutique ». F. M. Scherer, un historien de l’économie spécialiste des effets du changement technologique, explique comment les brevets incitent à l’innovation dans l’industrie pharmaceutique. Répondez aux questions à l’aide de la .

En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

Rappelez ce qu’est le processus de « destruction créatrice » et citez l’économiste qui a développé ce concept.

Joseph Aloïs Schumpeter décrit le processus de « destruction créatrice » comme un processus qui engendre de manière simultanée la disparition de secteurs d’activité économique conjointement à la création de nouvelles activités économiques à la suite du progrès technique et l’arrivée de nouvelles technologies. Le processus de destruction créatrice n’est pas continu mais discontinu (les innovations apparaissent par « grappes ») et engendre un cycle expansion-dépression.

Qu’est-ce qui a permis le changement technologique important dont a bénéficié l’industrie pharmaceutique ?

C’est la recherche-développement (R&D).

Qu’est-ce qu’un brevet d’invention (patent, en anglais) ?

Un brevet d’invention est un titre délivré par l’État ou un autre organisme pour une période limitée dans le temps et qui autorise le détenteur du brevet (souvent l’inventeur de la technologie ou du produit) à exploiter et développer cette technologie ou objet de manière monopolistique. En d’autres termes, ce sera le seul à utiliser la technologie et les autres entreprises en seront exclues.

Quels sont les avantages pour les entreprises qui possèdent des brevets d’invention ?

L’entreprise va pouvoir bénéficier d’une rente d’innovation. Pendant la période où elle aura le monopole sur la technologie, elle va pouvoir fixer des prix supérieurs aux coûts de production et ainsi obtenir un profit important. L’augmentation du profit prendra fin quand le brevet arrivera à terme puisque d’autres entreprises pourront alors entrer sur le marché et la concurrence réduira les profits. C’est ce profit supplémentaire qui est appelé rente d’innovation et qui est à l’origine de l’incitation à innover.

Synthèse

Les institutions favorisent bien l’émergence d’innovations, ce qui permet de contribuer au processus de croissance économique.

En effet, les institutions jouent un rôle fondamental dans la croissance économique par le respect des droits de propriété et par la garantie des contrats associés aux échanges. Ce sont des conditions nécessaires pour que les agents économiques s’engagent dans des activités économiques à l’origine de la croissance économique. Elles permettent de créer un cadre institutionnel propice à un climat de confiance indispensable à la réalisation de la croissance économique. Des études montrent une corrélation positive entre la qualité des institutions dans un pays et le niveau de vie de ses habitants.

Par conséquent, il est important de souligner le rôle déterminant des institutions dans la diffusion d’innovations majeures, à l’origine d’une croissance intensive et endogène. Ce processus endogène correspond à un mécanisme cumulatif et auto-entretenu de la croissance. Des économistes comme D. North, D. Rodrick ou encore A. Subramanian ont montré que les règles formelles et informelles garantissent la qualité des échanges entre les acteurs économiques et que des institutions de réglementation, de stabilisation et de légitimation des marchés permettent une croissance durable.

Comment le progrès technique peut-il s’accompagner d’un processus de destruction créatrice ?


Objectif : Comprendre que l’innovation s’accompagne d’un processus de destruction créatrice.

C’est l’économiste Joseph Aloïs Schumpeter (1883–1950) qui va mettre en lumière le fait que le progrès technique, qui regroupe l’ensemble des innovations de procédés et de produits, peut s’accompagner et finalement être à l’origine d’un processus de destruction créatrice.

Pour cet auteur, au cœur même du système capitaliste se trouve l’entrepreneur, qu’il convient de ne pas confondre avec le chef d’entreprise. En effet, pour Joseph Aloïs Schumpeter, l’entrepreneur est l’agent du changement, qui introduit de nouveaux produits, de nouvelles méthodes de production, exploite une nouvelle source de matières premières ou encore ouvre de nouveaux marchés ; autrement dit l’entrepreneur est celui qui prend le risque d’innover, alors même que le chef d’entreprise est celui qui dirige l’entreprise mais qui n’innove pas forcément. En fait, pour Joseph Schumpeter, l’entrepreneur-innovateur est principalement motivé et guidé par la recherche du profit ce qui le conduit à innover de manière à pouvoir percevoir un surprofit, c’est-à-dire un profit d’innovation qui est supérieur aux profits habituellement réalisés par les entreprises concurrentes. Ce surprofit peut être dû au fait qu’une innovation de procédés (comme une nouvelle technique de production ou une nouvelle organisation du travail) lui a permis de réduire ses coûts de production et ainsi, pour un même niveau de prix de marché, d’accroître sa marge bénéficiaire par unité produite. Le surprofit peut aussi être dû au fait que l’invention d’un nouveau produit ou l’amélioration d’un produit déjà existant lui a permis de se retrouver en situation temporaire de monopole et de devenir ainsi price-maker. On comprend alors que les surprofits réalisés par l’entrepreneur-innovateur vont amener les entreprises concurrentes à imiter cette dernière en introduisant l’innovation de procédés dans leurs propres processus de production ou en cherchant à proposer un bien ou un service similaire à celui nouvellement créé. Ce phénomène d’imitation entraîne une succession d’innovations qui finalement apparaissent en grappes.4 5

Le processus d’innovation est à l’origine, selon Joseph Schumpeter, d’une phase de prospérité qui sera suivie d’une phase de dépression. Plus précisément, dans un premier temps, du fait que des firmes innovent et pour ce faire investissent, l’économie entre dans une phase de prospérité. Autrement dit, on assiste à une hausse soutenue de la croissance économique qui s’accompagne d’une hausse des investissements ainsi que du niveau de l’emploi. Dans le même temps, la hausse de la demande globale provoque logiquement un accroissement du niveau général des prix tant des biens d’équipements utilisés pour produire que des biens et services de consommation nouvellement créés. Mais, toujours pour Schumpeter, cette phase de prospérité est amenée à s’achever lorsque les innovations se sont pleinement diffusées dans l’économie et que les entreprises finissent par rencontrer des difficultés pour écouler toute leur production. S’ouvre alors un second temps, au cours duquel les prix se dégonflent, et la déflation apparaît du fait de l’accroissement des stocks de produits invendus. Or, la baisse du niveau des prix entraîne la disparition des surprofits. Si les firmes innovantes sont en mesure de faire face à celle-ci, les entreprises concurrentes qui n’ont pas suffisamment innové en termes de procédés et ainsi ne sont pas parvenues à réduire suffisamment leurs coûts de production font faillite. Il en est de même pour les entreprises qui n’ont pas suffisamment innové en termes de produits et dont les biens ou les services sont perçus comme obsolètes par les consommateurs. Les éléments périmés, à savoir les anciens produits, les anciennes méthodes de production, et les entreprises insuffisamment innovantes sont donc éliminés et disparaissent. Le chômage se développe puisque les salariés des entreprises insuffisamment innovantes sont licenciés, ce qui contribue à faire baisser la demande globale. L’économie bascule dans une phase de dépression.6

Pour conclure, on observe donc bien que le progrès technique s’accompagne d’un processus de destruction créatrice. Dans un premier temps, de nouvelles méthodes de production apparaissent ainsi que de nouveaux produits ou encore de nouveaux marchés. De nouvelles entreprises innovantes se créent, se développent, prospèrent et sont progressivement imitées par les firmes concurrentes. Mais, progressivement, dans un second temps, les anciennes technologies et les anciens produits disparaissent, ainsi les entreprises qui n’ont pas suffisamment innové et qui n’ont pas été capables de s’adapter.7

Exercice 1.6 Comprendre la destruction créatrice

Regardez la vidéo « Comprendre la destruction créatrice ». En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

  1. Selon Philippe Gattet, pourquoi peut-on dire qu’aujourd’hui le processus de destruction créatrice s’accélère ?
  2. Expliquez pourquoi selon Philippe Gattet on peut inverser la notion et parler de « création destructrice ».

Exercice 1.7 Un exemple de destruction créatrice : le marché de la vidéo

Regardez le schéma intitulé « Un exemple de “destruction créatrice” : le marché de la vidéo » dans l’article « Joseph Schumpeter (1883–1950) : il a vu dans l’innovation le moteur du business » de Capital et lisez l’article « Les derniers vidéo-clubs se battent pour survivre » du Figaro. En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

  1. En quoi peut-on dire que le marché de la vidéo illustre le processus de destruction créatrice décrit par Joseph Aloïs Schumpeter ?
  2. Trouvez d’autres exemples de destruction créatrice et rédiger un paragraphe argumentatif qui reprend l’analyse de Schumpeter.

Synthèse

Le progrès technique s’accompagne d’un processus de destruction créatrice. En effet, les innovations de procédés et de produits qui apparaissent bouleversent l’économie en rendant obsolètes les anciens procédés de production et les anciens produits, qui sont amenés à disparaître. De même, les entreprises insuffisamment innovantes disparaissent alors que les entreprises innovantes prospèrent. La structure des emplois est également bouleversée : certains métiers et activités apparaissent tandis que d’autres cessent d’exister.

1.4 Comment le progrès technique peut-il engendrer des inégalités de revenus ?


Objectif : Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus.

Comment le progrès technique engendre-t-il des inégalités de revenus du fait du processus de destruction créatrice dont il est à l’origine ?

Le progrès technique, parce qu’il touche avec une intensité différente les différents types d’emplois, peut engendrer des inégalités de revenu

Dans la plupart des économies pour lesquelles des données sont disponibles, au moins 10 % des emplois sont détruits chaque année et environ le même nombre d’emplois est créé. En France ou au Royaume-Uni par exemple, un emploi est détruit et un autre est créé toutes les 14 secondes. L’effet destructeur d’emplois qu’induit le processus de destruction créatrice touche plus certains types d’emplois que d’autres, de même qu’il peut peser davantage sur certaines régions où d’importantes pertes en salaires et en emplois surviendront.

Ainsi, l’automatisation peut atteindre plus les ouvriers et les employés peu qualifiés que les salariés qualifiés. De nombreux salariés peu qualifiés voient alors leur emploi disparaître. Ceux qui perdent leur emploi subissent des coûts élevés. Cet effet peut s’inscrire dans la durée et se manifester durant des années, voire des décennies. Les familles et communautés lésées par ce processus mettent souvent des générations à s’en remettre. Comme pour le terme « en moyenne », l’expression « court terme » dissimule souvent les coûts subis par les travailleurs remplacés et par les communautés détruites par l’introduction de nouvelles technologies. Au-delà du chômage qui les touche davantage, ces salariés peuvent voir leur niveau de rémunération stagner dans la mesure où le nombre d’actifs peu qualifiés est supérieur au nombre d’emplois à pourvoir.

En revanche, l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a aidé à créer de nouveaux emplois, ce qui a accru les offres d’emplois pour les actifs très qualifiés de ces branches d’activité. Pour ces salariés, au contraire des précédents, le progrès technique a, sans doute, permis d’accroître le niveau des salaires nominaux. En effet, la pénurie de main-d’œuvre dans certains domaines peut pousser les salaires à la hausse ; de même, les nombreuses innovations de procédés induisent une augmentation de la productivité du travail ce qui là encore favorise une hausse des salaires. En outre, les NTIC permettent à certains salariés très qualifiés, comme les ingénieurs informatiques, de délocaliser en partie les services qu’ils produisent, comme le développement spécifique d’applications ou la maintenance informatique. Les NTIC mettent de ce fait en concurrence les entreprises et les administrations au niveau international et plus seulement national, ce qui a pour effet de faire augmenter leurs niveaux de rémunérations.

