Ouvriers du bâtiment : États-Unis MCSN Rob Aylward/U.S. Navy.

Chapitre 3 Comment lutter contre le chômage ?

3.1 Sensibilisation

Doug Grey est un foreur qui manœuvrait des grues géantes dans les mines du Territoire du Nord en Australie.

Dans les années 1990, il a participé à la construction de la mine de zinc de la rivière MacArthur, l’une des plus grandes du monde, dans laquelle son fils Rob a trouvé son premier emploi. « J’ai fini par conduire des camions de transport de minerais, c’était une formidable opportunité », se souvient Rob.

marché du travail
Lieu de rencontre entre les offreurs de travail (les actifs occupés et les chômeurs) et les demandeurs de travail (les employeurs). La rencontre entre les offreurs et les demandeurs de travail permet la détermination du salaire réel. Voir également : population active.

À l’époque, il semblait que Rob était né au bon moment : il entrait sur le marché du travail alors que s’amorçait la hausse des prix mondiaux des ressources naturelles, tirés par la demande de l’économie chinoise en croissance rapide. Rob vécut en Thaïlande pendant un temps, dépensant peu. Il prenait l’avion pour se rendre à son travail à Borroloola (ville d’Australie).

À peu près au moment où Rob commença à travailler, Doug, son père, accepta un emploi à la mine de fer de Pilbara en Australie-Occidentale. Ce travail était payé près du double du revenu moyen d’un ménage australien de l’époque. Le père et le fils constituaient tous les deux une épargne considérable.

Illustration 3.1 L’installation de la mine Brockman 4 dans la région de Pilbara en Australie-Occidentale.

© 2010 Calistemon.

Mais, en 2015, la hausse du prix des ressources naturelles de 2011 n’était plus qu’un lointain souvenir et le prix des minerais et du zinc ne cessait de s’effondrer. Rob et ses camarades mineurs étaient inquiets. « Tout le monde avait conscience que la crise économique et le prix des matières premières étaient un problème. Nous avions cela dans un coin de nos têtes. »

À la fin de l’année 2015, Rob reçut la mauvaise nouvelle : « Deux jours après le début de mes vacances, le directeur général m’a appelé et a dit : “Merci pour votre travail, nous avons apprécié de travailler avec vous, mais nous devons vous licencier.” » Son père fut licencié lui aussi.

Conduire des camions de minerais est la passion de Rob et il espère toujours reprendre cette activité. Mais cela n’est pas près d’arriver, du moins pas à la mine de Pilbara où son père travaillait jadis. Confrontée à l’effondrement de la demande, la société d’extraction a réduit sa production et a également cherché à fortement réduire ses coûts. Dans cette optique, elle a remplacé le travail humain par des machines pour toutes les tâches pour lesquelles cela était possible. À Pilbara, il n’y a plus personne au volant des robots-camions géants de minerais qui sont désormais « conduits » par des étudiants à l’aide de joysticks depuis Perth, à 1 200 km de là.

Le sort économique de la famille Grey (son ascension et sa chute) est intimement lié au fonctionnement du marché du travail dans le secteur minier et dans celui du bâtiment de l’Australie-Occidentale et du Territoire du Nord. Le Graphique 3.1 montre que ce qu’elle a vécu est loin d’être un cas isolé.

salaire réel
Le salaire nominal divisé par l’indice des prix : il évalue le pouvoir d’achat, autrement dit la quantité de biens et services que le salaire permet d’acquérir. Le salaire réel correspond au salaire nominal déflaté. En cas d’inflation par exemple, pour que le salaire réel augmente, il faut que le salaire nominal augmente à un rythme supérieur à celui de l’inflation. Par exemple, si le salaire nominal d’un salarié est de 2 000 euros en 2018 et que ce même salarié perçoit 2 100 euros en 2019, alors son salaire nominal est relevé de 5 %, mais pas forcément son salaire réel, autrement dit le pouvoir d’achat de son salaire nominal. Si entre 2018 et 2019 les prix sont restés constants, alors à la fois le salaire nominal de ce salarié et son salaire réel se sont accrus de 5 %. Ce n’est pas le cas si les prix ont augmenté de 2 % : alors le salaire réel n’a augmenté que de 3 % environ. Si les prix ont été majorés de 8 %, alors le salaire réel du salarié a diminué de 3 % environ. Voir également : salaire nominal.
taux de chômage
Le nombre de personnes au chômage rapporté à la population active totale puis multiplié par 100. Pour l’Insee, le chômage représente l’ensemble des personnes de 15 ans et plus qui sont sans emploi et qui en recherchent un. Les chômeurs font partie de la population active, ce sont les actifs inoccupés. Pour calculer le taux de chômage, il convient de diviser le nombre de chômeurs par la population active totale. Voir également : population active, taux d’emploi.

Graphique 3.1 Salaire réel hebdomadaire des hommes en Australie-Occidentale (axe de gauche), prix mondial du minerai de fer et taux de chômage en Australie (axe de droite), 1989–2015.

Bureau australien des statistiques et Fonds monétaire international.

Revenus hebdomadaires

Le premier graphique représente l’évolution du salaire réel hebdomadaire des hommes en Australie-Occidentale ainsi que le prix mondial du minerai de fer. Le second graphique nous renseigne sur la relation entre l’évolution du salaire réel et le taux de chômage australien.

Bureau australien des statistiques et Fonds monétaire international.

La hausse des salaires ralentit, le chômage augmente

À la suite du pic du prix mondial du minerai de fer, la croissance des salaires réels a ralenti et le chômage a amorcé sa hausse.

Bureau australien des statistiques et Fonds monétaire international.

stock
Une quantité mesurée à un instant t. Voir également : flux.
chômage
Situation dans laquelle une personne qui a la capacité et la volonté de travailler n’a pas d’emploi mais cherche un emploi rémunéré et déclaré.

L’explosion du prix des minerais (Graphique 3.1) a rendu l’exploration minière extrêmement rentable, ce qui a généré une forte demande de main-d’œuvre et a finalement absorbé tout le stock de foreurs et de conducteurs de camion au chômage. Les compagnies minières n’avaient pas d’autre choix que de payer des salaires extraordinairement élevés, et tant que le boom de l’exploitation minière dura, les compagnies restèrent hautement rentables.

La baisse des prix des matières premières s’amorça à la mi-2011 et le chômage commença à s’élever. La bonne fortune de la famille Grey dura encore quatre ans.

Dans l’anecdote ci-dessus, quel a été l’impact de la crise économique sur l’emploi de Rob ?

L’anecdote ci-dessus nous présente une situation de crise économique due à la fin de la hausse du prix des ressources naturelles. En effet, il y a un effondrement de la demande et donc une chute des prix des matières premières. Les entreprises doivent baisser leurs prix. Afin d’éviter de vendre à perte, elles doivent réduire leurs coûts : le facteur travail fut le premier facteur de production touché, provoquant le licenciement des mineurs tels que Rob.

Quels facteurs sont présentés comme sources de chômage dans cette anecdote ?

Le ralentissement de la demande de minerais explique le moindre besoin en main-d’œuvre.

Dans cette anecdote, nous constatons que le progrès technique, la mécanisation et les nouvelles technologies peuvent être des causes de chômage. En effet, afin de réduire leurs coûts, les entreprises préfèrent remplacer le travail humain par des machines qui peuvent être plus productives. Dans l’exemple ci-dessus, les camions sont pilotés par des ordinateurs à distance grâce au progrès technique et non plus par des salariés comme Rob.

chômage
Situation dans laquelle une personne qui a la capacité et la volonté de travailler n’a pas d’emploi mais cherche un emploi rémunéré et déclaré.
sous-emploi
Le sous-emploi est la situation d’une personne qui travaille involontairement une durée inférieure à celle souhaitée (temps partiel subi, chômage technique, intempéries, par exemple).
taux de chômage
Le nombre de personnes au chômage rapporté à la population active totale puis multiplié par 100. Pour l’Insee, le chômage représente l’ensemble des personnes de 15 ans et plus qui sont sans emploi et qui en recherchent un. Les chômeurs font partie de la population active, ce sont les actifs inoccupés. Pour calculer le taux de chômage, il convient de diviser le nombre de chômeurs par la population active totale. Voir également : population active, taux d’emploi.
taux d’emploi
Le ratio du nombre de personnes en emploi sur la population en âge de travailler. Voir également : population en âge de travailler.
problèmes d’appariement
Difficultés d’adéquation de l’offre et de la demande de travail.
frictions
Délais structurellement nécessaires à la personne en recherche d’emploi pour trouver un emploi et à l’employeur pour pourvoir un poste.
inadéquations spatiales
Inadéquations entre la localisation des travailleurs en quête d’emploi et la localisation des emplois disponibles (dite aussi « geographical mismatch »).
inadéquations de qualifications
Inadéquations entre la qualification des individus et la qualification des emplois (dite aussi « skill mismatch »).
asymétries d’information
Situation dans laquelle l’un des échangistes, l’offreur ou le demandeur, dispose d’une information imparfaite. La transparence de l’information n’est pas assurée.
salaire d’efficience
Salaire supérieur au salaire d’équilibre, qui permet de surmonter les risques de sélection adverse et d’aléa moral du fait des asymétries d’information que subissent les employeurs.
chômage structurel
Chômage indépendant des fluctuations de l’activité économique, lié aux structures économiques qui rendent difficiles l’adéquation de l’offre et de la demande de travail.
institutions
Ensemble des règles, lois et coutumes sociales régissant l’interaction des individus dans la société.
salaire minimum
Salaire plancher en dessous duquel un employeur ne peut pas rémunérer un salarié.
règles de protection de l’emploi
Règles régissant les contrats de travail et les procédures d’embauche et de licenciement.
fluctuations de l’activité économique
Mouvements de ralentissement ou d’accélération du rythme de la croissance économique.
chômage conjoncturel
Chômage dû aux fluctuations de l’activité économique, elles-mêmes liées à des chocs d’offre ou de demande.
politique macroéconomique de soutien de la demande globale
Action des pouvoirs publics visant à soutenir le niveau de demande globale. La demande globale désigne la quantité de biens et services que les agents économiques souhaitent acquérir au niveau macroéconomique : elle se compose de la consommation, de l’investissement, de la variation des stocks (entrées en stocks - sorties de stocks) et des exportations.
politiques d’allègement du coût du travail
Ensemble des mesures ayant pour but de baisser le coût du travail.
politique de formation
Ensemble des dispositifs favorisant la formation initiale et la formation continue.
politiques de flexibilisation
Ensemble des mesures prises pour diminuer les rigidités du marché du travail et permettre aux entreprises de s’adapter rapidement aux fluctuations économiques tant au niveau du volume et de la qualité de l’emploi que des rémunérations.
rigidités du marché du travail
Remise en cause de l’équilibre entre l’offre et la demande du fait notamment de l’existence d’institutions visant à protéger l’emploi.
Objectifs d’apprentissage (programme) Plan du chapitre
Savoir définir le chômage et le sous-emploi et connaître les indicateurs de taux de chômage et de taux d’emploi. Section 3.2 : Comment définir le chômage, l’emploi et le sous-emploi et comment les mesurer ?
Comprendre que les problèmes d’appariement (frictions, inadéquations spatiales et de qualifications) et les asymétries d’information (salaire d’efficience) sont des sources de chômage structurel.
Comprendre les effets (positifs ou négatifs) des institutions sur le chômage structurel (notamment salaire minimum et règles de protection de l’emploi).
Comprendre les effets des fluctuations de l’activité économique sur le chômage conjoncturel.
Section 3.3 : Quelles peuvent être les différentes causes du chômage ?
Connaître les principales politiques mises en œuvre pour lutter contre le chômage : politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale, politiques d’allègement du coût du travail, politiques de formation et politiques de flexibilisation pour lutter contre les rigidités du marché du travail. Section 3.4 : Quelles sont les principales politiques qu’il est possible de mettre en œuvre pour lutter contre le chômage ?

Tableau 3.1 Objectifs d’apprentissage et plan du chapitre.

3.2 Comment définir le chômage, l’emploi et le sous-emploi et comment les mesurer ?

Comment distinguer l’emploi, le chômage et le sous-emploi ?

Exercice 3.1 Comment mesure-t-on le chômage ?

Regardez la vidéo « Comment mesure-t-on le chômage ? » de Dessine-moi l’éco. En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes :

  1. Quels sont les deux organismes qui mesurent le chômage en France ?
  2. Quels sont leurs critères pour comptabiliser le nombre de chômeurs ?
  3. Comment définiriez-vous le « sous-emploi » et le « halo du chômage » ?

Vous venez donc de découvrir qu’il existe deux organismes qui comptabilisent les chômeurs : l’Insee et Pôle emploi. Revoyons ensemble leurs critères.

L’Insee calcule le taux de chômage en effectuant une enquête trimestrielle auprès de 108 000 personnes de 15 ans ou plus. Il applique les critères du Bureau international du travail (BIT). Un chômeur est une personne en âge de travailler, de 15 ans ou plus, qui répond simultanément à trois conditions :

  1. Être sans emploi, c’est-à-dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence (c’est la semaine précédant l’enquête qui est choisie).
  2. Être disponible pour prendre un emploi dans les quinze jours.
  3. Avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Pôle emploi, organisme public, livre mensuellement le nombre des demandeurs d’emploi inscrits dans ses agences en fin de mois. Pour être considéré comme chômeur par Pôle emploi, il faut remplir certains critères : être une personne sans emploi durant le mois de référence (c’est le mois précédant l’enquête qui est choisi) et chercher activement un emploi ; avoir exercé une activité réduite courte (d’une durée inférieure ou égale à 78 heures durant le mois de référence) ou longue (d’une durée supérieure ou égale à 79 heures durant le mois de référence) et chercher activement un emploi. Pôle emploi collecte les chiffres des demandeurs inscrits dans ses agences en fin de mois, et les classe ensuite selon ses propres catégories : « A » pour les chômeurs n’ayant pas travaillé du tout, « B » et « C » pour des activités réduites (temps partiel). En général, on retient le chiffre de la seule catégorie A et pour la seule France métropolitaine. Une personne sans activité mais qui n’est pas ou plus inscrite à Pôle emploi n’est donc plus comptabilisée comme chômeuse. De même, un chômeur bénéficiant d’une formation reste inscrit, mais quitte la catégorie A pour intégrer une autre catégorie.

sous-emploi
Le sous-emploi est la situation d’une personne qui travaille involontairement une durée inférieure à celle souhaitée (temps partiel subi, chômage technique, intempéries, par exemple).

Selon l’Insee, le sous-emploi comprend les personnes actives occupées au sens du Bureau international du travail qui remplissent l’une des conditions suivantes :

chômage technique
Le chômage technique, appelé aussi chômage partiel, est une situation dans laquelle les salariés d’une entreprise subissent une baisse d’activité et travaillent une durée inférieure à la durée légale de travail du fait d’une réduction temporaire de l’activité. Les causes d’une mise au chômage technique doivent être conjoncturelles pour l’entreprise (restructuration de l’entreprise, perte de l’outil de production, conjoncture économique délicate…).

