Montage de Unes sur la Crise Financière : pingnews.com, https://goo.gl/yAQq7m, licensed under CC BY-SA 2.0

Chapitre 4 Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?

4.1 Sensibilisation

Le samedi 7 février 2009, peu avant l’aube, 3 582 pompiers sont intervenus sur l’ensemble du territoire de l’État australien du Victoria. Ce jour-là, les feux de brousse ont dévasté 400 000 hectares, détruit 2 056 maisons et ôté la vie à 173 personnes. Les Australiens ont qualifié cette journée de « Samedi noir » (Black Saturday, en anglais).

Cependant, ce matin-là, aucune alerte d’incendie n’avait été lancée. Comment les pompiers de l’État du Victoria ont-ils donc été alertés ? Ils l’ont été grâce à un indicateur appelé l’indice de danger d’incendie de forêt de McArthur (McArthur Forest Fire Danger Index ou FFDI, en anglais) qui, la veille, avait dépassé ce qui était (jusque-là) son niveau maximal calibré à 100, un niveau qui avait été atteint seulement lors des feux de brousse de janvier 1939. Lorsque cet indice est supérieur à 50, il indique un danger « extrême ». Une valeur excédant 100 représente un danger « catastrophique ». Le 6 février 2009, l’indice FFDI avait atteint 160.

Ce n’était pas une simple étincelle ou un éclair qui avait causé le Samedi noir. Tous les jours, des étincelles provoquent des petits feux de brousse et, pour cette seule journée, la Commission royale signala 316 cas distincts de feux d’herbe, de broussaille ou de forêt. Ce sont des circonstances particulières qui transformèrent des feux apparemment sans réel danger en un désastre sans précédent.

Comme pour le Samedi noir, de petites causes ont parfois des conséquences très importantes. Dans le cas d’un réseau électrique, la défaillance d’un seul maillon du réseau entraîne la surcharge d’autres maillons, entraînant des coupures électriques en cascade. Les avalanches constituent un autre exemple naturel.12

Grande Dépression
La période de forte baisse de la production et de l’emploi dans beaucoup de pays dans les années 1930.
crise financière mondiale
Cette crise débuta en 2007 avec l’effondrement des prix immobiliers aux États-Unis. Les effets de la crise se firent sentir partout dans le monde puisque la croissance ralentit, le chômage augmenta et le commerce mondial recula considérablement.

On retrouve également ce phénomène d’effet papillon (petites causes aux lourdes conséquences) en économie, par exemple lors de la Grande Dépression des années 1930 ou lors de la crise financière mondiale de 2008.

Grande Modération
Période de faible volatilité de la production globale dans les économies avancées entre les années 1980 et la crise financière de 2008. Le terme fut suggéré par les économistes James Stock et Mark Watson et popularisé par Ben Bernanke, alors président de la Fed.

Contrairement aux feux de brousse au sud-est de l’Australie en 2009, la crise financière mondiale a pris par surprise les ménages, les entreprises et les gouvernements du monde entier. Le potentiel d’une croissance fondée sur l’endettement à créer de tels ravages fut complètement négligé durant les années précédentes de croissance stable, caractérisées par une gestion macroéconomique apparemment réussie et que l’on a appelées la Grande Modération.

investissement
Dépenses mises en œuvre par les entreprises pour acquérir des biens de production comme des biens d’équipement ou encore des bâtiments. Elles effectuent aussi des dépenses de recherche et développement, on parle alors d’investissement immatériel.

Les décideurs économiques à l’échelle mondiale n’étaient tout simplement pas préparés. Ils découvrirent à cette occasion qu’une longue période d’accalmie sur les marchés financiers pouvait rendre une crise plus probable. C’est un argument que l’économiste Hyman Minsky avait pourtant avancé bien avant la Grande Modération. En 1982, Minsky écrivit un ouvrage intitulé Can “It” Happen Again? (Est-ce que cela peut se reproduire ?, en français) sur le fait que des périodes de tranquillité conduisent les entreprises à recourir à des méthodes de financement de leurs investissements plus risquées. En d’autres termes, une période telle que la Grande Modération contenait les germes de la prochaine crise financière. Son avertissement fut ignoré.3

De nombreux économistes continuèrent de penser que l’instabilité économique était un phénomène du passé, jusqu’à ce que la crise éclate. C’est comme si les pompiers australiens avaient appris que l’indice FFDI avait atteint un niveau de 160, mais qu’ils n’avaient pas réagi, parce qu’ils ne pensaient pas qu’un incendie soit possible.

À quelques exceptions près, la plupart des décideurs politiques et leurs conseillers économiques continuaient de penser que le secteur financier était capable de s’autoréguler. Au lieu de se montrer plus vigilants, les économistes et régulateurs se complaisaient dans cette période d’accalmie que fut la Grande Modération.

Certaines des personnes impliquées admirent par la suite que leurs anticipations sur la stabilité de l’économie étaient erronées. Par exemple, Alan Greenspan, l’ancien président de la banque centrale américaine (la Réserve fédérale), reconnut que la crise financière avait révélé un « défaut » dans sa croyance que des marchés libres et concurrentiels garantissaient la stabilité financière.

Pour les économistes et les historiens, les événements de 2008 ressemblaient de façon inquiétante aux événements qui avaient marqué le début de la Grande Dépression de 1929. Les causes de la Grande Dépression nous apparaissent comme étant dramatiques, et ont dû être terrifiantes pour ceux qui les ont réellement vécues. Ainsi, les événements de 2008 montrent également comment le fait de ne pas tirer entièrement les enseignements de l’histoire crée les conditions de nouvelles crises.

Illustration 4.1 Mère migrante de Dorothea Lange (1936).

Library of Congress, Prints & Photographs Division, FSA/OWI Collection, LC-DIG-fsa-8b29516. Notes : Pour beaucoup, la « Mère migrante » de Dorothea Lange est l’image la plus emblématique de la Grande Dépression, illustrant les conditions misérables dans lesquelles beaucoup de personnes se sont trouvées au cours de cette période. Sur cette photo, Florence Owens Thompson, ouvrière agricole migrante, âgée de 32 ans, et trois de ses enfants sont pris, blottis les uns contre les autres, dans une tente dans un camp de cueilleurs de pois à Nipomo, en Californie.

En 2008, les économistes se sont souvenus des leçons de la Grande Dépression aux États-Unis : ils ont alors encouragé les décideurs publics à adopter des actions concertées à l’échelle internationale pour garder le système bancaire en état de fonctionnement et stopper l’effondrement de la demande agrégée. En novembre 2008, lors du sommet du G20 à Washington, le Premier ministre britannique Gordon Brown dit aux journalistes : « Nous devons nous accorder sur l’importance de coordonner les politiques monétaires et budgétaires. Il y a urgence. En agissant maintenant, nous pouvons stimuler la croissance dans toutes nos économies. Le coût de l’inaction sera bien plus important que le coût de n’importe quelle action. » Nombre de décideurs politiques influents dans cette crise étaient alors des économistes qui avaient étudié la Grande Dépression. Ils appliquèrent les leçons tirées de leur analyse.

Exercice 4.1 Questions sur la sensibilisation

  1. Montrez que l’expérience de la crise financière mondiale de 2008 d’une part et celle des feux de brousse du Sud-Est australien en 2009 d’autre part illustrent toutes deux le phénomène d’effet papillon.
  2. Quelle différence apparaît, dans ce texte, entre la crise financière mondiale et les feux de brousse en Australie ?
  3. Quel effet paradoxal la période de tranquillité de la Grande Modération a-t-elle engendré ?
  4. Comment, après avoir été surpris par la crise de 2008, les décideurs ont-ils finalement tenu compte des leçons de la Grande Dépression de 1929 ?
crise financière
Crise qui affecte le système de financement de l’économie c’est-à-dire les banques et les marchés financiers.
bulle spéculative
Hausse durable et importante du prix d’un actif alimenté par l’anticipation de futures hausses de prix. Le prix de l’actif s’écarte alors de sa valeur fondamentale.
comportements mimétiques
Situation qui désigne le fait que plusieurs agents financiers, disposant des mêmes informations et en faisant la même analyse, adoptent la même stratégie sur le marché : ils achètent ensemble ou, à l’inverse, vendent au même moment ce qui accentue l’effet de leur stratégie sur les prix.
prophéties autoréalisatrices
Situation dans laquelle des agents anticipent un fait et se comportent de telle manière qu’ils engendrent le fait qu’ils ont anticipé. Par exemple, des agents anticipent le fait que le prix d’une action augmente. Ils sont alors conduits à acheter cette action pour eux-mêmes bénéficier de la plus-value qu’ils anticipent, or le fait que ces agents achètent l’action contribue à faire augmenter le prix de cette action. Les agents du fait de leur anticipation (prophétie) ont modifié leur comportement et leur anticipation (prophétie) a, donc, été vérifiée.
panique bancaire
Une situation dans laquelle les déposants retirent leur argent d’une banque parce qu’ils ont peur qu’elle devienne insolvable. Ces retraits entraînent presque nécessairement la banqueroute de la banque qui n’a jamais un actif assez liquide pour répondre à ces retraits immédiatement.
faillites bancaires en chaîne
Situation dans laquelle la faillite d’une banque (généralement de grande taille) entraîne la faillite d’autres banques du fait que les banques ont des engagements réciproques les unes envers les autres. Il s’agit d’un effet domino.
effet de richesse
Situation dans laquelle un agent voit sa richesse s’accroître (diminuer) ce qui l’amène à réduire (augmenter) son épargne et à augmenter (réduire) son niveau de consommation.
collatéral
Bien ou titre qu’un emprunteur apporte en garantie à un prêteur. Si l’emprunteur est incapable de rembourser son crédit comme dû, le créancier devient le propriétaire du collatéral (le bien ou le titre).
ventes forcées
La vente d’un actif quel que soit son prix (souvent très bas) en raison d’un besoin urgent de liquidités du vendeur.
contraction du crédit
Situation de crise dans laquelle les banques sont conduites à diminuer leur offre de prêts bancaires accordés aux agents (les ménages et les entreprises principalement) en besoin de financement et où ceux-ci réduisent parallèlement leur demande de crédits.
régulation du système bancaire et financier
Ensemble des mesures prises par les autorités compétentes pour amener les établissements bancaires et financiers à adopter des comportements moins risqués, notamment en termes de liquidité et de solvabilité.
aléa moral
Toute situation dans laquelle un agent économique protégé d’un risque agit différemment que s’il avait à subir les effets du risque qu’il prend. Ainsi, une banque systémique prend des risques excessifs, car elle sait que l’État viendra à son secours en cas de difficulté : c’est un aléa moral.
supervision des banques par la banque centrale
Ensemble des dispositifs préconisés par les banques centrales pour contrôler et surveiller les actions des banques de manière à rendre ces dernières plus solides.
ratio de solvabilité
Les ratios de solvabilité sont des dispositifs réglementaires mis en place par la Banque des Règlements Internationaux (BRI). Ces dispositifs ont pour objectif d’assurer la capacité de financement des banques afin de prévenir de crises financières et économiques globales. Par exemple suite aux accords de Bâle II, le Pilier 1 du ratio de solvabilité définit les exigences minimales de fonds propres. Conformément à l’article 2.1 de l’arrêté du 20 février 2007 modifié, doivent être couverts en principe par 8 % de fonds propres le risque de crédit et de dilution, les risques de marché et le risque opérationnel.
Objectifs d’apprentissage (programme) Plan du chapitre
Connaître les principales caractéristiques de la crise financière des années 1930 et de celle de 2008 (effondrement boursier, faillites en chaîne, chute du PIB et accroissement du chômage). Section 4.2 : Quelles sont les principales caractéristiques de la crise financière des années 1930 et de celle de 2008 ?
Comprendre et savoir illustrer la formation et l’éclatement d’une bulle spéculative (comportements mimétiques et prophéties autoréalisatrices). Comprendre les phénomènes de panique bancaire et de faillites bancaires en chaîne. Section 4.3 : Comment expliquer les crises financières par la formation et l’éclatement d’une bulle spéculative ?
Connaître les principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle : effets de richesse négatifs, baisse du prix du collatéral et ventes forcées, contraction du crédit. Section 4.4 : Quels sont les principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle ?
Connaître les principaux instruments de régulation du système bancaire et financier qui permettent de réduire l’aléa moral des banques : supervision des banques par la banque centrale, ratio de solvabilité. Section 4.5 : Quels sont les principaux instruments de régulation du système bancaire et financier ?

Tableau 4.1 Objectifs d’apprentissage et plan du chapitre.

4.2 Quelles sont les principales caractéristiques de la crise financière des années 1930 et de celle de 2008 ?

Quelles sont les caractéristiques de la crise financière des années 1930 ?


Objectif : Identifier les caractères spécifiques de la crise financière des années 1930 aux États-Unis.

Effondrement boursier

Un indice boursier est un indice composite (une moyenne) permettant de suivre l’évolution des cotations des entreprises industrielles les plus représentatives (ici, les plus importants groupes industriels cotés à New York).

marché boursier
Un marché financier où des actions ainsi que d’autres d’actifs financiers sont échangés. Il comporte une liste d’entreprises dont les actions y sont échangées.

Le jour qui marque le début de la Grande Dépression est aujourd’hui nommé « Jeudi noir » (Black Thursday, en anglais). Le jeudi 24 octobre 1929, l’indice boursier américain Dow Jones des valeurs industrielles s’effondra de 11 % à l’ouverture (au début des échanges d’actions), plongeant le marché boursier américain dans le déclin pour trois ans lors desquels il perdit 89 % de sa valeur (voir le Graphique 4.1). Il fallut attendre 1954 pour que le Dow Jones (30 plus grandes entreprises industrielles de la Bourse de New York) retrouve sa valeur de 1929. Cet effondrement soudain des valeurs à la Bourse est appelé krach boursier, en allemand, en référence à l’effondrement de la Bourse de Vienne en 1873.

Graphique 4.1 L’évolution du Dow Jones lors de la Grande Dépression (janvier 1924–avril 1932).

Crise de surproduction

Graphique 4.2 Changement dans les composantes de la demande globale au cours des fluctuations à la hausse et à la baisse (3e trimestre 1924–4e trimestre 1941).

Gordon, Robert J., The American Business Cycle: Continuity and Change. Vol. 25. University of Chicago Press. 2007.

Si vous observez bien le Graphique 4.2, vous remarquez trois périodes de récession, c’est-à-dire de baisse du PIB. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, quand des périodes d’expansion (hausse du PIB) et de récession se succèdent régulièrement, on parle de cycles économiques.

Vous remarquez aussi que la variation du PIB peut être décomposée selon les contributions de chaque poste de dépenses, c’est-à-dire de la demande globale :

On observe ainsi que, lors des phases de récession, l’investissement (barre rouge) contribue le plus fortement à la baisse du PIB. En effet, l’incertitude sur l’état de l’économie provoquée par le spectaculaire krach boursier d’octobre 1929 rendit les entreprises et les ménages plus prudents, les amenant à différer dans le temps leurs achats de machines, de biens d’équipement et de biens de consommation durables. Lors des récessions qui suivirent la crise de 1929, la consommation de biens non durables (barre verte) contribua elle aussi fortement à la baisse du PIB.

Cette forte baisse des composantes de la demande explique la situation de surproduction dans laquelle se sont trouvées les entreprises aux États-Unis après la crise. On remarque enfin que, à partir de 1933 (début de la politique du New Deal de Roosevelt), les dépenses publiques (barre noire) contribuent de façon positive à la croissance même en période de récession (en freinant la baisse du PIB).

Faillites en chaîne des entreprises et des banques

Étant donné qu’avant la crise les banques accordaient facilement des crédits, de nombreux ménages et entreprises s’étaient endettés. La baisse des cours empêcha ceux qui avaient emprunté pour spéculer à la hausse de rembourser leurs dettes (certains spéculateurs avaient, à tort, anticipé une augmentation des cours et contracté des crédits. Ils étaient convaincus qu’ils tireraient une plus-value de la vente de leurs actifs à un prix supérieur à celui de leur achat ; la baisse des cours les mit en difficulté). En outre, la baisse des revenus qui accompagna la récession élargit cette situation à de nombreux agents économiques endettés. Ceci conduisit beaucoup de petites banques à la faillite.

De plus, face à cette vague de faillites de petites banques fragiles, les épargnants commencèrent à craindre de ne plus être en mesure de récupérer l’argent déposé sur leur compte bancaire. Dans un mouvement de panique, ils voulurent retirer leurs dépôts, ce qui accéléra la faillite des banques qui ne disposaient pas des liquidités nécessaires.

Par conséquent, dès 1933, près de la moitié des banques américaines avait fait faillite, ce qui réduisit considérablement l’offre de crédit. Les banques qui n’avaient pas fait faillite augmentèrent les taux d’intérêt pour se protéger contre le risque, décourageant alors les entreprises d’investir et freinant les dépenses de consommation des ménages en automobiles, réfrigérateurs et autres biens durables. De nombreuses entreprises fragilisées firent faillite et de nombreux ménages s’appauvrirent.

Chute du PIB, accroissement du chômage et déflation

déflation
Baisse du niveau général des prix.

La Grande Dépression aux États-Unis est caractérisée par une baisse du PIB due surtout à la baisse de la production industrielle, une explosion du chômage et une baisse généralisée des prix à la consommation (la déflation). Aujourd’hui, on peut remarquer que les économistes ont nommé « récession », et pas « déflation », la diminution du PIB qui a marqué la crise financière de 2008, parce que elle s’est notamment manifestée sans déflation. Mesurons ces phénomènes et étudions leur chronologie à l’aide du Graphique 4.3.

Graphique 4.3 L’effet de la Grande Dépression sur l’économie américaine (1928–1941).

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

L’évolution de la production industrielle lors de la Grande Dépression

L’indice de base 100 en 1929 de la production industrielle n’indique pas le niveau de cette production, mais son évolution depuis 1929. Ainsi, l’indice 60 de 1932 indique que la production industrielle a baissé de 40 % (100 − 60) entre 1929 et 1932.