Ainsi, les NTIC redéfinissent nos sociétés. Les NTIC remplacent de nombreux emplois routiniers, appauvrissant souvent les salariés qui connaissaient déjà des niveaux de vie faibles. Des individus qui prévoyaient hier une amélioration de leur niveau de vie se trouvent désormais confrontés à des perspectives d’emploi réduites. Le Graphique 1.8 classe les emplois par niveau de rémunération (salaire horaire), du mieux payé en haut au moins bien payé en bas, et estime la croissance ou la contraction de l’emploi sur l’axe des abscisses. Les données du Graphique 1.8 illustrent ces deux tendances pour l’économie américaine. Notre exemple porte sur les États-Unis en raison de la qualité des données disponibles, mais les mêmes tendances sont observables dans d’autres pays à hauts revenus.

Graphique 1.8 L’absence de niveau intermédiaire aux États-Unis (2014–24) : prévisions des métiers qui subiront une variation de l’emploi de 10 000 salariés ou plus.

US Bureau of Labor Statistics. 2014. ‘Employment Projections.’ US Bureau of Labor Statistics. 2015. ‘Occupational Employment Statistics.’ Notes : le Graphique 1.8 est un nuage de points des métiers dans l’économie américaine. L’expression « et apparentés » indique la prise en compte de métiers similaires. Le salaire horaire moyen en 2015 est reporté sur l’axe des ordonnées et les projections de la croissance de l’emploi pour la période 2014–24 sont reportées sur l’axe des abscisses. Le graphique ordonne donc les métiers du mieux payé en haut (en termes de salaire horaire) au moins payé en bas, et estime la croissance ou la contraction de l’emploi sur l’axe des abscisses. Le graphique ne montre que les métiers pour lesquels les gains ou les pertes de postes prévus représentent au moins 20 % du niveau de l’emploi en 2014 et concernent au moins 10 000 salariés. La ligne horizontale en pointillé correspond au salaire horaire moyen dans tous les métiers aux États-Unis en juin 2015. La ligne en forme de C est un polynôme du second degré qui s’ajuste aux données présentées dans le graphique.

On peut tirer plusieurs conclusions de l’observation du Graphique 1.8.

L’absence de niveau intermédiaire : les emplois à haut salaire et (particulièrement) ceux à bas salaire connaissent une forte hausse des effectifs, alors que les gains d’emploi pour les métiers à salaire intermédiaire sont plus limités.

Les métiers remplacent le travail autrefois effectué au sein des familles : les augmentations les plus importantes concernent le secteur des services à la personne, la plupart d’entre eux étant liés aux professions de santé. Ces emplois en hausse, comme les aides personnelles ou les soins de santé à domicile, se substituent au travail qu’effectuaient autrefois les membres de la famille.

Les tâches répétitives sont désormais effectuées par des machines : la numérisation réduit la demande pour des métiers impliquant des tâches répétitives, comme les préposés au tri postal et les opérateurs de machines. Les tâches humaines auxquelles les machines ne se substituent pas sont soit relativement bien rémunérées (conseillers financiers personnels, infirmiers praticiens) soit très mal, comme celles dans le domaine du service à la personne (notamment pour les personnes âgées).

Les hauts salaires concernent souvent des emplois liés aux technologies de l’information : les emplois pour lesquels se créent des postes à haut salaire, comme la recherche opérationnelle, les statisticiens et les développeurs Web, sont ceux dans lesquels le traitement numérique de l’information a permis d’augmenter fortement la productivité des travailleurs dotés des compétences adéquates.

Les métiers qui subissent des pertes d’emplois plus que d’autres sont ceux dont le niveau de salaire est inférieur ou proche de la moyenne des salaires. Ce sont donc les travailleurs qui exercent ces métiers qui sont tout particulièrement perdants.

La structure des emplois dans la plupart des pays développés a évolué et explique la croissance de certaines inégalités salariales. En effet, la part des emplois à salaire faible ainsi que celle des emplois à salaire élevé ont augmenté, tandis que la part des emplois à salaire intermédiaire s’est réduite ; les inégalités salariales se sont donc creusées. On parle de « maillon intermédiaire manquant » pour désigner ce phénomène (plus d’emplois en haut et en bas de l’échelle économique et moins sur les échelons intermédiaires).

Question 1.6 Choisissez la bonne réponse

Regardez de nouveau le Graphique 1.8. En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Les métiers dont la croissance attendue est la plus élevée sont ceux qui bénéficient d’innovations qui augmentent l’automatisation.
  • Les métiers pour lesquels on anticipe une contraction importante de l’emploi sont ceux dont les salaires sont les plus élevés, ce qui devrait encourager les employeurs à investir dans l’automatisation.
  • Les métiers à haut salaire présentant des perspectives de croissance sont soit des métiers du secteur des services à la personne, soit des métiers dans lesquels le traitement numérique de l’information a substantiellement augmenté la productivité des travailleurs très qualifiés.
  • Il n’y a pas de relation particulière entre le salaire moyen et la croissance attendue de l’emploi.
  • Les meilleures projections en termes de croissance de l’emploi concernent les soignants à domicile et les aides personnelles à domicile. Ces services sont ceux qui étaient produits presque exclusivement au sein de la famille, et qui sont maintenant réalisés de plus en plus souvent par des personnes extérieures.
  • Les projections d’importantes pertes concernent les métiers dont les salaires sont proches du salaire moyen, ou un peu plus faibles, et qui sont déjà touchés par les technologies permettant le remplacement des personnes, comme le service postal ou les standardistes.
  • Les augmentations les plus importantes concernent les services à la personne, principalement dans les métiers de la santé. Les projections à la hausse concernent également les métiers à salaire élevé qui impliquent les technologies de l’information.
  • Pour les métiers à haut et à bas salaires, on anticipe une croissance de l’emploi, alors que les métiers à salaire intermédiaire semblent avoir des perspectives limitées en termes de croissance de l’emploi.

Le progrès technique, parce qu’il a un impact différencié sur les entreprises, peut engendrer des inégalités de revenu

D’après Joseph Aloïs Schumpeter, la destruction créatrice est la clé de voûte du capitalisme : les anciennes technologies et les anciens produits sont remplacés par de nouvelles technologies et de nouveaux produits ; certaines entreprises innovantes prospèrent tandis que les entreprises incapables de s’adapter disparaissent, car elles ne peuvent pas soutenir la concurrence sur le marché en vendant des biens ou des services devenus obsolètes ou à un prix qui ne couvre plus le coût de production.

Ainsi, les entreprises innovantes et particulièrement dynamiques sont en mesure d’accroître les salaires de leurs salariés, et ce, d’autant plus si elles se trouvent dans une niche porteuse (petit segment de marché qui correspond à une demande spécifique et en forte croissance). La hausse des salaires a alors pour but d’attirer les meilleurs salariés afin de développer une activité novatrice et naissante. De même, si les surprofits sont au rendez-vous, alors les entrepreneurs-innovateurs peuvent grandement s’enrichir et faire fortune, ce que souligne d’ailleurs J. A. Schumpeter. On pense ici à des entrepreneurs comme John Davison Rockefeller, Eugène Schueller, Antoine Lescure, Steve Jobs, Bill Gates, Mark Zuckerberg ou encore Jeff Bezos, tous devenus milliardaires.8

Dans le même temps, les entreprises qui disparaissent sont conduites à licencier leurs salariés qui voient, donc, leurs revenus diminuer. De même, pour celles qui perdurent, en dépit de difficultés croissantes comme le montre l’exemple des vidéoclubs, les marges bénéficiaires se réduisent fortement : on assiste alors à une stagnation des salaires nominaux pour les salariés de ces entreprises vieillissantes et à une baisse des bénéfices pour leurs propriétaires.

Associez à chaque entrepreneur l’entreprise qu’il a créée ou cofondée !

John Davison Rockefeller

Fondateur de la Standard Oil of Ohio en 1870.

Antoine Lescure

Fondateur de la SEB en 1857 qui deviendra le leader mondial de l’électroménager.

Eugène Schueller

Fondateur de la Société française de teintures inoffensives pour cheveux en 1909 qui deviendra l’empire L’Oréal.

Bill Gates

Cofondateur de la société Microsoft en 1975.

Steve Jobs

Cofondateur d’Apple Inc. en 1976.

Jeff Bezos

Fondateur d’Amazon en 1994.

Mark Zuckerberg

Cofondateur du site Web du réseau social Facebook en 2004.

Synthèse

Le progrès technique est à l’origine d’un processus de destruction créatrice ; ainsi, le progrès technique en transformant l’activité productive a pour conséquence l’émergence de nouveaux emplois ou métiers et le déclin, voire la disparition, d’autres emplois ou métiers généralement peu qualifiés. Ainsi, les salariés peu qualifiés dont les métiers déclinent peuvent voir leurs salaires nominaux stagner (excès de demande de travail par rapport à l’offre de travail pour ces emplois), tandis que ceux dont les emplois disparaissent se retrouvent au chômage ce qui occasionne pour eux une perte de leur niveau de revenu (notamment lorsque leur période de chômage perdure). Dans le même temps, les salariés souvent qualifiés, voire très qualifiés, qui accèdent à de nouveaux emplois, emplois pour lesquels la productivité moyenne du travail est élevée, perçoivent des revenus salariaux élevés et connaissent des perspectives de carrière prometteuses.

Le processus de destruction créatrice peut également concerner les entreprises. Ainsi, certaines entreprises, insuffisamment innovantes et/ou positionnées sur des secteurs dont les produits sont devenus obsolètes, connaissent des difficultés importantes. On peut supposer une compression des revenus salariaux des salariés de ces entreprises (voire le licenciement de certains d’entre eux) et également une compression des revenus mixtes perçus par leurs propriétaires. En revanche, certaines entreprises innovantes et positionnées sur des créneaux porteurs peuvent être en mesure d’accroître les revenus salariaux de leurs salariés tandis que leurs propriétaires peuvent voir leurs revenus perçus (revenus mixtes, mais aussi dividendes) augmenter rapidement.

Comment le progrès technique, parce qu’il touche avec une intensité différente les différents secteurs d’activité, engendre-t-il des inégalités de revenus ?

Nous savons que la production par heure de travail (productivité) s’accroît plus rapidement dans la production manufacturière (par exemple, des tee-shirts) que dans la production de services (coupes de cheveux). Ces exemples illustrent bien la raison de la plus lente croissance de la productivité dans les services : faire une coupe de cheveux nécessite à peu près autant de temps aujourd’hui qu’il y a 100 ou 200 ans, mais produire un tee-shirt prend beaucoup moins de temps qu’il y a 200 ans (probablement moins d’un cinquième de la durée auparavant nécessaire à sa production). Produire le même panier de biens et services requiert maintenant relativement moins de main-d’œuvre dédiée aux biens et plus de main-d’œuvre dédiée aux services.