Le sous-emploi se mesure à l’aide de l’enquête Emploi.

La définition et la mesure du chômage sont donc complexes et extrêmement sensibles aux critères retenus. En effet, les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir. On peut ainsi prendre l’exemple d’un étudiant qui travaille quelques heures par semaine.

halo autour du chômage
Il est composé d’individus sans emploi comptabilisés comme inactifs. Ils ne sont pas considérés comme chômeurs au sens du BIT, mais leur situation s’en rapproche.

Le Bureau international du travail (BIT) a fourni une définition stricte du chômage, mais celle-ci ignore certaines interactions entre le chômage et l’emploi : les personnes qui travaillent occasionnellement ou sont en sous-emploi sont considérées comme actives occupées alors qu’elles sont aux frontières du chômage. Cette définition ne prend pas en compte également certaines interactions entre le chômage et l’inactivité : en effet, certaines personnes souhaitent travailler mais sont « classées » comme inactives, parce qu’elles ne sont pas disponibles dans les quinze jours pour travailler (par exemple, si elles suivent une formation, ont des problèmes de santé ou doivent s’occuper de leurs enfants et n’ont pas de mode de garde dans l’immédiat) ou parce qu’elles n’ont pas fait de démarche active de recherche d’emploi au cours des quatre dernières semaines. Ces personnes forment ce qu’on appelle un « halo » du chômage. Ce « halo » est calculé par l’Insee à partir de l’enquête Emploi.

Vous constatez que les chiffres peuvent varier selon les organismes, car ils utilisent des méthodologies et des catégories différentes. En effet, l’Insee se base sur les critères du BIT et effectue une enquête trimestrielle qui ne prend pas en compte les travailleurs en sous-emploi, ni les personnes qui ne correspondent pas aux critères de disponibilité (halo du chômage). Pôle emploi, quant à lui, distingue trois catégories. Sa première catégorie, la catégorie A, est proche de celle de l’Insee mais le critère de disponibilité sous 15 jours n’existe pas. Quant aux autres catégories B et C, elles considèrent le temps partiel d’en moyenne 78 heures, contrairement à l’Insee qui n’en tient pas compte. Ainsi, certains critères et catégories varient selon les organismes, expliquant les écarts dans la mesure du chômage. Par conséquent, la définition du chômage relève de conventions.

population active
Les personnes au sein de la population en âge de travailler qui exercent ou souhaiteraient exercer un emploi rémunéré. Elles sont soit en emploi (cela inclut les indépendants), soit au chômage. Voir également : taux de chômage, taux d’emploi, taux d’activité.

La population active est donc constituée d’une part des individus en emploi, les actifs occupés, et, d’autre part, des chômeurs.

Parmi les actifs occupés, on distingue les personnes qui travaillent une durée correspondant à leur souhait (temps plein ou temps partiel choisi) et le sous-emploi.

population inactive
Personnes dans la population en âge de travailler qui ne sont ni en emploi ni à la recherche active d’un emploi rémunéré.

La population inactive rassemble alors les individus qui n’occupent pas d’emploi et qui n’en recherchent pas, comme les personnes scolarisées, les retraités, les personnes au foyer ou celles victimes d’un handicap. Les personnes dans le halo du chômage font également partie des inactifs.

population en âge de travailler
Convention statistique qui, dans plusieurs pays, s’applique à toutes les personnes âgées de 15 à 64 ans.

L’Illustration 3.2 nous montre comment ces éléments s’articulent. La population en âge de travailler correspond à la population totale à laquelle on soustrait les enfants de moins de 15 ans et les personnes de plus de 64 ans. Elle se divise en deux parties : la population active et la population inactive.

Illustration 3.2 Décomposition de la population.

Le nombre d’individus sans emploi est une variable de stock, évaluée à un instant t. Elle varie d’un jour à l’autre, d’une année à l’autre, à mesure que certains chômeurs sont recrutés (ou abandonnent la recherche d’emploi), que d’autres personnes perdent leur emploi et que d’autres encore décident de chercher un emploi pour la première fois (les jeunes quittant l’école ou l’université, par exemple). Ceux qui sont sans emploi constituent le « stock » de chômeurs : ceux qui trouvent un emploi ou cessent d’en chercher un sortent du stock, et ceux qui perdent leur emploi y entrent.

flux
Grandeurs économiques mesurées au cours d’une période de temps donnée entre deux dates. Voir également : stock.

Le nombre de personnes obtenant et perdant un emploi est une variable de flux. Si au cours d’une année donnée davantage d’emplois sont créés que détruits (flux), l’emploi augmente (stock). Quand plus d’emplois ont été détruits que créés (flux), l’emploi baisse (stock).

Question 3.1 Choisissez la bonne réponse

Carine est professeur de SES. Elle travaille à temps complet dans un lycée de Lille. À quelle situation le cas de Carine correspond-il ?

  • Active occupée
  • Au chômage
  • Inactive
  • En sous-emploi
  • Elle occupe un emploi.
  • Elle est active occupée.
  • Elle est active occupée.
  • Elle travaille à temps complet.

Question 3.2 Choisissez la bonne réponse

Sara travaille à temps partiel dans un magasin et souhaiterait travailler à temps complet. À quelle situation le cas de Sara correspond-il ?

  • Au chômage
  • Inactive
  • En sous-emploi
  • Étudiante
  • Elle occupe un emploi.
  • Elle occupe un emploi.
  • Elle est à temps partiel et souhaiterait travailler davantage.
  • Elle est active.

Question 3.3 Choisissez la bonne réponse

Patrick vient de démissionner de son poste de travail. Il s’inscrit à Pôle emploi. À quelle situation le cas de Patrick correspond-il ?

  • Actif occupé
  • Au chômage
  • Inactif
  • En sous-emploi
  • Il n’a plus d’emploi.
  • Il cherche un emploi et est disponible pour travailler.
  • Il recherche un emploi.
  • Il recherche un emploi, car il n’exerce plus d’emploi.

Question 3.4 Choisissez la bonne réponse

Sami est en terminale ES au lycée de Brest. À quelle situation le cas de Sami correspond-il ?

  • Actif occupé
  • Chômage
  • Inactif
  • En sous-emploi
  • Il est inactif, car il n’exerce pas un emploi.
  • Il est inactif, car il ne recherche pas un emploi.
  • Il est inactif du fait de son statut de lycéen.
  • Il est inactif, car il n’exerce pas un emploi.

Comment mesurer l’emploi et le chômage ?

Il y a de nombreuses statistiques utiles pour évaluer les performances du marché du travail dans un pays donné et pour comparer les marchés du travail entre pays.

taux d’activité
Nombre d’actifs rapporté à la population en âge de travailler puis multiplié par 100. Voir également : population active, population en âge de travailler.

Le taux d’activité exprime la part de la population en âge de travailler qui est active. Il est calculé comme suit :

La statistique du marché du travail la plus couramment citée est le taux de chômage. Il mesure la part de la population active qui est au chômage. Il est calculé comme suit :

Le taux d’emploi donne la part de la population en âge de travailler qui a effectivement un emploi (qu’elle travaille de façon indépendante ou qu’elle soit salariée). Il est calculé comme suit :

Remarque : pour être exprimé en pourcentage (%), le résultat obtenu pour chacun de ces taux est multiplié par 100.

Question 3.5 Choisissez la bonne réponse

Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Taux d’activité = (nombre d’actifs occupés/population active)
  • Taux de chômage = chômeurs/population en âge de travailler
  • Taux d’emploi = (nombre d’actifs occupés/population en âge de travailler)
  • Taux d’emploi + taux de chômage = 1
  • Taux d’activité = (population active/population en âge de travailler)
  • Taux de chômage = (chômeurs/population active)
  • Taux d’emploi = (nombre d’actifs occupés/population en âge de travailler)
  • Leur somme ne vaut pas 1, car les dénominateurs sont différents. Taux de chômage = (chômeurs/population active), tandis que taux d’emploi = (actifs occupés/population en âge de travailler).

Les données du Tableau 3.2 donnent une vue d’ensemble des marchés du travail en Norvège et en Espagne entre 2000 et 2015.

Norvège Espagne
Nombre de personnes (en millions)
Population en âge de travailler 3,5 37,6
Population active 2,5 21,6
Population inactive 1,0 16,0
Population ayant un emploi 2,4 18,1
Chômeurs 0,1 3,5

Tableau 3.2 Statistiques du marché du travail pour la Norvège et l’Espagne (moyennes entre 2000 et 2015).

Organisation internationale du travail. 2015. Base de données ILOSTAT.

Question 3.6 Complétez le texte

  1. Le taux d’activité en Norvège est de . Le taux d’activité en Espagne est de .
  2. Le taux d’emploi en Norvège est de . Le taux d’emploi en Espagne est de .
  3. Le taux de chômage en Norvège est de . Le taux de chômage en Espagne est de  .

3.3 Quelles peuvent être les différentes causes du chômage ?

Introduction : distinction entre chômage structurel et chômage conjoncturel

Regardez la vidéo « Y a-t-il un remède au chômage ? » de Dessine-moi l’éco. En vous appuyant sur la vidéo, répondez aux questions suivantes.

Qu’est-ce qui différencie le chômage conjoncturel du chômage structurel ?

Dans cette vidéo, deux types de chômage sont mentionnés. En effet, il y a tout d’abord le chômage conjoncturel dû au ralentissement de l’activité économique provoquant une réduction des besoins en main-d’œuvre dans l’économie. Le chômage structurel, quant à lui, est lié aux structures économiques qui rendent difficile l’adéquation entre l’offre et la demande de travail.

Quelles sont les causes du chômage structurel en France ?

Les causes principales du chômage structurel seraient le manque de flexibilité du marché du travail et l’inadéquation des qualifications aux besoins des entreprises. En effet, les procédures d’embauche et de licenciement seraient trop rigides et dissuaderaient les employeurs d’engager du personnel. Concernant l’inadéquation des qualifications, il existe en France, malgré un taux de chômage élevé, des emplois non pourvus dans certains secteurs en raison du manque de salariés dotés des qualifications adaptées.

Quelles sont les causes du chômage structurel ?

Pourquoi les problèmes d’appariement sont-ils une source de chômage structurel ?

L’économiste et homme politique anglais Lord William Beveridge (1879–1963) a mis en évidence une relation simple entre le niveau du chômage (le nombre d’actifs à la recherche d’un emploi) et le taux d’emplois vacants (le nombre d’emplois disponibles), tous deux exprimés en pourcentage de la population active. Il avait remarqué que lorsque le chômage était élevé, le taux d’emplois vacants était faible ; lorsque le chômage était faible, le taux d’emplois vacants était élevé. Autrement dit, le taux de chômage et le taux d’emplois vacants sont liés par une corrélation négative.

courbe de Beveridge
La relation inverse entre le taux de chômage et le taux d’emplois vacants (tous deux exprimés en proportion de la population active). Elle tient son nom de l’économiste britannique du même nom.

Les économistes ont nommé la relation décroissante entre le taux d’emplois vacants et le taux de chômage la courbe de Beveridge en son honneur.

Tentons de comprendre cette corrélation et la courbe de Beveridge.

Graphique 3.2 Courbe de Beveridge (données en pourcentage de la population active).

demande globale
Selon l’Insee, en économie ouverte, la demande globale se compose des consommations intermédiaires, des dépenses de consommation effective des ménages, de consommation collective des administrations publiques, de la formation brute de capital fixe, des exportations ainsi que des variations de stocks.
problèmes d’appariement
Difficultés d’adéquation de l’offre et de la demande de travail.

Les variations de la demande globale et le rythme de croissance économique (conjoncture favorable ou défavorable) déterminent les variations du taux de chômage et du taux d’emplois vacants. En période de croissance économique (point A), les créations d’emplois sont supérieures aux destructions d’emplois ; par conséquent, le taux d’emplois vacants augmente et le taux de chômage baisse. À l’inverse, en période de récession (point B), les destructions d’emplois l’emportent sur les créations d’emplois : le taux d’emplois vacants baisse et le taux de chômage augmente. Le déplacement sur la courbe traduit donc le passage d’une conjoncture économique favorable à une conjoncture défavorable.

Il existe un point sur la courbe (point C qui se situe à l’intersection de la courbe et de la bissectrice) où le taux de chômage est juste égal au taux d’emplois vacants. En ce point, c’est uniquement un problème d’appariement (d’adéquation) entre la demande de travail exprimée par les employeurs et l’offre de travail exprimée par les chômeurs qui explique le taux de chômage : les employeurs ne trouvent pas de salariés qui leur conviennent ou, à l’inverse, les postes proposés ne trouvent pas grâce auprès des chômeurs.

La position de la courbe est révélatrice de l’importance des problèmes d’appariement. Sur la courbe 2, au point D, il y a à la fois un taux d’emplois vacants et un taux de chômage plus élevé qu’au point C : l’appariement se dégrade. Plus la courbe de Beveridge est proche de l’origine des axes, moins le problème d’appariement est important ; plus la courbe de Beveridge est éloignée de l’origine des axes, plus l’appariement entre l’offre et la demande de travail se fait mal. Une courbe de Beveridge très éloignée de l’origine des axes traduit une combinaison de chômage élevé et d’emplois vacants en grand nombre et est un indicateur de l’inefficacité du processus d’appariement sur le marché du travail.

Le Graphique 3.3 présente deux exemples de courbes de Beveridge, avec des données relatives à l’Allemagne et aux États-Unis. Chaque point représente un trimestre, du premier trimestre (T1) de 2001 au deuxième trimestre (T2) de 2015.

Graphique 3.3 Courbes de Beveridge pour les États-Unis et l’Allemagne (T1 2001– T2 2015) (données en pourcentage de la population active).

OECD Employment Outlook and OECD Labour Force Statistics: OECD. 2015. OECD Statistics.

Question 3.7 Complétez le texte

Aux États-Unis, du 1er trimestre 2001 au 3e trimestre 2009, la conjoncture économique  : au 3e trimestre 2009, le taux de chômage est qu’au 1er trimestre 2001 et le taux d’emplois vacants est car il y a de destructions d’emplois que de créations d’emplois. En revanche, du 4e trimestre 2009 au 2e trimestre 2015, la conjoncture économique . Pour autant, l’appariement entre l’offre et la demande de travail car la courbe de Beveridge est éloignée de l’origine des axes.

En Allemagne, de 2009 à 2015, l’appariement entre l’offre et la demande de travail est qu’aux États-Unis, car la courbe de Beveridge est proche de l’origine des axes : le marché du travail en Allemagne semble donc être efficace pour apparier les chômeurs et les emplois des entreprises cherchant à recruter.

Sur la période de 2009 à 2015 en Allemagne, l’appariement entre l’offre et la demande de travail est que sur la période 2001-2005.

Comment se peut-il que nous observions des problèmes d’appariement sur le marché du travail, c’est-à-dire que coexistent simultanément des emplois vacants non pourvus et des chômeurs à la recherche d’un emploi ? Telle est la question à laquelle la théorie du matching ou les modèles d’appariement tentent d’apporter une réponse.

