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Chapitre 2 Les décisions du consommateur et du producteur

2.1 Introduction

Avant de commencer…

Découvrez cette anecdote, où l’on remonte le temps.

Le progrès, c’est hockey / Vivement le bout de la crosse

Pour poursuivre votre initiation à l’économie, vous allez devoir faire preuve d’imagination. Dites-vous que vous allez naître aujourd’hui et que vous pouvez choisir dans quel pays. Pour vous aider à vous décider, vous n’avez qu’une information : le revenu moyen (l’argent) que vous pourrez y obtenir. Où allez-vous choisir de naître ?

Peut-être la France ou le Royaume-Uni, car avec 70 euros par jour et par personne, le niveau de vie y est parmi les plus élevés au monde. Un pays comme la Chine, dont le revenu n’est que d’environ 30 euros par jour et par personne, vous intéresserait probablement moins.

Mais admettons maintenant que vous naissiez finalement au 12e siècle, en plein Moyen Âge. Votre choix deviendrait compliqué. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, quel que soit le pays, tout le monde était logé à la même enseigne : 3 euros par jour en moyenne ! D’ailleurs, ce qui est vrai pour le 12e siècle l’est tout autant pour le 9e ou le 16e. En fait, durant des millénaires, le niveau de vie est resté très faible. Vous, vos arrière-grands-parents et vos arrière-petits-enfants, auriez tous vécu avec la même chose dans l’assiette, autrement dit : presque rien !

Et soudain, le niveau de vie s’est mis à grimper de façon phénoménale. Regardez la courbe des revenus dans le temps, elle ressemble à une crosse de hockey !

Comment un tel progrès a-t-il été possible ? En allouant mieux les ressources… C’est l’objet de ce chapitre !

disposition à payer
Indicateur de la valeur attribuée à un bien par un individu, mesurée par la somme maximale que cet individu est prêt à payer pour obtenir une unité de ce bien. Voir également : disposition à accepter.

Supposez que vous deviez évaluer la demande potentielle pour le tourisme spatial. Chaque consommateur a une disposition à payer pour un vol spatial, qui dépend de la valeur qu’il lui attache personnellement (en supposant qu’il ait les moyens de l’acheter, évidemment). Un consommateur achètera un billet si le prix de ce dernier est inférieur ou égal à sa disposition à payer.

Souvent, quand vous achetez quelque chose, vous n’avez pas besoin de réfléchir à votre disposition à payer exacte. Vous décidez simplement si vous souhaitez acheter au prix demandé ou pas. Le concept de disposition à payer est cependant utile dans certaines situations, comme les enchères en ligne (eBay, par exemple).

Si vous désirez faire une offre pour un objet, une manière de procéder est de déterminer un prix d’offre plafond égal à votre disposition à payer, et qui ne sera pas communiqué aux autres acheteurs (cet article explique comment le faire sur eBay). EBay enchérira automatiquement pour vous jusqu’à ce que vous soyez le plus offrant, ou jusqu’à ce que votre plafond soit atteint. Vous remporterez l’enchère si et seulement si l’enchère la plus élevée est inférieure ou égale à votre disposition à payer.

Vous pouvez essayer de poser la question suivante à des consommateurs potentiels : « Combien seriez-vous prêt(e) à payer pour un vol de dix minutes dans l’espace ? » Néanmoins, ils pourraient avoir du mal à se décider, voire pire, mentir s’ils pensent que leur réponse influencera le prix final.

Une meilleure manière de trouver leur disposition réelle à payer pourrait être de demander : « Seriez-vous prêt(e) à payer 1 000 dollars pour un vol de dix minutes dans l’espace ? » Cela a été fait en 2011 et nous connaissons donc maintenant la demande des consommateurs pour les vols spatiaux.1

courbe de demande
Courbe qui donne la quantité que les consommateurs achètent à chaque prix possible.