Ainsi, les gains de productivité sont plus importants dans les secteurs primaire et secondaire que dans le secteur tertiaire. Le niveau de l’emploi dans les secteurs primaire et secondaire peut être amené à baisser si les quantités offertes et produites augmentent plus vite que la demande globale qui leur est adressée. Au contraire, le niveau de l’emploi peut progresser dans le secteur des services. C’est la thèse du « déversement » développée et médiatisée par Alfred Sauvy. Cette dynamique est positive puisqu’elle permet de produire toujours plus avec moins de facteurs de production ce qui amène à une croissance économique soutenue, avec la multiplication des produits agricoles et industriels et la baisse des prix de ces mêmes produits. Toutefois, les salariés qui perdent leurs emplois peuvent avoir des difficultés à en retrouver un en se reconvertissant au sein de leur secteur ou en migrant vers un autre secteur, notamment les salariés les moins qualifiés ou dont la qualification est inadaptée. Certains d’entre eux touchés par le chômage de long terme voient leurs revenus baisser par rapport aux salariés qui conservent leurs emplois. En revanche, dans la mesure où les gains de productivité sont moins importants dans le secteur tertiaire alors même que la demande adressée à ce secteur augmente, un éventuel manque de main-d’œuvre dans certaines branches (restauration, bâtiment) peut avoir pour conséquence un accroissement des salaires nominaux permettant de rendre certaines branches d’activités plus attractives.

Par ailleurs, l’évolution du salaire moyen par tête est liée en partie à celle de la productivité. Ainsi, dans les secteurs où les gains de productivité sont plus faibles, les salaires risquent de s’accroître moins vite. À ce propos, une étude de l’Insee montre que : « En 1949 [en France], le salaire moyen par tête réel dans l’industrie était inférieur de 30 % à celui dans les services. En 2007, la hiérarchie s’est inversée (+8 % en faveur de l’industrie) : les augmentations salariales sur l’ensemble de la période ont été moins fortes dans les services (+2,2 % contre +3,0 %). »9

Question 1.7 Complétez le texte

Le tableau suivant montre la valeur ajoutée, l’emploi, la durée et la productivité horaire du travail en France de 1950 à 2007.

Taux de croissance annuel moyen (%) 1950-1974 1975-1989 1990-2007 1950-2007
PIB 5,4 2,5 1,9 3,6
Total des branches (hors immobilier)        
Valeur ajoutée 5,3 2,4 1,9 3,5
Productivité horaire 5,6 3,1 1,7 3,7
Durée annuelle du travail −0,8 -0,9 −0,6 −0,7
Emploi 0,5 0,2 0,9 0,5
Agriculture        
Valeur ajoutée 3,3 2,9 0,9 2,4
Productivité horaire 7,0 7,2 4,2 6,2
Durée annuelle du travail −0,2 −0,6 −0,6 −0,5
Emploi −3,5 −3,4 −2,6 −3,2
Industrie        
Valeur ajoutée 6,4 1,5 1,8 3,7
Productivité horaire 6,3 3,7 3,7 4,8
Durée annuelle du travail −0,5 −0,5 −0,4 −0,5
Emploi 0,6 −1,6 −1,5 −0,6
Construction        
Valeur ajoutée 5,9 0,6 0,5 2,8
Productivité horaire 3,5 2,9 0,6 2,4
Durée annuelle du travail −0,4 −0,9 −0,3 −0,5
Emploi 2,7 −1,4 0,2 0,8
Services principalement marchands (hors immobilier)        
Valeur ajoutée 5,8 3,2 2,5 4,1
Productivité horaire 4,8 2,2 1,3 2,9
Durée annuelle du travail −0,6 −0,5 −0,5 −0,5
Emploi 1,6 1,5 1,7 1,7
Services principalement non marchands        
Valeur ajoutée 3,5 2,8 1,3 2,6
Productivité horaire 2,1 1,4 0,5 1,5
Durée annuelle du travail −0,4 −0,7 −0,4 −0,5
Emploi 1,7 2,1 1,2 1,6

Bouvier, G. and Pilarski, C., 2008. Soixante ans d’économie française : des mutations structurelles profondes.

En vous appuyant sur ces informations, choisissez la bonne proposition.

Les gains de productivité sont plus importants dans les secteurs primaire et secondaire que dans le secteur tertiaire. On observe ainsi que si la productivité horaire du travail a progressé de en moyenne chaque année dans l’agriculture entre 1950 et 2007 et de en moyenne par an dans l’industrie, celle-ci n’a progressé que de dans le secteur des services principalement marchands (hors immobilier). Le niveau de l’emploi dans l’agriculture et l’industrie a donc été amené à baisser, dans la mesure où les quantités offertes et produites ont augmenté plus vite que la demande globale adressée à ces secteurs. Ainsi, le niveau de l’emploi dans l’agriculture a diminué de en moyenne par an dans l’agriculture et de en moyenne par an dans l’industrie. Dans le même temps, le niveau de l’emploi a progressé de en moyenne par an dans le secteur des services principalement marchands (hors immobilier).

Question 1.8 Complétez le texte

Le graphique suivant montre la répartition de l’emploi par secteur d’activité en France de 1962 à 2016.

Insee

En vous appuyant sur ces informations, choisissez la bonne proposition.

On observe donc que la répartition des emplois entre les trois secteurs d’activité s’est fortement modifiée en France depuis 1962. Ainsi, si en France en 1962 environ des personnes ayant un emploi l’exercent dans le secteur primaire, c’est le cas en 2016 de des personnes ayant un emploi. La part du secteur primaire dans l’emploi total a donc été divisée par environ . De même, la part du secteur secondaire dans l’emploi total est passée de en 1962 à environ en 2016. Elle a été divisée par . Enfin, la part du secteur tertiaire est passée de en 1962 à environ en 2016, elle a presque été multipliée par .

Synthèse

On observe que le progrès technique ne touche pas les différents secteurs avec la même intensité. En effet, on constate que les gains de productivité sont plus importants dans les secteurs primaire et secondaire que dans le secteur tertiaire. Dès lors, on peut penser que dans les secteurs d’activité primaire et secondaire où la productivité horaire du travail augmente rapidement les salaires nominaux peuvent davantage s’accroître que dans le secteur tertiaire.

En revanche, dans la mesure où la hausse de la production dans ces deux secteurs est supérieure à la hausse de la demande qui leur est adressée, le niveau de l’emploi dans ces deux secteurs décline et certains travailleurs peuvent se retrouver au chômage, ce qui occasionne une baisse de leur revenu. À l’inverse, le manque de main-d’œuvre dans certaines branches du secteur tertiaire peut être profitable aux salariés du fait de la pression à la hausse des salaires que cette pénurie de main-d’œuvre peut entraîner.

Comment le progrès technique engendre-t-il des inégalités de revenu du fait de la répartition inéquitable des gains de productivité ?

Nous avons compris que le progrès technique, en étant facteur de l’accroissement de la productivité globale des facteurs de production, peut induire une croissance des revenus.

Or, les gains de productivité peuvent être selon les périodes plus ou moins équitablement répartis entre les agents qui ont apporté leur force de travail et les agents qui ont apporté le facteur capital.

En France, comme dans de nombreux pays industrialisés, on peut distinguer deux grandes périodes depuis 1945.

De la fin de la Seconde Guerre mondiale à 1973 s’étend la période dite « de l’Âge d’or » ou telle que l’a nommée l’économiste Jean Fourastié « Les Trente Glorieuses » (également le titre de son ouvrage publié en 1979) ; période caractérisée par une remarquable croissance économique. Le Graphique 1.9 montre l’essor de la productivité, ainsi que celui des salaires réels dans l’industrie aux États-Unis depuis le début de l’Âge d’or. Les données en indices utilisées pour chaque série mettent en évidence la croissance des salaires réels relativement à celle de la productivité du travail par tête.

Graphique 1.9 L’Âge d’or et ses conséquences : salaires réels et de la productivité du travail par tête dans l’industrie aux États-Unis (1949–2016).

US Bureau of Labor Statistics. Remarque : le terme « travailleur » exclut les employés chargés de la supervision, comme les contremaîtres et l’encadrement.

On constate toutefois que le rythme de la croissance du salaire réel n’est pas celui de la productivité par tête. On observe que, à partir de 1973, la croissance de la productivité ne profite plus aux travailleurs : la situation illustre la fin de l’Âge d’or dans les années 1970. Pour les travailleurs du secteur industriel, les salaires réels tendent à stagner au cours des quatre décennies suivantes. Dans les économies avancées, les décideurs politiques se sont efforcés de recréer les conditions favorables à l’investissement et à la création d’emplois. Elles étaient majoritairement centrées sur la nécessité de redonner du pouvoir de négociation aux employeurs face aux salariés, sur le marché du travail et au sein des entreprises. Ainsi, les politiques de rigueur salariale mises en œuvre ont eu pour conséquence un accroissement des inégalités de revenus entre, d’une part, les salariés, qui ont vu leurs revenus augmenter faiblement, et, d’autre part, les propriétaires et actionnaires des entreprises, dont les revenus ont davantage augmenté.

Pour aller plus loin : l’économie française de 1950 à nos jours (étude de cas)

Graphique 1.10 Évolution du pouvoir d’achat du salaire net annuel moyen des postes à temps complet en France de 1950 à 2015.

Insee. Note : ensemble des salariés.

Regardez le Graphique 1.10. Par combien a été multiplié le pouvoir d’achat du salaire annuel moyen des postes à temps complet en France de 1950 à 1973, puis de 1973 à 2015 ?

Le pouvoir d’achat du salaire annuel moyen des postes à temps complet en France de 1950 à 1973 a été multiplié par 2,6 puisque l’on passe de l’indice 100 pour 1950 à l’indice 260 (environ) pour 1973. Ainsi, sur cette période, le pouvoir d’achat du salaire annuel moyen des postes à temps complet en France a augmenté de 3,2 % en moyenne par an.

En revanche, le pouvoir d’achat du salaire annuel moyen des postes à temps complet en France de 1974 à 2015 a été multiplié par 1,5 puisque l’on passe de l’indice 260 en 1974 à l’indice 375 (environ) pour 2015. Ainsi, sur cette période le pouvoir d’achat du salaire annuel moyen des postes à temps complet en France a augmenté seulement de 0,8 % en moyenne par an, ce qui est quatre fois moins que sur la période précédente.

Graphique 1.11 Revenus distribués des sociétés non financières en France de 1949 à 2017 en pourcentage de la valeur ajoutée brute.

Insee, comptes nationaux, 2017. Notes : dividendes et prélèvements sur les revenus des quasi-sociétés (entreprises qui tiennent une comptabilité complète, mais qui n’ont pas de forme juridique propre) ; Il convient de noter que lorsqu’une société non financière (SNF) verse des dividendes à ses actionnaires, la comptabilité nationale enregistre des flux de dividendes de ces entreprises vers les entités légalement détentrices de ces actions à savoir les sociétés non financières, les sociétés financières, les ménages et le reste du monde. On peut donc souligner que les dividendes versés par les sociétés non financières peuvent l’être au profit des ménages mais pas seulement.

Regardez le Graphique 1.11. Comment a évolué la part que représentent les revenus distribués des SNF en pourcentage de la VAB de 1949 à 1983 puis de 1983 à 2015 ?