Sur un marché concurrentiel comme celui d’une matière première, le bien ou service est homogène, autrement dit les produits qui s’échangent sur un même marché ont tous les mêmes caractéristiques ; il n’y a notamment pas de différence de qualité. Dès lors, il importe peu aux demandeurs de savoir qui a produit ce qu’ils achètent. De la même manière, les offreurs ne se soucient pas de savoir qui va acheter, du moment que quelqu’un achète. Seul le prix joue alors le rôle d’ajustement instantané entre l’offre et la demande.

Or, sur certains marchés d’appariement (dits aussi bifaces ou relationnels), les échangistes sont également attentifs aux caractéristiques de la personne avec laquelle ils sont susceptibles d’être appariés. Dans notre vidéo « Les marchés d’appariement », Alvin Roth, un économiste spécialiste de la manière dont les marchés sont organisés (et qui a obtenu le prix Nobel pour son travail sur le sujet en 2012), explique comment les marchés d’appariement fonctionnent.1 2

Exercice 3.2 Comprendre que le marché du travail est un marché d’appariement

Regardez la première minute de la vidéo « Les marchés d’appariement » d’Alvin Roth. En vous appuyant sur la vidéo, répondez aux questions suivantes :

  1. Pourquoi le marché du travail est-il un marché d’appariement ?
  2. Quels sont les facteurs qui pourraient dissuader Google d’embaucher un chômeur qui a choisi d’y travailler ?

La persistance d’emplois non pourvus est un signe d’imperfections du marché du travail qui peuvent s’expliquer de trois manières :

inadéquations de qualifications
Inadéquations entre la qualification des individus et la qualification des emplois (dite aussi « skill mismatch »).
  1. Des inadéquations de qualifications : il s’agit d’une inadéquation entre les compétences requises par les employeurs et celles des individus à la recherche d’un emploi. La qualification est en effet un rapport social complexe, dont l’enjeu est d’obtenir l’adéquation la plus parfaite entre la qualification de l’individu et celle de l’emploi.

Illustration 3.3 Inadéquations de qualifications.

Par exemple, un poseur de lignes téléphoniques dont l’emploi a été récemment supprimé ne dispose pas nécessairement des compétences nécessaires pour occuper les postes vacants du service d’assistance téléphonique d’un fournisseur d’accès Internet.

inadéquations spatiales
Inadéquations entre la localisation des travailleurs en quête d’emploi et la localisation des emplois disponibles (dite aussi « geographical mismatch »).
frictions
Délais structurellement nécessaires à la personne en recherche d’emploi pour trouver un emploi et à l’employeur pour pourvoir un poste.
  1. Des inadéquations spatiales: il se peut également que les individus à la recherche d’un emploi et les postes vacants soient situés dans des régions différentes. La mobilité géographique implique des coûts qui peuvent être dissuasifs : coût financier lié au déménagement, coût relationnel lié à la rupture des liens avec la famille, les proches, les amis.
  2. Les personnes à la recherche d’un emploi ou les employeurs peuvent ne pas disposer des informations adéquates : ce manque de transparence de l’information occasionne des frictions sur le marché du travail, mises en évidence par les modèles de job search, nés de l’article fondateur de George Stigler (1962), économiste américain (1911-1991), prix Nobel en 1982.

L’individu en quête d’un emploi ne dispose pas d’une information parfaite (postes disponibles, salaires et conditions de travail) et subit des coûts liés à la recherche d’information : des coûts directs (se rendre à un entretien d’embauche, achat de journaux, frais de communication) et des coûts d’opportunité (coûts de renoncement par rapport au temps consacré à l’activité de recherche). Le chômage s’apparente à une activité rationnelle de prospection (recherche) : l’individu à la recherche d’un emploi prolonge sa recherche tant que le coût marginal d’un jour de recherche supplémentaire (frais liés à la recherche d’emploi, perte journalière du salaire que l’individu aurait perçu en acceptant le premier emploi venu) est inférieur au bénéfice marginal d’un jour de recherche supplémentaire (bénéfice lié à la possibilité de trouver un emploi mieux rémunéré, cette possibilité baissant à mesure que le temps de prospection augmente). Le chômage de prospection est donc volontaire et se prolonge d’autant plus que l’indemnisation chômage est durable et généreuse : l’individu est incité à rester au chômage tant que le salaire proposé n’est pas supérieur ou égal au salaire de réservation (salaire minimum en dessous duquel l’individu refuse de travailler).

Du côté des employeurs, des coûts de recherche d’un salarié pour occuper un poste vacant sont également engagés : lorsque la durée de recherche s’allonge, l’employeur augmente progressivement le salaire proposé aux candidats à l’embauche.

Du fait du manque de transparence de l’information, des délais sont structurellement nécessaires pour qu’il y ait une adéquation (job matching) entre les caractéristiques des individus à la recherche d’un emploi et les caractéristiques des postes vacants.

Les problèmes d’appariement sont à l’origine d’un chômage structurel : l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail n’est pas liée aux fluctuations de l’activité économique, mais s’explique par des frictions et des inadéquations spatiales et de qualification.

Nous avons vu que le fonctionnement du marché allemand est devenu plus efficace à partir de 2009. Comment peut-on expliquer cette amélioration ? Il semble que de nouvelles mesures pour l’emploi, appelées les réformes Hartz, aient porté leurs fruits. Promulguées entre 2003 et 2005, ces réformes ont fourni aux chômeurs un meilleur accompagnement en vue de trouver un emploi et ont introduit davantage de dégressivité (réduction) dans le montant des allocations chômage perçues, de façon à donner aux chômeurs de plus fortes incitations à chercher un emploi.3 Le meilleur appariement entre l’offre et la demande de travail s’explique donc par de moindres frictions sur le marché du travail et un raccourcissement du délai nécessaire au job matching.

À l’inverse, le marché du travail américain est devenu moins efficace dans le processus d’appariement entre les emplois vacants et les individus à la recherche d’un emploi. Pourquoi la courbe de Beveridge s’est-elle déplacée ?

Pourquoi les asymétries d’information sont-elles une source de chômage structurel ?

asymétries d’information
Situation dans laquelle l’un des échangistes, l’offreur ou le demandeur, dispose d’une information imparfaite. La transparence de l’information n’est pas assurée.

Nous avons étudié au Chapitre « Quelles sont les principales défaillances du marché ? » (Première) les asymétries d’information appliquées aux marchés de voitures d’occasion et de l’assurance. Vous allez découvrir dans cet exercice ce que sont les asymétries d’information sur le marché du travail.

Question 3.8 Choisissez la bonne réponse

Lors d’une procédure d’embauche, l’agent qui subit l’asymétrie d’information est :

  • L’offreur de travail.
  • Le demandeur de travail.
  • Ni l’offreur ni le demandeur de travail.
  • Les salariés déjà présents dans l’entreprise.
  • L’offreur de travail connaît ses compétences et ses caractéristiques productives.
  • L’employeur ne connaît pas les compétences d’un candidat à l’embauche.
  • L’employeur subit une asymétrie d’information.
  • Les salariés présents dans l’entreprise ne sont pas impliqués dans la procédure d’embauche.

Question 3.9 Choisissez la bonne réponse

Ex ante, avant la signature du contrat de travail, l’asymétrie d’information porte sur :

  • Une caractéristique cachée du candidat à l’embauche.
  • Une action cachée du salarié embauché.
  • Une caractéristique cachée de l’employeur.
  • Une action cachée de l’employeur.
  • L’employeur ne connaît pas le niveau de productivité du candidat à l’embauche.
  • Le salarié n’est pas encore embauché.
  • C’est l’employeur qui ne connaît pas les caractéristiques productives du candidat à l’embauche.
  • C’est l’employeur qui ne sait pas comment son salarié se comportera une fois embauché.

Question 3.10 Choisissez la bonne réponse

Ex post, après la signature du contrat de travail, l’asymétrie d’information porte sur :

  • Une caractéristique cachée du salarié.
  • Une action cachée du salarié.
  • Une caractéristique cachée de l’employeur.
  • Une action cachée de l’employeur.
  • L’employeur connaît désormais le niveau de productivité de son salarié.
  • L’employeur n’est pas en mesure d’observer et de contrôler les efforts fournis par le salarié. Le sachant, celui-ci peut être tenté de « tirer au flanc », de ne pas fournir tous les efforts attendus.
  • C’est l’employeur qui ne connaît pas les caractéristiques productives du candidat à l’embauche ex ante, avant la signature du contrat de travail.
  • C’est l’employeur qui ne peut pas observer et contrôler parfaitement les efforts fournis par ses salariés.
Les asymétries d’information et le risque de sélection adverse ex ante (avant la signature du contrat de travail)

Ex ante, lors de la procédure d’embauche et avant la signature du contrat de travail, l’employeur peut adopter un comportement contraire à ses intérêts.

Exercice 3.3 Les asymétries d’information et le risque de sélection adverse ex ante

Prenons l’exemple fictif de M. Pic, qui envisage de recruter un salarié pour son service informatique.

  • Ne connaissant pas le niveau de productivité des candidats qui se présentent à l’embauche, il propose un niveau de salaire correspondant à la productivité moyenne, soit 25 euros de l’heure.
  • Les individus à la recherche d’un emploi, de leur côté, se fixent un salaire de réservation (un salaire plancher, autrement dit un salaire minimum en dessous duquel ils refusent d’accepter un emploi) qui dépend de ce qu’ils savent être leur niveau de productivité : le salaire de réservation est donc une fonction croissante du niveau de productivité des candidats à l’embauche.
  • Trois candidats seraient potentiellement intéressés par le poste pour lequel M. Pic cherche à recruter :
Données en €/heure Maria Bakary Paul
Salaire de réservation et niveau de productivité 30 20 15
  1. Quels candidats le poste proposé par M. Pic va-t-il attirer ?
  2. Pourquoi le fait de fixer un salaire correspondant à une productivité moyenne se retourne-t-il contre les intérêts de M. Pic ?

Question 3.11 Complétez le texte

Lorsque l’asymétrie d’information porte sur une ex ante, l’agent non informé, sur le marché du travail, autrement dit , n’est pas confiant et propose un salaire correspondant à la productivité des salariés.

Le salaire proposé par l’employeur est trop pour les individus productifs, ce qui les conduit à se retirer du marché du travail. Pour transposer l’expression couramment utilisée sur le marché des biens et services, selon laquelle « les mauvais produits chassent les bons », « les individus productifs “chassent” productifs ».

Un phénomène de sélection adverse apparaît : en proposant un tel salaire, l’employeur sélectionne (sélection) les individus productifs ; le comportement de l’employeur se retourne contre son propre intérêt (adverse).

Les asymétries d’information et le risque d’aléa moral ex post (après la signature du contrat de travail)
aléa moral
Toute situation dans laquelle un agent économique protégé d’un risque agit différemment que s’il avait à subir les effets du risque qu’il prend. Ainsi, une banque systémique prend des risques excessifs, car elle sait que l’État viendra à son secours en cas de difficulté : c’est un aléa moral.

Récemment, Amazon a déposé le brevet du bracelet ultrasonique et envisage d’en équiper les salariés dans ses entrepôts partout dans le monde : Amazon présente ce bracelet comme un moyen de contrôler que ses salariés effectuent les bons gestes et se saisissent des bons colis lorsqu’ils préparent une commande. Mais ce peut être aussi le moyen de surmonter le risque d’aléa moral que subit tout employeur.

En effet, une fois que l’embauche d’un salarié a été effectuée, l’employeur n’est pas en mesure d’observer et de contrôler parfaitement les efforts de ses salariés : le sachant, ceux-ci peuvent en profiter pour adopter un comportement opportuniste, en « tirant au flanc », en ne fournissant pas tous les efforts attendus. L’employeur subit alors une situation d’aléa moral.

Le salaire d’efficience : une réponse aux risques de sélection adverse et d’aléa moral

En réponse aux problèmes posés par les asymétries d’information, la partie non informée, l’employeur, peut tenter d’obtenir l’information privée du candidat à l’embauche ou du salarié.

Mais ces procédures sont coûteuses et l’employeur n’a pas la garantie de surmonter totalement l’asymétrie d’information.

L’incitation est donc plus efficace, sous deux formes :

salaire d’efficience
Salaire supérieur au salaire d’équilibre, qui permet de surmonter les risques de sélection adverse et d’aléa moral du fait des asymétries d’information que subissent les employeurs.
salaire d’équilibre
Salaire qui résulte de la confrontation de l’offre et de la demande sur le marché du travail. Il est tel que l’offre de travail est égale à la demande de travail.
  1. Une rémunération liée essentiellement aux performances permet de n’attirer que des candidats se sachant productifs et garantit qu’ils le seront une fois embauchés.
  2. Selon les théories du salaire d’efficience, les entreprises ont intérêt à verser un salaire élevé (indépendant des performances), supérieur au salaire d’équilibre du marché du travail, car la productivité ou l’efficience des salariés est liée à leur salaire. Un tel salaire d’efficience présente en effet plusieurs intérêts.

Il permet de surmonter le risque de sélection adverse. Seuls les salariés les plus productifs, dont le salaire de réservation est élevé, se portent candidats à l’embauche ; les candidats les moins productifs renoncent d’eux-mêmes à postuler, car ils savent soit qu’ils ne seront pas embauchés, soit qu’ils seront licenciés rapidement.

Il limite les risques d’aléa moral.

C’est ce que nous allons comprendre en nous appuyant sur l’exemple célèbre de l’entreprise Ford. En janvier 1914, Henry Ford, propriétaire de la Ford Motor Company qui construisait la Ford T, la voiture la plus populaire de l’époque, prit une décision a priori surprenante : alors que les ouvriers gagnaient en moyenne 2,34 dollars de l’heure pour une journée de travail de 9 heures, il augmenta les salaires à 5 dollars par journée de travail de 8 heures (« 5 $ a day »). Quelles pouvaient être les motivations d’Henry Ford de prendre une telle décision, qui représentait près de la moitié de ses profits ?

Les raisons exactes de cette décision ne sont pas tout à fait précises, mais nous savons qu’elle est au moins en partie due à l’inquiétude suscitée à l’époque par la démotivation des salariés, mécontents de leurs conditions de travail : ils changeaient par conséquent fréquemment d’emploi ; les employeurs, de leur côté, étaient conduits à licencier les salariés trop peu productifs.

taux de rotation ou de turn over
La moyenne des taux d’entrée et de sortie, soit [(nombre de recrutements + nombre de départs volontaires)/nombre de salariés en moyenne sur la période]/2. En 1913, le taux de rotation de la main-d’œuvre était de 370% : pour un effectif moyen de 100 salariés, 370 salariés ont été recrutés ou ont quitté volontairement l’entreprise.
taux de licenciement
Part des licenciements dans les effectifs salariés.