Si vous faites varier les prix dans la question et que vous interrogez un grand nombre de consommateurs, vous serez en mesure d’estimer la proportion de personnes prêtes à payer pour chaque niveau de prix. Ce faisant, vous pouvez estimer l’ensemble de la courbe de demande.

En 1996, l’économiste Jerry Hausman utilisa des données sur les ventes hebdomadaires de céréales de petit déjeuner dans les villes américaines pour estimer la courbe de demande pour les céréales. Il s’intéressa notamment au cas des Cheerios pomme-cannelle, des céréales de petit déjeuner prêtes à consommer lancées par l’entreprise General Mills en 1989. Le Graphique 2.1 montre la manière dont la quantité hebdomadaire de Cheerios pomme-cannelle que sont prêts à acheter les consommateurs dans une ville moyenne varierait en fonction du prix par livre (1 kilo correspondant à 2,2 livres).

Graphique 2.1 Estimation de la demande pour les Cheerios pomme-cannelle.

Adaptée du Graphique 5.2 de Jerry A. Hausman. 1996. ‘Valuation of New Goods under Perfect and Imperfect Competition’. In The Economics of New Goods, pp. 207–248. Chicago, IL: University of Chicago Press. Note : 1 kg correspondant à 2,2 livres. Adapté de la Figure 7.3 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Pour tout produit que des clients peuvent vouloir acheter, la courbe de demande du produit est une relation qui nous dit le nombre d’unités (la quantité) qu’ils achèteront, pour chaque prix possible. Par exemple, vous pouvez voir sur le Graphique 2.1 que si le prix était fixé à 3 euros, les consommateurs demanderaient 25 000 livres de Cheerios pomme-cannelle. Si le prix est plus faible, le nombre de clients prêts à acheter augmente et donc la demande est plus élevée. Pour la plupart des produits, plus le prix est faible, plus les consommateurs sont nombreux à l’acheter. Cette relation entre prix et quantité est parfois appelée « loi de la demande ».

La loi de la demande remonte au 17e siècle et est attribuée à Gregory King (1648–1712) et Charles Davenant (1656–1714). King appartenait au collège des Hérauts à Londres et produisait des statistiques détaillées sur la population et la richesse en Angleterre. La loi de la demande de Davenant-King a été publiée en 1699 par Davenant, un homme politique, sur la base des données de King. Elle décrivait les variations du prix du maïs en fonction de la taille de la récolte. Il calcula, par exemple, qu’un « défaut » ou une pénurie de 10 % augmenterait le prix de 30 %.2

Si vous étiez le(la) dirigeant(e) de General Mills, comment choisiriez-vous le prix des Cheerios pomme-cannelle et quelle quantité produiriez-vous ?

Vous devez prendre en compte la manière dont cette décision affectera vos profits (la différence entre les recettes de la vente et les coûts de production). Pour obtenir des profits élevés, vous souhaiteriez que le prix et la quantité soient tous deux aussi élevés que possible, mais vous êtes contraint(e) par la courbe de demande. La courbe de demande détermine ce qui est réalisable.

Si vous choisissez un prix élevé, vous ne pourrez vendre qu’une faible quantité. À l’inverse, si vous voulez vendre en grande quantité, il vous faudra choisir un prix faible. Vous voulez choisir une combinaison possible de prix et quantité qui vous permettra de maximiser votre profit. Afin de maximiser votre profit, vous devriez produire la quantité exacte que vous vous attendez à vendre, et pas plus.

Le dirigeant de General Mills n’a probablement pas envisagé sa décision de cette manière. Le prix a peut-être été choisi par tâtonnements, à la lumière des expériences passées et des études de marché. Nous nous attendons cependant à ce qu’une entreprise trouve la voie, en quelque sorte, du prix et de la quantité maximisant ses profits.

Comme souvent dans la recherche scientifique, les économistes simplifient l’analyse en laissant de côté tout ce qu’ils considèrent comme étant de moindre importance au regard de la question qui les intéresse. Pour cela, ils construisent des modèles, c’est-à-dire des représentations simplifiées qui nous aident à comprendre ce qui se passe en se concentrant sur ce qui est important.