De 1949 à 1983, la part des revenus distribués des SNF en pourcentage de la VAB a été divisée par environ 2, passant de 4,75 % en 1949 à 2,5 % en 1983. Ainsi, si sur 100 euros de VAB des SNF distribués en 1949, 4,75 euros l’étaient sous la forme notamment de dividendes, en 1983 seuls 2,5 euros l’étaient sous cette forme. De 1983 à 2017, la part est multipliée par environ 5 puisqu’elle passe de 2,7 % à presque 13 %. En 2009, juste avant que la crise des subprimes ne vienne inverser la progression de cette part, celle-ci est même de 17 %.

Graphique 1.12 Les inégalités de revenu en France (1945–2014).

WID (base de données).

Regardez le Graphique 1.12. Comment ont évolué les inégalités de revenu avant impôt perçu par les ménages en France de 1945 à 2014 ?

On observe trois phases dans l’évolution des inégalités de revenus perçus par les ménages en France. Les inégalités progressent dans un premier temps de 1945 à 1962. En effet, si en 1945 en France les 1 % des ménages les plus riches se partagent 8,5 % du revenu national, ils se partagent 11 % du revenu national en 1962 : on observe une hausse de 2,5 points de % ou encore de 30 %. De même, la part du revenu national, que se partagent les 10 % des ménages les plus riches, passe sur la même période de 31 % à 37 %, ce qui implique une hausse de 20 %. La part que se partagent les 50 % des ménages les plus pauvres diminue donc légèrement, passant de 21 % à 19 %. Sur cette période, la situation relative des ménages pauvres s’est dégradée par rapport aux ménages aisés. Les inégalités se sont creusées.

Toutefois, à partir de 1962 et jusqu’en 1982, on observe une forte réduction des inégalités puisque la part que se partagent les 10 % des ménages les plus riches passe de 37 % à 29 % (-20 %) et celle des 50 % les plus pauvres augmente d’environ 25 %, passant de 19 % à 24 % (+5 points de %).

À partir de la mise en place de la politique de rigueur salariale en 1983, les inégalités de revenus entre les ménages cessent de se réduire et s’accroissent à nouveau. Ainsi, la part que représentent dans le revenu national les 1 % des ménages les plus riches passe de 7,5 % à 11 % (même niveau que celui de 1962), celle des 10 % des plus riches passe de 29 % à 33 % environ et celle des 50 % des ménages les plus pauvres passe de 24 % à 22 % (-10 % environ).

Synthèse

Le progrès technique est à l’origine de gains de productivité qui permettent d’accroître les revenus des différents agents économiques, à savoir les ménages, les entreprises et les administrations publiques. Nous avons compris que certains ménages percevaient principalement des revenus du travail salarié tandis que d’autres percevaient principalement des revenus mixtes ou encore des revenus de la propriété, comme des loyers, des dividendes ou encore des plus-values.

Lorsque les gains de productivité permis par le progrès technique sont équitablement répartis, l’ensemble des revenus perçus par les agents économiques augmentent et les inégalités de revenus peuvent même se réduire entre les ménages les plus aisés et les ménages les plus modestes. C’est ce qui a été observé dans de nombreux pays développés durant les années 1960 et jusqu’à la fin des années 1970. Toutefois, depuis les années 1980, on observe que les politiques de partage de la VAB en faveur des entreprises ont contribué à accroître les inégalités de revenus entre les ménages. Depuis les années 1980, les revenus salariaux progressent moins vite que la productivité horaire et les écarts de revenus entre les ménages les plus riches et les ménages les plus pauvres augmentent du fait d’une répartition moins équitable des gains de productivité permis par le progrès technique.

1.5 En quoi une croissance économique soutenable se heurte-t-elle à des limites écologiques que l’innovation peut faire reculer ?

En quoi la soutenabilité de la croissance se heurte-t-elle à des limites écologiques ?


Objectif : Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique).

Plusieurs exemples permettent de mieux comprendre les limites écologiques liées au processus de croissance économique

Par exemple, vous pouvez visionner la vidéo « 29 juillet 2019 : le jour du dépassement mondial » sur le concept de Jour du dépassement, date de l’année calculée par l’ONG Global Footprint Network, à partir de laquelle l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de produire ou renouveler en un an sans dégrader l’environnement. En 2019, le jour du dépassement était le 29 juillet 2019 et le 1er août pour l’année 2018. Rappelons, à titre indicatif, que pour l’année 2018, selon les calculs effectués par cette ONG, le jour du dépassement était le 9 février pour le Qatar, le 15 mars pour les États-Unis, le 5 mai pour la France ou le 29 décembre pour le Vietnam.

De même, vous pouvez également prendre le temps de visionner cette autre vidéo « Le changement climatique : comprendre ses causes et ses conséquences pour mieux réagir » sur les explications du réchauffement climatique.

Vous pouvez également prendre connaissance des différents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui a entamé son 6e cycle d’évaluation). Le GIEC a publié notamment, en septembre 2019, un deuxième rapport spécial sur les liens entre le changement climatique, les océans et la cryosphère et un troisième rapport spécial sur les liens entre le changement climatique, la désertification, la dégradation des terres et la sécurité alimentaire. Vous trouverez des informations plus complètes sur le site Internet du GIEC.

La vidéo « Le rapport du GIEC sur le climat décrypté par CPLC : un monde à +2 °C de réchauffement » résume les enjeux des différents rapports publiés dernièrement par le GIEC.

De plus, vous pouvez dresser une liste des catastrophes naturelles récentes liées au réchauffement climatique (par exemple des ouragans, des typhons, des incendies particulièrement destructeurs). Ces événements tragiques ont de graves conséquences humaines, économiques et sociales, comme l’augmentation considérable du nombre de réfugiés climatiques.

Vous pouvez enfin, et on le verra plus tard, évoquer les différentes atteintes à la biodiversité. Créée en 2012 sous la tutelle des Nations Unies et rassemblant aujourd’hui 129 États, la structure appelée Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES), qualifiée de « GIEC de la biodiversité », a pour mission d’établir régulièrement la synthèse des connaissances disponibles sur la biodiversité (variété des formes de vie sur la Terre), sur les impacts de son érosion et sur les pistes d’action possibles pour la préserver. Son rapport est alarmant et parle d’une sixième extinction de masse.

Nous allons, dans cette dernière section du chapitre, présenter les limites écologiques liées à la croissance économique puis montrer que l’innovation est un moyen d’éviter « la tragédie des biens communs » et les externalités négatives induites par la croissance économique.

La croissance économique contribue à l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, voire aussi à celui des ressources naturelles renouvelables

La croissance économique contribue à l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables

Un peu d’histoire économique…

En 1980 eut lieu l’un des paris les plus célèbres de l’histoire des sciences. Le biologiste Paul Ehrlich prédit que la croissance rapide de la population contribuerait à la raréfaction des ressources minérales. L’économiste Julian Simon pensait au contraire que l’humanité ne manquerait jamais de minéraux, car des prix plus élevés stimuleraient la recherche de nouvelles réserves ou de nouvelles façons d’économiser l’utilisation des ressources. Nous savons que le niveau des prix ainsi que sa variation dépendent de la situation de rareté relative sur un marché : un accroissement de la rareté d’un produit induit une augmentation du prix, l’offre chutera et le prix aura tendance à augmenter. Ehrlich fit le pari avec Simon que le prix d’un panier de cinq matières premières (cuivre, chrome, nickel, étain et tungstène) augmenterait en termes réels au cours de la décennie.

Le 29 septembre 1980, ils achetèrent tous les deux 200 dollars de chacun des cinq produits de base (pour un pari qui, donc, a engagé une dépense de 1 000 dollars). Ils avaient convenu que si le prix de ces ressources augmentait plus rapidement que l’inflation sur la décennie à venir, reflétant ainsi une rareté accrue, Simon payerait à Ehrlich la différence entre les prix réels (prix ajustés de l’inflation) et 1 000 dollars. Si les prix réels, donc déflatés, baissaient, Ehrlich payerait à Simon la différence. Ainsi, si les prix réels augmentaient, Simon perdrait le pari, alors qu’à l’inverse ce serait Ehrlich.

De 1980 à 1990, la population mondiale augmenta de 846 millions d’individus, soit une hausse de 19 %. Durant cette période, le revenu par habitant augmenta de 753 dollars, soit une hausse de 15 % en volume, c’est-à-dire en termes réels après avoir pris en compte l’inflation. Pendant ces dix années, le prix réel des cinq matières premières (cuivre, chrome, nickel, étain et tungstène), corrigé de l’inflation, baissa de 1 000 dollars à 423,93 dollars constants de 2005. Ainsi, ce fut Ehrlich qui perdit le pari et Simon qui le gagna. La croissance rapide de la population n’induisit donc pas la raréfaction des ressources minérales comme Ehrlich l’avait prédit.

Graphique 1.13 Prix mondiaux des matières premières (1960–2015).

The World Bank. 2015. ‘Commodity Price Data.’

Toutefois, les enjeux autour de ce pari entre le biologiste et l’économiste ne doivent pas occulter la réalité d’aujourd’hui, à savoir que la croissance économique est responsable de nombreuses limites écologiques, qui mettent en péril le capital naturel.

Les hommes ont toujours utilisé leur environnement pour obtenir les ressources dont ils ont besoin pour vivre et produire leurs moyens de subsistance. L’environnement offre les matières premières que nous utilisons dans la production d’autres biens (le bois, les métaux, le pétrole, etc.). L’environnement physique et la biosphère, qui recouvre l’ensemble des formes de vie sur Terre, fournissent également des éléments essentiels pour la vie, comme l’air, l’eau et la nourriture.

Le charbon est une roche combustible, riche en carbone. Le charbon de terre est une énergie fossile contrairement au charbon de bois qui est un combustible obtenu en carbonisant du bois en atmosphère contrôlée par pyrolyse (en l’absence d’oxygène).

Il y a environ 200 ans, les hommes apprirent à exploiter l’énergie disponible dans la nature (en brûlant du carbone) pour transformer leur manière de produire les biens et les services afin d’augmenter de manière radicale la productivité du travail. Le charbon de terre joua un rôle central dans la Révolution industrielle. La Grande-Bretagne en avait en abondance. Avant la Révolution industrielle, une grande partie de l’énergie utilisée dans l’économie était produite par les plantes comestibles, qui transformaient la lumière du soleil en nourriture pour les animaux et les hommes, ou par les arbres dont le bois pouvait être brûlé ou transformé en charbon de bois. En optant pour le charbon, les hommes purent exploiter principalement de vastes réserves d’énergie solaire.

Illustration 1.5 Évolution de la technologie de filage au cours de la Révolution industrielle.

Notes : la mule-jenny est inventée par Samuel Crompton en 1779. C’est une machine à filer à énergie hydraulique qui permettra, au fur et à mesure de ses perfectionnements, de filer d’un même mouvement de 30 à 1 000 fils en même temps. Le métier mécanique (power loom) est inventé par Edmund Cartwright en 1885. Il est mû par la machine à vapeur et accroît ainsi la rapidité du tissage.