Le Graphique 3.4 présente les conséquences de la politique salariale menée par Henry Ford sur le taux de rotation ou de turn over de la main-d’œuvre et le taux de licenciement annuels dans l’entreprise Ford aux États-Unis.

Graphique 3.4 Taux de rotation et de licenciement annuels dans l’entreprise Ford, 1913-15 (en pourcentage).

D.M.G. Raff et L.H. Summers, “Did Henry Ford pay efficiency Wages ?”, NBER Working Paper, 1986

Question 3.12 Choisissez les bonnes réponses

La rotation de la main-d’œuvre et les licenciements :

  • N’occasionnent aucun coût pour l’entreprise.
  • Occasionnent des coûts pour l’entreprise.
  • Contribuent au ralentissement de la productivité.
  • Présentent obligatoirement des effets vertueux pour l’entreprise.
  • La rotation de la main-d’œuvre occasionne des coûts de recrutement et de licenciement, entre autres.
  • La rotation de la main-d’œuvre occasionne des coûts de recrutement, publicité, sélection, négociation, formation, licenciement.
  • Les salariés nouvellement embauchés ne sont pas aussi expérimentés que les salariés qui quittent l’entreprise ou qui sont licenciés.
  • Ils peuvent parfois induire une diminution de la productivité, voire de la production et des profits de l’entreprise.

Question 3.13 Choisissez les bonnes réponses

De 1913 à 1915, le taux de rotation de la main-d’œuvre a :

  • Été divisé par 23,1.
  • Baissé de 354 %.
  • Été multiplié par 23,1 de 1915 à 1913.
  • Baissé de 95,7 %.
  • 370/23,1= 16.
  • Il a baissé de 354 points.
  • Une évolution se calcule d’une date initiale à une date finale.
  • [(16 - 370)/370] x 100 = -95,7.

Question 3.14 Choisissez les bonnes réponses

La hausse des salaires dans l’entreprise Ford :

  • Incite les salariés à ne pas « tirer au flanc ».
  • N’a aucun effet sur les salariés.
  • Démotive les salariés.
  • Motive les salariés qui, par reconnaissance envers l’employeur, sont plus productifs.
  • Les salariés dont le salaire a plus que doublé ont intérêt à fournir les efforts attendus.
  • Une hausse de salaire a un effet incitatif sur les salariés.
  • Elle devrait au contraire les motiver.
  • Il s’agit d’une logique de don (salaire élevé)/contre-don (loyauté envers l’entreprise).

Question 3.15 Choisissez les bonnes réponses

La diminution tendancielle du nombre de licenciements s’explique par :

  • Les efforts des salariés en poste qui craignent de perdre leur emploi.
  • La réduction, à effectif constant, du taux de rotation du personnel.
  • La hausse de la productivité des salariés.
  • Une désincitation des salariés à être loyaux envers leur employeur.
  • Ils risqueraient, en cas de licenciement, de perdre un salaire élevé et de ne retrouver qu’un emploi moins bien rémunéré.
  • Le taux de rotation du personnel est dû aux recrutements et aux départs volontaires des salariés, et non aux licenciements.
  • Les salariés étant moins « tire-au-flanc » et plus productifs, l’entreprise recourt moins aux licenciements.
  • Il s’agit d’une forme de don (salaire élevé)/contre-don (loyauté des salariés).

Ex post, le salaire d’efficience présente ainsi les avantages :

Dans ce cas, contrairement à la thèse néoclassique que nous aborderons dans le point suivant, ce n’est donc pas la hausse de la productivité qui permet la hausse des salaires : ce sont des salaires élevés qui entraînent une hausse de la productivité.

Il n’est alors pas nécessaire d’exercer un contrôle étroit des travailleurs, ce qui compense l’élévation du coût salarial liée au versement du salaire d’efficience.

Le salaire d’efficience : une source de chômage structurel

Cependant, si le salaire d’efficience présente l’avantage, pour l’employeur, de surmonter les effets pervers des asymétries d’information, il comporte aussi un inconvénient au niveau macroéconomique : tous les employeurs, rationnellement, ont intérêt à fixer un tel salaire d’efficience supérieur au salaire d’équilibre du marché. Un chômage structurel (durable) persiste donc sur le marché du travail.

Graphique 3.5 Effet du salaire d’efficience sur le marché du travail.

Pour comprendre le Graphique 3.5 :

Du fait de l’instauration d’un salaire d’efficience supérieur au salaire d’équilibre, l’offre de travail reste durablement supérieure à la demande de travail et les travailleurs dont la productivité marginale est inférieure au salaire d’efficience ne sont pas embauchés.

rigidités du marché du travail
Remise en cause de l’équilibre entre l’offre et la demande du fait notamment de l’existence d’institutions visant à protéger l’emploi.

Ce chômage structurel est involontaire, car les chômeurs ne refusent pas de travailler pour un niveau de salaire réel jugé trop faible. Ils sont au chômage car leur productivité marginale est trop faible. On retrouve l’argumentation libérale selon laquelle le chômage est dû à un niveau de salaire excessif ; cependant, ce ne sont pas les syndicats ou l’État qui créent des rigidités, mais les entreprises elles-mêmes, quand elles instaurent un salaire d’efficience.

Quels sont les effets des institutions sur le chômage structurel ?

institutions
Ensemble des règles, lois et coutumes sociales régissant l’interaction des individus dans la société.

Le chômage est un sujet de préoccupation essentiel pour les électeurs et les décideurs politiques qui les représentent. Nous allons donc maintenant nous intéresser à la manière dont les institutions peuvent agir sur le chômage structurel.

Comme nous l’avons vu avec le Graphique 3.5, en l’absence d’institutions, le marché du travail s’autorégule et revient spontanément à l’équilibre selon la théorie néoclassique et le courant libéral : ces derniers revendiquent donc de « laisser faire » le marché du travail. On peut toutefois s’interroger sur les effets des institutions sur le chômage structurel : n’ont-elles que des effets négatifs sur celui-ci ?

Les effets positifs et négatifs du salaire minimum sur le chômage structurel
salaire minimum
Salaire plancher en dessous duquel un employeur ne peut pas rémunérer un salarié.

Le salaire minimum est l’une des institutions que mettent en place les pouvoirs publics sur le marché du travail.

La vidéo « Débat - Quels effets d’un salaire minimum à 15$ ? » expose les effets de la hausse du salaire minimum dans certains États et villes des États-Unis, et les débats qui s’en sont ensuivis en Europe. Visionnez attentivement cette vidéo, prenez des notes, puis choisissez les bonnes réponses.

Question 3.16 Choisissez les bonnes réponses

Le niveau du salaire minimum américain  :

  • A été augmenté de 7,25 dollars par heure à 10 dollars par heure.
  • A été augmenté dans l’État de New York et en Californie.
  • A été augmenté sur décision du président Obama.
  • A plus que doublé dans certains États.
  • Il a été augmenté de 7,25 dollars par heure à 15 dollars par heure.
  • Il n’a pas été augmenté au niveau fédéral.
  • C’est sous la pression de mouvements sociaux que le salaire minimum a été augmenté dans certains États.
  • Il a été multiplié par (15/7,25) = 2,1.

Question 3.17 Choisissez les bonnes réponses

Pour évaluer les effets économiques du salaire minimum, il faut tenir compte :

  • Du salaire net pour le travailleur.
  • Du niveau des dépenses publiques.
  • Du coût du travail pour l’employeur.
  • Du niveau des autres salaires.
  • C’est la valeur nette du salaire et non sa valeur brute qui détermine la capacité à consommer.
  • La hausse du salaire minimum n’a pas d’effet sur les dépenses publiques, car ce sont les employeurs qui en supportent le coût.
  • Un employeur se base sur le coût du travail pour décider d’embaucher un salarié ou non.
  • Les effets économiques du salaire minimum sont indépendants du niveau des autres salaires.

Question 3.18 Choisissez les bonnes réponses

Pour les salariés, la hausse du salaire minimum a des effets positifs car :

  • Ils paient moins d’impôts.
  • Elle permet de limiter les inégalités et la pauvreté.
  • Elle provoque une baisse des prix.
  • Elle élève le pouvoir d’achat des salariés.
  • La hausse du salaire minimum devrait au contraire conduire à une hausse de l’impôt payé sur le revenu.
  • Les écarts se réduisent entre les salariés rémunérés au salaire minimum et les autres salariés.
  • Les prix auraient plutôt tendance à augmenter, car les employeurs compensent ainsi la hausse du coût du travail.
  • Les salariés rémunérés au salaire minimum peuvent se procurer une quantité plus importante de biens et services.

Question 3.19 Choisissez les bonnes réponses

Pour les entreprises, la hausse du salaire minimum a des effets négatifs car :

  • Le coût du capital fixe augmente.
  • Le salaire minimum est un frein à l’emploi.
  • Le coût du travail augmente.
  • La demande baisse.
  • Le salaire minimum a un effet sur le coût du travail et non sur le coût du capital fixe.
  • La hausse du coût du travail peut dissuader les entreprises d’embaucher.
  • La hausse du salaire minimum est un coût supporté par les entreprises.
  • La hausse du salaire minimum devrait au contraire stimuler la demande des ménages.

Question 3.20 Choisissez les bonnes réponses

Pour les entreprises, la hausse du salaire minimum :

  • A des effets positifs, car leurs coûts de production baissent.
  • Peut être compensée par une hausse de leur prix de vente.
  • La productivité baisse.
  • La demande augmente, stimulant la croissance et l’emploi.
  • La hausse du salaire minimum se traduit par une hausse des coûts de production.
  • Cette hausse du coût du travail peut entraîner une hausse des prix.
  • Des salariés mieux rémunérés sont incités à être productifs (salaire d’efficience) ; la production augmente donc davantage que les quantités de facteurs de production, ce qui permet une baisse des coûts unitaires et des prix, et des gains de compétitivité-prix.
  • La hausse du salaire minimum devrait stimuler la consommation des salariés qui en bénéficient, donc la demande, la croissance et l’emploi.

Comme vous l’avez vu dans la vidéo « Débat - Quels effets d’un salaire minimum à 15$ ? », l’instauration d’un salaire minimum, et sa hausse, suscitent des débats quant à ses effets, qui peuvent être négatifs ou positifs.

Dans la théorie néoclassique, l’instauration d’un salaire minimum supérieur au salaire d’équilibre conduit à un chômage structurel, car l’offre de travail reste durablement supérieure à la demande de travail (cf. Graphique 3.5, dans lequel il suffit de remplacer le salaire d’efficience par le salaire minimum) et les travailleurs, dont la productivité marginale est inférieure au salaire minimum, ne sont pas embauchés. Le salaire minimum s’apparente donc à une rigidité qui empêche l’autorégulation du marché du travail et le retour à l’équilibre, c’est-à-dire le retour au plein emploi.

Les entreprises, compte tenu de la hausse du coût du travail qui dégrade leur rentabilité, peuvent aussi être conduites à substituer du capital (dont le coût relatif baisse) au travail ou encore à délocaliser leur production vers des pays à faible coût de main-d’œuvre : ces décisions affectent tout particulièrement les salariés les moins qualifiés.

Les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg expliquent cependant que l’impact d’une augmentation du salaire minimum sur l’emploi dépend de son niveau initial.4 Si celui-ci est faible, une augmentation n’est pas très coûteuse pour l’employeur : la productivité marginale du travail reste supérieure à son coût marginal ; autrement dit, le dernier salarié embauché rapporte toujours plus à l’entreprise que ce qu’il coûte. L’employeur pourrait donc avoir intérêt à embaucher davantage de main-d’œuvre, puisque la marge générée par chaque salarié est positive. Dans cette première situation, l’augmentation du salaire minimum n’accroît pas le chômage, mais au contraire stimulerait l’emploi. En revanche, si le salaire minimum en vigueur est déjà élevé, l’augmenter davantage deviendrait coûteux pour l’employeur et l’obligerait à payer un salarié plus que celui-ci ne lui rapporte : le coût marginal du travail devient supérieur à sa productivité marginale. Cette situation n’étant pas viable pour l’employeur, il devra alors licencier ces salariés devenus trop coûteux. Dans ce second cas, une augmentation du salaire minimum entraînera une hausse du chômage.

Les économistes David Card et Alan Krueger ont étudié l’effet de l’augmentation du salaire minimum en 1992 sur l’emploi dans l’industrie de restauration rapide dans l’État américain du New Jersey. Les résultats de leur étude vont dans le sens de l’explication proposée par Cahuc et Zylberberg : puisque le salaire minimum au New Jersey avant 1992 était bas, son augmentation n’a pas eu d’effets négatifs sur l’emploi, mais au contraire un faible effet positif.

Cahuc et Zylberberg expliquent aussi que les salariés sont affectés différemment par une hausse du salaire minimum selon leur niveau de qualification. En effet, dans le second cas (lorsque l’augmentation du salaire minimum conduit à la hausse du chômage), seuls les travailleurs les moins qualifiés sont susceptibles de perdre leur emploi. Ce résultat découle du mécanisme expliqué précédemment : l’employeur licencie les salariés les moins productifs (ceux dont la productivité marginale devient inférieure au coût marginal du travail), donc les moins qualifiés. Il faut cependant noter qu’aucune différence entre salariés qualifiés et non qualifiés ne devrait être observée dans la première situation (celle où la hausse du salaire minimum n’a pas d’effet négatif sur l’emploi).

Les économistes John Abowd, Francis Kramarz, David Margolis et Thomas Philippon ont également validé cette explication. En étudiant la différence d’impact d’une hausse du salaire minimum entre les salariés qualifiés et non qualifiés, ils ont montré que, contrairement aux États-Unis, la France se caractérise par un niveau de salaire minimum élevé : par conséquent, la hausse du salaire minimum y a engendré une augmentation du chômage des salariés non qualifiés. En revanche, aucune différence entre les salariés qualifiés et non qualifiés n’a été observée aux États-Unis parce que le salaire minimum est d’un niveau faible. Depuis 1993, un dispositif d’allègement des cotisations sociales sur les bas salaires a été mis en place en France. Ce dernier diminue le coût du travail des travailleurs à bas salaires pour les employeurs, et peut ainsi compenser une augmentation du salaire minimum : c’est ce que vous étudierez notamment dans la Section 3.4.

La hausse du salaire minimum peut également être compensée par une hausse du prix de vente des entreprises.

Enfin, il faut rappeler les acquis de la Question 3.8 sur les effets positifs du salaire minimum pour les ménages et les entreprises :

compétitivité
Aptitude à faire face à la concurrence. Il est question de compétitivité-prix quand elle est fondée sur la capacité à offrir des prix plus faibles que ceux des concurrents. La compétitivité est qualifiée de hors-prix quand elle est fondée sur la qualité et la différenciation des produits, sur l’innovation.
compétitivité
Aptitude des entreprises à faire face à la concurrence et par conséquent la capacité d’un pays à exporter. Voir également : compétitivité-prix, compétitivité hors-prix.