Le but de notre analyse économique n’est pas de modéliser le processus mental du dirigeant, mais plutôt de comprendre le résultat, le lien entre ce résultat et les coûts de l’entreprise et la demande des consommateurs.

préférences
Description du bénéfice ou du coût que nous associons à chaque résultat possible.

Dans ce chapitre, nous verrons d’abord que l’analyse des choix alternatifs des individus se fonde sur l’idée que les agents sont rationnels dans leurs décisions, c’est-à-dire qu’ils s’efforcent d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en fonction de leurs préférences individuelles et des contraintes économiques, sociales et environnementales (Section 2.2, Section 2.3 et Section 2.4). À ce titre, nous verrons que décider et arbitrer requiert ainsi de comparer les coûts et bénéfices des choix alternatifs (Section 2.5).

rareté
Se dit d’un bien qui est désiré et pour lequel il y a un coût d’opportunité à en posséder davantage.
utilité marginale
L’utilité supplémentaire résultant d’une hausse d’une unité d’une variable donnée.
contrainte budgétaire
Une équation qui représente l’ensemble des combinaisons de biens et de services qu’un individu pourrait obtenir en mobilisant toutes ses ressources budgétaires.

Nous verrons ensuite que la valeur des biens (ou services) économiques pour les agents économiques est liée à leur rareté et à leur utilité marginale (Section 2.6). Ainsi, nous verrons qu’un consommateur rationnel cherche à maximiser sa satisfaction en prenant en compte sa contrainte budgétaire et l’utilité marginale estimée pour chacun des biens qu’il souhaite consommer (Section 2.7).

coût marginal
L’effet sur le coût total de produire une unité supplémentaire.
recette marginale
La hausse de recette obtenue en augmentant la quantité d’une unité supplémentaire.

Nous verrons également que la question de la production dépend des quantités du coût des ressources disponibles ainsi que de la valeur du bien fabriqué, exprimée par son prix (Section 2.8). Nous verrons enfin que le producteur optimise sa production en comparant le bénéfice récupéré par la vente d’une unité supplémentaire du bien produit et le coût marginal de cette même unité supplémentaire de bien produit (Section 2.9). À ce titre, nous verrons qu’il poursuit sa production jusqu’à ce que la fabrication d’une unité supplémentaire engendre un coût marginal égal à sa recette marginale obtenue par celle-ci (Section 2.10).

science économique
L’étude de la manière dont les individus interagissent entre eux et avec leur environnement naturel afin d’assurer leur subsistance, et comment celle-ci peut varier au cours du temps.
coût d’opportunité
Lorsque le choix d’une action requiert de renoncer à l’action de second rang, il s’agit du bénéfice net de l’alternative à laquelle on renonce.
facteurs de production
La main-d’œuvre, les machines et les équipements (généralement appelés « capital »), les terres et d’autres apports à un processus de production.
Contexte et finalités Notions
La science économique étudie les mécanismes des choix individuels et collectifs, et leurs effets. L’analyse des choix alternatifs des individus se fonde sur l’idée que les agents sont rationnels dans leurs décisions, c’est-à-dire qu’ils s’efforcent d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en fonction de leurs préférences individuelles et des contraintes économiques, sociales et environnementales. Décider et arbitrer requiert ainsi de comparer les coûts et bénéfices des choix alternatifs. La notion centrale de coût d’opportunité, liée aux utilités marginales estimées des biens et services que l’on consomme ou pas, peut ainsi être expliquée et démontrée. Consommer des biens et des services nécessite de les produire. Seuls les biens (ou services) qui ont un prix et qui sont échangeables sont considérés comme des biens (ou services) économiques. Ces biens (ou services) peuvent être produits par des agents privés ou publics. La valeur de ces biens (ou services) pour les agents économiques est liée à leur rareté et à leur utilité marginale. La question de la production (que produire et en quelle quantité ?) dépend à la fois des quantités et du coût des ressources disponibles (facteurs de production : travail, capital, terre) et de la valeur du bien fabriqué, exprimée par son prix. Ainsi, un consommateur rationnel cherche à maximiser sa satisfaction (consommation, bien-être) en prenant en compte sa contrainte budgétaire et l’utilité marginale estimée pour chacun des biens qu’il souhaite consommer. Le producteur, quant à lui, optimise sa production en comparant le bénéfice récupéré par la vente d’une unité supplémentaire du bien produit et le coût marginal de cette même unité supplémentaire de bien produit (raisonnement marginal). Il poursuit sa production jusqu’à ce que la fabrication d’une unité supplémentaire engendre un coût marginal égal à sa recette marginale obtenue par celle-ci. Les préférences et choix économiques.
Les coûts d’opportunité.
Préférences individuelles.
La rationalité et l’utilité individuelles.
La rareté, la valeur, l’utilité marginale.
La contrainte budgétaire.
La production, les ressources et les facteurs de production.
La maximisation et le raisonnement « à la marge ».
Égalisation entre coût marginal et recette marginale.