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

L’évolution de la production industrielle et du PIB lors de la Grande Dépression

Le PIB réel (sans l’inflation) a connu des fluctuations beaucoup moins amples que celles de la production industrielle même s’il a connu une baisse d’environ 25 % de 1929 à 1933.

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

L’évolution de la production et des prix lors de la Grande Dépression

Les États-Unis ont connu une déflation, c’est-à-dire une baisse des prix d’environ 23 % des produits de consommation entre 1929 et 1933.

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

L’effet de la Grande Dépression sur l’économie américaine (1928–1941)

Le chômage aux États-Unis est multiplié par plus de sept de 1929 à 1933 et passe de 3 % à 23 % des actifs. Il ne se résorbera que très lentement.

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

L’effet de la Grande Dépression sur l’économie américaine (1928–1941)

La crise de 1929 n’est donc que le point de départ de la Grande Dépression qui durera toutes les années 1930 et ne se résoudra qu’après la politique de New Deal menée par Roosevelt et la guerre de 1941–1945.

United States Bureau of the Census. 2003. Historical Statistics of the United States: Colonial Times to 1970, Part 1. United States: United States Govt Printing Office; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

Question 4.1 Choisissez les bonnes réponses

Regardez de nouveau le Graphique 4.3. En vous appuyant sur ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • La production industrielle a baissé de plus de 40 % lors des trois premières années de la crise.
  • Le PIB réel des États-Unis retrouve son niveau de 1929 en 1936.
  • La production industrielle des États-Unis retrouve définitivement son niveau de 1929 dès 1937.
  • En 1941, à l’entrée en guerre des États-Unis, leur production industrielle dépasse enfin leur PIB.
  • En effet, il s’agit d’un effondrement considérable qui touche en particulier le secteur automobile (très lié au crédit).
  • En effet, on remarque que la politique de Roosevelt (New Deal) produit des effets à partir de 1933.
  • Non, pas vraiment, car 1937 est une nouvelle année de crise suivie d’une baisse de plus de 20 % de la production industrielle.
  • Non, la production industrielle n’est qu’une partie du PIB. L’indice de la production industrielle est supérieur à celui du PIB ; cela signifie que la production industrielle a plus augmenté que le PIB depuis 1929 (base 100).

Question 4.2 Choisissez les bonnes réponses

Regardez de nouveau le Graphique 4.3. En vous appuyant sur ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • Le taux de chômage a été multiplié par plus de sept entre 1929 et 1933 aux États-Unis (lecture à partir de l’axe de droite).
  • Le PIB réel et les prix à la consommation ont baissé parallèlement de 1929 à 1933 aux États-Unis.
  • Le chômage, de 1929 à 1941, a affecté plus de 10 % des actifs états-uniens pendant 10 ans et plus de 15 % pendant 4 ans.
  • Le chômage a atteint un États-Unien sur quatre en 1933.
  • La photo de Dorothea Lange (Cf. Sensibilisation) exprime le désarroi qui frappe alors de nombreux États-Uniens.
  • En effet, mais on peut remarquer que les prix n’ont pas augmenté par la suite lors de la reprise de la croissance à partir de 1933.
  • Non, il a concerné plus de 15 % des actifs pendant 8 ans.
  • Non, il s’agit d’un actif sur quatre, les inactifs ne sont pas concernés (le taux de chômage est le rapport entre la population active inoccupée et la population active, et non la population totale).

Exercice 4.2 Les agriculteurs et la déflation lors de la Grande Dépression

Les agriculteurs faisaient partie de ceux qui cumulaient le plus de dettes aux États-Unis avant la crise de 1929. Or, les prix de leurs produits s’effondrèrent en raison de la déflation qui engendra la crise. Ceci conduisit à une chute de leurs revenus alors que le montant de leurs dettes, quant à lui, n’était pas revu à la baisse. Par conséquent, le poids de leurs dettes devint plus lourd (sa valeur réelle augmenta du fait de la déflation).

  1. Comment auriez-vous réagi à leur place ?

Paradoxalement, cela pousse chaque agriculteur à augmenter les quantités produites de façon à maintenir ses revenus. Mais comme chaque agriculteur réagit ainsi, l’offre de produits agricoles augmente alors que la demande n’a aucune raison de croître en temps de crise.

  1. Représentez graphiquement la demande et l’évolution de l’offre (offre 1 avant la crise et offre 2 après) puis montrez les conséquences des variations de l’offre sur l’équilibre du marché des produits agricoles.
  2. Pourquoi peut-on dire que cette réaction, si elle est pertinente individuellement, ne l’est pas collectivement ?

Synthèse

La crise de 1929 a été précédée aux États-Unis d’une période de forte croissance de la production, en particulier de la production industrielle, de l’investissement et de la consommation.

Elle débuta par un effondrement des valeurs à la Bourse de New York. Celui-ci fut suivi d’une grande dépression caractérisée par une baisse de la demande de biens de consommation des ménages et un effondrement de l’investissement. Les prix baissèrent de façon généralisée jusqu’en 1933 ; c’était une déflation défavorable aux nombreux agents économiques endettés. Cela conduisit des banques puis de nombreuses entreprises à des faillites en chaîne, source d’une explosion du chômage.

Quelles sont les caractéristiques de la crise financière de 2008 ?


Objectif : Identifier les caractères spécifiques de la crise financière de 2008 aux États-Unis.

Octroi massif de crédits dans le secteur immobilier

hypothèque (ou prêt hypothécaire)
Un prêt contracté par un ménage ou une entreprise pour acquérir une propriété sans payer toute sa valeur en une fois. L’emprunteur rembourse le prêt augmenté des intérêts sur une période de plusieurs années. La dette est garantie par le bien lui-même, qui est désigné comme le collatéral. Voir également : collatéral.

Lorsque les ménages empruntent pour acheter un logement, ils le font via un prêt garanti par un bien (le logement lui-même). Cette garantie s’appelle une hypothèque ; il ne s’agit pas de la valeur de la créance (la promesse de rembourser), mais d’une sécurité associée à cette promesse, un collatéral. Dans le cadre de l’hypothèque, la banque peut prendre possession du bien immobilier si l’emprunteur ne rembourse pas son crédit.

Avant les années 1980, les institutions financières étaient restreintes dans le type de prêts et dans les taux d’intérêt qu’elles pouvaient exiger.

dérégulation financière
Principe des politiques publiques qui visent à donner aux banques et autres institutions financières davantage de liberté dans leur activité.
désintermédiation financière
Principe selon lequel les entreprises se financent directement sur les marchés financiers sans passer par les banques. Elle incite les banques à émettre elles-mêmes des titres financiers.
décloisonnement des marchés financiers
Le fait que les banques ne sont plus spécialisées dans un seul type d’activité, ce qui a permis une mondialisation financière.

« Retournement » de la politique monétaire

Après quelques années de baisse des taux d’intérêt directeurs, la Réserve fédérale, la banque centrale des États-Unis, a commencé à majorer ces taux à partir de mi-2004. C’est un retournement de la politique monétaire, qui devient plus restrictive. Les taux d’intérêt des crédits immobiliers ont donc augmenté eux aussi, ce qui a augmenté leur coût pour les emprunteurs.

Défauts de paiement de certains ménages

Les premiers signes de difficultés sur le marché hypothécaire sont apparus à la mi-2005 et la situation a alors commencé à se détériorer rapidement. La part des crédits à risque qui avaient 90 jours ou plus de retard de remboursement ou qui étaient en voie de saisie est passée de 5,6 % à la mi-2005 à plus de 23 % en septembre 2008. Les biens saisis aux ménages en défaut de paiement se sont avérés difficiles à vendre alors qu’ils auraient dû garantir les prêts, ce qui fragilisa les banques.

Faillites en chaîne de banques

L’un des événements que l’on associe le plus étroitement à la crise financière, la faillite de la banque d’investissement américaine Lehman Brothers le 15 septembre 2008, démontra à quel point les banques étaient interdépendantes. Cet événement ne marqua pas le début de la crise (la contraction de la demande globale aux États-Unis avait débuté avec les difficultés du marché immobilier), mais il marqua le début de l’escalade de la crise aux niveaux national et international.

Question 4.3 Choisissez les bonnes réponses

Regardez la vidéo « La crise des subprimes expliquée ». En vous appuyant sur cette vidéo, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • Les investisseurs acceptent d’investir dans les crédits immobiliers risqués parce que les hypothèques apportent une garantie en cas de défaut de paiement.
  • Un crédit prime est accordé à un emprunteur ayant un risque élevé de défaut de paiement.
  • Un crédit subprime est accordé avec des taux d’intérêt plus bas, car ces emprunteurs ont plus de mal à rembourser.
  • Les investisseurs acceptent d’investir dans des crédits immobiliers risqués parce que leurs taux d’intérêt sont supérieurs.
  • En effet, l’hypothèque est une garantie réelle qualifiée de collatéral par les économistes, car il s’agit d’une valeur qui se substituera en cas de non-remboursement de la créance.
  • Non, c’est le crédit subprime (de seconde qualité) qui est accordé à un emprunteur à risque.
  • Non, ces crédits étant plus risqués, les banques ne les accordent que moyennant un taux d’intérêt (le prix du crédit) plus élevé.
  • En effet, les taux d’intérêt demandés aux emprunteurs représentant un risque fort sont plus élevés.

Chute du PIB, accroissement du chômage et risques déflationnistes

Grande Récession
Le ralentissement prolongé de la croissance économique dû à la crise financière mondiale de 2008.

La crise causée par le problème des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis s’étendit à d’autres pays. La récession qui la caractérisa à travers le monde en 2008–09 fut la pire contraction de l’économie depuis la Grande Dépression et s’accompagna d’un effondrement de la création d’emplois et d’une forte augmentation du chômage. Malgré cette importante récession (qui conduisit d’ailleurs à ce que cette période soit appelée la Grande Récession), la baisse de l’inflation a été relativement modeste et le risque déflationniste a été maîtrisé, même en 2009, comme l’illustre le Graphique 4.4.

Graphique 4.4 L’effet de la crise de 2008 sur l’économie américaine (2007–2017).

Banque mondiale, Données des comptes nationaux de la Banque mondiale et fichiers de données des comptes nationaux de l’OCDE, 2019.

Exercice 4.3 L’effet de la crise de 2008 sur l’économie américaine

Regardez de nouveau le Graphique 4.4. En vous appuyant sur ces informations :

  1. Présentez les effets de la crise de 2008 sur la production industrielle, le PIB, l’inflation et le chômage aux États-Unis. Vous veillerez à inclure des données chiffrées ainsi que des périodisations précises dans votre réponse.
  2. Vous vous demanderez ensuite combien de temps il a fallu pour retrouver la situation précédant la crise.

Synthèse

La crise de 2008 a été précédée aux États-Unis d’une explosion des crédits immobiliers à risques (les subprimes). En raison d’une augmentation des taux d’intérêt directeurs et des défauts de surveillance des banques, ils ont conduit à de nombreux défauts de paiement puis à des faillites bancaires. Malgré une intervention forte des États ainsi que des banques centrales, la crise financière a limité fortement l’accès au crédit pour les ménages comme pour les entreprises. Cela a entraîné une baisse de la production industrielle et, dans une moindre mesure, une baisse du PIB, ainsi qu’une forte hausse du taux de chômage, qui a mis une dizaine d’années à se résorber.

Quels sont les différences et les points communs entre les dépressions issues de la crise financière de 1929 et de celle de 2008 ?


Objectif : Distinguer la crise financière de 1929 de celle de 2008 au niveau mondial.

Points communs entre ces deux crises : effondrement boursier et faillites bancaires, dimension systémique et répercussion immédiate sur le PIB

Exercice 4.4 Les points communs des crises financières de 1929 et 2008 aux États-Unis

  1. Après avoir comparé le Graphique 4.3 et le Graphique 4.4, présentez les deux points communs essentiels entre les effets de la crise financière de 1929 et de celle de 2008 aux États-Unis.
  2. Vous illustrerez votre réponse à la question précédente à l’aide de quelques données statistiques.

Le Graphique 4.5a établit une comparaison directe de l’évolution de la production industrielle après ces deux crises dans l’ensemble du monde. L’axe des abscisses mesure le temps écoulé après chacune des crises. La lecture des indices des 12 premiers mois après la crise indique une baisse d’environ 13 % de la production industrielle dans les deux cas (les deux courbes se croisent à ce point-là : 12 mois et indice de 87). Cependant, en 2009, un an après le début de la crise, la production industrielle cesse de diminuer en moyenne mondiale alors qu’en 1930, un an après le début de la crise, la production continue à baisser durant, au total, plus de trois ans et perdant ainsi plus du tiers de sa valeur.

Graphique 4.5a Comparaison entre la Grande Dépression et la crise financière mondiale de 2008 : la production industrielle.

Miguel Almunia, Agustín Bénétrix, Barry Eichengreen, Kevin H. O’Rourke, and Gisela Rua. 2010. ‘From Great Depression to Great Credit Crisis: Similarities, Differences and Lessons.’ Economic Policy 25 (62): 219–65. Updated using CPB Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis. 2015. ‘World Trade Monitor.’

C’est donc le début du déroulement de la crise qui présente certaines caractéristiques communes en 1929 et en 2008 :

Différences entre ces deux crises : absence d’intervention des banques centrales en 1929 alors que leur intervention est massive en 2008

Après la première année, les deux crises se différencient nettement. En effet, la dépression est prolongée dans les années 1930 alors que la croissance économique, même si elle est faible, revient moins de deux ans après la crise de 2008.

Il faut rechercher les causes de ces déroulements différents dans les interventions des pouvoirs publics qui sont tout à fait opposées.

Durant les premières années de la Grande Dépression, les politiques publiques ont à la fois amplifié et prolongé le choc. En 2008, en revanche, les interventions des gouvernements et des banques centrales ont limité le choc.

Graphique 4.5b Comparaison entre la Grande Dépression et la crise financière mondiale : la politique budgétaire.

Comme pour le Graphique 4.5a, actualisation en utilisant les données du Fonds monétaire international. 2009. World Economic Outlook: January 2009; International Monetary Fund. 2013. ‘IMF Fiscal Monitor April 2013: Fiscal Adjustment in an Uncertain World, April 2013.’ April 16. Note : Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Italie, Japon, Norvège, Portugal, Suède, Suisse, Royaume-Uni, États-Unis, Inde, Pays-Bas, Bulgarie et Hongrie.

L’étude du Graphique 4.5b permet d’observer le solde budgétaire des administrations publiques (pour 21 pays en 1929, pour le monde entier en 2008) c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses des administrations publiques. Jusqu’en 1929, le solde budgétaire de ces pays est équilibré. Après la crise de 1929 apparaît un déficit qui ne dépasse jamais 3 % du PIB sur la période étudiée.

En avril 1932, le président Herbert Hoover s’exprima devant le Congrès pour affirmer qu’une « réduction plus importante encore des dépenses publiques » était nécessaire, et il plaida en faveur d’un budget équilibré. Autrement dit, pour Hoover, le déficit était un effet non recherché de la crise, alors que son successeur Franklin Delano Roosevelt considérait qu’il fallait maintenir les dépenses de l’État, voire les accroître pour relancer la demande ; on parle alors de politique budgétaire de relance.

Cette politique de relance fut tardive et d’ampleur limitée (5,3 % de déficit aux États-Unis en 1936) alors qu’elle fut immédiate et puissante après la crise de 2008 (les déficits publics dépassèrent 7 % du PIB en moyenne mondiale).

Graphique 4.5c Comparaison entre la Grande Dépression et la crise financière mondiale : la politique monétaire.

Comme pour le Graphique 4.5a, actualisation en utilisant les données des banques centrales nationales. Note : France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis, Japon, Pologne et Suède.

L’étude du Graphique 4.5c montre que, après un retard de quatre ou cinq mois, les banques centrales de ces sept pays ont réagi en baissant leurs taux d’intérêt directeurs.

Cependant, la comparaison des politiques monétaires des banques centrales s’arrête là. En effet, la baisse des taux d’intérêt fut plus rapide début 2009 qu’elle ne l’avait été en 1930, et, surtout, cette baisse partait d’un niveau très inférieur (3 points de différence). De plus, cette politique monétaire de relance continua à être adoptée pendant de nombreuses années après la crise du début du 20e siècle alors que les taux d’intérêt directeurs des banques centrales remontèrent dès 1931. Cette politique monétaire trop modérée (relance de courte durée, baisse des taux d’intérêt moins rapide partant d’un niveau élevé) de la Grande Dépression produisit d’autant moins d’effets que la déflation accroissait parallèlement le taux d’intérêt réel.

La politique monétaire plus volontaire (relance plus marquée) après la crise de 2008 permit de sauver le système bancaire et de maîtriser les risques déflationnistes. Toutefois, elle ne restaura pas suffisamment la confiance pour relancer vraiment le crédit et les activités économiques. Il s’est ensuivi un ralentissement durable de la croissance de la production agrégée au niveau mondial, connue sous le terme de Grande Récession.

Synthèse

Les crises de 1929 et de 2008 sont caractérisées toutes les deux par une crise financière qui a fragilisé le système bancaire et qui a eu une répercussion immédiate sur le PIB et sur le chômage.

Cependant, la sortie de crise a été plus rapide après la crise de 2008 que lors de la Grande Dépression. Les différences de réaction des pouvoirs publics à ces chocs en sont la raison principale : les politiques de relance ont été plus marquées en 2008, qu’il s’agisse de la politique budgétaire qui s’est manifestée par des déficits volontairement importants ou de la politique monétaire visible par la baisse des taux d’intérêt directeurs, presque nuls dès 2009.

4.3 Comment expliquer les crises financières par la formation et l’éclatement d’une bulle spéculative ?

Comment une bulle spéculative se forme-t-elle et éclate-t-elle ?