Ainsi que vous l’avez vu dans la vidéo « Débat - Quels effets d’un salaire minimum à 15$ ? », ce sont sans doute ces potentiels effets positifs qui ont incité l’Allemagne à instaurer un salaire minimum le 1er janvier 2015 et le Royaume-Uni à élever récemment le niveau de son salaire minimum, et qui ont conduit l’Italie et l’Afrique du Sud à s’interroger sur l’instauration d’un tel salaire minimum.

Les effets positifs et négatifs des règles de protection de l’emploi sur le chômage structurel
règles de protection de l’emploi
Règles régissant les contrats de travail et les procédures d’embauche et de licenciement.

Les règles de protection de l’emploi prennent en France plusieurs formes :

Ces règles sont parfois considérées comme trop restrictives :

destruction créatrice
Nom attribué par Joseph Aloïs Schumpeter au processus par lequel les anciennes technologies et les entreprises qui ne s’adaptent pas aux évolutions de la société sont évincées par les nouvelles, car elles ne peuvent plus rivaliser sur le marché. Selon lui, l’échec des entreprises non rentables est créateur, car il libère le travail et les biens d’équipement qui peuvent alors être utilisés dans de nouvelles combinaisons productives.
mondialisation
Processus par lequel les économies du monde entier sont de plus en plus intégrées les unes aux autres, par le biais de frontières nationales plus perméables aux flux de biens, de services, de capitaux et, dans une moindre mesure, de main-d’œuvre. Le terme est parfois utilisé dans un sens plus large et englobe la diffusion des idées, des traits culturels, voire d’épidémies.

Par ce triple processus, les règles de protection de l’emploi peuvent contribuer à la persistance d’un chômage structurel.

Cependant, en réduisant les possibilités de licenciement ou de destruction d’emploi, ces règles assurent aux travailleurs une certaine sécurité face à l’emploi, donc financière, ce qui soutient la demande, la croissance et l’emploi.

compétitivité
Aptitude à faire face à la concurrence. Il est question de compétitivité-prix quand elle est fondée sur la capacité à offrir des prix plus faibles que ceux des concurrents. La compétitivité est qualifiée de hors-prix quand elle est fondée sur la qualité et la différenciation des produits, sur l’innovation.
compétitivité
Aptitude des entreprises à faire face à la concurrence et par conséquent la capacité d’un pays à exporter. Voir également : compétitivité-prix, compétitivité hors-prix.

Par ailleurs, compte tenu de l’existence de ces règles de protection de l’emploi, les entreprises peuvent adopter des stratégies fondées sur la formation et la polyvalence des salariés, afin de s’y adapter. De telles stratégies rendent les salariés plus productifs (d’où une baisse des coûts unitaires) et davantage capables d’innover. Il en résulte pour l’entreprise des gains de compétitivité, prix et hors-prix. Nous reviendrons dans la dernière section sur le rôle de la formation dans la lutte contre le chômage.

Les effets positifs et négatifs d’autres institutions sur le chômage structurel (indemnisation du chômage, cotisations sociales)

De nombreux pays développés ont mis en place des dispositifs d’indemnisation du chômage depuis le milieu du 20e siècle. Les prestations chômage sont financées par les cotisations sociales (des contributions versées par les salariés et leurs employeurs) appelées aussi en France cotisations de Sécurité sociale.

Ces institutions peuvent exercer des effets négatifs en contribuant au chômage structurel :

Question 3.21 Complétez le texte

On suppose dans cet exemple que Maria, mère de famille célibataire, perçoit une indemnité chômage de 800 euros par mois. Elle se voit proposer par une chaîne de grande distribution un emploi à temps plein au smic rémunéré à 1 539,42 euros brut. De ce montant brut, il faut déduire les cotisations sociales qui s’élèvent à 354,07 euros pour obtenir le salaire net effectivement perçu par Maria. Par ailleurs, compte tenu de la hausse de son revenu, le montant de l’allocation personnalisée au logement (APL) qu’elle perçoit pour l’appartement dont elle est locataire diminuerait de 20 euros. Enfin, la reprise de cet emploi occasionnerait chaque mois un coût de transport de 90 euros ainsi qu’un coût de garde de son enfant de 310 euros.

En acceptant cet emploi, Maria bénéficierait d’une hausse de son revenu de euros, hausse qui devrait avoir un caractère pour elle. Cependant, en reprenant un emploi, Maria subit des coûts de euros. Par conséquent, son revenu de euros : elle est donc à reprendre cet emploi. On considère que Maria, dans ce cas, est enfermée dans une trappe à chômage.

Ce phénomène de trappe à chômage est lié au trop faible écart entre l’indemnité chômage et le salaire perçu : même si ce dernier est plus élevé que l’indemnité chômage, il ne permet pas toujours de compenser les coûts liés à la reprise d’un emploi (versement de cotisations sociales, baisse de certaines prestations sociales, autres coûts liés au transport et à la garde d’enfant notamment).

Le même phénomène concerne les individus qui perçoivent le revenu de solidarité active (RSA) : l’écart entre son montant, de 559,74 euros pour une personne seule, et un emploi à mi-temps rémunéré au smic, soit 592,68 euros, est trop faible pour inciter l’individu à reprendre cet emploi. Il est alors enfermé dans une trappe à pauvreté.

Cependant, les cotisations sociales et l’indemnisation du chômage ont également des effets positifs :

Finalement, selon la théorie néoclassique et le courant libéral, les institutions agissent comme des rigidités sur le marché du travail, en empêchant l’autorégulation du marché du travail et le retour à l’équilibre : elles contribuent donc à la persistance d’un chômage structurel. Cependant, chacune des institutions que nous avons étudiées exerce aussi des effets positifs sur le chômage structurel, d’où l’existence d’un débat quant aux effets de ces institutions.

Quels sont les effets des fluctuations économiques sur le chômage conjoncturel ?

fluctuations de l’activité économique
Mouvements de ralentissement ou d’accélération du rythme de la croissance économique.

Le taux de chômage observé peut être décomposé en un taux de chômage structurel, indépendant de la conjoncture économique, et un taux de chômage conjoncturel, lié aux fluctuations de l’activité économique. Le Graphique 3.6 présente le taux de chômage observé et le taux de chômage structurel en France :

Graphique 3.6 Taux de chômage observé et taux de chômage structurel (en pourcentage de la population active) en France (1985-2018).

stats.oecd.org, consulté le 29 septembre 2019.

expansion
Phase d’accélération du rythme de la croissance économique.
récession
Baisse de la production évaluée par le produit intérieur brut (PIB) pendant au moins deux trimestres consécutifs.
dépression
Baisse durable de la production évaluée par le PIB pendant plusieurs années.

Ce chômage conjoncturel est lié aux fluctuations de l’activité économique. La croissance n’est en effet pas régulière, car les économies connaissent des phases d’expansion, de ralentissement de la croissance et de récession, voire de dépression.

Le Graphique 3.7 illustre le cas de l’économie britannique, pour laquelle de longues séries temporelles sont disponibles.

Graphique 3.7 Croissance du PIB et taux de chômage au Royaume-Uni (1875–2014).

Ryland Thomas and Nicholas Dimsdale. 2017. ‘A Millennium of UK Data’. Bank of England OBRA dataset.

Grande Dépression
La période de forte baisse de la production et de l’emploi dans beaucoup de pays dans les années 1930.
crise financière mondiale
Cette crise débuta en 2007 avec l’effondrement des prix immobiliers aux États-Unis. Les effets de la crise se firent sentir partout dans le monde puisque la croissance ralentit, le chômage augmenta et le commerce mondial recula considérablement.
Grande Modération
Période de faible volatilité de la production globale dans les économies avancées entre les années 1980 et la crise financière de 2008. Le terme fut suggéré par les économistes James Stock et Mark Watson et popularisé par Ben Bernanke, alors président de la Fed.

Les « pics » et les « creux » des séries du Graphique 3.7 montrent de façon nette que la croissance économique n’est pas un processus régulier. Vous pouvez remarquer que le Royaume-Uni a connu deux récessions par décennie environ. Au 20e siècle, les creux les plus importants ont coïncidé avec la fin des Première et Seconde Guerres mondiales, et avec la crise économique de la Grande Dépression. Au 21e siècle, la crise financière mondiale a mis fin à une période caractérisée par de faibles fluctuations. C’est pourquoi la période allant du début des années 1990 à la fin des années 2000 a été qualifiée de Grande Modération.

Le taux de chômage au Royaume-Uni a atteint son pic le plus élevé durant la Grande Dépression, mais il est demeuré particulièrement faible au cours des deux guerres mondiales.

corrélation
Une relation statistique entre deux variables : elle est positive quand les deux variables évoluent dans le même sens, et négative quand les deux variables évoluent en sens inverse.

La mise en relation des deux variables, la variation du PIB et le taux de chômage, montre que les phases de ralentissement de la croissance, de récession ou de dépression sont associées à une hausse du chômage : il y a donc une corrélation négative entre le rythme de la croissance économique et le taux de chômage.

loi d’Okun
Loi mise en évidence par Arthur Okun, un conseiller du président américain Kennedy, qui remarqua que lorsque la croissance de la production d’un pays était élevée, le chômage tendait à diminuer, et inversement en cas de ralentissement de la croissance.
PIB réel
Il évalue la quantité produite au sein d’une économie, indépendamment de la variation des prix. Connu également sous le terme : PIB en volume.

Le Graphique 3.8 montre la relation entre les fluctuations de la production et du chômage, connue sous le nom de loi d’Okun. La loi d’Okun est une relation linéaire qui associe la variation du PIB réel aux variations du taux de chômage.

Graphique 3.8 Loi d’Okun pour quelques économies.

OCDE. 2015. OECD Statistics; Banque mondiale. 2015. World Development Indicators. Lecture : chaque point indique l’évolution du PIB réel et la variation du taux de chômage sur une période. Ainsi, le point « 2009 » mentionné sur chacun des graphiques indique l’évolution du PIB réel et celle du chômage entre 2008 et 2009, c’est-à-dire au cœur de la récession qui a suivi la crise financière mondiale.

La loi d’Okun est une relation empirique forte et stable dans la plupart des économies depuis la Seconde Guerre mondiale : une plus forte croissance de la production est clairement associée à une baisse du chômage : les deux variables sont corrélées positivement.

Question 3.22 Choisissez les bonnes réponses

La corrélation négative entre le taux de variation du PIB réel et le taux de chômage est la plus forte :

  • au Japon.
  • en Espagne.
  • au Brésil.
  • aux États-Unis.
  • La droite de corrélation est quasiment horizontale, la variation du PIB réel ne provoque quasiment aucune variation du chômage.
  • La droite de corrélation a la pente négative la plus élevée.
  • La pente négative de la droite de corrélation est moins forte au Brésil qu’en Espagne ou aux États-Unis.
  • La droite de corrélation pour les États-Unis est parallèle à celle de l’Espagne.

Question 3.23 Choisissez les bonnes réponses

En 2009 :

  • En Allemagne, la forte baisse du PIB est associée à une forte hausse du taux de chômage.
  • Au Brésil, la forte baisse du PIB a provoqué une hausse du taux de chômage de 1,5 %.
  • En Espagne, la baisse du PIB réel de 4 % s’est traduite par une hausse du taux de chômage de plus de 6 %.
  • Aux États-Unis, la baisse du PIB réel d’environ 3 % se traduit par une hausse du taux de chômage de 4 %.
  • Le PIB a baissé de presque 6 % et le chômage n’a quasiment pas augmenté.
  • Le PIB ne baisse que très peu, d’environ 0,2 %.
  • Le PIB réel a baissé de 4 % et le taux de chômage a augmenté de plus de 6 %.
  • Le PIB réel a baissé de 3 % et le taux de chômage a augmenté de 4 %.

Au vu de vos réponses précédentes, vous aurez compris que la sensibilité du taux de chômage aux variations du PIB réel est plus ou moins forte : elle est quasiment nulle au Japon et en Malaisie et la plus forte en Espagne et aux États-Unis.

En effet, pour ce dernier pays, le Graphique 3.9 montre que la création d’emplois est forte en période d’expansion et faiblit en période de récession. À l’inverse, le processus de destruction d’emplois prend de l’ampleur pendant les récessions.

Graphique 3.9 Création et destruction d’emplois au cours des cycles économiques aux États-Unis (T1 2000 – T2 2010).

Steven J. Davis, R. Jason Faberman, and John C Haltiwanger. 2012. ‘Recruiting Intensity During and After the Great Recession: National and Industry Evidence’. American Economic Review 102 (3): pp. 584–588.

Si la corrélation négative entre rythme de la croissance et taux de chômage est globalement vérifiée dans certains pays, comment l’expliquer ?

Comment les chocs d’offre, qui sont l’une des causes des fluctuations économiques, peuvent-ils induire du chômage conjoncturel ?

choc d’offre
Un événement à l’origine d’une variation des quantités offertes, par exemple une hausse ou une baisse des prix du pétrole ou un progrès technique, comme les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

Le terme de choc est utilisé en économie pour désigner un événement inattendu, comme un événement météorologique extrême ou une guerre. Des chocs qui modifient la façon dont le travail et le capital sont utilisés pour produire des biens et des services sont appelés chocs d’offre, parce que le travail et le capital permettent la production ou l’offre. Ces chocs peuvent être positifs ou négatifs.

Les chocs pétroliers constituent une source majeure de perturbations macroéconomiques. Des chocs négatifs, comme une augmentation du prix du pétrole, peuvent générer un chômage et une inflation plus élevés, car les coûts de production s’accroissent. Le Graphique 3.10 montre qu’il y a eu deux grandes récessions au Royaume-Uni au cours des années 1970. Celles-ci étaient dues aux chocs pétroliers de 1973–74 et 1979–80, qui sont allés de pair avec une hausse à la fois du chômage et de l’inflation, ces hausses ayant été tellement importantes que leur point culminant a constitué un pic pour toute la période suivant la Seconde Guerre mondiale.

  1. Premier et deuxième chocs pétroliers (années 1970) : en 1973 et 1974, les pays de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) imposèrent un embargo partiel sur les exportations de pétrole (limitation quantitative des exportations de pétrole) en réponse à la guerre au Moyen-Orient de 1973–74 ; en 1979 et 1980, la production de pétrole de l’Iran et de l’Irak chuta en raison de la Révolution iranienne et au déclenchement de la guerre Iran-Irak.
  2. Troisième choc pétrolier (années 2000) : les années 2000–08 furent caractérisées par la croissance économique rapide de certains pays émergents, notamment la Chine et l’Inde, croissance qui a généré une forte augmentation de la demande mondiale de pétrole.

Graphique 3.10 Croissance du PIB au Royaume-Uni et prix réels du pétrole (1950–2015).

UK Office for National Statistics; Ryland Thomas et Nicholas Dimsdale. (2017). ‘A Millennium of UK Data’. Bank of England OBRA dataset. Lecture : de 1950 à 2015 au Royaume Uni, le prix réel du pétrole a été multiplié par 80.

stagflation
Inflation élevée persistante combinée à un chômage élevé dans un pays.