L’évolution du niveau de vie depuis la Révolution industrielle a donc été rendue possible par l’ingéniosité de l’homme et la disponibilité de ressources sous forme d’air, d’eau, de terre, de métaux et d’hydrocarbures (charbon et pétrole notamment). Les avancées technologiques et l’utilisation croissante de ces ressources non renouvelables ont permis d’augmenter la productivité du travail par tête, c’est-à-dire la quantité produite en moyenne par chaque travailleur au cours d’une période de temps donnée, comme nous avons pu le comprendre au début de ce chapitre. Tous ces éléments ont déjà été démontrés dans les sections précédentes.

Mais la situation actuelle est bien différente et nous savons maintenant que la croissance économique de ces deux derniers siècles contribue à l’épuisement progressif des ressources naturelles renouvelables. Nous pouvons le constater dans le Graphique 1.14, qui présente les années de réserve au taux de production géologique de 2006 pour différentes ressources, comme le pétrole.

Graphique 1.14 Années de réserves de quelques matières premières au taux de production géologique de 2006.

Pierre Langlois, Rouler sans pétrole, Éditions MultiMondes, 2008.

Prenons le cas particulier de l’épuisement des ressources de pétrole.

Durant plus de 60 ans, les experts de l’industrie pétrolière ont prédit que la demande dépasserait rapidement l’offre : la production atteindrait un niveau maximal et les prix augmenteraient à mesure que les réserves mondiales déclineraient.

Rappelons, au niveau du vocabulaire employé, que le « pic pétrolier » est le sommet de la courbe de production d’un puits, d’un champ pétrolier ou d’une région de production. L’expression « pic pétrolier » (ou peak oil, en anglais) désigne le plus souvent le pic pétrolier mondial, autrement dit le moment où la production mondiale de pétrole plafonne avant de commencer à décliner du fait de l’épuisement des réserves de pétrole exploitables. Au-delà, la notion de pic de pétrole pose la question de l’après-pétrole. Ce pic de production est établi sur la base des ressources connues en pétrole, mais doit tenir compte également d’une estimation de l’évolution de la consommation de pétrole, elle aussi incertaine.

En 2010, les experts estimaient que l’exploitation du pétrole était condamnée à l’épuisement à l’horizon de 46 ans, contre 63 et 120 années respectivement pour le gaz et le charbon, alors que le pétrole représente encore 34 % de la consommation mondiale d’énergie (le charbon n’en représentant que 26 % et le gaz 21 %). Nous savons également que la baisse des ressources pétrolières exploitables se traduira par de fortes tensions internationales sur le plan géopolitique, au Moyen-Orient bien sûr, mais aussi sur la question de l’exploitation pétrolière dans l’Arctique.

On pourrait évoquer l’exploitation du pétrole non conventionnel, comme la production pétrolière offshore parfois dans des réserves très profondes sous l’océan, ou celle d’autres types de carburants. Toutefois, cela ne fait jamais que retarder l’échéance de l’épuisement des ressources naturelles. Par ailleurs, certaines techniques utilisées peuvent être graves de conséquences sur le plan écologique mais aussi social (le cas de la fracturation hydraulique pour l’extraction du gaz de schiste). En raison de leurs capacités de substitution limitées, ces solutions ne résolvent pas la question de l’épuisement des ressources conventionnelles. On peut le constater, par exemple, avec les agrocarburants qui ont contribué à l’augmentation des prix des céréales dans certains pays déjà en difficulté au niveau économique et qui ont ainsi conduit à des pénuries alimentaires pouvant provoquer des émeutes de la faim.

La croissance économique contribue à l’épuisement des ressources naturelles renouvelables (la tragédie des biens communs)

Les activités proposées dans les deux questionnements suivants (la typologie des biens et la tragédie des biens communs) ont déjà été présentées dans le Chapitre « Quelles sont les principales défaillances du marché ? ». Vous pourrez vous y référer pour réactiver vos connaissances à ce sujet.

Vous trouverez en revanche dans cette section des activités complémentaires pour approfondir la notion de bien commun qui met en évidence la limite écologique de la croissance économique ; l’exemple des ressources halieutiques illustre le risque d’épuisement de ressources naturelles renouvelables.

Question 1.9 Choisissez les bonnes réponses

Lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • Un bien est rival si la consommation de ce bien par un individu diminue la quantité disponible pour les autres consommateurs.
  • Un bien est excluable s’il n’est pas possible d’empêcher un individu de consommer le bien en question.
  • Un bien collectif est non excluable et non-rival alors qu’un bien commun est non excluable mais rival.
  • La défense nationale est un bien commun.
  • En effet, un bien est considéré comme rival, car toute quantité du bien consommé par un agent économique diminue la quantité disponible pour un autre agent économique.
  • Non, un bien est considéré comme excluable s’il est au contraire possible d’exclure de sa consommation un individu qui ne participe pas à son financement.
  • En effet, un bien collectif, comme la défense nationale ou l’éclairage public, est non excluable (gratuit) et non-rival (la consommation des uns n’empêche pas celles des autres) alors qu’un bien commun est toujours non excluable (sans financement de la part de l’agent économique qui le consomme), mais il est rival, car en situation d’épuisement.
  • La défense nationale n’est pas un bien commun, mais un bien public. Elle se caractérise par la propriété de non excluabilité. On ne peut exclure de ce service l’agent qui ne contribue pas à son financement. Mais ce service est également non rival. Les militaires protègent l’ensemble du territoire et le fait que la population augmente, par exemple, ne réduit pas le degré de défense du territoire.

Étudions le cas particulier des biens communs.

Pour approfondir la notion de « tragédie des biens communs », regardez la vidéo « What is the tragedy of the commons? » sur la tragédie des biens communs qui fait référence aux travaux de G. Hardin.

En 1968, le biologiste Garrett Hardin publia dans la revue Science un article montrant la tragédie des biens communs. Dans cet article, il soutenait que les ressources qui sont en libre accès et fournies gratuitement par la nature, les biens communs, courent le risque d’être surexploitées si l’accès à leur consommation n’en est pas contrôlé. En effet, en l’absence de droits de propriété privée, chaque agent économique, pouvant disposer gratuitement de la ressource, est conduit à surexploiter ces ressources communes afin de maximiser son profit ou son utilité.

Imaginez un pâturage ouvert à tous. On doit s’attendre à ce que chaque éleveur essaie de mettre autant de bétail que possible sur le terrain commun [pré qui appartient à une commune et sur lequel les agriculteurs peuvent librement faire paître leurs bêtes]. […] En tant qu’être rationnel [la rationalité de l’agent économique repose sur la recherche de l’intérêt personnel pour maximiser l’utilité (consommateur) ou le profit réalisé (producteur)], chaque éleveur cherche à maximiser son gain. Explicitement ou implicitement, plus ou moins consciemment, il se demande : « Quelle est l’utilité pour moi d’ajouter une bête de plus à mon troupeau ? » Cette utilité a une composante négative et une composante positive. […] L’éleveur rationnel conclut que la seule voie sensée qu’il peut suivre est d’ajouter une autre bête à son troupeau. Et une autre ; et une autre… Mais ceci est la conclusion atteinte par chaque berger rationnel partageant un terrain commun. C’est là que se trouve la tragédie. Chaque homme est enfermé dans un système qui le contraint à augmenter son troupeau sans limite, dans un monde qui est limité. La liberté dans les communaux apporte la ruine à tous.10

Exercice 1.8 La tragédie des biens communs

  1. Expliquez pourquoi chaque éleveur est rationnellement conduit à augmenter la taille de son troupeau.
  2. Présentez les caractéristiques d’un pré communal en utilisant les critères de la rivalité et de l’excluabilité.
  3. Quelles sont les conséquences du comportement des éleveurs sur le pré communal ? Citez d’autres exemples de biens communs.

Pour aller plus loin : la diminution, voire la disparition des ressources halieutiques (étude de cas d’un bien menacé d’épuisement)

Étudions maintenant le cas d’un bien menacé d’épuisement : les ressources halieutiques. Les zones de pêche sont ouvertes à tous : les ressources halieutiques (activités qui concernent la pêche) présentes dans ces zones sont rivales (ce qu’un pêcheur prélève ne peut plus être pêché par un autre), mais non excluables (il est impossible d’exclure quiconque de pêcher dans ces zones).

On le constate, par exemple, avec la pêche du cabillaud dans les Grands Bancs de l’Atlantique Nord. Pendant 300 ans, jusqu’à la fin du 20e siècle, les Grands Bancs constituèrent le moyen de subsistance des communautés de pêche canadiennes et américaines. Aux 18e et 19e siècles, des goélettes légendaires comme Le Bluenose (Illustration 1.6) se dépêchaient de retourner au port vendre leur pêche du jour afin d’être les premières sur le marché et offrir du poisson frais.

Illustration 1.6 Le Bluenose, la goélette de pêche des Grands Bancs.

L’industrie halieutique des Grands Bancs s’effondra soudainement et bon nombre de villes de pêche disparurent. Le Graphique 1.15 indique la quantité de cabillauds pêchée sur une période de 163 ans : on constate une tendance graduelle à la hausse et un pic prononcé, qui coïncide avec l’introduction de la pêche industrielle moins de 50 ans avant la disparition du cabillaud des Grands Bancs. Les pêches dans le nord de l’Atlantique se rétablirent progressivement à la suite de l’introduction de quotas imposés par les États.

Graphique 1.15 Quantité de cabillauds pêchée dans les Grands Bancs (nord de l’Atlantique) entre 1851 et 2011.

Millennium Ecosystem Assessment. 2005. Ecosystems and Human Well-Being: Synthesis. Washington, DC : Island Press.

Collectivement, les pêcheurs auraient eu intérêt à ne pas pêcher autant de cabillauds et à gérer correctement le stock de ce poisson, et les consommateurs auraient eu intérêt à ne pas trop en consommer. Mais chaque pêcheur ou consommateur agissant en fonction de son intérêt individuel (maximisation du profit ou de l’utilité), la ressource commune est surexploitée, jusqu’à ce qu’elle disparaisse.

Exercice 1.9 Étude de cas d’un bien menacé d’épuisement

Regardez de nouveau le Graphique 1.15. En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

  1. Comment les quantités de cabillauds pêchées ont-elles évolué entre 1851 et 2011 ? Utilisez deux techniques de calcul différentes. Pensez à établir un lien avec un argument du texte associé au Graphique 1.15 sur l’introduction de la pêche industrielle.
  2. Comment expliquez-vous les évolutions observées sur le graphique  ?

Exercice 1.10 Mettez fin à la surpêche !

Regardez la vidéo « Mettez fin à la surpêche ! ». En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

  1. Donnez une évolution chiffrée des stocks de poissons dans le monde.
  2. Donnez deux exemples de techniques de pêche utilisées responsables de la surexploitation des ressources halieutiques disponibles.
  3. Quelles sont les conséquences des prises excessives des bateaux de pêche ?
  4. Recherchez la définition de l’aquaculture. Quels sont les risques de son utilisation pour le niveau des stocks disponibles ?

Synthèse

Les hommes, à travers leurs activités économiques fondées sur la recherche de la croissance économique, sont les principaux responsables des dégradations environnementales. Ils menacent également le développement, car les dégradations environnementales réduisent la capacité du capital naturel à favoriser le bien-être.