Objectif : Comprendre la formation et l’explosion des bulles spéculatives et connaître les étapes de la bulle immobilière de 2007–2008.

D’où provient la valeur fondamentale des titres financiers ?

Les prix sur les marchés financiers changent constamment. Observons les données du Graphique 4.6 qui concernent une journée de mai 2014.

action
Titre de propriété d’une société anonyme. Ce titre donne un droit proportionnel au nombre d’actions détenues à voter pour désigner les administrateurs, à toucher une part des bénéfices distribués (dividendes) et permet, comme tout titre, de gagner une plus-value si son prix augmente entre l’achat et la vente.

Peu après l’ouverture du marché à 9 h 30, le prix de l’action était de 16,66 dollars. Au fur et à mesure que les investisseurs achetaient et vendaient des actions au cours de la journée, le prix se modifiait. Il atteignit son niveau le plus bas de 16,45 dollars à 10 heures et à 14 heures. À la clôture du marché, avec un prix par action de 16,54 dollars, près de 556 000 actions avaient été échangées (sur 588 millions) à des prix variant de 1,5 % entre eux.

Graphique 4.6 Prix et volume échangé de l’action News Corp (7 mai 2014).

Bloomberg L.P., consulté le 28 mai 2014.

obligation
Un titre de créance (une dette pour l’entreprise ou l’État qui l’émet) promettant un remboursement et des intérêts à son détenteur.

Il suffit donc qu’une très faible part des actions de News Corp soit échangée pour en faire fluctuer le prix. Il en est de même pour les autres titres échangés, comme les obligations.

La valeur d’un actif dépend de l’estimation des revenus qu’il engendrera (sa rentabilité) et du risque de se tromper sur cette estimation, comme le Tableau 4.2 le détaille pour les actions et les obligations.

Titre Revenus Risque
Action Dividendes (part des bénéfices distribuée aux actionnaires) Les dividendes dépendent des bénéfices que l’entreprise réalise et peut distribuer (imprévisible).
Obligation Intérêts (déterminés par un taux d’intérêt annuel) Les intérêts sont déterminés à l’avance (aucun risque).
Action ou obligation Plus-value (différence entre le prix de vente et le prix d’achat du titre) Cela dépend des variations du prix du titre, c’est-à-dire de son offre et de sa demande quotidienne. En cas extrême (défaut de paiement de l’obligation ou faillite de l’entreprise) le titre n’a plus aucune valeur.

Tableau 4.2 Comment estimer la valeur d’une action ou d’une obligation ?

Valeur future de l’obligation = 1000 × 1,00520 = 1105 € donc intérêts = 1105 − 1000 = 105 €

Ainsi, un investisseur qui détient une obligation d’État française à 0,5 % d’intérêt sur 20 ans peut considérer qu’il n’y a aucun risque qu’un État comme la France ne rembourse pas sa dette ou ne paie pas ses intérêts. Par conséquent, celui qui détient une obligation d’État française de 1 000 euros sait qu’il obtiendra 105 euros d’intérêts en 20 ans et aucune plus-value, car il n’y a aucune raison que le prix de ce titre varie ; sa valeur fondamentale est donc de 1 105 euros.

En revanche, un investisseur qui achète 1 000 euros d’actions de News Corp en espérant que cette entreprise lui versera 10 euros de dividendes annuellement et que, dans 20 ans, cette action se revendra 1 286 euros, n’a pas beaucoup de certitude sur cette estimation. Il espère recevoir 200 euros de dividendes en 20 ans et 286 euros de plus-value, soit un gain total de 486 euros (soit 381 euros de plus que le gain réalisé dans le cas de l’acquisition de l’obligation d’État). Cependant, cet investisseur est conscient que cette entreprise peut disparaître sans verser le moindre dividende. S’il estime ce risque à 30 % (7 chances sur 10 que cela se passe comme prévu) la valeur fondamentale de l’action n’est pas de 1 486 euros, mais de 7/10 × 1 486 = 1 040 euros. Il préférera donc acheter des obligations d’État.

valeur fondamentale d’une action
Le prix d’une action basé sur les revenus futurs anticipés et le niveau de risque, ce qui peut être interprété comme une mesure de l’avantage présent à détenir cet actif maintenant et dans le futur.

Le prix d’un titre, calculé comme ci-dessus à partir des anticipations sur les revenus futurs et le niveau de risque, est parfois appelé la valeur fondamentale du titre, elle détermine sa rentabilité.

De nouvelles informations concernant la valeur fondamentale d’un titre et sa rentabilité vont agir sur son offre (provenant de ceux qui détiennent ce titre) et sur sa demande (ceux qui souhaitent l’acquérir). Comme les anticipations des traders sur la rentabilité de la News Corp changent, leur envie d’acheter ou de vendre change également. Pour voir comment les prix des actifs financiers sont affectés par de tels déplacements de la demande et de l’offre, suivez les étapes sur le Graphique 4.7. Les courbes montrent le volume horaire d’actions qui seraient demandées et offertes à chaque niveau de prix.

Graphique 4.7 De bonnes nouvelles sur la rentabilité.

L’équilibre initial

Au départ, le marché est à l’équilibre en A : 6 000 actions sont vendues par heure au prix de 16,50 dollars.

De bonnes nouvelles sur la rentabilité

De bonnes nouvelles sur la rentabilité future de News Corp déplacent la courbe de demande vers la droite, car sa valeur fondamentale augmente, tout comme sa rentabilité, attirant de nouveaux acheteurs.

De bonnes nouvelles sur la rentabilité

Ces bonnes nouvelles agissent simultanément sur la courbe d’offre vers la gauche, car sa valeur fondamentale augmente, tout comme sa rentabilité, ce qui incite les actionnaires à conserver leur titre.

Un nouvel équilibre

Le nouvel équilibre temporaire de marché se situe en B. Le prix a augmenté, passant de 16,50 dollars à 16,65 dollars. Dans cet exemple, la demande change plus que l’offre, donc le volume augmente également.

Question 4.4 Choisissez la bonne réponse

Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La valeur fondamentale des actions d’une entreprise est déterminée par les dividendes et les plus-values futurs attendus et le risque.
  • S’il n’y a pas de nouvelle information concernant la rentabilité future ou le risque d’une entreprise, mais que le prix de ses actions continue de monter, alors cela signifie que sa valeur fondamentale augmente.
  • Acheter un titre à un prix supérieur à sa valeur fondamentale dans l’espoir que quelqu’un vous l’achète à un prix encore plus élevé conduit à une perte d’argent garantie.
  • Tous les investisseurs sont toujours d’accord sur la valeur fondamentale d’un titre financier.
  • Les profits futurs attendus et le risque systématique déterminent le flux de revenus qu’un investisseur peut attendre. C’est ce qu’on appelle la valeur fondamentale.
  • Sans aucune information nouvelle sur la rentabilité ou le risque, la valeur fondamentale est inchangée, donc un prix en hausse indique de la spéculation.
  • Cette stratégie peut être profitable si vous vendez avant que le prix ne chute.
  • Les investisseurs ne sont pas nécessairement d’accord, puisqu’ils peuvent apprécier différemment la rentabilité future.

Pourquoi des bulles spéculatives se forment-elles ?

bulle spéculative
Hausse durable et importante du prix d’un actif alimenté par l’anticipation de futures hausses de prix. Le prix de l’actif s’écarte alors de sa valeur fondamentale.

D’importantes variations de prix, souvent qualifiées de bulles spéculatives, peuvent également être observées. Le terme de bulle renvoie à une déviation durable et importante du prix d’un titre par rapport à sa valeur fondamentale. Le Graphique 4.8 montre la valeur de l’indice Nasdaq Composite entre 1995 et 2004. Cet indice est une moyenne des prix pour un ensemble d’actions. À cette époque, l’indice Nasdaq Composite comprenait de nombreuses entreprises des secteurs technologiques, à la croissance rapide, dont la valeur fondamentale était difficile à évaluer.

Graphique 4.8 La bulle Internet : indice Nasdaq Composite (1995–2004).

Yahoo! Finance, consulté le 14 janvier 2014.

L’indice commença la période à moins de 750 puis grimpa en cinq ans jusqu’à plus de 5 000. En moins d’un an, l’indice perdit ensuite 80 % de sa valeur maximale pour redescendre aux alentours de 1 100. Cet épisode a été appelé la « bulle Internet » (ou « bulle technologique »).

Ces bulles démontrent que les investisseurs ne tiennent pas compte uniquement de la valeur fondamentale lorsqu’ils achètent ou qu’ils vendent des titres. En effet, un investisseur pourrait être prêt à payer un prix supérieur à la valeur fondamentale d’un titre s’il s’attend à ce que le prix augmente au-delà de cette valeur. Acheter et vendre en se fondant sur l’idée qu’une évolution observée a des chances de se poursuivre est une autre stratégie des investisseurs. Celle-ci est basée sur l’idée que l’évolution persistera sur son élan (momentum, en anglais).

Quand les investisseurs interprètent une augmentation de prix comme un indicateur d’une nouvelle augmentation à venir (stratégies de momentum trading), il peut y avoir alors formation d’un cycle d’augmentation des prix autoalimenté. Des bulles de prix d’actifs se forment alors, suivies par le déclin soudain des prix, appelé krach.

Question 4.5 Choisissez la bonne réponse

Laquelle des informations suivantes sur les bulles spéculatives est correcte ?

  • Une bulle spéculative apparaît lorsque la valeur fondamentale d’une action monte trop rapidement.
  • Il est moins probable qu’une bulle spéculative apparaisse dans un marché où les individus peuvent facilement emprunter pour acheter des titres.
  • Les stratégies de momentum trading rendent plus probable l’apparition de bulles spéculatives.
  • Les bulles spéculatives apparaissent uniquement sur les marchés financiers.
  • Une bulle apparaît quand le prix du marché dévie de la valeur fondamentale de manière importante et prolongée.
  • Les bulles sont plus probables dans ces circonstances.
  • Les momentum traders achètent ou vendent selon que les prix montent ou baissent, et non pas en fonction de la valeur fondamentale ; ces stratégies de momentum trading peuvent donc participer à la formation de bulles.
  • Une bulle pourrait se produire sur tout marché concernant des actifs qui peuvent être revendus, comme le marché immobilier.

Comportements mimétiques et prophéties autoréalisatrices

Le Graphique 4.9 présente l’offre et la demande (fictives) pour les actions d’un groupe américain de chaînes de télévision Comcast. Le prix initial de l’action est de 50 dollars sur la courbe de demande initiale. Lorsque les traders et investisseurs potentiels apprennent de bonnes nouvelles quant à la rentabilité future attendue, comme nous l’avons vu dans le Graphique 4.8, la courbe de demande se déplace vers la droite et le prix augmente, ici à 60 dollars (nous supposons, pour simplifier, que la courbe d’offre ne se déplace pas). Suivez les étapes sur le Graphique 4.9 pour voir ce qu’il se passe ensuite.

comportements mimétiques
Situation qui désigne le fait que plusieurs agents financiers, disposant des mêmes informations et en faisant la même analyse, adoptent la même stratégie sur le marché : ils achètent ensemble ou, à l’inverse, vendent au même moment ce qui accentue l’effet de leur stratégie sur les prix.
prophéties autoréalisatrices
Situation dans laquelle des agents anticipent un fait et se comportent de telle manière qu’ils engendrent le fait qu’ils ont anticipé. Par exemple, des agents anticipent le fait que le prix d’une action augmente. Ils sont alors conduits à acheter cette action pour eux-mêmes bénéficier de la plus-value qu’ils anticipent, or le fait que ces agents achètent l’action contribue à faire augmenter le prix de cette action. Les agents du fait de leur anticipation (prophétie) ont modifié leur comportement et leur anticipation (prophétie) a, donc, été vérifiée.

Graphique 4.9 L’apparition d’une bulle sur les actions de Comcast.

Le prix initial

Au départ, le prix d’une action de l’entreprise Comcast est de 50 dollars à l’équilibre entre la courbe d’offre et la courbe de demande initiale.

La réponse à l’anticipation de bonnes nouvelles

Quand les traders et les investisseurs potentiels anticipent de bonnes nouvelles concernant la rentabilité future attendue, la courbe de demande se déplace vers la droite, et le prix s’établit à 60 dollars. Si de nombreux investisseurs ont le même comportement, on parle de comportement mimétique. Celui-ci s’explique par le fait que leurs anticipations convergent à partir de l’observation de l’évolution des cours (prix).

L’effet d’une hausse du prix

L’augmentation des prix observée est une information que la plupart des investisseurs vont considérer comme une bonne nouvelle. Ceux-ci vont donc se porter acquéreurs, adoptant un nouveau comportement mimétique fondé sur une stratégie d’élan (momentum trading). La courbe se déplaçant encore vers la droite, le prix s’établit à 70 dollars. Cette augmentation du prix confirme ce que les investisseurs anticipaient ; on parle d’anticipations autoréalisatrices car leur propre comportement a entraîné ce qu’ils avaient anticipé.

Le début d’une bulle

Cette nouvelle augmentation pourrait être considérée de nouveau comme une bonne nouvelle, induire une anticipation de poursuite de la hausse du prix (élan) qui, du fait de comportements mimétiques, engendrera un quatrième déplacement de la courbe de demande et une nouvelle hausse du prix … comme cela avait été anticipé.

Pourquoi les bulles spéculatives éclatent-elles ?

Une bulle explose dès que quelques acteurs du marché anticipent la menace d’une baisse du prix. En effet, au cours de la formation de la bulle, les stratégies d’élan, fondées sur les évolutions des prix et non plus sur la valeur fondamentale des actifs, ont entraîné une hausse des prix très au-dessus de la valeur fondamentale.

Cette anticipation de quelques acteurs sur le marché financier va être perçue sur le marché et entraîner des comportements mimétiques de nombreux investisseurs :

Le Graphique 4.10 montre que, au point le plus haut de la bulle, les actions s’échangent à 80 dollars. Les courbes d’offre et de demande se déplacent toutes deux quand la bulle explose, et le prix s’effondre, passant de 80 dollars à 54 dollars – faisant subir des pertes importantes à ceux qui ont acheté ces actions quand le prix était supérieur à 50 dollars, lors des trois étapes de formation de la bulle (Graphique 4.9).

Cette baisse du prix de l’action de Comcast confirme bien les anticipations des investisseurs, mais c’est leur propre comportement mimétique qui a contribué à réaliser la baisse anticipée ; il s’agit donc bien d’anticipations autoréalisatrices. Ainsi, les comportements mimétiques et les anticipations autoréalisatrices ont joué un rôle essentiel dans la formation de la bulle spéculative et dans son éclatement (les comportements mimétiques participent au gonflement de la bulle spéculative comme ils peuvent provoquer son éclatement).

Graphique 4.10 L’effondrement du prix de l’action de Comcast.

Chronologie de la formation et de l’éclatement de la bulle immobilière de 2007–2008

Les prix des logements, mesurés par l’indice national des prix de l’immobilier S&P/Case-Shiller (prix de l’immobilier des 20 plus grandes villes des États-Unis), ont augmenté de 90 % de 2000 à 2006, ont stagné puis ont chuté de 27 % de la mi-2006 à la mi-2008, comme l’indique le Graphique 4.11.

Graphique 4.11 Indice Case-Shiller (1er trimestre 2000–4e trimestre 2008).

S&P Dow Jones Indices LLC. Notes : L’indice Case-Shiller est calculé mensuellement et concerne le marché immobilier américain : publié par Standard & Poor’s, il mesure la valeur nominale du marché de l’immobilier résidentiel aux États-Unis ; son calcul est notamment basé sur l’étude de 20 régions métropolitaines aux États-Unis ; c’est un indicateur de référence de la tendance du marché immobilier.

produit dérivé
Un instrument financier sous la forme d’un contrat qui peut être échangé, dont la valeur est fondée sur la performance des actifs sous-jacents tels que des actions, obligations ou des biens immobiliers. Voir également : obligations adossées à des actifs (CDO en anglais).
obligations adossées à des actifs (CDO en anglais)
Un instrument financier structuré (un produit dérivé) consistant en une obligation ou un bon négociable adossés à une combinaison de titres à revenu fixe. L’effondrement de la valeur de ces instruments qui étaient adossés à des prêts hypothécaires subprimes fut un facteur important de la crise financière de 2007-08.
titre adossé à des créances hypothécaires (MBS en anglais)
Un actif financier qui utilise des hypothèques comme collatéral. Les investisseurs reçoivent des paiements dérivés de l’intérêt et du principal des crédits hypothécaires sous-jacents. Voir également : collatéral.

La hausse des prix de l’immobilier aux États-Unis dans les années 2000 était liée au développement de différents produits financiers dérivés, dont les obligations adossées à des actifs (Collateralized Debt Obligation ou CDO, en anglais) et les titres adossés à des créances hypothécaires. Cela a permis d’associer les prêts immobiliers risqués accordés aux ménages les plus pauvres à d’autres créances plus solides et d’ainsi financer ces prêts malgré les risques.

Cependant, à la suite de la hausse des prix de l’immobilier, aux États-Unis et dans certains pays européens, des milliers de logements furent inoccupés. Au vu de cette évolution, certains propriétaires se dirent que ces prix élevés n’allaient pas durer, et décidèrent de vendre leurs logements, pensant que lorsque les prix chuteraient, ils pourraient avoir un meilleur logement pour le même prix. Ce changement dans les anticipations a conduit au déplacement vers le bas de la courbe de demande présentée sur le Graphique 4.12, créant une nouvelle valeur d’équilibre, plus faible, pour les prix des logements. Suivez les étapes de l’analyse du Graphique 4.12 pour voir le cycle de baisse des prix de l’immobilier à partir de son pic au milieu de l’année 2006.

Graphique 4.12 La crise financière : l’effondrement des prix de l’immobilier américain.

Bank for International Settlements. 2015. ‘Residential Property Price Statistics’. Updated November 20, and other national sources.

L’économie américaine (2006)

Le marché de l’immobilier de l’économie américaine en 2006 est matérialisé par le point A.