Tableau 2.1 Les décisions du consommateur et du producteur : notions, contexte et finalités.

Exercice 2.1 Small is beautiful

  1. Définissez le profit avec vos propres mots.
  2. Dans Small is Beautiful, publié en 1973, Ernst F. Schumacher prône la production individuelle et collective à petite échelle, dans un système économique conçu pour mettre l’accent sur le bonheur plutôt que sur le profit.3 Cela correspond-il aux productions des habitants de votre pays ? Rappelez-vous qu’un système économique est une façon d’organiser la production et la distribution de biens et de services dans l’ensemble d’une économie.
  3. L’année de publication de ce livre, les entreprises Intel et FedEx n’employaient que quelques milliers de personnes chacune aux États-Unis. Quarante ans plus tard, Intel emploie environ 108 000 personnes et FedEx plus de 300 000. En 1973, Walmart comptait seulement 3 500 employés. En 2016, l’entreprise employait 2,3 millions de personnes. Pourquoi les entreprises comme Walmart, Intel et FedEx sont-elles devenues si grandes ? Vous pouvez vous aider d’Internet.

Question 2.1 Choisissez les bonnes réponses

Le graphique représente deux courbes de demande possibles, D et D’, pour un certain produit. Sur la base de ce graphique, lesquelles des propositions suivantes sont correctes ?

Adapté de la figure de la Question 7.7 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

  • Sur la courbe de demande D, lorsque le prix est de 5 000 euros, l’entreprise peut vendre 15 unités du bien.
  • Sur la courbe de demande D’, l’entreprise peut vendre 70 unités lorsque le prix est de 3 000 euros.
  • Au prix de 1 000 euros, l’entreprise peut vendre 40 unités de plus avec D’ par rapport à D.
  • Lorsqu’elle produit 30 unités, l’entreprise peut faire payer 2 000 euros de plus avec D’ par rapport à D.
  • Sur la courbe de demande D, lorsque le prix est de 5 000 euros, l’entreprise peut vendre 10 unités.
  • Lorsque Q = 70, le prix correspondant sur D’ est 3 000 euros.
  • D’ peut être vue comme un déplacement vers la droite de D, à hauteur de 40 unités. Pour n’importe quel prix, l’entreprise peut donc vendre 40 unités de plus lorsque la courbe de demande est D’ plutôt que D.
  • Lorsqu’elle produit 30 unités, l’entreprise peut faire payer 4 000 euros de plus lorsque la courbe de demande est D’ plutôt que D.