En effet, les hommes à travers l’Histoire ont considéré les ressources naturelles comme des biens disponibles gratuitement (à l’exception de leur coût d’extraction) dans des quantités illimitées. Certaines de ces ressources non renouvelables, même en cas de découvertes actuelles de nouveaux sites d’extraction, sont considérées maintenant comme épuisables à terme (par exemple les hydrocarbures et les ressources minérales). D’autres ressources renouvelables, comme l’air pur, la biodiversité (dont les récifs coralliens et de nombreuses espèces maritimes et terrestres), les forêts (à cause de la déforestation et de la désertification) et l’eau non polluée, se raréfient. Elles étaient autrefois toutes abondantes et gratuites, en dehors des coûts d’extraction. C’est ce que G. Hardin a qualifié de « Tragédie des biens communs » en 1968.

Ainsi, le capital naturel doit être considéré dorénavant comme un bien commun, à savoir non excluable (gratuit) ce qui entraîne une surexploitation des ressources, qui deviennent rivales (la consommation des uns empêche celle des autres agents économiques). Ces derniers se comportent comme des agents rationnels, qui ont tout intérêt à adopter une stratégie de passager clandestin.

La croissance économique occasionne des externalités négatives comme les dégâts sur l’environnement (exemples de la pollution de l’eau, de l’air, des sols et du réchauffement climatique)

Liens entre la croissance économique et les externalités négatives (pressions économique et démographique)

Une externalité est une répercussion de l’activité économique (production, consommation) d’un agent économique sur le bien-être d’autres agents sans compensation monétaire.

Les externalités négatives, déjà étudiées dans le Chapitre 3 « Quelles sont les principales défaillances du marché ? », constituent par conséquent une défaillance du marché. L’allocation des ressources est donc sous-optimale, car en présence d’externalités (ou effets externes), le marché n’incite pas à réduire la production ou la consommation des biens et des services qui entraînent des externalités négatives et n’encourage pas celles des biens ou services qui génèrent des externalités positives.

Lorsqu’une entreprise pollue en produisant un bien, le prix de vente de ce bien sera fixé uniquement en fonction des coûts de production (coût marginal privé) et ne tiendra pas compte du coût lié à la dégradation du capital naturel (coût marginal de l’externalité). On estime par conséquent que le coût social de la production de ce bien (qui correspond pour un niveau de production donné à la somme du coût marginal privé et du coût marginal de l’externalité) est supérieur à son coût privé, ce qui constitue une externalité négative. Laisser le marché réguler la production de ce type de bien conduit à la surproduction des biens responsables des externalités négatives.

Les atteintes à l’environnement sont considérées comme des externalités négatives, c’est-à-dire des conséquences négatives entraînées par l’action d’un agent économique sur l’environnement sans que l’agent ait à supporter le coût que son activité engendre. L’agent économique à l’origine de l’externalité, rationnel, ne sera pas incité à réduire sa pollution puisqu’il ne supporte pas le coût qu’elle engendre. Cela provoque donc une situation économique sous-optimale et le marché, dans ces conditions, incite les agents économiques à ne pas modifier leur comportement.

C’est donc bien la croissance économique qui occasionne l’augmentation des externalités négatives, sous la pression économique mais aussi sous la pression démographique. Pour évaluer la pression démographique, on pourrait utiliser comme indicateur l’empreinte écologique, qui correspond à une mesure de la pression qu’exerce l’homme sur la nature. C’est un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d’absorption de déchets. Cet indicateur a été élaboré par deux chercheurs canadiens, William Rees et Mathis Wackernagel, dans les années 1990.

L’empreinte écologique calculé en hectares globaux par habitant dans les différentes régions du monde montre le lien entre les croissances démographique et économique et l’augmentation des externalités négatives. En effet, les externalités négatives induites s’expliquent d’une part par l’activité économique et d’autre part par la pression démographique.

Activités complémentaires : pour bien comprendre la notion d’empreinte écologique, vous pouvez aller sur le site du WWF (Fonds mondial pour la nature), ONG créée en 1961, pour calculer votre empreinte écologique. Vous pouvez également visionner la vidéo « L’empreinte écologique par Terrafemina » pour comprendre cette notion.

Exemples d’externalités négatives : étude de cas (réchauffement climatique et perte de biodiversité)

Les exemples d’externalités négatives causées par la croissance économique sont nombreux. On peut citer les phénomènes de pollution de plus en plus importants et dramatiques de l’air, de l’eau, des sols, et le réchauffement climatique.

Pendant 100 000 ans, voire plus, les hommes comme les animaux ont vécu d’une manière qui a modifié la biosphère sans compromettre de manière considérable ou irréversible sa capacité à maintenir la vie sur notre planète. Mais, à mesure que la production a augmenté (voir les Graphiques 1.1 et 1.2), l’utilisation des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement ont également connu une augmentation.

L’Illustration 1.7 illustre la position des entreprises et des familles au sein de l’économie et les flux existant au sein de l’économie et entre l’économie et la biosphère.

Illustration 1.7 Un modèle de l’économie : ménages et entreprises.

Les entreprises combinent le travail avec des structures et des équipements afin de produire des biens et des services, qui sont utilisés par les ménages et d’autres entreprises. La production de biens et de services a également lieu au sein des ménages, mais contrairement aux entreprises leurs produits ne sont pas nécessairement vendus sur le marché. Outre la production de biens et services, les ménages ont un impact sur la force de travail (autrement dit la génération suivante de main-d’œuvre).

Cela se déroule au sein d’un système biologique et physique au sein duquel les entreprises et les ménages utilisent et transforment les ressources que met à disposition le capital naturel, notamment les énergies fossiles. En retour, l’activité économique a un impact sur la nature qui peut être négatif. La relation entre l’économie et l’environnement présentée dans l’Illustration 1.7 est établie dans les deux sens : nous utilisons des ressources naturelles pour produire ; la production peut affecter l’environnement et mettre éventuellement en péril la soutenabilité de la croissance économique.

Des éléments du système écologique, comme l’air, l’eau, le sol et le climat, ont été altérés par les activités humaines avec une nette accélération à partir de la Révolution industrielle ; les externalités négatives des dernières décennies sont particulièrement marquantes. L’effet le plus remarquable concerne le changement climatique. Les communautés rurales sont, elles aussi, affectées par la déforestation (une autre cause du changement climatique) et l’épuisement des nappes d’eau potable et des stocks de poissons.

Après cette présentation générale, intéressons-nous plus particulièrement à la question du réchauffement climatique.

Pour beaucoup de scientifiques aujourd’hui, le changement climatique représente la plus grande menace pour le bien-être futur de l’humanité.

Exercice 1.11 L’effet de serre

Essayons de comprendre le mécanisme scientifique simplifié qui montre que le réchauffement climatique est lié aux activités humaines. Regardez la vidéo « L’effet de serre ». En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

  1. Décrivez le rôle fondamental de l’effet de serre dans la préservation du capital naturel et de la vie humaine.
  2. Chiffrez l’augmentation de la concentration du CO₂ dans l’atmosphère depuis le début du 19e siècle.
  3. Présentez les conséquences de l’augmentation de la concentration du CO₂. Citez d’autres gaz responsables de l’élévation des températures.
  4. Décrivez la situation française et présentez quelques solutions proposées dans la vidéo pour limiter les externalités négatives dans certains secteurs d’activité, comme l’industrie ou l’agriculture.

Partons maintenant d’un constat chiffré à l’aide des documents suivants pour évaluer l’ampleur des conséquences de toute nature du réchauffement climatique. Avec le Graphique 1.16, nous allons pouvoir mesurer l’élévation des températures moyennes liée à l’activité économique humaine.

Graphique 1.16 Concentration atmosphérique de dioxyde de carbone et températures, à l’échelle mondiale (1750–2010).

Années 1010–1975 : David M. Etheridge, L. Paul Steele, Roger J. Francey, and Ray L. Langenfelds. 2012. ‘Historical Record from the Law Dome DE08, DE08-2, and DSS Ice Cores.’ Division of Atmospheric Research, CSIRO, Aspendale, Victoria, Australia. Années 1976–2010 : Data from Mauna Loa observatory. Tom A. Boden, Gregg Marland, and Robert J. Andres. 2010. ‘Global, Regional and National Fossil-Fuel CO₂ Emissions.’ Carbon Dioxide Information Analysis Center (CDIAC) Datasets. Note : la température correspond à la moyenne dans l’hémisphère nord.

Puis, à l’aide du graphique « Type et nombre de catastrophes survenues dans le monde de 1900 à 2007 » d’Alternatives économiques et de la carte « Morts prématurées liées à la pollution de l’air en Europe » de Futura, nous allons pouvoir mesurer la progression des externalités négatives induites par cette situation de réchauffement climatique, comme la progression du nombre de catastrophes naturelles depuis les années 1900 ou les effets de la pollution sur la mortalité.

Exercice 1.12 Réchauffement climatique

  1. Démontrez de manière chiffrée la corrélation entre l’augmentation de la concentration en CO₂ dans l’atmosphère et l’élévation des températures depuis le début du 19e siècle.
  2. Grâce au calcul de votre choix, décrivez l’évolution du total des catastrophes naturelles entre 1900 et 2007. Calculez également l’évolution particulière du nombre de catastrophes hydrométéorologiques.
  3. Quel est le nombre de décès prématurés liés à la pollution atmosphérique (pollution de l’air) en Europe ? Citez des pays particulièrement touchés.
  4. Citez au moins deux exemples de votre choix d’impacts économiques négatifs de la pollution.

Pour aller plus loin : plusieurs vidéos intéressantes peuvent compléter et illustrer l’étude de cas sur le réchauffement climatique

Vous pouvez par exemple visionner cette vidéo très instructive intitulée « Dans le Sud, le niveau des mers monte ».

Le développement durable, selon Gro Harlem Brundtland, Première ministre norvégienne, en 1987, est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Cette notion a été officialisée en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio (sous l’égide des Nations Unies) ainsi que ses trois piliers, économique, écologique et social : « Un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. » (Insee)

La vidéo « COP25 : la croissance est-elle compatible avec la protection de l’environnement ? » présentant les enjeux de la COP25 permet de clore ce questionnement sur les liens entre le processus de croissance économique et l’augmentation des externalités négatives, comme les dégâts sur l’environnement. Cette vidéo présente également quelques solutions préconisées pour limiter les externalités négatives dans le cadre d’une politique de développement durable utilisant divers instruments climatiques.

Regardez la vidéo « COP25 : la croissance est-elle compatible avec la protection de l’environnement ? ». En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

Dans cette vidéo, quelle est la vision prônée par les « décroissants » ?

La décroissance est un concept politique, économique et social né dans les années 1970 selon lequel la croissance économique sera toujours créatrice de dégâts pour l’environnement et incompatible avec la cause écologique. Ainsi, pour les défenseurs de cette théorie, il n’est pas viable de vouloir augmenter sans cesse les richesses et le PIB d’un pays. Selon les acteurs du mouvement, l’industrialisation a trois conséquences négatives : des dysfonctionnements de l’économie comme le chômage de masse, l’aliénation du travail et la détérioration des écosystèmes naturels. De fait, selon eux, il faut consommer moins au niveau mondial en limitant des consommations jugées superflues, ou encore partager davantage les richesses et le travail. Les préoccupations écologiques devraient être prioritaires.

La croissance verte est-elle un modèle soutenable de croissance ?