Bank for International Settlements. 2015. ‘Residential Property Price Statistics’. Updated November 20, and other national sources.

La chute des prix des logements (2007)

Les prix des logements ont commencé à décliner en 2007, car la courbe de demande s’est déplacée vers le bas, de A vers B, induisant une diminution de l’indice des prix de l’immobilier de leur pic de 100 à 92.

Bank for International Settlements. 2015. ‘Residential Property Price Statistics’. Updated November 20, and other national sources.

Un processus de rétroaction positive

Constatant que les prix chutaient, les acheteurs potentiels anticipèrent que des baisses de prix allaient suivre. Cela mena à un nouveau déclin de la demande, vers C. L’indice des prix de l’immobilier chuta à 76 en 2008.

Bank for International Settlements. 2015. ‘Residential Property Price Statistics’. Updated November 20, and other national sources.

Synthèse

Les bulles spéculatives se manifestent par l’augmentation très importante du prix d’un actif. Le prix de cet actif dépasse alors sa valeur fondamentale, estimée à partir de sa rentabilité attendue et du risque d’erreur sur cette anticipation. Ces prix issus de la spéculation sont entretenus par des comportements mimétiques qui proviennent du fait que les prévisions optimistes engendrent des comportements qui entraînent l’augmentation du prix qui était prévue ; il s’agit de prophéties autoréalisatrices.

Cependant, comme le montre l’éclatement de la bulle immobilière en 2008 aux États-Unis, arrive un moment où l’élan ne suffit plus et où les anticipations se retournent, engendrant des comportements mimétiques inverses. En effet, les investisseurs anticipent que les prix vont baisser : les mêmes prophéties autoréalisatrices jouent donc en sens inverse lorsque la bulle éclate.

Comment expliquer le phénomène de panique bancaire et de faillites bancaires en chaîne ?


Objectif : Comprendre que les banques sont exposées à des risques spécifiques qui affectent tout le système bancaire.

Pourquoi les banques connaissent-elles un risque de liquidité ?

Les banques reçoivent des dépôts et octroient des prêts, mais les échéances de ces deux opérations sont différentes. En effet :

transformation des échéances
La pratique consistant à emprunter de l’argent à court terme et à le prêter à long terme. Une banque, par exemple, reçoit des dépôts, qu’elle promet de rembourser sans préavis ou avec un préavis très court, et elle octroie des prêts de long terme (qui peuvent être remboursés en plusieurs années). Connu également sous le terme : transformation des liquidités.

Les banques fournissent donc à l’économie un service de transformation des échéances ; elles réalisent des emprunts à court terme et des prêts à long terme. On parle aussi de transformation de la liquidité : les dépôts des prêteurs sont liquides (ils peuvent être délivrés aux prêteurs sur demande, exigibles et disponibles immédiatement), à l’inverse des prêts bancaires. La liquidité est donc une question temporelle, pas une question de valeur.

risque de liquidité
Le risque qu’un actif ne puisse pas être échangé assez rapidement contre du liquide pour éviter une perte financière.

Bien que la transformation des échéances soit un service essentiel dans toute économie, elle expose également les banques à une nouvelle forme de risque, appelé risque de liquidité. Le risque de liquidité est une cause possible des faillites bancaires, mais il provient de la nature même de l’activité des banques, elles ne peuvent pas l’éviter.

Imaginons que tous les déposants décident de retirer leurs dépôts en même temps ; on parle alors de ruée bancaire. La banque ne serait pas en mesure de répondre à leur demande. Il faut bien comprendre qu’aucune banque ne peut faire face à une ruée bancaire puisque les banques détiennent à leur actif des créances qui ne sont pas disponibles immédiatement.

Pourquoi l’endettement des banques présente-t-il un risque pour leur solvabilité ?

Pour comprendre pourquoi un client pourrait perdre confiance dans sa banque, il faut considérer non seulement son risque de liquidité, mais aussi sa solvabilité. La solvabilité va comparer les valeurs de l’actif et du passif de la banque quelle que soit leur échéance alors que la liquidité dépend de leur échéance, de leur durée.

C’est pourquoi il faut examiner le bilan complet de la banque, qui résume ses activités principales (Tableau 4.3).

À l’actif apparaissent d’autres éléments :

Au passif apparaissent aussi :

Les capitaux propres (ou fonds propres) de la banque correspondent à la différence entre le total de l’actif et le total du passif. Ces capitaux propres sont inscrits au passif (numéro 4), c’est ce que possèdent ses actionnaires tant que la banque est solvable.

insolvable (en faillite)
Une entité est dite insolvable si la valeur de son actif est inférieure à celle de son passif.

Si le total de l’actif de la banque est inférieur au total de son passif, alors la banque est insolvable. Par exemple, la banque dont le bilan est représenté dans le Tableau 4.3 présente un montant de capitaux propres qui représente 4 % du total des actifs ; cette banque est solvable.

Cependant une chute de la valeur de ses actifs de plus de 4 % suffirait à renverser la situation et à rendre cette banque insolvable.

Actif (possédé par la banque ou qui lui est dû) % du bilan   Passif (ce que la banque doit aux clients et aux autres banques) % du bilan
Solde des réserves à la banque centrale (1) 2   Emprunts aux autres banques (1)
échéance de court terme
6
Prêts aux autres banques (2)
échéance de court terme
11   Dépôts des clients (2)
exigibles immédiatement par les clients
50
Prêts aux clients (3)
échéance de long terme
55   Titres financiers émis (3)
échéance de long terme
40
Titres financiers détenus (4)
vendables rapidement au prix du marché (variable)
30      
Actifs fixes (5)
détenus par la banque pour son activité
2      
Total Actif 100   Total Passif 96
      Total Actif − Total Passif = Capitaux propres (4) 4

Tableau 4.3 Un bilan simplifié d’une banque.

Adapté de la Figure 5.9 du Chapitre 5 de : Carlin, Wendy, and David Soskice. 2014. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press.

ratio de levier (pour des banques ou ménages)
La valeur des actifs divisée par la valeur des capitaux propres.

Généralement, les capitaux propres d’une banque (ou fonds propres) ne représentent qu’un faible pourcentage de son bilan. La banque est donc une entreprise lourdement endettée. Une manière d’illustrer la dépendance d’une entreprise à l’endettement est de considérer son ratio de levier (ou ratio d’endettement) : le total de l’actif divisé par les capitaux propres [ici le ratio de levier est de 25 (100/4)].

Question 4.6 Complétez le texte

Regardez la vidéo « Comprendre : l’effet de levier financier ». En vous appuyant sur cette vidéo, choisissez la bonne proposition.

Selon Lakshithe Wagalath, l’effet de levier a pour objectif d’une opération financière en obtenant des capitaux par . Ces nouveaux capitaux disponibles vont permettre une augmentation de la capacité d’investissement. Cependant parallèlement de devenir insolvable augmente.

Si le fonds d’investissement avait décidé d’emprunter 290 millions d’euros, et en supposant que toutes les autres hypothèses de l’exemple sont inchangées :

  • Le portefeuille d’actifs aurait été de millions d’euros. Dans le cas où la valeur des actifs croît de 1 % (leur rentabilité économique), la valeur des actifs est passée à millions d’euros. Si on retranche la dette, à savoir 290 millions d’euros, le capital propre du fonds est donc passé de 10 millions d’euros à millions d’euros soit une hausse de (sa rentabilité financière).
  • L’effet de levier multiplie également les risques de celui qui emprunte. Dans ce cas, il peut entraîner la perte de l’intégralité des capitaux propres. L’agent devient alors insolvable. Sachant que l’investissement est de 300 millions d’euros et que les capitaux propres du fonds sont de 10 millions, il suffit que le portefeuille d’actifs se déprécie de millions d’euros pour que le fonds n’ait plus de capitaux propres, c’est-à-dire une dépréciation de . Au-delà de cette dépréciation, le fonds d’investissement devient insolvable.

Le Tableau 4.4 présente le bilan simplifié de la banque Barclays (juste avant la crise financière). Le total de l’actif de Barclays est 36 fois plus élevé que ses capitaux propres (996 787/27 390). Cela signifie qu’étant donnée la valeur de son passif (sa dette), une très petite variation de la valeur de son actif (1/36 ≈ 3 %) suffirait à faire disparaître ses capitaux propres et à rendre la banque insolvable. Or, comme nous l’avons vu avec l’indice des prix de l’immobilier Case-Shiller, les prix de l’immobilier chutèrent de bien plus de 3 % dans de nombreux pays pendant la crise financière de 2008.

Actif Passif    
Liquidités et réserves à la banque centrale 7 345 Emprunts aux autres banques 248 093
Prêts aux autres banques 174 090 Dépôts de la clientèle 336 316
Prêts aux clients 313 226 Titres financiers émis 71 874
Titres financiers détenus 177 867 Produits financiers dérivés émis 140 697
Produits financiers dérivés détenus 138 353 Autres passifs 172 417
Actifs fixes 2 492    
Autres actifs 183 414    
Total Actif 996 787 Total Passif 969 397
    Solde Actif - Passif  
    Capitaux propres 27 390

Tableau 4.4 Le bilan simplifié de la banque Barclays en 2006 (millions de livres).

Barclays Bank. 2006. Barclays Bank PLC Annual Report. Également présenté dans la Figure 5.10 du Chapitre 5 de ; Carlin, Wendy, and David Soskice. 2014. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press.

Cette incertitude quant à la solvabilité est plus forte pour une banque que pour un ménage. En effet, contrairement à un logement dont la valeur est facilement établie, les actifs financiers présents (ou, souvent, conçus pour ne pas apparaître) dans le bilan des banques, en particulier les produits dérivés, sont très difficiles à évaluer. Il fut donc très difficile d’estimer quelles banques étaient en danger.

Les marchés financiers furent pris de panique le 9 août 2007 lorsque la banque française BNP Paribas stoppa les retraits de trois fonds d’investissement, car elle ne pouvait pas évaluer « honnêtement » les produits financiers basés sur les titres adossés à des créances hypothécaires. La banque ne connaissait tout simplement pas la valeur de ces produits.

L’utilisation par les banques de l’endettement pour déclencher un effet de levier augmente donc les risques d’insolvabilité, car il suffit d’une faible baisse de la valeur des actifs pour que les capitaux propres soient réduits à néant.

Question 4.7 Choisissez la bonne réponse

Le tableau suivant correspond à un bilan simplifié d’une banque commerciale. En vous fondant sur ces informations, laquelle des propositions suivantes est correcte ?

Actif   Passif    
Liquidités et réserves 2 M€ Dépôts des clients 45 M€  
Prêts aux autres banques 10 M€ Emprunts garantis (titres émis) 32 M€  
Prêts aux clients 55 M€ Emprunts non garantis (titres émis) 20 M€  
Titres financiers détenus 27 M€      
Actifs fixes 6 M€      
Total Actif 100 M€ Total Passif 97 M€  
  • La base monétaire de la banque correspond aux liquidités et réserves et aux actifs financiers.
  • Un emprunt garanti est un emprunt sans risque de défaut.
  • Les capitaux propres de la banque correspondent à ses liquidités et réserves de 2 millions d’euros.
  • Le ratio de levier de la banque est 33,3.
  • La base monétaire de la banque correspond aux liquidités et aux réserves à la banque centrale. Les actifs financiers ne sont pas compris.
  • Un emprunt garanti est un emprunt effectué par la banque avec un collatéral, constitué d’actifs financiers. Cet emprunt a un risque de défaut (d’où le collatéral).
  • Les capitaux propres de la banque correspondent à la différence entre son actif et son passif, soit 3 millions d’euros.
  • Le ratio de levier est le rapport entre l’actif et le montant des capitaux propres (actif moins passif), ici 100 millions d’euros / 3 millions d’euros = 33,3.

La liquidité et la solvabilité sont donc deux risques sensibles et interdépendants pour les banques :

Synthèse

Les banques connaissent un risque de liquidité, car elles octroient des prêts qui seront remboursés à une échéance déterminée alors que leurs clients peuvent retirer leurs dépôts à tout moment et les retirer ensemble en cas de panique bancaire.

En voulant accroître leur rentabilité par l’endettement, certaines banques ont augmenté leur ratio de levier (actifs / capitaux propres) ce qui constitue un risque d’insolvabilité si la valeur de certains actifs diminue. Comme ce risque est caché par la complexité des bilans bancaires, les clients peuvent perdre toute confiance dans le système bancaire, ce qui ajoute à l’insolvabilité un risque de liquidité.

Pourquoi la faillite d’une banque peut-elle entraîner des faillites bancaires en chaîne ?


Objectif : Comprendre pourquoi la faillite d’une banque peut menacer l’ensemble du système bancaire.

Les banques se prêtent entre elles sur le marché monétaire (échanges interbancaires)

Pour pouvoir honorer les transactions que leurs clients réalisent auprès d’autres banques, les banques commerciales peuvent avoir besoin quotidiennement de base monétaire, c’est-à-dire de liquidités ou de réserves auprès de la banque centrale. Ces besoins quotidiens sont aléatoires, une banque peut avoir besoin de base monétaire en grande quantité un jour et être en excès le lendemain en raison de transactions qu’elle ne décide pas elle-même.

Pour se procurer ces liquidités, les banques pourraient essayer d’attirer de nouveaux clients, mais ces dépôts représentent également un coût lié au paiement d’intérêts, au marketing et au maintien des succursales bancaires. De plus, ces nouveaux clients vont réaliser eux-mêmes des transactions. C’est pourquoi les dépôts ne constituent qu’une partie du financement des banques.

Les banques se prêtent donc mutuellement à très court terme sur les marchés monétaires pour utiliser leur excès de monnaie dans leur compte à la banque centrale ou empruntent pour s’en procurer. Les comptes simplifiés de la banque Barclays en 2006 (Tableau 4.3) font apparaître que ces prêts entre banques représentaient 17,5 % de son actif (174 090 / 996 787 × 100) et 25,6 % de son passif (248 093 / 969 397 × 100), c’est dire à quel point la banque Barclays était dépendante de la solvabilité de ses concurrentes.

Existence de banques dites « systémiques »

Lorsque la banque octroie un prêt, elle prend en compte la possibilité qu’il puisse ne pas être remboursé : si le taux d’intérêt qu’elle peut pratiquer est suffisamment élevé, même des emprunts assez risqués (comme les prêts sur salaire) peuvent être un pari intéressant.

Mais la banque s’inquiète également des conséquences sur ses profits d’une situation dans laquelle la plupart de ses emprunteurs pourraient ne pas être en mesure de rembourser, comme cela aurait été le cas si elle avait étendu les prêts hypothécaires à l’achat de maisons durant une période de boom immobilier, et que la bulle spéculative ait ensuite éclaté. La banque pourrait faire faillite.

Cependant, dans certains cas, les banques sont d’une telle dimension ou ont une telle importance dans le système financier qu’elles peuvent devenir indifférentes aux risques qu’elles prennent, il s’agit d’un aléa moral. En effet, elles savent que les États considèrent qu’elles sont « trop grosses pour faire faillite » et décideront de les sauver quoi qu’il arrive si elles font face à un risque de banqueroute. L’État ne pourrait pas se permettre de les laisser faire faillite pour deux raisons :

Ainsi, le système bancaire est un réseau ; le défaut d’un seul de ces éléments interconnectés – qu’il s’agisse d’un ménage ou d’une autre banque – provoque une pression sur tous les autres éléments. Comme dans le cas d’un réseau électrique, une défaillance dans le système bancaire peut créer des défauts qui en entraînent d’autres, une réaction en chaîne, comme entre 2006 et 2008.

Synthèse

Les banques ont en permanence besoin de liquidités qu’elles obtiennent sur le marché monétaire. Selon leurs besoins, elles y empruntent ou y prêtent de la monnaie de base auprès d’autres banques. Ces échanges interbancaires créent une interdépendance au sein du système dans son ensemble. Par conséquent, les banques centrales ou les États interviennent presque systématiquement pour empêcher la banqueroute des plus grandes banques, les banques systémiques.

4.4 Quels sont les principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle ?

Comment les effets de richesse négatifs contribuent-ils à la transmission de la crise financière à l’économie réelle ?


Objectif : Connaître l’un des principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle, à savoir les effets de richesse négatifs.

Pourquoi des effets de richesse négatifs peuvent-ils apparaître ?

richesse cible
Le niveau de richesse qu’un ménage cherche à détenir, en se fondant sur ses objectifs économiques (ou préférences) et ses attentes. On suppose que les ménages essayent, autant que possible, de maintenir ce niveau de richesse face aux changements de leur situation économique.

Pour expliquer le fait qu’une crise financière puisse entraîner une baisse de la consommation des ménages en biens durables, il faut comprendre que les ménages ont en tête une richesse cible qu’ils cherchent à conserver. Ce comportement implique que quand un événement a une incidence sur la richesse du ménage relativement à cette cible, ce dernier réagit soit en épargnant plus, soit en épargnant moins, de manière à ramener sa richesse à la valeur cible.

richesse
Stock de ce que l’on possède, ou valeur de ce stock. Cela comprend la valeur de marché de la maison, voiture, terre, immeuble, machine ou autre bien d’équipement que l’on possède, ainsi que les actifs financiers comme les actions ou obligations. On y soustrait toutes les dettes, par exemple le prêt hypothécaire à la banque. On y ajoute des créances, c’est-à-dire des dettes que d’autres agents économiques ont à notre égard. La richesse est l’accumulation de l’épargne passée et courante. Un agent économique (un ménage, par exemple) épargne lorsque sa consommation est inférieure à son revenu net, et, de ce fait, sa richesse augmente.