L’inflation élevée dans les années 1970 et au début des années 1980 est allée de pair avec un chômage élevé dans de nombreux pays (le taux de chômage atteint ainsi un pic d’environ 12 % au milieu des années 1980 au Royaume-Uni). Cette tendance a également été observée dans les autres pays développés. Regardez la partie grisée du Graphique 3.11: l’inflation et le chômage ont simultanément augmenté, d’où le terme de « stagflation » pour désigner cette période.

Graphique 3.11 Chômage et inflation dans les économies avancées (1960–2015).

OECD. 2016. ‘OECD Statistics.’

Le Graphique 3.12 montre les taux de chômage de 16 pays de l’OCDE de 1960 à 2014. Dans les années 1960, les taux de chômage étaient faibles et plutôt similaires entre pays, avant de diverger dans les années 1970, reflétant en partie les différences de politique économique menée face aux chocs pétroliers. Parmi ces pays, seuls le Japon (JPN), l’Autriche (AUT) et la Norvège (NOR) ont conservé un taux de chômage inférieur à 6 % pendant toute la période. En Espagne (SPA), le taux de chômage avoisinait les 20 % du milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990. Il diminua par la suite de moitié dans les années 2000 avant de progresser rapidement pour dépasser les 20 % en raison de la crise financière et la crise de la zone euro en 2009. L’Allemagne (GER) constitue, à cet égard, une exception : le taux de chômage y baissa dans les années qui suivirent la crise financière mondiale. Ces divergences reflètent des différences dans les institutions et les politiques mises en œuvre dans ces pays, ce que vous étudierez dans la section suivante.

Graphique 3.12 Taux de chômage dans 16 pays de l’OCDE (1960–2014).

Données de 1960 à 2004 : David R Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, and John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’. Capitalism and Society 2 (1) (January). Données de 2005 à 2014 : OECD. 2015. OECD Statistics.

Les chocs d’offre négatifs peuvent s’expliquer par d’autres événements que la hausse des prix du pétrole : la fin du rattrapage technologique des pays européens et du Japon vis-à-vis des États-Unis à partir des années 1970 se traduit par un ralentissement du progrès technique et des gains de productivité ; la forte hausse du smic, en France à partir des années 1970, élève le coût du travail et dégrade la rentabilité des entreprises ; la pandémie de Covid-19 en 2020 a conduit à la fermeture de très nombreuses entreprises.

Question 3.24 Complétez le texte

Un choc négatif provoque une des conditions de l’offre : il s’ensuit une de la production qui se traduit par une baisse de et de l’emploi : si la population active reste constante, le chômage augmente.

À l’inverse, un choc d’offre doit contribuer à une du chômage conjoncturel.

Comment les chocs de demande, qui sont l’une des causes des fluctuations économiques, peuvent-ils induire du chômage conjoncturel ?

choc de demande
Un événement à l’origine d’une variation des quantités demandées. Voir également : choc d’offre.

Les chocs de demande sont dus à des modifications de la consommation, de l’investissement ou des exportations. Ces chocs peuvent être positifs ou négatifs. En cas de choc de demande négatif, la demande globale baisse.

À partir du milieu des années 1990, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont été introduites à grande échelle dans l’économie américaine. Le Graphique 3.13 montre la croissance soutenue de l’investissement dans les nouvelles technologies au cours de cette période.

Graphique 3.13 Investissement dans les nouvelles technologies et bulle Internet (1991–2015).

US Bureau of Economic Analysis. 2015. Fixed Assets Accounts Tables. Note : l’investissement dans les nouvelles technologies correspond à l’investissement dans du matériel de traitement de l’information, des ordinateurs et des équipements périphériques, des outils de communication, des structures de communication et des investissements dans les droits de propriété intellectuelle pour les logiciels, des semi-conducteurs et d’autres composants électroniques.

Le graphique montre l’évolution de l’indice du marché boursier américain (le Nasdaq) sur lequel les entreprises de haute technologie sont cotées. L’indice augmenta fortement à partir du milieu des années 1990 jusqu’à un pic historique en 1999 (on a alors parlé de « bulle Internet »), à mesure que la confiance des investisseurs dans la rentabilité des entreprises des nouvelles technologies grandissait. L’investissement en équipement informatique connut un essor très rapide en raison de cette confiance, puis chuta fortement après l’érosion de cette dernière, provoquant l’éclatement de la bulle Internet et l’effondrement de l’indice boursier (vous pouvez vous reporter au Chapitre 4 pour les explications relatives à la formation et à l’éclatement des bulles).

Comme nous l’avons vu précédemment, un choc d’offre négatif engendre une augmentation simultanée du chômage et une accélération de l’inflation s’il est dû à une hausse des coûts de production. Un choc de demande négatif tel que celui dû à la baisse de l’investissement dans les nouvelles technologies provoque quant à lui la hausse du chômage et le ralentissement de l’inflation (du fait de la baisse de la demande). Le Tableau 3.3 montre les conséquences de l’éclatement de la bulle Internet aux États-Unis.

2000 2001 2002 2003
PIB réel (variation annuelle en %) 4,1 0,9 1,8 2,8
Taux de chômage (%) 4 4,47 5,8 6
Taux d'inflation (%) 3,4 2,8 1,6 2,3

Tableau 3.3 Évolution du PIB réel, du taux de chômage et de l’inflation aux États-Unis après l’effondrement de la bulle technologique.

Federal Reserve Bank of St. Louis. 2015. FRED.

Question 3.25 Choisissez les bonnes réponses

À la suite de l’éclatement de la bulle Internet :

  • Le PIB réel a baissé de 3,2 points de 2000 à 2001.
  • Le PIB réel a augmenté de 0,9 % en 2001 après avoir augmenté de 4,1 % en 2000.
  • La hausse du PIB réel a ralenti de 3,2 points de 2000 à 2001.
  • Le PIB réel a baissé de 3,2 % de 2000 à 2001.
  • La hausse du PIB réel a ralenti de 3,2 points de 2000 à 2001.
  • Le PIB réel a augmenté en 2000 et 2001, respectivement de 4,1 % puis de 0,9 %.
  • Il y a une hausse du PIB réel chaque année, mais sa hausse ralentit de (0,9 - 4,1) = 3,2 points entre 2000 et 2001.
  • Le PIB réel augmente en 2000 et en 2001, mais sa hausse ralentit.

Question 3.26 Choisissez les bonnes réponses

À la suite de l’éclatement de la bulle Internet :

  • Le taux de chômage augmente de 2 points de 2000 à 2003.
  • Le taux de chômage augmente de 2 % de 2000 à 2003.
  • Le taux de chômage s’est accéléré de 2 points de 2000 à 2003.
  • Les chômeurs représentent 4 % de la population active en 2000 et 6 % en 2003.
  • Il augmente de (6 - 4) = 2 points.
  • Une évolution entre deux taux en pourcentage se lit en points.
  • On parle d’accélération quand l’on compare des évolutions en pourcentage et non des taux en pourcentage.
  • Le taux de chômage correspond à la part des chômeurs dans la population active.

On constate donc bien que la baisse de la demande consécutive à la baisse de l’investissement dans les nouvelles technologies se traduit par un ralentissement de la hausse de la production et par une hausse du chômage.

Le Graphique 3.14 permet d’étudier plus précisément les effets des chocs de demande négatifs sur le chômage conjoncturel en France de 2000 à 2018.

Graphique 3.14 Évolution du PIB en volume (en pourcentage), contributions à cette évolution (en points) et taux de chômage (en pourcentage) en France (2000–2018).

Insee et Eurostat, 2020.

Pour comprendre le Graphique 3.14 :

Question 3.27 Choisissez la bonne réponse

En 2000, le PIB en volume :

  • A baissé de 3,9 %.
  • A augmenté de 3,9 %.
  • A augmenté de 3,9 points.
  • A baissé de 3,9 points.
  • Le PIB en volume a augmenté.
  • La hausse du PIB en volume s’exprime en pourcentage.
  • La hausse du PIB en volume s’exprime en pourcentage.
  • Le PIB en volume a augmenté et cette hausse s’exprime en pourcentage.

Question 3.28 Choisissez les bonnes réponses

En 2000 en France :

  • La consommation tire le plus la croissance : elle y contribue pour 2,4 points.
  • Le solde extérieur contribue pour –0,3 point à la croissance : il la tire.
  • Les deux autres composantes de la demande qui tirent la croissance sont l’investissement et la variation des stocks.
  • Aucune composante de la demande ne ralentit la croissance.
  • La contribution de la consommation à la croissance est de 2,4 points, soit la plus forte contribution.
  • La contribution du solde extérieur à la croissance est négative, il ralentit donc la croissance.
  • L’investissement et la variation des stocks contribuent respectivement pour 1,4 point et 0,4 point à la croissance économique.
  • Le solde extérieur ralentit la croissance puisque sa contribution est négative.

Question 3.29 Choisissez les bonnes réponses

La croissance économique en France :

  • Ralentit de 2000 à 2001.
  • Baisse de 2000 à 2001.
  • Augmente de 2003 à 2004.
  • S’accélère de 2003 à 2004.
  • La hausse du PIB en volume était de 3,9 % en 2000 et de 2 % en 2001.
  • Lorsqu’un taux de variation baisse mais reste positif, on parle de ralentissement de la croissance.
  • Lorsqu’un taux de variation est positif et augmente, on parle d’accélération de la croissance.
  • La hausse du PIB en volume était de 0,8 % en 2003 et de 2,8 % en 2004.

Nous allons désormais envisager le lien entre les contributions des composantes de la demande, l’évolution du PIB en volume et celle du taux de chômage.

Question 3.30 Complétez le texte

En 2009, seule la consommation contribue positivement à la croissance, pour  ; toutes les autres composantes de la demande globale la croissance économique. Il y a un choc de demande car les contributions négatives de l’investissement, de la variation de stocks et du solde extérieur sont à la contribution positive de la consommation. Par conséquent, la France connaît une  : le PIB en volume de 2,9 %, ce qui contribue à une forte du taux de chômage entre 2008 à 2009.

De 2010 à 2015, la France renoue avec la mais celle-ci est trop fragile (la hausse du PIB en volume à nouveau fortement en 2012) et trop faible pour permettre du taux de chômage, qui atteint en 2015.

Ce n’est qu’après 2015 avec de la croissance que le taux de chômage se réduit, de entre 2015 et 2016. Par exemple, en 2017, seule une composante de la demande ( ) ralentit faiblement la croissance. Par conséquent, la croissance de 1,2 point et le taux de chômage baisse de en 2017.

Au vu des exemples qui précèdent, on observe que les composantes de la demande agissent sur l’évolution du PIB ; le rythme de la croissance, ainsi que nous l’avions vu auparavant, est globalement, depuis 2009, corrélé négativement avec le taux de chômage. Cette corrélation est cependant moins vérifiée sur la période antérieure à l’année 2009, en raison de l’existence d’une composante structurelle du chômage.

demande effective ou anticipée
Anticipations présentes et futures en termes de consommation et d’investissement et d’exportations.

John Maynard Keynes (1883–1946) est un économiste anglais. Il est le fondateur de la macroéconomie keynésienne et montre le rôle décisif de la demande effective dans le chômage conjoncturel.

Les relations entre la demande globale, la demande effective, le niveau de production, l’emploi et le chômage ont été formalisées par John Maynard Keynes.

Illustration 3.4 Les relations entre la demande globale, la demande effective, le niveau de production, l’emploi et le chômage.

Pour comprendre le schéma :

Quel est le montant des dépenses de consommation si le revenu est de 1 000 euros et si la propension moyenne à consommer est de 0,8 ? Même question si le revenu est de 1 000 euros et la propension moyenne à consommer est de 0,9. Déduisez de vos réponses l’explication de la relation 1, 2 → 3 (Illustration 3.4).

Dans le premier cas, si le revenu est de 1 000 euros et la propension moyenne à consommer est de 0,8, la consommation s’élève à 800 euros. Dans le deuxième cas, si le revenu est de 1 000 euros et la propension moyenne à consommer est de 0,9, la consommation s’élève à 900 euros. Plus le revenu et la propension à consommer sont élevés, plus la consommation est forte.

Expliquez la relation 4, 5, 6 → 7 (pour les entreprises).

Plus les profits sont élevés, plus l’entreprise est en mesure d’autofinancer l’investissement. Plus les taux d’intérêt sont faibles, plus le coût de l’emprunt pour investir est faible. Plus la rentabilité de l’investissement est forte, plus l’entreprise est incitée à investir.

Expliquez la relation 3, 7, 8 → 9.

La demande globale réalisée est la somme des dépenses de consommation, d’investissement et des exportations.

Comment le niveau de l’emploi se détermine-t-il selon Keynes ?

La demande anticipée (consommation, investissement, exportations), qui dépend de la demande globale réalisée détermine le niveau de la production, donc la demande de travail des entreprises et le niveau de l’emploi.

Comment expliquer le chômage conjoncturel selon l’analyse keynésienne ?

L’insuffisance de la demande anticipée sur le marché des biens et services conduit à une baisse de la production, de la demande de travail et de l’emploi : le chômage conjoncturel augmente si la population active reste constante. Ce chômage conjoncturel est dû à une contrainte de débouchés.

Pourquoi le chômage keynésien est-il involontaire ?

Il est indépendant de la volonté des actifs : il n’est pas dû à un refus de travailler pour un salaire jugé trop faible, mais s’explique par un niveau de demande effective jugé trop faible par les entreprises.

Vous l’avez compris dans ce qui précède, c’est l’insuffisance de la demande effective qui est à l’origine du chômage conjoncturel, selon Keynes. Cette insuffisance de la demande effective peut être due à des chocs de demande négatifs, tels que celui que la France a connu en 2009 (Cf. Question 3.11). Reste à comprendre l’origine de ces chocs de demande :

À l’inverse, des chocs de demande positifs qui provoquent des anticipations optimistes de la part des entreprises doivent conduire à une hausse de la production, de la demande de travail et de l’emploi, et donc à une baisse du chômage conjoncturel.

Question 3.31 Choisissez les bonnes réponses

Parmi les propositions suivantes, lesquelles correspondent à des chocs d’offre négatifs ?

  • Les gains de productivité ralentissent du fait du moindre rythme du progrès technique.
  • La hausse des droits de douane décidée par l’administration américaine provoque la baisse des exportations chinoises.
  • La Banque centrale européenne mène une politique monétaire expansive depuis la crise de 2008.
  • L’État décide d’accorder un « coup de pouce » au smic.
  • Le ralentissement des gains de productivité affecte directement l’offre des entreprises, il y a bien choc d’offre négatif.
  • La baisse des exportations chinoises provoque un choc de demande négatif dans ce pays, elle n’entraîne donc pas de choc d’offre négatif ici.
  • Une telle politique monétaire provoque un choc de demande positif (hausse de la consommation et de l’investissement) et un choc d’offre positif (via l’effet de l’investissement sur l’offre). Il n’y a donc pas de choc d’offre négatif.
  • La hausse du smic représente une hausse du coût du travail pour les entreprises, il y a donc choc d’offre négatif.