Une alternative plus progressive, visant à élargir les possibilités économiques dans un contexte d’augmentation de la population mondiale tout en faisant face aux pressions environnementales, se développe. C’est le principe de la croissance verte, qui veut réconcilier la croissance et l’environnement, en investissant massivement dans les énergies renouvelables et dans la transition énergétique afin de créer une croissance durable et soutenable et des emplois dans de nouveaux secteurs. Cette théorie vise, au-delà de la croissance économique, à améliorer la qualité de vie des citoyens, au niveau sanitaire notamment.

Synthèse

Les causes humaines et la réalité du changement climatique ne sont plus contestées au sein de la communauté scientifique. Depuis 1900, les températures moyennes ont augmenté à la suite d’une hausse de plus en plus marquée de la concentration de gaz à effet de serre. Ces derniers résultent pour la plupart d’émissions de CO₂ provoquées par la combustion d’énergies fossiles (comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel).

La combustion d’énergies fossiles pour la production de l’énergie ou pour les activités industrielles provoque des émissions de CO₂ dans l’atmosphère. L’utilisation des carburants fossiles a profondément affecté l’environnement naturel. Après être restées relativement stables pendant plusieurs siècles, les émissions de dioxyde de carbone (CO₂) dans l’air ont augmenté au cours du 20e siècle : cette hausse s’est traduite par des quantités mesurables de CO₂ plus élevées dans l’atmosphère terrestre et a conduit à des augmentations des températures moyennes, notamment dans l’hémisphère nord. Les conséquences probables du réchauffement climatique sont importantes : fonte de la calotte glaciaire, élévation du niveau de la mer qui pourrait faire disparaître sous l’eau certaines terres, changements climatiques qui pourraient anéantir certaines zones de culture à travers le monde. Le changement climatique est un phénomène mondial. Toutefois, de nombreuses conséquences environnementales sont locales, comme les problèmes respiratoires en milieu urbain et d’autres maladies résultant des hauts niveaux d’émissions polluantes de centrales électriques, de véhicules, et d’autres sources.

Changement climatique global, perte de biodiversité, épuisement des ressources locales, ces externalités négatives (ou effets externes négatifs) sont le résultat à la fois de l’expansion de l’économie (illustrée par la croissance de la production totale) et de la manière dont celle-ci est organisée (quels types de ressources, comme l’atmosphère terrestre ou les stocks de poisson, sont valorisés et préservés, par exemple). Collectivement, les pêcheurs gagneraient à ne pas pêcher autant de thon, et les consommateurs gagneraient à ne pas trop en manger. L’Humanité gagnerait à émettre moins de polluants, mais si vous, en tant qu’individu, choisissez de réduire votre consommation, vos émissions de carbone, ou le nombre de thons que vous attrapez, votre sacrifice n’aura qu’un impact infinitésimal au niveau mondial.

Comment l’innovation peut-elle contribuer à reculer ces limites écologiques ?


Objectif : Comprendre que l’innovation peut aider à reculer les limites écologiques auxquelles se heurte la croissance économique soutenable (notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique).

L’innovation peut favoriser la découverte et l’exploitation de nouvelles sources de matières premières renouvelables

Mécanisme

Le concept de soutenabilité faible permet de comprendre en quoi et comment l’innovation peut repousser les limites écologiques qui sont évoquées dans les sections précédentes.

La soutenabilité faible réconcilie croissance économique, cohésion sociale et préservation des ressources naturelles en mettant en avant la capacité d’une nation à générer un bien-être pérenne qui préserve le stock de capital global, comme l’explique le schéma de l’Illustration 1.8. L’enjeu est de permettre aux générations présentes de satisfaire leurs besoins sans compromettre la satisfaction des besoins des générations futures, afin de favoriser un développement durable, tel que Gro Harlem Brundtland, Première ministre norvégienne, le définit en 1987, et tel qu’il est officialisé en 1992 par les Nations Unies lors du Sommet de la Terre de Rio.

La soutenabilité faible est fondée sur la possibilité de substituer du capital physique, humain, technologique ou institutionnel au capital naturel, de telle sorte que le niveau de stock du capital global est maintenu, ce qui préserve le bien-être des générations futures.

Le degré de substituabilité du capital non naturel au capital naturel dépend lui-même des techniques disponibles présentes et futures. La soutenabilité faible exige, par conséquent, de compenser la destruction des ressources naturelles par des investissements en capital non naturel ou des dépenses en recherche-développement, qui permettront la substitution.

L’innovation est alors considérée comme un moyen de dépasser les limites écologiques de la croissance.

Illustration 1.8 Les différents capitaux mobilisables et mobilisés par l’homme pour produire : la notion de capital global.

Exemples : géothermie, éolien, solaire, biomasse

Adopté en 2008, le paquet énergie-climat vise à réduire de 20 % les émissions européennes de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990, à porter à 20 % la consommation d’énergies renouvelables et à abaisser de 20 % l’intensité énergétique du PIB à l’horizon 2020. Ces trois « 20 » résument la stratégie de l’Union européenne pour 2020 en matière de climat et d’énergie, et par la même occasion l’échec de celle de la France.

Le Conseil européen a arrêté en octobre 2014 des objectifs à l’horizon 2030 : il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre domestiques de l’Union européenne (UE) d’au moins 40 % par rapport au niveau de 1990, et de porter à au moins 27 % la consommation d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de l’UE et d’atteindre un objectif d’efficacité énergétique s’élevant à 27 %.11

En France, on sait que les émissions ont connu une hausse entre 2014 et 2018 et que les énergies dites « renouvelables » ne sont pas assez mises en avant. Pourtant, on sait que les progrès actuels de la technologie et de l’innovation permettent un plus grand recours à l’énergie éolienne, solaire et à d’autres sources d’énergies renouvelables. Examinons quelques exemples d’innovations qui peuvent jouer un rôle positif dans cette volonté de contrer les limites écologiques liées à la croissance.

Les Graphiques 1.17a et b montrent notamment cette amélioration impressionnante de l’efficacité des cellules photovoltaïques au cours des dernières décennies, qui a entraîné une baisse du coût de la production d’électricité solaire.

Graphique 1.17a Coût de production de l’électricité (nouvelles installations) en utilisant des cellules photovoltaïques aux États-Unis (1976–2009).

Gregory F. Nemet. 2006. ‘Beyond the Learning Curve: Factors Influencing Cost Reductions in Photovoltaics.’ Energy Policy 34 (17) : pp. 3218–32; Béla J. Nagy, Doyne Farmer, Quan M. Bui, and Jessika E. Trancik. 2013. ‘Statistical Basis for Predicting Technological Progress.’ PLoS ONE 8 (2). Public Library of Science (PLoS).

Graphique 1.17b Coût de production de l’électricité dans de nouvelles installations aux États-Unis à partir de différentes sources énergétiques (2008–15).

Lazard. 2015. ‘Levelized Cost of Energy Analysis 9.0.’ Lazard.com. Mis à jour le 17 novembre 2015.

Aux États-Unis, de nombreuses technologies reposant sur les énergies renouvelables peuvent dorénavant concurrencer, en termes de coût total par unité d’électricité produite, la production d’énergie reposant sur les combustibles fossiles, sans recours aux subventions (Graphique 1.17b).

Cependant, comme la production d’énergie éolienne n’est possible que lorsque le vent souffle et que l’énergie solaire dépend du soleil, la production d’énergie renouvelable est moins fiable que celle réalisée à partir de combustibles fossiles. Cette dernière peut ainsi être préférée, bien que les coûts unitaires de l’énergie solaire soient plus faibles.

Exercice 1.13 Pour aller plus loin : la houle

Regardez la vidéo « Énergie renouvelable : la houle ». En vous appuyant sur ces infromations, répondez aux questions suivantes.

  1. Montrez que l’innovation présentée dans cette vidéo permet l’utilisation d’une nouvelle source d’énergie renouvelable.
  2. Montrez le rôle joué par l’État dans le processus d’innovation présenté dans la vidéo.

L’innovation peut favoriser l’apparition de nouvelles manières de produire plus respectueuses de l’environnement

Concept d’intensité énergétique

L’intensité énergétique est une mesure de l’efficacité énergétique d’une économie. C’est le rapport entre la consommation d’énergie et le PIB. Elle est généralement exprimée en tonnes équivalent pétrole (TEP) par million d’euros de PIB.

Exemples

Nous pouvons remarquer sur le Graphique 1.18 que la plupart des économies citées parviennent à réduire l’intensité énergétique en TEP par milliers de dollars de PIB produit, ce qui signifie qu’elles mettent en œuvre des techniques de production toujours plus efficaces. Autrement dit, la quantité d’énergie se réduit pour produire une quantité de richesses donnée.

Graphique 1.18 Intensité énergétique en tonnes équivalent pétrole (TEP) par milliers de dollars.

Banque mondiale, Sustainable Energy for All (base de données). Note : quantité d’énergie qu’il faut utiliser pour produire une quantité de richesses donnée. MJ/PIB en USD, PPA de 2011.

Cela démontre bien le fait que l’innovation permet de repousser les limites écologiques de la croissance économique. Par ailleurs, on peut supposer que certaines énergies utilisées sont non seulement plus efficaces mais également plus respectueuses de l’environnement.

De plus, il est intéressant de constater que les pays en développement ont bénéficié de transferts de technologie de la part des pays développés puisque leur maxima est plus faible. Leurs processus de production utilisent d’ores et déjà moins d’énergie que les systèmes productifs des pays développés des années passées.

On peut également étudier l’impact des politiques de dépollution mises en place dans certains pays pour mieux lutter contre les externalités négatives liées au changement climatique.

Plusieurs politiques sont possibles comme :

Afin de mieux comprendre comment les économistes comparent les différentes options en termes de politiques de réduction de la pollution, nous pouvons observer le coût estimé de la réduction des émissions de gaz à effet de serre à partir du Graphique 1.19a. Il montre la relation entre une dépollution potentielle et le coût de dépollution par tonne. Ces estimations ont été réalisées par le cabinet de conseil McKinsey.

Graphique 1.19a Coût de la réduction potentielle des gaz à effet de serre au niveau mondial en 2030 (par rapport au statu quo), selon différentes politiques publiques.

McKinsey & Company. 2013. Pathways to a Low-Carbon Economy: Version 2 of the Global Greenhouse Gas Abatement Cost Curve. McKinsey & Company.

Chaque barre représente un changement qui pourrait réduire les émissions de carbone. La hauteur représente le coût engendré par l’utilisation de cette technologie pour réduire les émissions de carbone, en euros par tonne d’émissions de CO₂ évitée. La largeur correspond à la réduction des émissions de CO₂, par rapport à leur niveau sans intervention. Ainsi, pour chaque méthode, une barre courte en hauteur signifie que la dépollution est importante pour chaque dollar dépensé. Une barre plus large signifie que la méthode choisie a un potentiel important en termes de réduction des émissions.

Nous pouvons remarquer que le coût de la réduction potentielle des gaz à effet de serre pris en compte dans le Graphique 1.19a est uniquement celui qu’induisent certaines politiques publiques. Mais il importe de considérer l’existence d’autres types de politiques publiques qui sont « gagnantes-gagnantes », comme l’isolation des logements anciens qui contribue à la réduction des émissions de carbone tout en permettant à leurs habitants de diminuer leurs dépenses énergétiques.