Une manière simple de se représenter la richesse est de s’imaginer la plus grande quantité que vous pourriez consommer sans emprunter, après avoir payé toutes vos dettes et récupéré tout ce qui vous était dû (par exemple, si vous vendiez votre maison, votre voiture et tout ce que vous possédez). Dans l’Illustration 4.2, nous étendons le concept de richesse à la richesse au sens large, afin d’y inclure les revenus du travail futurs attendus du ménage, connus comme la valeur de son capital humain. Suivez l’analyse de l’Illustration 4.2 pour voir la composition de la richesse au sens large du ménage, qui correspond à la valeur de tous ses actifs moins sa dette (que nous supposons être l’hypothèque de la maison).

Illustration 4.2 Richesse des ménages : concepts clés.

Les salaires anticipés

Ils sont représentés par le rectangle orange. C’est l’ensemble des revenus du travail salarié que le ménage anticipe de percevoir au cours de sa vie active.

Patrimoine financier

C’est le rectangle vert. Le patrimoine financier d’un ménage se compose de l’assurance-vie, des dépôts bancaires (dont les livrets) et des titres, comme les actions et les obligations, détenus par ce ménage.

Le patrimoine immobilier brut

C’est le rectangle violet. Le patrimoine immobilier brut désigne la valeur de la maison détenue par le ménage propriétaire.

Dettes et patrimoine immobilier net

Ce sont les rectangles rouge et bleu. Pour pouvoir acquérir sa maison, on suppose que le ménage a fait un apport personnel, mais a eu aussi recours à un emprunt bancaire. Le rectangle bleu représente ainsi le patrimoine immobilier net, c’est-à-dire la valeur de la propriété réduite de la valeur des dettes. Le rectangle rouge représente le prêt bancaire que le ménage a souscrit pour pouvoir acheter sa maison (prêt hypothécaire).

La richesse totale au sens large du ménage

C’est la somme des rectangles vert, bleu et orange. Cette richesse totale au sens large est en partie une richesse attendue par le ménage.

Le patrimoine net du ménage (ou richesse nette)

Il correspond au total des actifs détenus par le ménage (à l’exception des salaires anticipés). Il correspond donc à la somme du patrimoine financier et du patrimoine immobilier net.

Richesse cible

Pour le ménage représenté sur l’illustration, la richesse totale au sens large (orange + vert + bleu) est égale à la richesse cible.

Les effets de richesse négatifs et la contraction de la consommation en biens durables lors de la crise financière de 2008 et la Grande Récession

Illustration 4.3 La crise financière : essor de l’immobilier, endettement des ménages et effondrement des prix de l’immobilier.

La Grande Modération (années 1980)

La colonne A illustre la situation des années 1980.

La hausse des prix de l’immobilier (années 1990–2006)

Au cours des années 1990 et surtout au début des années 2000, la hausse des prix de l’immobilier conduit à une hausse de la richesse totale, de sorte que les ménages réduisent leur niveau d’épargne et consomment davantage.

La chute des prix de l’immobilier (2006–09)

Toutefois, à partir de 2006, les prix de l’immobilier du marché américain commencent à baisser. Le prix des actifs financiers chute également. De plus, avec la crise économique, l’accroissement du chômage provoque une réévaluation à la baisse des revenus salariés anticipés. La richesse totale des ménages diminue fortement.

La richesse totale est inférieure à la richesse cible

La richesse totale des ménages diminue fortement et celle-ci devient inférieure à la richesse cible.

Les ménages accroissent leur épargne (2008–09)

Les ménages réduisent donc leur consommation et augmentent leur épargne pour reconstituer leur richesse cible. Or, la baisse du niveau de consommation incite les entreprises à moins produire et la crise financière se propage ainsi à la sphère réelle.

L’indice de confiance des consommateurs que nous avons utilisé provient des enquêtes réalisées auprès des consommateurs par l’université du Michigan. Cet indice s’appuie sur des entretiens mensuels avec 500 ménages au cours desquels ils ont été interrogés sur leurs attentes quant à leur situation financière et l’économie en général à court et long terme.

Ainsi, dans les faits, la crise financière de 2008 a surpris le monde entier. Le Graphique 4.13 présente l’évolution de quelques indicateurs macroéconomiques clés : le revenu disponible, la consommation de biens durables, comme les voitures et le mobilier de maison, et la consommation de biens non durables, comme la nourriture. Le graphique montre également comment la confiance des consommateurs a varié aux États-Unis durant la crise. Toutes les séries du graphique sont présentées sous forme d’indices (le premier trimestre de 2008 sert de base 100).

Graphique 4.13 Effets de la crise financière sur les revenus, la consommation et la confiance des ménages aux États-Unis pendant la crise financière (T1 2008–T4 2009).

Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED). 2015.

Regardez de nouveau le Graphique 4.13.

Comparez les évolutions de la consommation de biens non durables et celles du revenu disponible réel.

La baisse de la consommation de biens non durables est légèrement supérieure à celle du revenu disponible réel : elle a baissé de 3 % au cours de la période considérée. Toutefois, cette baisse est relativement modérée.

Comparez les évolutions de la consommation de biens durables et celles du revenu disponible réel.

La chute de la consommation de biens durables est bien plus importante que celle du revenu disponible réel : elle a baissé de 10 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2009.

Comparez les évolutions de la consommation de biens durables et celles de biens non durables.

La consommation de biens durables diminue (baisse de 10 %) beaucoup plus que la consommation de biens non durables (baisse de 3 %), ce qui s’explique par le fait que les ménages peuvent difficilement reporter la consommation de biens non durables, comme les produits alimentaires, alors qu’ils peuvent plus facilement reporter la consommation de biens durables (achat d’équipements du logement, voiture, etc.).

En remobilisant les mécanismes décrits précédemment, expliquez pourquoi une chute des prix des biens immobiliers a pu affecter en 2008 le comportement de consommation des ménages en biens durables et ainsi avoir un impact sur l’économie réelle.

On observe que la crise financière de 2008 a eu pour conséquence une contraction importante de la consommation réelle de biens durables alors même que le revenu disponible réel des ménages restait constant. Cela signifie donc que les ménages ont accru leur épargne et ont moins consommé. On retrouve ici les explications avancées concernant la richesse cible. La baisse des prix de l’immobilier et l’anticipation de percevoir dans le futur des revenus salariés plus faibles (du fait de la hausse du chômage) ont entraîné une baisse de la richesse totale des ménages. Cette dernière est devenue inférieure à la richesse cible. Dès lors, pour pouvoir retrouver un niveau de richesse totale correspondant au niveau de leur richesse cible et face à un avenir plus incertain (baisse brutale de l’indice de confiance des consommateurs d’environ 20 % en une année), les ménages ont réduit leur consommation de biens durables et accru le niveau de leur épargne. La réduction du niveau de consommation des ménages a conduit les entreprises à réduire leur niveau de production et, dès lors, la crise financière s’est propagée à l’économie réelle.

Les effets de richesse négatifs et la contraction de la consommation en biens durables lors de la crise financière de 1929 et la Grande Dépression

L’analyse de la crise de 2008 et de la Grande Récession nous amène à envisager des hypothèses explicatives sur les causes de la crise de 1929 et de la Grande Dépression.

Au début de l’année 1929, comment un ménage dont la richesse correspondait à la colonne A de l’Illustration 4.4 aurait-il interprété les nouvelles portant sur les fermetures d’usines, l’effondrement du marché boursier et les faillites bancaires ? Comment aurait-il ajusté ses dépenses de biens durables, de logement et de biens non durables ? Les réponses à ces questions nous permettent d’expliquer pourquoi la Grande Dépression a eu lieu.

Illustration 4.4 Grande Dépression : les ménages réduisent leur consommation pour conserver leur cible de richesse au sens large.

Avant la Dépression

Les ménages prennent des décisions de consommation en lien avec leurs attentes sur leur patrimoine net et les gains futurs tirés du travail. Cela est reflété par le fait que la richesse totale est égale à la richesse cible.

La Dépression

Fin 1929, les ménages font face à un contexte de récession et les anticipations ont changé (colonne B) ; la richesse totale diminue.

Épargne de précaution

La conséquence de la baisse de la richesse totale est un écart entre la cible de richesse des ménages et leur richesse totale. Les ménages augmentent alors leur épargne.

Comme nous l’avons vu précédemment, la crise de 1929 a été marquée par un effondrement boursier, une crise de surproduction, la faillite en chaîne de milliers d’entreprises et de centaines de banques, la chute du PIB et l’accroissement du chômage. Dans un tel contexte économique, les ménages sont devenus très pessimistes quant à leur capacité à maintenir leur niveau de dépenses, craignant le chômage et la baisse de leurs revenus dans le futur. De plus, considérant les pertes d’emploi qui se produisaient dans toute l’économie, les ménages ont révisé à la baisse les salaires qu’ils s’attendaient à recevoir dans le futur. Ils se sont alors préparés au pire en tentant d’épargner davantage, ce qui a entraîné une chute encore plus importante de la consommation. L’évaluation de leur patrimoine brut fut également affectée par la chute des prix de l’immobilier et des actifs financiers. La baisse du prix des actifs (des titres et des maisons) a réduit la valeur du patrimoine net des ménages. Il en a résulté un écart entre la richesse cible et la richesse totale des ménages. Comme nous avons pu le comprendre, si une diminution de la richesse totale implique qu’un ménage est au-dessous de sa cible de richesse, il réduit ses dépenses. Les ménages arrêtèrent d’acheter des voitures et des logements. Or, un tel comportement, en conduisant à une baisse de la demande globale, a nécessairement eu un impact négatif sur l’incitation des entreprises à produire et a, ainsi, conduit à amplifier la récession.

Exercice 4.5 Pour aller plus loin : Les effets du New Deal et la mise en œuvre d’effets de richesse positifs

Aux États-Unis, la politique du New Deal menée par Franklin Delano Roosevelt a permis d’accélérer la sortie de la Grande Dépression, notamment en causant une modification des anticipations. Regardez la vidéo « La RFC ou comment Roosevelt a financé le New Deal » (5’16 à 13’31). À l’aide de cette vidéo et de la colonne B de l’Illustration 4.4, vous expliquerez pourquoi le New Deal a engendré des effets de richesse positifs et vous les détaillerez.

Synthèse

Une crise financière peut être à l’origine d’effets de richesse négatifs et ainsi avoir un impact sur l’économie réelle. En effet, une crise financière peut entraîner une baisse du prix des actifs financiers détenus par les ménages et conduire alors à une baisse de leur patrimoine financier ; en outre, cette crise financière peut entraîner une baisse des prix des biens immobiliers si bien que la valeur du patrimoine immobilier brut des ménages baisse ; enfin, la crise financière peut s’accompagner d’un développement du chômage lequel peut entraîner une baisse des salaires anticipés. Dès lors, en cas de crise financière, du fait des effets de richesse négatifs que nous venons de décrire, la richesse totale au sens large d’un ménage peut devenir inférieure à la richesse cible, ce qui conduit alors le ménage à augmenter son épargne et réduire sa consommation, notamment de biens durables (consommation qu’il peut facilement reporter).

En effet, pour atteindre à nouveau sa richesse cible, le ménage doit accroître son épargne pour augmenter sa richesse totale et, à revenu disponible brut inchangé, il est conduit à diminuer ses dépenses de consommation finale. Or, une telle réduction de la consommation en biens non durables affecte l’économie réelle. En effet, si les ménages consomment moins, les entreprises sont incitées à moins produire.

Comment les ventes forcées et la baisse du prix du collatéral contribuent-elles à la transmission de la crise financière à l’économie réelle ?


Objectif : Connaître l’un des principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle, à savoir la baisse du prix du collatéral et les ventes forcées.

Le rôle de la baisse du prix du collatéral

Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, la garantie (ou collatéral), c’est-à-dire la valeur de l’actif apporté en garantie du prêt, joue un rôle très important dans le soutien à l’essor du marché immobilier. En effet, seul un faible apport personnel (en pourcentage du prix de la maison) est nécessaire pour acheter une maison, et les prêts sont plus facilement accordés grâce à l’augmentation anticipée des prix de l’immobilier.

Graphique 4.14 Le ratio dette-revenu des ménages et les prix de l’immobilier aux États-Unis (1950–2015)

US Federal Reserve. 2016. ‘Financial Accounts of the United States, Historical’ December 10; US Bureau of Economic Analysis; Federal Reserve Bank of Saint Louis (FRED).

Sur le Graphique 4.14, on observe à partir du milieu des années 1970 une évolution parallèle des prix de l’immobilier et du taux d’endettement des ménages. Plus précisément, la multiplication des prix de l’immobilier, par 5 environ entre 1975 et 2006, augmente la valeur du collatéral des ménages, dans la mesure où dans le cadre d’un prêt hypothécaire le ménage apporte comme garantie principale à l’octroi du prêt la maison qu’il achète grâce à celui-ci. Ainsi, plus les prix de l’immobilier augmentent et plus les ménages peuvent apporter des collatéraux plus importants et ainsi s’endetter davantage pour monter en gamme sur le marché de l’immobilier, c’est-à-dire acheter des biens immobiliers plus cher. On observe ainsi que le taux d’endettement des ménages a plus que doublé entre 1975 à 2006, passant de 60 % à près de 130 %. En retour, ce comportement augmente à nouveau les prix de l’immobilier et soutient la bulle, parce que les banques accordent plus de prêts fondés sur une valeur supérieure des collatéraux.

Ainsi, dans la période d’emballement, les anticipations d’une hausse des prix de l’immobilier réduisent le risque des emprunts immobiliers pour les banques qui les émettent. En conséquence, les banques accordent de plus en plus de prêts.

Essayons de comprendre ce qui a pu se passer en prenant l’exemple de deux ménages américains, le ménage composé de M. et Mme Smith et celui composé de M. et Mme Williams.

En 1975, M. et Mme Smith souhaitent acquérir une maison d’une valeur de 100 000 dollars. Ils disposent d’un apport personnel de 10 000 dollars. Ils décident donc d’emprunter 90 000 dollars sur 30 ans. À cette fin, ils souscrivent un prêt hypothécaire. Le taux d’intérêt est de 2,9 %. Ainsi, le ménage devra rembourser à la banque 90 000 dollars de principal et 54 039 dollars d’intérêt. Le montant de leur endettement est donc de 144 039 dollars. Le ménage devra rembourser des mensualités de 400 dollars. Le jeune ménage gagne 24 000 dollars par an soit 2 000 dollars par mois. Le ménage acquiert ainsi la maison.

Question 4.8 Complétez le texte

En 1975, le patrimoine brut du ménage est de et son patrimoine net est de . On remarque que le ratio endettement total du ménage et revenu annuel du ménage est de . Autrement dit, le niveau d’endettement du ménage correspond pour lui a années de revenu annuel. De même, tous les mois, le ménage doit consacrer de son revenu mensuel à honorer ses échéances de prêt. Enfin, le levier d’endettement initial, ici défini par la valeur de son patrimoine brut divisée par l’apport personnel, est de . En ce qui concerne la banque, compte tenu de la somme que le ménage lui doit, il suffit que la valeur de la maison augmente d’environ pour qu’en cas d’insolvabilité du ménage elle puisse se rembourser intégralement (intérêts compris).

De 1975 à 2005, aux États-Unis, le prix de l’immobilier a finalement augmenté de (Graphique 4.14), autrement dit le prix des maisons a été multiplié par . Sachant que le ménage a remboursé intégralement sa dette, son patrimoine brut est à son patrimoine net et il est de . Ainsi, grâce à l’endettement bancaire, le ménage a acquis pour 144 039 $ une maison d’une valeur de 500 000 $. Sachant que le ménage possède désormais un patrimoine personnel d’une valeur de 500 000 $ et que leur apport personnel était de 10 000 $, la rentabilité de leur apport personnel est de .

En 2005, la fille de M. et Mme Smith, mariée à M. Williams, inspirée par l’expérience de ses parents, décide d’acquérir une maison de 300 000 dollars. Le ménage Williams souscrit dans ce but un prêt hypothécaire sur 30 ans. Le taux d’intérêt est identique : 2,9 %. L’apport personnel du ménage s’élève seulement à 5 000 dollars. Le ménage gagne 40 000 dollars par an. Le ménage devra rembourser à la banque la somme de 412 126 dollars et payer des mensualités de 1 310 dollars (il rembourse donc 15 720 dollars par an). Encouragée par la hausse continue du prix de l’immobilier, la banque n’hésite pas à prêter cette somme à ce jeune ménage pourtant modeste.

Question 4.9 Complétez le texte

En 2005, le patrimoine brut du ménage est de et son patrimoine net est de . Le niveau d’endettement du ménage correspond à un peu plus de années de son revenu annuel, soit une durée presque deux fois plus importante que celle qu’ont connu M. et Mme Smith. De même, tous les mois, le ménage doit consacrer de son revenu mensuel à honorer ses échéances de prêt. Enfin, le levier d’endettement initial, ici défini par la valeur de son patrimoine brut divisée par l’apport personnel, est de . Pour la banque, compte tenu de la somme que le ménage lui doit, il suffit que la valeur de la maison augmente seulement d’environ pour que, en cas d’insolvabilité du ménage, la banque puisse se rembourser intégralement (intérêts compris). La banque a ainsi, comme le ménage, le sentiment de ne prendre aucun risque.

Dans le même temps, M. et Mme Smith ont vendu leur maison d’une valeur de 500 000 dollars et ont décidé d’acquérir une superbe maison de 1 400 000 dollars. Ils souscrivent à nouveau un prêt hypothécaire pour un montant de 1 100 000 dollars sur une durée de 20 ans seulement compte tenu de leur âge. Leur apport personnel n’est que de 300 000 dollars, car ils ont décidé de consacrer 200 000 dollars pour l’équipement futur de leur villa de rêve. Le taux d’intérêt est seulement de 2,33 %, car le ménage emprunte sur une période plus courte, il a des revenus annuels plus élevés (200 000 dollars par an) que M. et Mme Williams et une relation de grande confiance s’est nouée entre lui et la banque. Le ménage a une dette totale vis-à-vis de la banque de 1 451 983 dollars et devra rembourser à la banque 6 050 dollars par mois, cela représente environ 33 % de son revenu mensuel, ce qui reste raisonnable, mais, là encore, plus important que pour le précédent prêt. La banque n’a pas le sentiment de prendre de risque, car, si le ménage est insolvable, elle récupérera une maison d’une valeur de 1 400 000 dollars alors même qu’elle n’a prêté que 1 100 000 dollars au ménage.

accélérateur financier
Le mécanisme à travers lequel la capacité à emprunter des entreprises et ménages augmente quand la valeur de leur collatéral engagé auprès du prêteur (souvent une banque) augmente.