Question 3.32 Choisissez les bonnes réponses

Parmi les propositions suivantes, lesquelles correspondent à des chocs de demande négatifs ?

  • L’État français a augmenté le niveau des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages de 2012 à 2014 pour limiter son déficit public.
  • La canicule et les incendies en Australie provoquent la chute des rendements dans l’agriculture.
  • Le New Deal mené aux États-Unis à partir de 1932 consiste notamment à mettre en place des programmes d’assistance sociale pour les plus pauvres et à lancer de grands travaux d’infrastructures.
  • L’État français mène une politique de baisse ou d’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires depuis les années 1990.
  • La hausse des prélèvements obligatoires pèse sur la consommation et l’investissement des ménages, il y a donc choc de demande négatif.
  • Il s’agit d’un effet sur l’offre des producteurs, c’est donc un choc d’offre et non un choc de demande.
  • Les programmes d’assistance sociale soutiennent la consommation des ménages et les travaux d’infrastructures, l’investissement des entreprises : ils visent donc à lutter contre le choc de demande négatif.
  • Une telle politique qui équivaut à une réduction du coût du travail pour les entreprises devrait provoquer un choc d’offre positif.

Question 3.33 Complétez le schéma

3.4 Quelles sont les principales politiques qu’il est possible de mettre en œuvre pour lutter contre le chômage ?

Regardez de nouveau la vidéo « Y a-t-il un remède au chômage ? » de Dessine-moi l’éco. En vous appuyant sur la vidéo, répondez aux questions suivantes :

En vous référant à la section précédente, rappelez la définition du chômage structurel et du chômage conjoncturel.

Le chômage conjoncturel est dû aux fluctuations de l’activité économique, elles-mêmes liées à des chocs d’offre ou de demande. Le chômage structurel est indépendant des fluctuations de l’activité économique : il est lié aux structures économiques qui rendent difficiles l’adéquation de l’offre et de la demande de travail.

Quelles solutions peuvent être envisagées face au chômage structurel ?

Valoriser les filières qui recrutent, faciliter les reconversions via la formation professionnelle ou encore s’inspirer du système danois de flexisécurité qui permet de concilier une forte flexibilité sur le marché du travail (permettant aux entreprises d’ajuster le volume de l’emploi aux nécessités de la production et à la demande) et une sécurité pour les actifs (qui perçoivent des indemnités chômage généreuses en cas de chômage). Selon la thèse néoclassique, il faudrait réduire le coût du travail, en baissant les cotisations sociales patronales ou en limitant les hausses de salaire.

Quelle solution Keynes préconise-t-il face au chômage conjoncturel ?

Des politiques de relance de la demande (notamment la consommation et l’investissement) qui incitent les entreprises à accroître leur production et le niveau de l’emploi.

Comment les politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale permettent-elles de lutter contre le chômage conjoncturel ?

politique macroéconomique de soutien de la demande globale
Action des pouvoirs publics visant à soutenir le niveau de demande globale. La demande globale désigne la quantité de biens et services que les agents économiques souhaitent acquérir au niveau macroéconomique : elle se compose de la consommation, de l’investissement, de la variation des stocks (entrées en stocks - sorties de stocks) et des exportations.

Nous avons vu dans la section précédente que le chômage conjoncturel pouvait s’expliquer par des chocs d’offre et de demande. Dans cette partie, nous allons montrer comment les politiques macroéconomiques de soutien de la demande globale peuvent permettre de lutter contre le chômage conjoncturel.

Face à un choc de demande négatif qui peut entraîner une récession, les pouvoirs publics interviennent en soutenant le niveau de la demande globale ; cela permet de lutter contre le chômage keynésien qui s’explique par une insuffisance de la demande effective (ou anticipée).

politique budgétaire de relance ou expansionniste
Politique économique conjoncturelle qui vise à utiliser le budget de l’État pour soutenir la demande globale et lutter contre le chômage.

Pour lutter contre ce type de chômage, il faut agir sur le niveau de la demande anticipée grâce à des politiques de relance. Les pouvoirs publics peuvent conduire des politiques budgétaires de relance ou expansionniste. Par exemple, en diminuant les impôts, ils favorisent la consommation des ménages et l’investissement des entreprises. Ils peuvent augmenter les dépenses publiques en augmentant les prestations sociales à destination des ménages ou réaliser des investissements publics. La politique budgétaire de relance s’effectue donc par une hausse des dépenses publiques ou une baisse des prélèvements obligatoires.

Une politique budgétaire expansive (ou expansionniste) se traduit par une hausse de la demande globale (consommation des ménages, consommation collective des administrations publiques, investissement et exportations) : celle-ci doit inciter les entreprises à produire davantage, donc à embaucher. Une telle politique permet ainsi de lutter contre le chômage conjoncturel.

Les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers pour lutter contre le chômage en soutenant la demande globale nationale.

Question 3.34 Complétez le schéma

Présentation d’un exemple de politique de relance que les pouvoirs publics peuvent mener.

politique monétaire
Politique économique conjoncturelle qui vise à agir sur la situation macroéconomique par l’intermédiaire du taux d’intérêt directeur de la banque centrale.
banque centrale
Institution qui mène la politique monétaire.
taux d’intérêt
Il correspond au coût de l’emprunt pour les agents à besoin de financement et à la rémunération de l’épargne des agents à capacité de financement.
taux d’intérêt directeur
Taux d’intérêt fixé par la banque centrale, qui s’applique aux banques qui s’empruntent mutuellement de la monnaie centrale ou en empruntent à la banque centrale.

Un soutien de la demande globale passe également par la mise en place d’une politique monétaire de relance. La politique monétaire repose sur la capacité de la banque centrale à influencer les taux d’intérêt via son taux directeur ; la variation des taux d’intérêt influence par la suite la demande globale.

Dans bon nombre de pays développés, lorsque les ménages empruntent, c’est la plupart du temps pour consommer un bien durable et coûteux (achat d’une voiture, par exemple). Pour cette raison, la variation du taux d’intérêt directeur a un effet sur les dépenses de consommation par le canal du taux d’intérêt. Si le taux d’intérêt directeur baisse, le coût du crédit baisse pour les ménages : il s’ensuit une hausse du nombre de ménages qui peuvent emprunter et des capacités d’emprunt de chaque ménage. Dès lors, les dépenses de consommation peuvent s’accroître, ce qui pousse les entreprises à produire davantage et à embaucher.

Les ménages et les entreprises empruntent aussi de la monnaie pour investir. Par exemple, les ménages demandent des crédits pour acquérir un logement (appartement ou maison). La hausse de l’investissement des ménages se traduit par une hausse de l’activité dans les branches de la construction, de l’immobilier, ce qui peut conduire à des créations d’emplois.

Tout comme les ménages, les entreprises sont aussi fortement influencées par le niveau des taux d’intérêt des prêts dans leurs décisions d’investissements (achat de machines, de locaux…). Or, la demande d’investissement des entreprises stimule la création d’emplois dans les branches productrices de biens de production.

Le schéma de l’Illustration 3.5 montre les canaux de transmission attendus de la politique monétaire des banques centrales. Il résume les différentes étapes : 1) taux d’intérêt directeur, 2) taux d’intérêt du marché monétaire pour les banques commerciales et donc taux d’intérêt des crédits qu’elles proposent aux ménages et aux entreprises, 3) demande globale de consommation et d’investissement (ménages) et investissement (achats de biens d’équipements par les entreprises), 4) production et emploi des entreprises pour répondre à la demande.

Illustration 3.5 Les canaux de transmission attendus de la politique monétaire des banques centrales.

Question 3.35 Complétez le schéma

Étude de cas

Pour étudier la façon dont les responsables politiques réagissent aux chocs de demande négatifs dans la pratique, prenons l’exemple de la récession aux États-Unis après l’éclatement de la bulle technologique quand, après une décennie d’expansion, le taux de croissance de l’économie américaine a ralenti. La fin de l’emballement économique à la fin de la décennie 1990, au cours de laquelle les entreprises avaient été trop optimistes quant aux profits qu’elles pouvaient obtenir en investissant dans les nouvelles technologies et avaient surestimé le besoin de nouvelles capacités dans les industries productrices des technologies de l’information et de la communication, a déclenché le ralentissement de la hausse du PIB. Le Tableau 3.3 de la section précédente montrait les conséquences de l’éclatement de la bulle technologique aux États-Unis. Les données du Tableau 3.4 présentent les contributions de chaque poste de dépenses à la croissance du PIB des États-Unis.

2000 2001 2002 2003
PIB réel (variation annuelle en %) 4,1 0,9 1,8 2,8
Contribution à la variation en % du PIB Variation de l'investissement non résidentiel (hors achats de logements) 1,15 −1,2 −0,66 0,69
Variation de l'investissement résidentiel (achats de logements) −0,07 0,09 0,39 0,66
Variation des dépenses publiques 0,10 0,88 0,74 0,36
Variation des autres contributions (notamment la consommation) 2,92 1,13 1,33 1,09
Taux d'intérêt nominal de la Fed (moyenne annuelle en %) 6,24 3,89 1,67 1,13
Taux de chômage (%) 4 4,47 5,8 6
Taux d'inflation (%) 3,4 2,8 1,6 2,3

Tableau 3.4 Le policy mix : politiques budgétaire et monétaire aux États-Unis après l’effondrement de la bulle technologique.

Federal Reserve Bank of St. Louis. 2015. FRED.

La croissance du PIB peut être décomposée selon les contributions de chaque poste de dépenses.

Le tableau montre que la contribution de l’investissement non résidentiel à la variation du PIB en pourcentage a été beaucoup plus importante que la contribution de l’investissement résidentiel (immobilier) : en effet, l’investissement non résidentiel contribue à expliquer 1,15 point de la croissance observée en 2000. La contribution de l’investissement non résidentiel a aussi été plus importante que la contribution des dépenses publiques en 2000.

Par contre, la contribution de l’investissement non résidentiel devient négative en 2001, entraînant alors une récession.

policy mix
Combinaison des politiques monétaire et budgétaire.

Les données du Tableau 3.4 illustre la combinaison de politique budgétaire et de politique monétaire (policy mix) utilisée au cours de la récession américaine en 2001.

La récession aurait pu être bien pire en l’absence de la réponse forte des politiques monétaire et budgétaire. Nous pouvons voir avec le Tableau 3.4 que l’action rapide du gouvernement et de la banque centrale a contribué à stabiliser l’économie : l’inflation et la croissance du PIB ont repris rapidement après la récession. Le taux de chômage a cependant continué à augmenter jusqu’en 2003.

En quoi les politiques d’allègement du coût du travail permettent-elles de lutter contre le chômage conjoncturel et structurel ?

coût du travail
Il se compose de toutes les dépenses induites par l’utilisation du facteur travail. Le coût du travail comprend donc les salaires bruts versés aux salariés (salaires nets perçus par les salariés plus cotisations sociales salariales) et les cotisations sociales versées par les employeurs (cotisations patronales).

On reproche souvent à certaines économies d’avoir un coût du travail élevé qui entraînerait du chômage. Nous allons expliquer pourquoi en nous référant à l’analyse néoclassique.

politiques d’allègement du coût du travail
Ensemble des mesures ayant pour but de baisser le coût du travail.

Le marché du travail dans une optique néoclassique est un marché comme les autres, c’est-à-dire qu’il se compose d’une offre de travail qui provient des actifs et d’une demande de travail qui émane des employeurs. Les actifs comparent l’utilité du salaire réel à l’utilité du loisir et ils acceptent l’emploi si l’utilité du salaire réel est supérieure à l’utilité du loisir. Vous l’avez compris à la Section 3.3, les employeurs quant à eux comparent la productivité marginale du dernier salarié engagé au salaire réel qu’ils versent (coût marginal du travail). Si la productivité marginale du dernier salarié embauché est supérieure au salaire réel, les employeurs recrutent. On comprend alors que si le coût du travail est trop élevé les entreprises sont désincitées à embaucher. Les politiques d’allègement du coût du travail permettent alors de lutter contre le chômage qu’on appelle chômage classique.

Voici les principaux arguments qui ont été développés à la Section 3.3 sur le salaire minimum et qui permettent d’expliquer pourquoi la baisse du coût du travail permet de lutter contre le chômage :

Question 3.36 Complétez le schéma

La baisse du coût du travail peut, à l’inverse, avoir des effets immédiats sur le niveau de chômage conjoncturel ; elle peut aussi, à long terme, permettre de lutter contre le chômage structurel. En effet, l’allègement du coût du travail doit permettre de restaurer la compétitivité des entreprises et d’inciter les entreprises à embaucher : cet allègement peut notamment être effectué en diminuant les cotisations sociales qui pèsent sur les employeurs lors de l’embauche des salariés.

Exercice 3.4 Faut-il continuer de baisser les charges patronales pour baisser le coût du travail ?

Visionnez cette vidéo (jusqu’à 3’03) et répondez aux questions suivantes :

  1. Que désignent les charges patronales ?
  2. Quelles sont les mesures prises pour baisser le coût du travail ?
  3. Pourquoi le gouvernement baisse-t-il le coût du travail sur les bas salaires ?
  4. La baisse du coût du travail permet-elle de restaurer la compétitivité hors-prix ?
  5. Quels sont les risques d’une baisse du coût du travail ?
  6. Quelle est la spécificité française soulignée dans cette vidéo en matière de coût du travail ?

Quelques exemples de mesures pour baisser le coût du travail en France et améliorer les incitations au travail pour les bas salaires :

Le gouvernement français a mis en œuvre et annoncé en 2018 et 2019 quatre réformes de l’imposition et des prestations du travail. […]

La première réforme concerne les cotisations de sécurité sociale des employés. Entre 2018 et janvier 2019, les taux de cotisation d’assurance sociale des employés ont été réduits d’environ 3 points de pourcentage, notamment en supprimant les cotisations d’assurances maladie et chômage. Le taux de la Contribution sociale généralisée (CSG), un prélèvement sur le revenu, a été augmenté de 1.7 point de pourcentage, tandis que ses taux réduits pour les bénéficiaires de prestations sont restés inchangés. Les deux réformes suivantes ont concerné la Prime d’activité, une prestation constituée d’un montant forfaitaire variable en fonction de la composition familiale et d’un bonus basé sur les revenus individuels. En octobre 2018, le montant forfaitaire mensuel a augmenté de 20 euros pour un célibataire sans enfant, tandis que le ciblage a été légèrement augmenté en rendant la suppression progressive de la prestation plus abrupte. La plus importante réforme adoptée en janvier 2019 a étendu son éligibilité tout en modifiant ses paramètres afin d’augmenter le revenu net mensuel de 90 € au niveau du salaire minimum à temps plein.