Dans le Graphique 1.19a, les politiques sont classées du plus faible coût par tonne de CO₂ évitée à gauche, au coût le plus élevé par tonne évitée à droite.

Selon cette échelle, réduire les émissions de carbone par des changements agricoles est la méthode la plus efficace, à l’exception des politiques du type « gagnant-gagnant ». Le nucléaire, l’éolien et le solaire photovoltaïque sont tous d’une efficacité modérée.

Au moment de la production de ces estimations, réadapter les centrales électriques utilisant le gaz pour la capture et le stockage du carbone était la politique la plus coûteuse par tonne de CO₂ évitée.

Les avancées scientifiques dans ce domaine sont importantes et de nouvelles technologies sont développées régulièrement. Par exemple, la diminution rapide des coûts de l’énergie solaire devrait encourager l’adoption de mesures de dépollution utilisant l’énergie solaire en les rendant moins onéreuses.

L’innovation peut favoriser la création de nouveaux produits plus respectueux de l’environnement (en termes de conception et de durée de vie du produit)

Nous pouvons évoquer, comme cela a été énoncé plus haut, l’existence de mesures présentant certaines opportunités de type « gagnant-gagnant ». Le Graphique 1.19b met en évidence que, lorsque le bénéfice monétaire d’une mesure est supérieur à son coût, les données se situent à gauche de l’axe des ordonnées ; en revanche, lorsque le bénéfice monétaire d’une mesure est inférieur à son coût, les données se situent à droite de l’axe des ordonnées.

Graphique 1.19b Courbe de réduction des gaz à effet de serre au niveau mondial : dépollution d’ici à 2030, par rapport au statu quo.

McKinsey & Company. 2013. ‘Pathways to a Low-Carbon Economy: Version 2 of the Global Greenhouse Gas Abatement Cost Curve.’ McKinsey & Company.

Les actions dont le différentiel bénéfice-coût apparaît à gauche de l’axe des ordonnées du Graphique 1.19b sont dites « gagnantes-gagnantes » : non seulement elles permettent de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre, mais en plus elles présentent également un bénéfice privé. Par exemple, le remplacement des ampoules à incandescence dans les habitations par des diodes électroluminescentes (LED), constituent une opportunité de type « gagnant-gagnant ». Il s’agit du programme présentant le plus d’économies de coûts, mais sa représentation sous forme de barre étroite signifie qu’il ne possède pas un grand potentiel de dépollution.

Des actions telles que l’introduction de véhicules économes en énergie, d’habitations et de bureaux mieux isolés et d’autres technologies dont la barre s’étend vers la gauche sont toutes des mesures présentant des économies de coûts.

Notons que si, entre aujourd’hui et 2030, nous n’adoptions que des mesures présentant des économies de coûts, nous atteindrions tout de même plus du quart du potentiel total de dépollution.

Regardez la vidéo « C’est quoi le bilan carbone ? ». En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

Quelle est la mission de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) présentée dans la vidéo ?

L’Ademe a pour but d’accompagner les entreprises à établir leur bilan carbone ou bilan de gaz à effet de serre (BEGES) et de leur proposer des outils et stratégies pour réduire leurs émissions. Sur son site Internet, l’Ademe indique aux entreprises que, pour réduire leurs émissions, il est essentiel d’identifier les sources de gaz à effet de serre le plus important liées à leurs activités. La première étape consiste en la réalisation de leur bilan de gaz à effet de serre : il s’agit d’une évaluation de la quantité de gaz à effet de serre émise (ou captée) dans l’atmosphère sur une année par les activités d’une organisation ou d’un territoire. Les émissions de l’entité sont ordonnées selon des catégories prédéfinies appelées « postes ». Ce classement permet d’identifier les postes d’émissions où la contrainte carbone est la plus forte. C’est sur ces postes que doivent porter les stratégies bas carbone de l’entité réalisant son bilan pour réduire ses émissions. Le Centre de ressources bilans GES mis en place par l’Ademe accompagne les différents acteurs dans la réalisation de leur bilan GES.

Comment l’entreprise East Balt France a-t-elle pu réduire ses émissions de CO₂ ?

Pour réduire ses émissions de GES, l’entreprise a mis en place un système de recyclage des fumées de son four utilisé pour cuire ses petits pains. À l’origine, ses fumées s’échappaient dans l’atmosphère. Elles sont désormais récupérées pour faire du chauffage ou du préchauffage d’eau utilisée dans l’entreprise pour son chauffage ou pour la mise à disposition des salariés dans les sanitaires, par exemple. L’entreprise a également remplacé 262 luminaires vapeur de mercure de 400 watts par 262 luminaires iodure métal de 250 watts sans perdre en luminosité.

Pourquoi les techniques mises en place peuvent-elles être qualifiées de « gagnantes-gagnantes » ?

Ici, on observe que l’entreprise a effectué des dépenses pour réduire ses émissions de GES, ce qui est bon pour la planète et l’environnement (bénéfice social) et, en même temps, elle rentabilise ses dépenses en économisant de l’énergie pour se chauffer ou s’éclairer. Elle rentabilise donc à long terme son investissement (bénéfice privé).

Qu’a permis de réaliser le bilan carbone pour l’entreprise Cemex Granulats ?

La mise en place de procédés de production plus écoresponsables a permis d’accroître le niveau de production de 60 % tout en réduisant les émissions de GES de 30 % par tonne de granulats produite. Là encore, on retrouve une stratégie « gagnante-gagnante ».

Pour aller plus loin : la technologie au service de l’environnement

Regardez la vidéo « CES : La technologie au service de l’environnement ».

En vous appuyant sur ces informations, répondez aux questions suivantes.

D’après la vidéo « CES : La technologie au service de l’environnement », comment l’innovation peut-elle être mise à disposition de l’environnement afin de reculer les limites écologiques ?

Le Consumer Electronics Show (CES) créé en 1967 est le plus grand salon consacré à l’innovation technologique et électronique grand public ; il se tient annuellement début janvier à Las Vegas, aux États-Unis. On voit ici que l’innovation a de plus en plus un rôle environnemental, comme en témoigne la poubelle du futur, inventée par une entreprise française. Cette dernière fait un tri intelligent et autonome d’assez grandes quantités en compactant plus de 200 bouteilles, 750 canettes et 500 gobelets, afin de faciliter le tri et le recyclage des déchets. Ce type d’innovation peut aider à limiter les effets négatifs engendrés par une production mondiale intensive.

D’après cette vidéo, quel est également l’avantage direct apporté par ces innovations pour les individus ?

Dans la vidéo, nous découvrons d’autres innovations, comme des capteurs ou des robots capables de mesurer la pollution de l’air ambiant. Même si ces dernières innovations n’ont pas une vocation purement écologique, elles permettent d’aider les individus à se prémunir des risques environnementaux et sanitaires liés aux externalités négatives engendrées par la croissance économique. De plus, le secteur de l’innovation se développe énormément et intervient dans un nombre croissant d’événements comme le CES. C’est donc une source d’emplois pour l’avenir.

Synthèse

Le processus d’innovation peut effectivement contribuer à reculer les limites écologiques provoquées par la croissance économique. Trois formes d’innovations peuvent être mobilisées dans ce domaine : la découverte et l’exploitation de nouvelles sources de matières premières renouvelables (éolien, solaire, énergie hydraulique, etc.), l’apparition de nouvelles manières de produire plus respectueuses de l’environnement et moins énergivores (baisse de l’intensité énergétique des méthodes de production) et, enfin, la création de nouveaux produits plus en adéquation avec la volonté de limiter les externalités négatives et la tragédie des biens communs.

1.6 Conclusion

La croissance économique désigne l’augmentation au cours d’une période donnée du PIB réel d’une économie. Lorsque l’augmentation du PIB réel est due dans une économie à l’accroissement des quantités de facteurs de production, on parle de croissance extensive. Le progrès technique est à l’origine d’un accroissement de l’efficacité des facteurs de production et donc d’un accroissement de la productivité globale des facteurs de production (PGF). Les innovations de procédés permettent d’accroître l’efficacité des facteurs de production et sont par conséquent source de croissance économique. Dans ce cas on parle de croissance intensive.

Dans ces travaux, l’économiste Robert Solow utilise l’expression « manne céleste » pour qualifier l’absence d’explications de l’origine du processus des innovations. D’autres économistes vont démontrer le fait qu’en définitive le processus de la croissance économique a un caractère endogène, explicable par le comportement des agents économiques, qui mobilisent des ressources pour atteindre un objectif de croissance auto-entretenue et cumulative.

Les institutions favorisent bien l’émergence d’innovations par le respect des droits de propriété et par la garantie des contrats associés aux échanges, ce qui permet de contribuer au processus de croissance économique.

Le progrès technique s’accompagne d’un processus de destruction créatrice. Les entreprises insuffisamment innovantes disparaissent alors que les entreprises innovantes prospèrent. De même, certains métiers et activités apparaissent tandis que d’autres cessent d’exister. Ainsi, les salariés peu qualifiés dont les métiers déclinent peuvent voir leurs salaires nominaux stagner, tandis que ceux dont les emplois disparaissent se retrouvent au chômage ce qui occasionne pour eux une perte de leur niveau de revenu. Dans le même temps, les salariés souvent qualifiés voire très qualifiés qui accèdent à de nouveaux emplois perçoivent des revenus salariaux élevés et connaissent des perspectives de carrière prometteuses.

Changement climatique global, perte de biodiversité, épuisement des ressources locales, ces externalités négatives sont le résultat à la fois de l’expansion de l’économie et de la manière dont celle-ci est organisée. Trois formes d’innovations peuvent être mobilisées dans ce domaine : la découverte et l’exploitation de nouvelles sources de matières premières renouvelables, l’apparition de nouvelles manières de produire plus respectueuses de l’environnement et moins et enfin la création de nouveaux produits plus en adéquation avec la volonté de limiter les externalités négatives et la tragédie des biens communs.

Concepts introduits dans le Chapitre 1

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

1.7 Références bibliographiques

  1. Insee. 2017. Pour comprendre… La croissance économique, Insee en bref. 

  2. Acemoglu, D., 2003. « Causes profondes de la pauvreté. » Finances & Développement, pp.27–30. Vancouver. 

  3. Rodrik, D. and Subramanian, A., 2003. « La primauté des institutions ». Finances & Développement, pp.31–34. 

  4. Schumpeter, J. A. and Fain, G., 1951. Capitalisme, socialisme et démocratie (pp. 168–193). Paris: Payot. 

  5. Schumpeter, J. A., 1935. Théorie de l’évolution économique

  6. Schumpeter, J. A. and Fain, G., 1951. Capitalisme, socialisme et démocratie (pp. 168–193). Paris: Payot. 

  7. Schumpeter, J. A. and Fain, G., 1951. Capitalisme, socialisme et démocratie (pp. 168–193). Paris: Payot. 

  8. Schumpeter, J. A. and Fain, G., 1951. Capitalisme, socialisme et démocratie (pp. 168–193). Paris. Payot. 

  9. Bouvier, G. and Pilarski, C., 2008. Soixante ans d’économie française : des mutations structurelles profondes

  10. Hardin, G., 1968. « The Tragedy of the Commons ». Science, 162(3859), pp.1243–1248. 

  11. https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/cadre-europeen-energie-climat