On retrouve ici un mécanisme appelé l’accélérateur financier, à savoir le mécanisme par lequel une hausse de la valeur du collatéral aboutit à une hausse de l’endettement et des dépenses des ménages et des entreprises. La hausse du prix des maisons (collatéral) a accru le niveau d’endettement des ménages.

L’Illustration 4.5a illustre cette phase. La hausse de la valeur du collatéral renforce l’emballement en augmentant nettement l’endettement et les dépenses.

Illustration 4.5a Le marché immobilier à la hausse.

Toutefois, entre 2006 et 2008, les prix de l’immobilier chutent d’environ 30 % aux États-Unis. L’effet sur le système bancaire va s’avérer très important compte tenu du fort taux d’endettement atteint par les ménages, ainsi que de celui des banques qui, elles aussi, ont accru leur niveau d’endettement pour pouvoir prêter massivement.

Ainsi, du fait de la baisse des prix de l’immobilier de 30 %, la maison de M. et Mme Smith ne vaut plus qu’environ 1 000 000 dollars, tandis que la maison de M. et Mme Williams ne vaut plus que 210 000 dollars. Désormais, le ménage Williams a un patrimoine brut de 210 000 dollars, et, sachant qu’il doit encore à la banque environ 310 000 dollars, son patrimoine net est de -100 000 dollars. Son patrimoine net est donc devenu négatif. De même, M. et Mme Smith, qui ont remboursé environ 290 000 dollars à la banque, lui doivent encore environ 1 160 000 dollars. Leur patrimoine net est donc lui aussi devenu négatif de 160 000 dollars alors qu’il était de +500 000 dollars en 2005.

Comme cela est montré dans l’Illustration 4.5b, la baisse de la valeur du collatéral réduit la capacité d’emprunt des ménages propriétaires. Certains d’entre eux se retrouvent même avec des patrimoines immobiliers nets négatifs. Face à une telle situation, les ménages qui envisageaient de souscrire un prêt bancaire pour profiter de l’effet de levier par l’endettement vont reporter leurs achats de logements tant que le marché ne s’est pas stabilisé. La baisse de la demande d’achats de logements accentue alors le déclin des prix de l’immobilier et renforce la baisse de la valeur du collatéral.

Illustration 4.5b Le marché immobilier à la baisse.

Supposons qu’en janvier 2009, dans chaque couple, l’un des conjoints se retrouve au chômage, que les deux ménages ne soient plus en capacité de rembourser leur prêt, et qu’ils soient alors expulsés de leur logement. La banque se retrouve avec des engagements restants (pour les deux ménages) de 1 470 000 dollars pour des maisons dont la valeur totale est de 1 210 000 dollars. De nombreuses banques sont contraintes de vendre en même temps les maisons (collatéral apporté en garantie), dont elles sont devenues propriétaires, afin de faire face à leurs propres engagements. Ces ventes forcées renforcent la baisse du prix de l’immobilier et les difficultés des banques s’accroissent (Cf. sous-section suivante).

Le rôle central de l’investissement immobilier et de l’endettement dans la crise financière de 2008.

Graphique 4.15 Évolution du prix des logements américains (2000–2012).

S&P Dow Jones Indices LLC. Notes : L’indice Case-Shiller est calculé mensuellement et concerne le marché immobilier américain : publié par Standard & Poor’s, il mesure la valeur nominale du marché de l’immobilier résidentiel aux États-Unis ; son calcul est notamment basé sur l’étude de 20 régions métropolitaines aux États-Unis ; c’est un indicateur de référence de la tendance du marché immobilier.

Regardez le Graphique 4.15. Comment les prix des logements américains évoluent-ils entre janvier 2000 et avril 2006, puis entre avril 2006 et décembre 2007 (soit avant la crise) ?

L’indice des prix des logements américains passe de 100 en janvier 2000 à 205,44 en avril 2006, ce qui signifie que sur la période les prix des logements américains ont augmenté de 105,44 % ou encore ont été multipliés par 2,05. En revanche, on observe que, à partir de mai 2006, les prix des logements américains baissent. L’indice base 100 en 2000 n’est plus que de 181,07 en décembre 2007. Ce qui signifie qu’entre avril 2006 et décembre 2007, en l’espace de quelques mois seulement, les prix des logements américains baissent de 11,86 %.

Graphique 4.16 Demande globale et crise financière aux États-Unis (2e trimestre 2006–4e trimestre 2010).

US Bureau of Economic Analysis.

Regardez le Graphique 4.16.

Montrez que le moment de l’effondrement de la demande est cohérent avec le rôle central joué par l’immobilier et l’endettement dans la crise financière.

Le moment de l’effondrement de la demande est cohérent avec le rôle central joué par l’immobilier et l’endettement dans la crise financière. Dans le Graphique 4.16, nous pouvons voir la contribution des différentes composantes du PIB à la croissance au cours des 18 mois ayant précédé la crise de l’économie américaine, puis pour les cinq trimestres de récession qui ont suivi le début de la crise de 2008, puis de la reprise économique jusqu’à la fin de 2010. La chute de l’investissement immobilier (représenté par la barre rouge) fut la caractéristique la plus importante de l’amorce : à ce stade, c’était le seul frein à la croissance. Cette chute de l’investissement immobilier était une conséquence directe de la chute des prix de l’immobilier qui avait débuté en avril 2006, comme nous l’avons vu dans la question précédente.

Au cours de la récession, outre l’investissement immobilier, quelles autres composantes de la demande globale baissent ?

Au cours de la récession, on observe une nouvelle baisse de l’investissement immobilier, mais on constate également une baisse de l’investissement autre qu’immobilier, ainsi qu’une baisse de la consommation. Les ménages arrêtent d’acheter de nouveaux logements, mais stoppent également leur consommation de biens durables. Il y a également une chute de l’investissement productif. Les commandes de nouveaux équipements sont annulées. Le mécanisme d’accélérateur financier aide à comprendre la transmission d’une chute des prix de l’immobilier (via la baisse de la valeur des collatéraux) à la demande globale. Les coupes dans les dépenses en nouveaux logements et biens durables furent principalement le fait des ménages les plus pauvres qui avaient contracté des crédits hypothécaires à risques (subprimes).

Le rôle des ventes forcées

Lors d’une crise financière, les banques et les ménages font face à des pertes considérables dans la valeur de leurs actifs, qu’ils soient de nature financière ou autres. Dans le cas de l’immobilier, c’est assez simple à imaginer.

La remontée des taux d’intérêt à partir du milieu des années 2000 a eu pour conséquence le fait que certains ménages qui avaient souscrit auprès des banques des crédits subprimes n’ont plus été en mesure de faire face à leurs échéances mensuelles de remboursement. Dès lors, comme ces ménages avaient souscrit des crédits hypothécaires qu’ils se sont avérés incapables de rembourser, les banques les ont expulsés de leurs maisons et en sont devenues les propriétaires. Elles ont alors mis en vente celles-ci de manière à pouvoir se rembourser des crédits qu’elles avaient, imprudemment, consentis aux ménages défavorisés.

Toutefois, comme beaucoup de ménages sont devenus insolvables en même temps du fait de la hausse des taux d’intérêt, et donc comme beaucoup de maisons ont été mises en vente, les prix de l’immobilier ont baissé et les banques ont vu la valeur des collatéraux apportés en garantie des prêts qu’elles avaient accordés chuter fortement. Elles ont donc été menacées de perdre l’intégralité ou une partie de leur richesse nette. Ainsi, elles ont été sous pression pour vendre les maisons, dont elles étaient devenues malgré elles les propriétaires, même à prix réduit, voire pour une valeur inférieure au montant du crédit initialement accordé.

Comme beaucoup de banques ont tenté désespérément de les revendre au même moment, le prix des biens immobiliers a encore chuté davantage. En conséquence, la solvabilité des banques et d’autres institutions financières s’en est encore plus trouvée menacée. Par ailleurs, certaines banques, pour faire face à leurs engagements, ont dû également vendre d’autres types d’actifs, notamment financiers, qu’elles détenaient, ce qui a entraîné une baisse de la valeur de ces actifs (actions et obligations particulièrement).

rétroaction positive (effet de)
Situation dans laquelle un changement initial déclenche un processus qui amplifie ce changement.

Ainsi, la vente forcée des actifs est un mécanisme de rétroaction positive. La rétroaction positive est un processus qui se caractérise par le fait qu’une variation initiale conduit à une série de réactions qui amplifie la variation (ici, la rétroaction positive se manifeste par une baisse continue des prix).

Au cours de la crise financière, la vente en catastrophe est un effet externe à la fois pour le marché de l’immobilier et les marchés des actifs financiers, et chaque externalité affecte la solvabilité des banques, dans le cadre du cycle de rétroaction positive. C’est une défaillance de marché parce que la vente en catastrophe a un effet externe, imposant un coût (la chute de prix) à d’autres détenteurs du même type d’actifs.

S’agissant, par exemple, du secteur de l’immobilier, on observe sur le Graphique 4.15 que les prix de l’immobilier chutent de 9 % en 2007 et de plus de 17 % en 2008. Finalement, entre avril 2006 et décembre 2008, le prix de l’immobilier chute de 27 %. Ainsi, « en 2008, le patrimoine de logements américain perdait 3 300 milliards de dollars de valeur, soit le triple de la perte de valeur de 2007. Selon le recensement américain, près de 19 millions de logements sont vides à la fin de 2008, sur un parc total de 131 millions de logements. Les banques détiendraient des logements dont les propriétaires sont en défaut pour une valeur de 11,5 milliards de dollars ».4

S’agissant des actifs financiers, « la dépréciation des actifs d’origine américaine depuis le début de la crise jusqu’en 2010, tous détenteurs confondus, [s’élèverait] à 2 700 milliards de dollars » et « les pertes de valeur pourraient atteindre près de 4 000 milliards de dollars, montant qui pour deux tiers concernerait les banques ».5

Question 4.10 Choisissez les bonnes réponses

Parmi les affirmations suivantes concernant les ventes en catastrophe (fire sale, en anglais) sur le marché de l’immobilier, lesquelles sont correctes ?

  • Le patrimoine immobilier net d’un ménage est négatif quand la valeur du logement qu’il possède est inférieure à la valeur de la dette hypothécaire restant à rembourser.
  • Une vente en catastrophe intervient quand un ménage ne peut pas rembourser son prêt et vend son logement ou que celui-ci est vendu par la banque qui s’en est saisie.
  • Les ventes forcées sont une externalité positive pour les acheteurs potentiels qui sont en mesure d’acheter les logements saisis pour un moindre prix.
  • Les ventes forcées sont une externalité négative sur les autres propriétaires d’actifs similaires, car elles diminuent la valeur de leurs actifs.
  • C’est la définition d’un patrimoine immobilier net négatif.
  • On parle de vente en catastrophe quand un actif est vendu dans la précipitation à bas prix afin d’éviter la faillite ou le manque de liquidité. Dans un marché immobilier normal, un ménage qui ne peut pas rembourser son prêt immobilier (à cause d’une perte d’emploi, par exemple) pourrait être en mesure de vendre son logement à un prix normal.
  • Une externalité est un effet inattendu sur des parties non impliquées dans la transaction. La possibilité que des acheteurs bénéficient de prix moins élevés n’est pas une externalité, car ces acheteurs sont impliqués dans la transaction.
  • C’est une externalité négative, car les propriétaires d’actifs similaires ne font pas partie de cette transaction particulière, pourtant ils en supportent les conséquences puisque le prix de leurs propres actifs baisse.

Synthèse

Une crise financière peut conduire à une baisse du prix du collatéral et à des ventes forcées qui vont avoir pour effet une propagation de la crise financière à l’économie réelle. En effet, si dans une phase d’expansion la hausse du prix du collatéral permet aux agents de s’endetter davantage, la baisse du prix du collatéral a l’effet inverse en réduisant le niveau de leur richesse totale, ce qui réduit d’autant leur capacité future d’emprunt. Ainsi, les investissements immobiliers baissent tout comme les achats d’actifs financiers qui financent en partie l’économie réelle. Dès lors, il y a des effets négatifs sur la demande globale, ce qui a des répercussions sur l’économie réelle.

Par ailleurs, si en raiosn d’une crise financière et des effets de richesse négatifs qu’elle entraîne, certains agents deviennent insolvables, les ventes forcées des actifs qu’ils détiennent pour faire face à leurs engagements ne font qu’amplifier les effets négatifs de richesse, puisque la baisse de la valeur des actifs s’amplifie, contraignant les agents insolvables à vendre encore plus d’actifs. C’est le mécanisme de rétroaction positive. Là encore, la réduction des niveaux de dépenses, en termes de consommation ou d’investissement des agents contraints de vendre leurs actifs pour faire face aux engagements qui sont les leurs, a un impact négatif sur la demande globale et ainsi sur l’économie réelle.

Comment la contraction du crédit, ou « credit crunch », contribue-t-elle à la transmission de la crise financière à l’économie réelle ?


Objectif : Connaître l’un des principaux canaux de transmission d’une crise financière à l’économie réelle, à savoir la contraction du crédit.

Quelles sont les raisons de la contraction du crédit à la suite d’une crise financière ?

La contraction du crédit désigne le fait que pendant une période donnée on observe une baisse des crédits accordés aux ménages et aux entreprises par les banques. Cette contraction du crédit peut trouver ses origines tant du côté de l’offre que de la demande de crédit et avoir un impact négatif sur l’économie réelle.

En ce qui concerne l’offre de crédit, nous pouvons reprendre l’exemple de la crise financière de 2008 et se remémorer les différentes raisons pour lesquelles les banques ont alors été en grande difficulté. Plus précisément, les banques ont sous-estimé les risques de défaut de leurs clients et ont pensé que la hausse des prix de l’immobilier ne pourrait que se poursuivre. Elles ont donc accepté de prêter à des ménages risqués même à des taux d’intérêt faibles. Dans certains cas, et tant que les prix de l’immobilier ont continué d’augmenter, certaines banques en vendant les biens immobiliers de certains clients devenus insolvables ont bénéficié d’une rentabilité importante sur le prêt et ont finalement bénéficié de l’effet de levier dont auraient dû bénéficier leurs clients s’ils avaient pu rembourser leurs prêts.

Mais la remontée des taux d’intérêt a entraîné l’insolvabilité de nombreux ménages alors même que les prix de l’immobilier se sont mis à baisser. Les banques se sont alors retrouvées en grande difficulté. Dès lors, durant la crise des subprimes, comme les banques ont craint davantage un probable défaut de la part des emprunteurs, du fait notamment pour les ménages de la baisse des revenus salariés anticipés et pour les entreprises de la baisse de leurs profits anticipés, elles n’ont plus prêté qu’à un taux d’intérêt élevé à leurs clients, et ce, pour préserver la valeur fondamentale de leurs prêts, d’autant plus qu’elles étaient fragilisées par la crise. Dans le cas des prêts immobiliers, les taux d’intérêt ont d’autant plus augmenté que sur le marché de l’immobilier les prix baissaient, ce qui équivalait pour elles à une baisse de la valeur du collatéral et, donc, à une baisse de la valeur fondamentale du prêt. Par conséquent, le montant des crédits accordés par les banques aux ménages et aux entreprises s’est contracté. Certaines banques ont refusé de prêter à certains clients jugés trop risqués. Ce phénomène est appelé la « contraction de crédit » (ou credit crunch, en anglais).

Par ailleurs, les banques ont également refusé de se prêter des liquidités entre elles. En effet, nous avons compris que sur le marché monétaire les banques en situation de surliquidité pouvaient refinancer et, donc, prêter aux banques qui se trouvaient en situation temporaire d’illiquidité. Mais les difficultés très importantes de plusieurs banques les ont amenées à perdre la confiance qu’elles avaient les unes dans les autres. Dès lors, le marché monétaire s’est bloqué, ce qui a accentué le phénomène de contraction du crédit.

Face à un tel blocage, les gouvernements et les banques centrales ont réagi de façon forte avec des politiques de stabilisation : déficits budgétaires, apport de liquidités aux banques et réduction des taux d’intérêt. Mais ces mesures ont eu un effet relativement limité.

En ce qui concerne la demande de crédits, nous avons vu que les effets de richesse négatifs peuvent conduire les ménages à réduire leur consommation et leur niveau d’endettement et à accroître leur épargne (notamment leur épargne de précaution). C’est ce qui s’est passé en 2008. Face à des taux d’intérêt désormais très élevés et jugés prohibitifs, certains ménages et entreprises ont renoncé à emprunter pour consommer ou investir.

Graphique 4.17 Évolution du montant des crédits accordés aux ménages et aux entreprises non financières (entreprises hors banques et assurances) dans la zone euro (2004–2014).

Banque centrale européenne.

Exercice 4.6 La contraction du crédit après une crise financière

Montrez, à l’aide du Graphique 4.17, qu’à partir de 2006, pour les ménages, et de mi-2008, pour les entreprises non financières, les crédits bancaires qui ont été accordés ont diminué.

Pourquoi la contraction du crédit a-t-elle un impact sur l’économie réelle ?

Des taux d’intérêt élevés d’une part et le refus des banques de prêter d’autre part ont un impact négatif important sur l’économie réelle.

En effet, nous l’avons compris, pour financer certaines dépenses de consommation de biens durables, comme l’acquisition d’une voiture ou d’un bien d’équipement du logement relativement coûteux, les ménages peuvent être amenés à solliciter un emprunt bancaire. Il en est de même lorsque ces derniers souhaitent acquérir un logement, un terrain ou effectuer d’importantes réparations dans leur logement, bref, lorsqu’ils souhaitent investir. Or, moins de prêts bancaires c’est une contraction du niveau de consommation de biens durables en particulier et d’investissement immobilier des ménages, deux composantes de la demande globale.