Enfin, les cotisations de sécurité sociale à la charge de l’employeur seront réduites de près de 4 points de pourcentage pour les travailleurs au salaire minimum annuel en 2019. Cette réduction est progressivement éliminée à 1.6 fois le salaire minimum annuel. Dans le même temps, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sera supprimé, ce qui sera compensé par une réduction générale des cotisations de sécurité sociale santé des employeurs.5

En quoi les politiques de formation permettent-elles de lutter contre le chômage structurel ?

formation
Ensemble des activités visant à assurer l’acquisition de connaissances et de savoir-faire.
politique de formation
Ensemble des dispositifs favorisant la formation initiale et la formation continue.

Les gouvernements tentent de lutter contre le chômage structurel en favorisant la qualification des salariés. Or, être qualifié suppose de suivre une formation. Les pouvoirs publics mettent alors en place des politiques de formation pour lutter contre le chômage structurel.

Graphique 3.15 Risques de chômage par diplôme en 2017 en pourcentage.

Insee, « Taux de chômage selon le niveau de diplôme et la durée depuis la sortie de formation initiale en 2017 », base de données Insee 2018. Note : CEP, certificat d’études primaires ; CAP, certificat d’aptitudes professionnelles.

Question 3.37 Complétez le texte

Le Graphique 3.15 permet d’établir un lien entre le niveau de diplôme et le risque de chômage. En effet, des personnes qui sont sorties depuis 1 à 4 ans de formation initiale sans diplôme ou avec un CEP ou brevet risquent de se retrouver au chômage contre des personnes ayant un bac + 2 ou plus. Le diplôme est donc pour éviter le chômage et s’insérer plus sur le marché du travail. Le diplôme permet d’augmenter des personnes ce qui augmente leur productivité et donc leur .

On distingue la formation initiale, qui désigne la formation obtenue au cours des études, et la formation continue qui est réservée aux personnes présentes sur le marché du travail. La part des personnes qualifiées est en constante augmentation (Cf. Graphique 3.16).

Pour ce qui concerne la formation initiale, le gouvernement français a mis en place progressivement, depuis la rentrée scolaire 2018, le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les écoles en réseaux d’éducation prioritaire (REP) afin de renforcer les apprentissages de base des élèves. Il mise aussi sur la formation professionnelle et sur l’apprentissage afin d’augmenter l’employabilité des individus. La formation professionnelle et l’apprentissage bénéficient de financements importants puisque près de 1,6 % du PIB chaque année y est ainsi consacré, si l’on inclut les dépenses propres des entreprises.

Concernant la formation continue, une nouvelle réforme a été engagée en 2018 pour améliorer l’accès au système de formation et la qualité des formations. La nouvelle organisation, qui doit être achevée en 2021, mise sur la mobilisation de droits individuels à la formation. Elle complète ainsi la mise en place du compte personnel de formation (CPF) créé en 2014 qui avait permis d’individualiser les droits et de les conserver ou cumuler sur différentes périodes d’emploi. Ces innovations visent à faciliter l’accès à la formation pour les moins qualifiés et les travailleurs mobiles qui changent plus souvent d’employeurs.

Graphique 3.16 Évolution du niveau d’éducation en France (en pourcentage).

OCDE (2017), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2017.

La formation permet de fournir de nouvelles compétences (savoir, savoir-faire et savoir-être, cf. Section 3.3) et d’augmenter le capital humain des individus. Grâce à la formation, les individus et les économies sont plus aptes à s’adapter aux chocs (liés, par exemple, au progrès technique ou à la mondialisation et à la concurrence des pays émergents) nécessitant un redéploiement de la main-d’œuvre entre secteurs, professions ou régions.

Ces politiques, appelées « politiques actives du marché du travail » améliorent le processus d’appariement entre les travailleurs en quête d’un emploi et les postes vacants, ce qui permet de lutter contre la composante structurelle du chômage. En effet, les travailleurs dont les emplois sont supprimés trouvent plus rapidement un autre emploi.

Il faut aussi souligner que la formation, parce qu’elle accroît le capital humain des personnes, leur permet d’être mieux rémunérées, car elles seront plus qualifiées. Or, la hausse des salaires soutient la consommation et l’investissement des ménages, donc la demande globale : la composante conjoncturelle du chômage se réduit également.

Comment les politiques de flexibilisation permettent-elles de lutter contre les rigidités du marché du travail et le chômage structurel ?

politiques de flexibilisation
Ensemble des mesures prises pour diminuer les rigidités du marché du travail et permettre aux entreprises de s’adapter rapidement aux fluctuations économiques tant au niveau du volume et de la qualité de l’emploi que des rémunérations.

On reproche souvent au marché du travail français deux imperfections : une trop forte rigidité du marché du travail (qui peut s’expliquer comme vous l’avez vu dans la Section 3.3 par l’existence d’institutions) et une inadéquation entre l’offre et la demande de travail. Pour tenter de lutter contre ces deux imperfections, les pouvoirs publics mettent en place des politiques de flexibilisation afin de lutter contre les rigidités du marché du travail et permettre aux entreprises de s’adapter à la conjoncture et à un environnement de plus en plus concurrentiel.

On distingue ainsi deux types de flexibilité : la flexibilité interne et la flexibilité externe.

Au sein de la flexibilité interne, on distingue la flexibilité interne quantitative, la flexibilité fonctionnelle et la flexibilité salariale ; au sein de la flexibilité externe, on distingue la flexibilité externe quantitative et l’externalisation. Regardez le Tableau 3.5 pour prendre connaissance des différentes formes de flexibilité.

formes particulières d’emploi ou emplois atypiques
Statuts d’emploi qui ne sont pas des contrats à durée indéterminée : ce sont, par exemple, l’intérim, les contrats à durée déterminée, l’apprentissage, les stages.
Flexibilité interne Flexibilité externe
Quantitative interne : permettre aux entreprises de s’adapter à l’activité économique en ajustant le volume d’heures de travail à la conjoncture, par exemple en recourant aux heures supplémentaires ou au chômage partiel.
Fonctionnelle : adapter le contenu du poste de travail et recourir à la polyvalence des salariés.
Salariale : ajuster le niveau des salaires à la productivité marginale du salarié.
Quantitative : ajuster le volume de l’emploi à la demande en recourant aux formes particulières d’emplois (dites aussi « emplois atypiques ») comme les contrats à durée déterminée (CDD), aux licenciements ou à l’intérim.
Par externalisation : les entreprises ont recours à la sous-traitance.

Tableau 3.5 Flexibilité interne et externe.

Question 3.38 Complétez le texte

  1. Les primes sont un exemple de flexibilité .
  2. Le recours aux heures supplémentaires est un exemple de flexibilité .
  3. Quand Peugeot fait faire ses pneus par Michelin, il s’agit d’une flexibilité .
  4. Recourir au chômage partiel est une forme de flexibilité .
  5. La rotation des postes est une forme de flexibilité .
  6. Quand l’entreprise Renault embauche 15 salariés en CDD, il s’agit d’une flexibilité .

La flexibilité, quelles que soient ses formes, permet aux entreprises :

Les politiques de flexibilisation sont donc un moyen de lutter contre la composante structurelle du chômage : elles atténuent les rigidités liées aux institutions présentes sur le marché du travail et facilitent l’appariement entre l’offre et la demande de travail.

Étude de cas

Afin d’expliquer le taux de chômage élevé dans certains pays européens par rapport aux États-Unis dans les années 1990 et 2000, certains économistes ont pointé du doigt l’existence d’institutions rigides sur le marché du travail (par exemple, des syndicats puissants, des allocations chômage généreuses et des règles strictes de protection de l’emploi).6 7 Ainsi, le manque de flexibilité dans certains pays pourrait expliquer le taux de chômage élevé. Qu’en est-il ?

Le Graphique 3.17 montre le lien entre la part des salariés dont le salaire est déterminé par des négociations collectives et le taux de chômage (en moyenne sur la période 2000–14). Le pourcentage de salariés, dont les salaires sont déterminés par des négociations collectives, est mentionné sur l’axe des abscisses. Comme vous pouvez le voir, dans certains pays européens, ces négociations collectives concernent presque tous les salariés.

Graphique 3.17 Part des salariés dont les salaires sont déterminés par des négociations collectives (en pourcentage) et taux de chômage (en pourcentage) dans les pays de l’OCDE (2000–14).

OECD. 2015. OECD Statistics. Labour force statistics. Visser, Jelle. 2016. ‘ICTWSS: Database on Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts in 51 countries between 1960 and 2014’ Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies (AIAS).

Si l’on observe les données sur la part des salariés dont le salaire est déterminé par des négociations collectives dans le Graphique 3.17, il ne semble pas que le chômage soit plus élevé dans les pays où le processus de fixation des salaires résulte majoritairement de négociations collectives. Dans l’ensemble des pays où la part des salariés dont le salaire est déterminé par des négociations collectives est supérieure à 80 %, les taux de chômage s’échelonnent entre moins de 4 % (aux Pays-Bas) à presque 14 % (en Espagne). Un faible niveau de chômage est observé dans des pays très divers en termes de poids des négociations collectives : comparez, par exemple, la Corée du Sud et les Pays-Bas, le Japon et l’Autriche ou encore les États-Unis et la Suède. L’Autriche, où presque tous les salariés sont couverts par des négociations collectives sur les salaires, affiche un taux de chômage plus faible que les États-Unis, où moins d’un travailleur sur cinq est couvert par une négociation collective. L’Espagne et la Pologne enregistraient toutes deux un chômage de masse sur cette période, mais la part de salariés dont le salaire est fixé par négociation collective était très élevé en Espagne et très faible en Pologne.

Nous venons de montrer que la flexibilité permet de lutter contre le chômage structurel. Toutefois, certaines formes de flexibilité peuvent entraîner de la précarité. On peut ainsi prendre l’exemple des créations d’emplois en CDD qui sont source de précarité du fait que les individus alternent période d’activité et période de chômage avec des revenus incertains pouvant parfois conduire à la pauvreté. Ainsi, le taux de travailleurs pauvres parmi les travailleurs en contrat précaire est de 16,3 % contre 5,8 % pour les travailleurs en contrat à durée indéterminée en 2015 en Europe.8

Le recours aux formes particulières d’emploi dans le cadre de la flexibilité externe quantitative génère des inégalités entre les salariés et une segmentation du marché du travail avec, d’une part, des salariés embauchés en CDI (contrat à durée indéterminée), qui bénéficient d’une stabilité de l’emploi et des possibilités d’évolution de carrière, et, d’autre part, des travailleurs plus précaires.

Certaines études soulignent aussi que la flexibilité peut conduire à un ralentissement de la productivité : les salariés en emplois atypiques bénéficient rarement de la formation continue et n’ont pas toujours l’expérience requise pour le poste qu’ils occupent.

Pour tenter de lutter contre ces inconvénients, le Danemark a mis en place la flexisécurité. Afin d’en découvrir les principes, regardez la vidéo proposée dans l’Exercice 3.5.

Exercice 3.5 Le modèle danois à la loupe

Pour lutter contre le chômage, le Danemark a mis en place le modèle de la flexisécurité. Regardez la vidéo « Le modèle danois à la loupe », puis répondez aux questions suivantes :

  1. Quelles sont les caractéristiques du marché du travail danois ?
  2. Pourquoi les indemnités chômage sont-elles élevées ?
  3. Quel est le rôle des partenaires sociaux au Danemark ?
  4. Quel est le rôle de la formation ?

La flexisécurité allie une forte flexibilité du marché du travail à un système d’indemnisations chômage généreux ce qui permet de maintenir leur pouvoir d’achat des chômeurs et de lutter contre la pauvreté. En contrepartie, les salariés sont très mobiles et changent souvent de secteur d’activité ou de profession s’ils sont au chômage. Ils peuvent acquérir de nouvelles compétences grâce à la formation : ces mesures visent ainsi à lutter contre la composante structurelle du chômage. Le marché du travail est très flexible, les procédures de licenciement sont assez souples ce qui permet de lutter contre les rigidités du marché du travail.

Question 3.39 Complétez le schéma

Comment lutter contre les différentes formes de chômage ?

3.5 Conclusion

La définition et la mesure du chômage sont complexes et sensibles aux critères retenus. Par conséquent, les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir car les définitions utilisées ignorent certaines situations entre le chômage et l’emploi.

Les variations de la demande globale et le rythme de croissance économique (conjoncture favorable ou défavorable) déterminent les variations du taux de chômage et du taux d’emplois vacants. Les problèmes d’appariement sont à l’origine d’un chômage structurel : l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail n’est pas seulement liée aux fluctuations de l’activité économique mais s’explique aussi par des frictions et des inadéquations spatiales et de qualifications. Les asymétries d’information qui incitent les employeurs à fixer un salaire d’efficience supérieur au salaire d’équilibre et les institutions (salaire minimum, règles de protection de l’emploi) sont également des causes du chômage structurel.

Le taux de chômage observé peut être décomposé en un taux de chômage structurel (lié aux problèmes d’appariement, aux asymétries d’informations et aux institutions) et indépendant de la conjoncture économique, et un taux de chômage conjoncturel, lié aux fluctuations de l’activité économique induites par des chocs de demande et d’offre.

L’État peut avoir recours à diverses politiques pour lutter contre le chômage. Les politiques macroéconomiques de soutien de la demande peuvent permettre de lutter contre le chômage conjoncturel. Il s’agit de politiques de relance ayant comme objectif d’augmenter la consommation et l’investissement, deux composantes de la demande globale.

L’allègement du coût du travail doit permettre de restaurer la compétitivité des entreprises et d’inciter les entreprises à embaucher, induisant des effets, à court terme, sur le niveau de chômage conjoncturel et, à long terme, sur le chômage structurel. Un autre moyen de lutter contre le chômage structurel est de mettre en place et de renforcer les politiques de formation pour accroître la qualification des salariés. Les politiques de flexibilisation sont également en mesure de lutter contre le chômage structurel. Elles visent à diminuer les rigidités du marché du travail et à favoriser l’adaptation rapide des entreprises aux fluctuations économiques.

Concepts introduits dans le Chapitre 3

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

3.6 Références bibliographiques

  1. Marc Rysman. 2009. ‘The Economics of Two-Sided Markets’. Journal of Economic Perspectives 23 (3): pp. 125–43. 

  2. Alvin Roth. 1996. ‘Matching (Two-Sided Matching)’. Stanford University. 

  3. Michael Burda et Jennifer Hunt. 2011. ‘The German Labour-Market Miracle’. VoxEU.org. Mis à jour le 2 novembre 2011. 

  4. Cahuc, Pierre, et Zylberberg, André (2015), Les Ennemis de l’emploi : le chômage, fatalité ou nécessité ?, Flammarion 

  5. Antoine Goujard, Alexander Hijzen et Stefan Thewissen, Améliorer les performances du marché du travail en France, OCDE, 2019. 

  6. Olivier Blanchard et Justin Wolfers. 2000. ‘The Role of Shocks and Institutions in the Rise of European Unemployment: The Aggregate Evidence’. The Economic Journal 110 (462) (March): pp. 1–33. 

  7. David R Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, et John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’Capitalism and Society 2 (1) (January). 

  8. D’après https://www.inegalites.fr/Un-travailleur-sur-dix-est-pauvre-en-Europe