En outre, la plupart des entreprises qui souhaitent investir et qui se trouvent en besoin de financement doivent recourir également aux emprunts bancaires. Dès lors, si les banques sont plus réticentes à prêter ou si les taux d’intérêt débiteurs sont élevés, le niveau de l’investissement tend à se réduire, ce qui là encore joue négativement sur la demande globale.

En conséquence, si la demande globale augmente moins vite, voire diminue, alors les entreprises sont moins incitées à produire et la croissance économique ralentit, et peut même devenir négative.

Regardez la vidéo « La crise ». En vous appuyant sur cette vidéo, répondez aux questions suivantes.

À la suite de la décision du général qui vient de s’emparer du pouvoir en Nanonésie, quelle peut être la conséquence pour la banque qui a octroyé un prêt bancaire à l’État nanonésien ?

Lorsque la banque a accordé un prêt bancaire à la Nanonésie, elle a reçu à son actif une reconnaissance de dette de l’État nanonésien et a, en contrepartie, crédité le compte à vue de l’État nanonésien (passif de la banque). Ainsi, en accordant à la Nanonésie un prêt bancaire, la banque fournit à ce pays des liquidités qui doivent permettre à l’État d’effectuer des dépenses. En contrepartie de l’octroi du prêt, la banque reçoit une reconnaissance de dette que l’État nanonésien s’est engagé à lui rembourser. Mais, si le nouveau général qui a pris le pouvoir en Nanonésie décide de ne pas rembourser la banque, alors la reconnaissance de dette que la banque détient à son actif ne vaut plus rien. Dès lors, le total du passif de la banque devient supérieur au total de son actif. Or, les ménages, informés du risque de défaut auquel est confrontée la banque, craignent que celle-ci ne soit plus en mesure d’honorer ses engagements vis-à-vis d’eux et décident donc de retirer leurs dépôts bancaires auprès d’elle. Ces retraits massifs des dépôts bancaires peuvent alors entraîner pour la banque un risque de liquidité et, finalement, une faillite de la banque, si celle-ci ne dispose pas de suffisamment de liquidités pour faire face aux retraits massifs de ses clients pris de panique.

Quelles conséquences la faillite de la banque peut-elle avoir pour le système bancaire et plus généralement pour l’économie ?

Dans le système bancaire actuel, les banques se prêtent les unes aux autres sur le marché monétaire via le compte à vue que chacune d’elle détient à la banque centrale. Or, la faillite d’une banque peut fragiliser les banques qui ont prêté à cette dernière. Ainsi, par un effet domino, la faillite d’une banque fragilise toutes les banques et risque d’entraîner la faillite d’autres banques. Fragilisées, les banques décident de restreindre leurs crédits aux ménages et aux entreprises. Or, si les entreprises ont moins accès au crédit, elles ne vont plus pouvoir investir (acquérir du capital fixe) et cesseront d’embaucher. Le fait qu’une entreprise A investisse en achetant de nouvelles machines-outils, par exemple, s’apparente à une commande pour l’entreprise B qui fabrique ces dernières. Si l’entreprise A renonce à investir faute de crédits bancaires suffisants, l’entreprise B est conduite à diminuer sa production, et elle licencie. Les travailleurs licenciés, ayant perdu leurs emplois, voient leur pouvoir d’achat baisser et consomment donc moins, notamment des biens de consommation durables comme nous l’avons vu précédemment. De même, les salariés qui ont conservé leurs emplois, face à un contexte économique plus incertain, sont conduits rationnellement à accroître leur épargne de précaution et ainsi consomment moins. Les entreprises qui fabriquent les biens de consommation durables sont alors elles aussi contraintes de réduire leur niveau de production et licencient à leur tour. La crise s’amplifie et la contraction du crédit se propage bien à l’économie réelle …

Synthèse

Une crise financière peut être à l’origine d’une contraction du crédit, laquelle va amener la crise financière à avoir un impact sur l’économie réelle. En effet, en cas de crise financière majeure, la dépréciation des actifs détenus par les banques, mais également les risques de défaut accrus des clients auxquels elles ont prêté, peut logiquement les amener à restreindre massivement les crédits octroyés à leurs clients et même à ne plus se prêter entre elles sur le marché monétaire.

Dès lors, les octrois de crédits aux agents économiques baissent fortement et les agents en besoin de financement qui souhaiteraient financer des dépenses de consommation ou d’investissement ne trouvent pas auprès des banques les financements externes dont ils ont besoin pour financer leurs projets. Par conséquent, la demande globale se contracte, ce qui, là encore, a un impact sur l’économie réelle.

4.5 Quels sont les principaux instruments de régulation du système bancaire et financier ?

Aléa moral et régulation des banques

aléa moral
Toute situation dans laquelle un agent économique protégé d’un risque agit différemment que s’il avait à subir les effets du risque qu’il prend. Ainsi, une banque systémique prend des risques excessifs, car elle sait que l’État viendra à son secours en cas de difficulté : c’est un aléa moral.

Si les propriétaires de la banque avaient à supporter tous les coûts d’une faillite, alors ils mettraient tout en œuvre pour l’éviter. Mais dans la mesure où ils savent que d’autres agents économiques (les contribuables en cas d’aides publiques ou les autres banques qui leur ont accordé un prêt) supporteront une partie des coûts liés à leur prise de risque, un phénomène d’aléa moral apparaît, incitant les banques à prendre des risques excessifs.

Dès lors, pour éviter que les banques, notamment celles dont la taille est importante, ne prennent trop de risques sachant qu’elles ne supporteront pas tous les coûts liés à des activités trop risquées, il convient de mettre en place des instruments de régulation du système bancaire et financier, à savoir notamment la supervision des banques par la banque centrale et l’instauration de ratios de solvabilité.

Comment la banque centrale exerce-t-elle une fonction de supervision des banques de second rang et peut-elle de ce fait réduire l’aléa moral des banques ?


Objectif : Connaître le rôle de la supervision des banques par la banque centrale dans la réduction de l’aléa moral des banques.

Les ratios de solvabilité sont des dispositifs réglementaires mis en place par la Banque des règlements internationaux (BRI). Ces dispositifs ont pour objectif d’assurer la capacité de financement des banques afin de prévenir de crises financières et économiques globales. Par exemple, à la suite des accords de Bâle II, le Pilier 1 du ratio de solvabilité définit les exigences minimales de fonds propres. Conformément à l’article 2.1 de l’arrêté du 20 février 2007 modifié, doivent être couverts en principe par 8 % de fonds propres le risque de crédit et de dilution, les risques de marché et le risque opérationnel.

Pour réduire le risque d’aléa moral des banques, la banque centrale et les différentes autorités nationales de contrôle et de supervision participent à l’élaboration des règles de prudence et de sécurité destinées à mesurer et limiter les risques afin notamment d’éviter la faillite d’une banque. Ainsi, dans ce but, ces entités définissent des ratios de solvabilité et s’assurent que les banques de second rang les respectent. Autrement dit, elles veillent à ce que les banques aient des capitaux propres suffisants, c’est-à-dire que les capitaux propres d’une banque lui permettent d’absorber d’éventuelles pertes liées aux risques auxquels elle peut être confrontée (Cf. sous-section suivante). En Europe, la BCE fixe individuellement pour chaque banque le ratio de solvabilité qu’elle exige d’elle. Par exemple, pour 2019, la BCE a fixé un ratio de solvabilité dit « Tier 1 » (CET 1) de 9,83 % pour BNP Paribas ; ce ratio est de 9,78 % pour le Groupe Crédit agricole et de 9,76 % pour le groupe BPCE.

Par ailleurs, la banque centrale et les différentes autorités nationales de contrôle et de supervision vérifient que le risque de défaut de liquidité des banques de second rang est faible, c’est-à-dire qu’elles ont une capacité importante à couvrir des besoins de liquidité spécifiques. Autrement dit, elles s’assurent qu’à tout moment les banques puissent faire face aux retraits de leurs clients et qu’elles soient donc en mesure de leur fournir les liquidités qu’ils souhaitent (Cf. la sous-section 4.3). Or, la crise des subprimes de 2008 a montré que de nombreuses banques, alors qu’elles étaient dotées d’une quantité de fonds propres adéquate, se sont heurtées à des difficultés de liquidités. En effet, avant la crise, comme nous avons eu déjà l’occasion de le comprendre, les marchés d’actifs étaient orientés à la hausse, et les financements étaient facilement disponibles et à faible coût. Mais le retournement brutal de la situation a montré que l’assèchement de la liquidité pouvait être rapide et durable. Les banques centrales ont été contraintes d’intervenir pour assurer le bon fonctionnement des marchés monétaires en assouplissant leurs modalités de refinancement, voire en jouant leur rôle de prêteur en dernier ressort pour certaines banques au risque de réactivité de l’aléa bancaire.

On peut noter qu’il a été également défini un ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR, Net Stable Funding Ratio), qui vient compléter le LCR et couvre une période d’un an. Il a été conçu pour fournir une structure viable des échéances des actifs et passifs.

La Banque des règlements internationaux (BRI) ou Bank for International Settlements (BIS) est une organisation financière internationale créée en 1930 sous la forme juridique d’une société anonyme, dont les actionnaires sont des banques centrales. Située dans la ville de Bâle, en Suisse, elle se définit comme étant la « banque des banques centrales ».

Dès lors, face à ce constat, un ratio de liquidité à court terme a été instauré par la Banque des règlements internationaux (BRI) au 1er janvier 2015 (Accords de Bâle III). C’est le LCR, Liquidity Coverage Ratio. Il s’agit de faire en sorte qu’à tout moment les banques disposent d’un encours suffisant d’actifs liquides de haute qualité pouvant être convertis en liquidités, facilement et immédiatement sur les marchés privés, dans l’hypothèse d’une crise de liquidité qui durerait 30 jours calendaires. Le principe d’un tel ratio est donc d’éviter, en principe, que les banques centrales aient à nouveau à intervenir massivement en cas de crise pour fournir des liquidités aux banques.

C’est la BRI qui fixe le niveau de liquidité minimal pour les banques internationales. L’exigence minimale initialement fixée à 60 % au 1er janvier 2015 est de 100 % depuis le 1er janvier 2019. Les autorités nationales peuvent néanmoins imposer pour les banques internationales placées sous leur autorité un ratio de liquidité plus élevé que celui fixé par la BRI.

Ce ratio s’établit ainsi :

Des actifs sont considérés comme actifs liquides de haute qualité s’ils peuvent être facilement et immédiatement transformés en liquidité sans perdre – ou en perdant très peu – de leur valeur. Parmi les actifs les plus liquides, on peut citer les pièces et les billets de banque ; les réserves détenues par les banques auprès de la banque centrale (y compris les réserves obligatoires) ; ou encore des titres négociables représentatifs de créances sur – ou garanties par – des émetteurs souverains, des banques centrales, des organismes publics, la BRI ou encore le FMI. Le « total des sorties nettes de trésorerie » désigne les sorties totales attendues moins les entrées totales attendues durant les 30 jours calendaires suivants, selon le scénario de tensions défini par l’autorité de contrôle. Le total des sorties attendues est calculé en multipliant les soldes de différents types ou catégories de passifs et d’engagements hors bilan par leurs taux attendus de retrait ou de décaissement. Le total des entrées attendues est calculé en multipliant les soldes de différentes catégories de créances contractuelles par leurs taux attendus d’encaissement dans le scénario considéré, jusqu’à un plafond global de 75 % des sorties de trésorerie attendues. Total des sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours calendaires suivants = total des sorties attendues – minimum {total des entrées de trésorerie attendues ; 75 % du total des sorties de trésorerie attendues}.

Graphique 4.18 La situation des grands groupes bancaires français en termes de liquidité à court terme (2018).

Données QIS jusqu’en juin 2006 et CORE à partir de décembre 2016.

Graphique 4.19 Les actifs de haute qualité des banques françaises (2010–2018).

Données QIS jusqu’en juin 2006 et CORE à partir de décembre 2016.

Question 4.11 Choisissez la bonne réponse

Le Graphique 4.18 décrit la situation des grands groupes bancaires français à fin 2018 en termes de liquidité à court terme tandis que le Graphique 4.19 présente les actifs de haute qualité des banques françaises de 2010 à 2018.

En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Entre décembre 2010 et décembre 2018, le LCR des banques françaises est passé de 44,9 % à 132,1 %, il a donc augmenté de 87,2 %.
  • Pour 132,10 euros de sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours calendaires, les banques françaises dans leur ensemble disposent de 100 euros d’encours d’actifs liquides de haute qualité.
  • Le montant des encours liquides de haute qualité est 1,32 fois plus élevé que le montant des sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours calendaires.
  • Les banques françaises détiennent à peu près de 33 % de leurs actifs liquides de haute qualité (HQLA) sous la forme de titres émis par des administrations publiques ou des institutions internationales.
  • Le LCR a augmenté de 87,2 points de pourcentage, soit 194 %.
  • C’est l’inverse. Pour 100 euros de sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours calendaires, les banques françaises dans leur ensemble disposent de 132,10 euros d’encours d’actifs liquides de haute qualité.
  • Lorsque le montant des sorties nettes est de 100 euros, le montant des encours d’actifs liquides de haute qualité est de 132,10 euros. Le montant des encours est donc bien 1,32 fois plus élevé que celui des sorties nettes.
  • Les banques détiennent un peu plus de 300 milliards d’euros sous la forme de titres émis par des administrations publiques ou des institutions internationales soit 33 % (300/900) de leurs actifs liquides qui sont de grande qualité.

Enfin, plusieurs organismes et institutions, dont le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board ou FBS, en anglais), ont souligné que « la crise financière globale a révélé nombre de manquements et de faiblesses dans la gouvernance des institutions financières, notamment des structures et des procédures inappropriées dans les conseils, des systèmes de gouvernance des risques inadéquats ainsi que des structures organisationnelles et des activités indûment complexes ou opaques ». Pour la BRI, des dispositions réglementaires de protection peuvent mettre l’accent sur la responsabilité et la transparence. Ainsi, les autorités de contrôle peuvent s’assurer que les membres des diverses institutions, conseil d’administration et direction générale, soient des personnes qualifiées et responsables et que des procédures garantissent qu’elles s’acquittent de leurs missions et responsabilités. Dans la mesure où le conseil d’administration et la direction générale sont responsables en dernier ressort des résultats de la banque, les autorités de contrôle peuvent vérifier que la banque est gérée de façon correcte et doivent porter à l’attention de la direction tous les problèmes qu’elles relèvent dans l’exercice de ce contrôle. Lorsque la banque prend des risques qu’elle ne peut mesurer ou maîtriser, les autorités de contrôle doivent en tenir le conseil d’administration responsable et exiger que des mesures rapides soient prises pour y remédier.

Graphique 4.20 Les contrôles sur place en 2017 et 2018 mis en œuvre par la BCE auprès des banques, ventilés par type de risque.

BCE.

Regardez le Graphique 4.20. le Peut-on dire que lors de ces contrôles sur place en 2018, la BCE a pris en compte le risque de défaut de gouvernance (organisation de la prise de décision) ?

La BCE a pris en compte en 2018 (comme en 2017 d’ailleurs) le risque de défaut de gouvernance. En effet, si près de 55 % des contrôles sur place avaient pour objet, notamment, le risque de crédit, près de 30 % des contrôles sur place ont concerné, entre autres, les risques associés au défaut de gouvernance. C’est le deuxième objet de contrôle, avant même les risques liés aux fonds propres ou encore les risques de liquidités.

Question 4.12 Choisissez la bonne réponse

Regardez la vidéo de la Banque centrale européenne « Le mécanisme de surveillance unique expliqué en 3 minutes ». En vous appuyant sur cette vidéo, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Le mécanisme de surveillance unique (MSU) est totalement indépendant de la BCE.
  • Un des objectifs du MSU est d’assurer une surveillance permanente du niveau d’endettement des États européens.
  • Un des objectifs du MSU est de garantir la robustesse des banques et les rendre plus solides et plus résistantes en cas de chocs externes, tels que les crises financières.
  • Un des objectifs du MSU est d’apporter une aide financière à une banque qui se trouverait en difficulté financière.
  • Il est administré par la BCE en étroite collaboration avec les autorités nationales de surveillance des pays qui utilisent l’euro. Dans le cas de la France, il s’agit notamment de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
  • L’un des objectifs du MSU est d’assurer une surveillance permanente du secteur bancaire européen.
  • Vrai.
  • C’est le rôle du Fonds de résolution unique mis en place le 1er janvier 2016 et qui complète le MSU.

Question 4.13 Choisissez les bonnes réponses

Regardez la vidéo de la Banque centrale européenne « Le mécanisme de surveillance unique expliqué en 3 minutes ».

En vous appuyant sur cette vidéo, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • Pour parvenir à ses objectifs, le MSU vérifie si les banques se conforment aux règles bancaires de l’Union européenne.
  • Pour parvenir à ses objectifs, le MSU s’assure par des contrôles réguliers que les banques sont en mesure de fonctionner.
  • Pour parvenir à ses objectifs, le MSU n’a qu’un pouvoir de surveillance et n’a donc pas le pouvoir d’obliger les banques européennes à détenir davantage de capitaux en réserve (fonds propres), qui servent de filet de sécurité en cas de problème (ce pouvoir est uniquement détenu par la BRI).
  • Pour parvenir à ses objectifs, le MSU ne dispose pas du pouvoir d’accorder ou de retirer les agréments bancaires et de sanctionner les banques qui enfreindraient les règles.
  • Il surveille notamment le respect par les banques des exigences prudentielles qui leur sont imposées (notamment le ratio de solvabilité et le ratio de liquidité).
  • Cela passe par l’examen de la manière dont les banques empruntent, prêtent et investissent.
  • Le MSU a le pouvoir d’obliger les banques européennes à détenir davantage de capitaux en réserve (fonds propres), qui servent de sécurité en cas de problème.
  • Le MSU accorde et retire les agréments bancaires et peut sanctionner les banques qui enfreindraient les règles. Par exemple, en août 2018, la BCE a infligé une sanction pécuniaire administrative d’un montant de 4,3 millions d’euros au Crédit agricole. La sanction a été imposée à la banque pour avoir classé des instruments de fonds propres comme des instruments de Tier1 (CET1), lors de cinq périodes consécutives de déclaration trimestrielle et dans trois publications consécutives en 2015 et 2016, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de l’autorité compétente prévue à l’article 26, paragraphe 3, du Règlement sur les exigences de fonds propres (CRR).

Synthèse

Pour limiter l’aléa moral des banques, il est nécessaire que ces dernières soient contrôlées par des autorités reconnues pour leur expertise et leur indépendance. Il s’agit des banques centrales et des autorités nationales de contrôle et de supervision. La banque centrale assure donc sa fonction de supervision des banques de second rang (banques commerciales) dans le but de s’assurer de la bonne santé du système bancaire, de sa capacité à faire face à des chocs et ainsi de sa pérennité. Dans ce but, ces entités définissent des ratios de solvabilité (voir la section suivante) et s’assurent que les banques de second rang les respectent. Par ailleurs, la banque centrale et les différentes autorités nationales de contrôle et de supervision vérifient que le risque de défaut de liquidité des banques de second rang est faible, c’est-à-dire qu’elles ont une capacité importante à couvrir des besoins de liquidité spécifiques. Enfin, elles s’assurent de la bonne gouvernance des banques et de leur bonne gestion des risques auxquels elles peuvent faire face.

Comment les ratios de solvabilité contribuent-ils à la régulation du système bancaire et peuvent-ils de ce fait réduire l’aléa moral des banques ?


Objectif : Connaître le rôle du ratio de solvabilité dans la régulation du système bancaire et financier en tant qu’instrument qui permet de réduire l’aléa moral.

La combinaison de la Grande Modération, de la hausse des prix de l’immobilier et du développement de nouveaux actifs financiers a permis aux banques, notamment dans les années 1990–2000, d’augmenter de manière profitable leur levier financier.

ratio de levier (pour des banques ou ménages)
La valeur des actifs divisée par la valeur des capitaux propres.

Le Graphique 4.21 illustre l’effet de levier des banques d’investissement américaines et de toutes les banques britanniques. Aux États-Unis, le ratio de levier des banques d’investissement se situait entre 12 et 14 à la fin des années 1970, passant à plus de 30 au début des années 1990. Il atteignit même 40 en 1996 et un maximum de 43 à la veille de la crise financière. À titre de comparaison, l’effet de levier de la banque britannique médiane restait à 20 jusqu’en 2000. Il augmenta ensuite très rapidement jusqu’à un pic de 48 en 2007.

Graphique 4.21 Effet de levier des banques aux États-Unis et au Royaume-Uni (1960–2014).

US Federal Reserve. 2016. ‘Financial Accounts of the United States, Historical.’ December 10; Bank of England. 2012. Financial Stability Report, Issue 31.

agence de notation
Une entreprise qui recueille des informations pour calculer la solvabilité d’individus ou de sociétés, et vend la notation de crédit qui en découle aux parties intéressées.
crédit « subprime »
Un prêt hypothécaire résidentiel accordé à emprunteur à haut risque, par exemple un emprunteur qui a un historique de faillite ou de retards de remboursement.

Cet important effet de levier révèle le niveau élevé d’endettement des banques qui, de ce fait, augmentent fortement leur risque d’insolvabilité. Cependant, malgré cette tendance, les épargnants ont continué à acheter leurs titres financiers, c’est-à-dire à leur prêter toujours plus. Cette situation paradoxale trouve en partie son origine dans l’existence de sociétés appelées les agences de notation (les trois plus importantes étant Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s). Ces sociétés ont pour mission d’évaluer le risque des produits financiers et de fournir ainsi des informations aux prêteurs quant à la sécurité de leur placement. Or, après près de 20 ans de Grande Modération, le concept de crise économique semblait appartenir au passé et ces sociétés ont accordé les notes les plus hautes (titres les moins risqués) à de nombreux actifs construits à partir des prêts hypothécaires à risque, c’est-à-dire de type subprime.

La chute des prix de l’immobilier eut pour conséquence que les banques américaines, françaises, allemandes et britanniques, avec un levier d’endettement très élevé (Graphique 4.18) et donc avec une marge de sécurité très réduite en termes de capitaux propres, devinrent rapidement insolvables. Les défaillances des agences de notation ont mis en lumière la nécessité d’une régulation plus contraignante pour limiter l’endettement excessif des banques.

Ratio Cooke

En 1988, la BRI élabore le ratio Cook (ou Bâle I), dont le principe était de comparer le montant des engagements d’une banque, c’est-à-dire ses crédits et autres placements (situés à l’actif d’un bilan comptable), au montant de ses capitaux propres appelés aussi fonds propres (situés au passif d’un bilan comptable), composés de ses bénéfices et du capital apporté par les actionnaires.

Ce ratio est fixé à 8 % :

Fonds propres réglementaires au sens large : outre le capital social et les réserves (fonds propres de base), peuvent être inclus dans les fonds propres réglementaires les fonds propres complémentaires considérés comme du « quasi capital ». Le risque de crédit est le risque qu’un débiteur fasse défaut ou que sa situation économique se dégrade au point de dévaluer la créance que l’établissement détient sur lui.

Et en réarrangeant, nous obtenons :

Ce ratio a pour conséquence que lorsqu’une banque souhaite prêter 10 millions d’euros à un client, elle doit disposer d’au minimum 800 000 euros de fonds propres et utiliser au maximum 9 200 000 euros de ses autres sources de financement, tels que les dépôts bancaires ou le financement interbancaire.

Le ratio Cooke a donc pour objectif de contribuer à la régulation du système bancaire en limitant les faillites engendrées par un risque de crédit (non-remboursement ou remboursement partiel du prêt à une échéance donnée). En effet, en cas de défaut de paiement de la part de plusieurs emprunteurs au même moment, la banque peut puiser dans son capital propre pour fonctionner et elle évite ainsi la faillite. À une échelle plus globale, le ratio Cooke avait pour objectif d’éviter une crise systémique de l’ensemble du système bancaire à la suite d’une série de risques de crédit.

Ratio McDonough

Mis en place en 2006, Bâle II reprend le même concept de ratio de solvabilité que Bâle I, mais l’étoffe dans l’éventail des risques pris en compte. La BRI impose aux banques de détenir un pourcentage de fonds propres atteignant au minimum 8 % de l’ensemble des crédits et des placements qu’elles doivent honorer (le ratio restant inchangé par rapport à celui de Cooke). Néanmoins, en addition, le calcul du ratio prend en compte désormais trois risques :

L’évaluation de ce ratio est effectuée par une autorité de contrôle déterminée. Ainsi, les banques sont contraintes par l’obligation de détenir un volume de fonds propres afin de compenser des pertes éventuelles à la suite d’importantes difficultés durant leurs activités et, en parallèle, elles sont surveillées par une autorité agréée dans le calcul du ratio de solvabilité.

Bâle III

Pour répondre aux défaillances soulevées par la crise des subprimes et l’usage de la titrisation par les banques, le dispositif Bâle III renforce la qualité et le montant des fonds propres de manière à permettre aux banques d’être en mesure de mieux faire face aux risques auxquels elles peuvent être confrontées.

Renforcement des fonds propres en termes de qualité

Lors de la précédente réforme dite « Bâle II », la BRI a relevé le pourcentage de fonds propres que les banques doivent détenir ainsi que la proportion des fonds « durs » (Tier 1 ou CET 1), c’est-à-dire la partie la plus solide des ressources au passif d’une banque. En effet, cette proportion est portée à 4,5 % (contre 2 % sous Bâle II) du ratio inchangé de 8 %. Ainsi, en cas de période de difficultés, les banques pourront se reposer sur cette réserve afin d’éviter d’une faillite et rester ainsi solvables.

Graphique 4.22 Le renforcement des fonds propres en termes de qualité.

Renforcement des fonds propres en termes de niveau

Le ratio de fonds propres sur engagement passe de 8 % en 2015 à 10,5 % en 2019 (c’est l’ajout d’un coussin dit « de conservation », ou de sécurité, de 2,5 % de fonds propres « durs »). Il a pour objectif d’éviter la diminution des fonds propres des banques. Plus précisément, en cas de nécessité, les banques recourent à ce coussin de conservation ou de sécurité, ce qui laisse inchangé leur niveau de fonds propres réglementaire fixé à 8 %. Une telle mesure porte, par ailleurs, l’exigence de fonds propres « durs » à 7 % (Core T1 de 4,5 % + Coussin de conservation de 2,5 %).

Graphique 4.23 Le renforcement des fonds propres en termes de niveau.

Mise en place d’un coussin contracyclique

Ce dispositif oblige les banques à se constituer une réserve de capitaux tirés de leurs bénéfices en période de croissance économique afin de se prémunir de difficultés à venir en cas de crise. Ce « coussin » oblige les banques à disposer de fonds propres supplémentaires « durs » dans les périodes fastes, quand la croissance du crédit est forte. Ainsi, quand le cycle économique reflue et que l’activité ralentit, voire se contracte, ce « coussin » peut être libéré et permet alors à la banque de continuer à prêter à l’économie réelle. Aucun seuil n’a été défini par la BRI qui laisse le niveau du « coussin » à l’appréciation des régulateurs nationaux, lesquels doivent établir un « coussin » contracyclique allant de 0 % à 2,5 % du capital. En France, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) est responsable de la fixation, chaque trimestre, du taux de « coussin » de fonds propres contracyclique au niveau national. Le 3 avril 2019, le HCSF a publié sa décision de relever le taux du « coussin » de fonds propres contracyclique à un niveau de 0,5 %, avec une entrée en vigueur prévue le 2 avril 2020.

Graphique 4.24 Le coussin contracyclique.

Mise en place de coussins complémentaires pour pallier le risque systémique

Il s’agit de l’ajout d’une surcharge en capital en fonction du caractère systémique d’une banque. À ce titre, les États membres de l’Union européenne ont dû instaurer progressivement à partir du 1er janvier 2016 des coussins « de risque systémique ». Le but est de prévenir et d’atténuer les risques systémiques ou macroprudentiels non cycliques à long terme qui peuvent avoir de graves effets négatifs sur l’économie réelle. Les coussins pour le risque systémique vont de 1 à 5 %.

Au 1er janvier 2020, la liste publiée par le Conseil de la stabilité financière comprend 30 établissements d’importance systémique mondiale (EISm) considérés comme too big to fail (littéralement « trop gros pour faire faillite ») Il existe 13 établissements de crédit européens dans cette liste, dont 4 français : BNP Paribas, Société générale, Groupe Crédit agricole et Groupe BPCE. En 2020, au niveau français, l’Autorité de contrôle prudentiel a fixé un taux additionnel de 1 % pour les groupes Crédit agricole et BPCE ainsi que la Société générale et de 1,5 % pour BNP Paribas. Le taux maximal qui est appliqué à une banque est, en janvier 2020, de 2,5 %, et il concerne la banque américaine JPMorgan Chase.

Graphique 4.25 Le coussin de risque systémique.

Question 4.14 Choisissez les bonnes réponses

Quelles sont les propositions qui présentent les ratios Cooke (accord de Bâle I en 1988) et McDonough (accord de Bâle II en 2006) ?

  • Les fonds propres doivent dépasser 6 % des engagements de crédits à risque, d’après le ratio Cooke.
  • Les fonds propres doivent dépasser 8 % des engagements de crédits à risque, d’après le ratio Cooke.
  • Le ratio McDonough accroît le ratio Cooke pour le porter à 10 %.
  • Le ratio McDonough prend en compte au-delà des risques de crédit d’autres types de risques.
  • La limite est établie à 8 %.
  • Afin de limiter le risque d’insolvabilité des banques.
  • Le niveau du ratio McDonough reste inchangé par rapport à celui de Cooke, à savoir 8 %.
  • Le calcul du ratio prend en compte désormais trois risques : les risques de crédit, les risques de marché, mais également les risques opérationnels.

Question 4.15 Choisissez les bonnes réponses

Quelles sont les propositions qui présentent les transformations des ratios de solvabilité depuis les accords de Bâle III (2010) ?

  • La qualité et le niveau des fonds propres exigés augmentent.
  • Un coussin contracyclique est mis en place pour limiter l’existence des cycles économiques.
  • Un coussin contracyclique est mis en place pour que les banques constituent une réserve de capitaux tirés de leurs bénéfices en période de croissance économique afin de se prémunir de difficultés à venir en cas de crise.
  • Un coussin de risque systémique est mis en place pour toutes les banques, car elles participent toutes au système bancaire.
  • Les accords de Bâle III renforcent les fonds propres non seulement en termes de qualité avec l’accroissement de fonds « durs », exigence déjà née après Bâle II, et également de niveau exigé avec la mise en place d’un coussin de conservation.
  • Le coussin contracyclique mis en place pour les banques ne peut pas limiter les fluctuations économiques qui sont inhérentes à l’activité économique.
  • Ce coussin oblige les banques à disposer de fonds propres supplémentaires « durs » dans les périodes fastes, quand la croissance du crédit est forte. Ainsi, quand le cycle économique reflue et que l’activité ralentit, voire se contracte, ce coussin peut être libéré et permet alors à la banque de continuer à prêter à l’économie réelle.
  • Ce coussin de risque systémique est destiné aux plus grandes banques, celles qui font courir des risques à l’ensemble du système bancaire.

Synthèse

Pour réduire l’aléa moral des banques, la Banque des règlements internationaux (BRI) a mis en place des dispositifs appelés les ratios de solvabilité. Ces dispositifs ont pour objectif d’assurer la capacité de financement des banques afin de prévenir de crises financières et économiques globales. La BRI a renforcé au cours du temps ces dispositifs afin de répondre aux crises financières de ces dernières années et au développement d’outils financiers mis en place par les banques afin de contourner les dispositifs. De manière générale, ces régulations ont pour objectifs de contrôler l’activité frénétique des banques sur les marchés financiers et de préserver la confiance des autres acteurs économiques en leur capacité de financement.

4.6 Conclusion

Les crises de 1929 et de 2008 sont caractérisées toutes les deux par une crise financière qui a fragilisé le système bancaire et qui a eu une répercussion immédiate sur le PIB et sur le chômage.

Les bulles spéculatives se manifestent par l’augmentation très importante du prix d’un actif. Ces augmentations issues de la spéculation sont entretenues par des comportements mimétiques qui proviennent du fait que les prévisions optimistes engendrent des comportements qui entraînent l’augmentation du prix qui était prévue. Cependant arrive un moment où l’élan ne suffit plus et où les anticipations se retournent, engendrant des comportements mimétiques inverses. Les mêmes prophéties auto réalisatrices jouent donc en sens inverse lorsque la bulle éclate.

Les banques connaissent un risque de liquidité car elles octroient des prêts qui seront remboursés à une échéance déterminée alors que leurs clients peuvent retirer leurs dépôts à tout moment et les retirer ensemble en cas de panique bancaire. Les banques ont en permanence besoin de liquidités qu’elles obtiennent sur le marché monétaire. Ce marché interbancaire crée une interdépendance au sein du système dans son ensemble.

En cas de crise financière, la richesse totale au sens large d’un ménage peut devenir inférieure à la richesse cible, ce qui conduit alors le ménage à augmenter son épargne et réduire sa consommation, notamment de biens durables. Par ailleurs, si suite à une crise financière et aux effets de richesse négatifs qu’elle entraîne, certains agents deviennent insolvables, les ventes forcées des actifs qu’ils détiennent pour faire face à leurs engagements ne font qu’amplifier les effets négatifs de richesse, puisque la baisse de la valeur des actifs s’amplifie, contraignant les agents insolvables à vendre encore plus d’actifs. Si dans une phase d’expansion la hausse du prix du collatéral permet aux agents de s’endetter davantage, la baisse du prix du collatéral a l’effet inverse en réduisant le niveau de leur richesse totale, ce qui réduit d’autant leur capacité future d’emprunt. La dépréciation des actifs détenus par les banques mais également les risques de défaut accrus des clients auxquels elles ont prêté peut logiquement les amener à restreindre massivement les crédits octroyés à leurs clients et même à ne plus se prêter entre elles sur le marché monétaire. Dès lors, la demande globale se contracte, ce qui a des répercussions sur l’économie réelle.

Pour limiter l’aléa moral des banques, la banque centrale et les différentes autorités nationales de contrôle et de supervision vérifient que le risque de manque de liquidité des banques de second rang (banques commerciales) est faible, c’est-à-dire qu’elles ont une capacité importante à couvrir des besoins de liquidité spécifiques. Par ailleurs, ces entités définissent des ratios de solvabilité et s’assurent que les banques de second rang les respectent. Ainsi, elles s’assurent de la bonne gouvernance des banques et de leur bonne gestion des risques auxquels elles peuvent faire face.

Concepts introduits dans le Chapitre 4

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

4.7 Références bibliographiques

  1. Philip Ball. 2002. « Blackouts Inherent in Power Grid » in Nature News. Mis à jour le 8 novembre 2002. 

  2. Philip Ball. 2004. « Power Blackouts Likely » in Nature News. Mis à jour le 20 janvier 2004. 

  3. Hyman P. Minsky. 1982. Can “It” Happen Again? Essays on Instability and Finance. Armonk, NY: M. E. Sharpe. 

  4. Ingrid Nappi-Choulet, « Retour sur la crise immobilière américaine », Institut de l’épargne immobilière et foncière – Réflexions immobilières, n° 48, mars 2009. 

  5. Fonds monétaire international : « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », avril 2009.