2.2 Les préférences et choix économiques

En tant qu’élève, tous les jours vous devez choisir le nombre d’heures que vous passerez à étudier. De nombreux facteurs peuvent influencer votre choix : votre intérêt pour une matière, la difficulté de celle-ci, le nombre d’heures que vos amis passent à étudier, et ainsi de suite. Une part de votre motivation pour vos études vient peut-être de la conviction selon laquelle plus vous passerez de temps à étudier, plus les notes que vous obtiendrez seront élevées.

Dans ce chapitre, nous construisons un modèle simple de choix de nombre d’heures travaillées par un élève, fondé sur l’hypothèse que la note finale sera d’autant plus élevée que le temps consacré à étudier sera important. Nous supposons une relation positive entre le nombre d’heures travaillées et la note finale, mais est-elle vérifiée dans les faits ?

Un groupe de psychologues de l’éducation a étudié le comportement de 84 étudiants de l’université d’État de Floride afin d’identifier les facteurs ayant affecté leurs performances.4 Par exemple, les conditions dans lesquelles ils étudient devraient être examinées : étudier pendant une heure dans une pièce bruyante remplie de personnes n’est probablement pas aussi efficace qu’étudier pendant une heure à la bibliothèque.

Ainsi, après avoir pris en compte l’environnement et d’autres facteurs pertinents (y compris la moyenne générale au semestre précédent, le nombre d’heures consacrées au travail salarié, ou à faire la fête), les psychologues ont estimé qu’une heure supplémentaire passée à étudier chaque semaine augmentait la moyenne générale à la fin du semestre de 0,24 point en moyenne.

Imaginons maintenant un élève, que nous appellerons Alexeï. Il peut faire varier le nombre d’heures qu’il passe à étudier. Dans ce modèle, le temps passé à étudier fait référence à la totalité du temps qu’Alexeï consacre à son apprentissage, que ce soit en classe ou individuellement, quotidiennement (et non par semaine, comme c’était le cas pour les étudiants en Floride). La relation entre le nombre d’heures passées à étudier et la note finale est représentée dans les colonnes du Tableau 2.2.

Heures passées à étudier 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 ou plus
Note 0 20 33 42 50 57 63 69 74 78 81 84 86 88 89 90

Tableau 2.2 Comment le temps passé à étudier affecte-t-il la note d’Alexeï ?

ceteris paribus
La signification littérale de l’expression est « toutes choses égales par ailleurs ». Dans un modèle économique, elle signifie que l’analyse « garde les autres facteurs inchangés ».

En réalité, la note finale peut aussi être affectée par des éléments imprévisibles. Dans la vie de tous les jours, nous rassemblons ces événements sous le terme de « chance ». Pour ce faire, nous utilisons l’expression « en gardant les autres choses constantes », ou, plus souvent, l’expression latine, ceteris paribus, qui signifie « toutes choses étant égales par ailleurs ». Nous allons supposer que, comme dans l’étude menée en Floride, les heures qu’il passe à étudier au cours du semestre vont augmenter sa note finale, ceteris paribus. Le Tableau 2.2 montre comment sa note variera avec le nombre d’heures passées à étudier, si tous les autres facteurs – comme sa vie sociale – sont maintenus constants.

Si Alexeï étudie quatre heures, sa note sera 50 et s’il étudie 10 heures, il obtiendra une note de 81. Avec 15 heures passées à étudier, Alexeï obtient sa note maximale, 90. Alexeï fait donc face à un arbitrage : à combien de points est-il prêt à renoncer, afin de pouvoir consacrer du temps à autre chose qu’aux études ?

La décision dépend de ses préférences – c’est-à-dire de ce qui lui importe. Si Alexeï ne se préoccupait que de ses notes, il étudierait 15 heures par jour. Mais, comme d’autres personnes, Alexeï souhaite aussi avoir du temps libre – il aime dormir, sortir et aussi regarder la télévision.

Imaginons maintenant une fermière autosuffisante, que nous appellerons Angela. Elle produit des céréales qu’elle mange et ne vend à personne. Son choix est cependant contraint : pour produire des céréales, il faut travailler. Le Tableau 2.3 indique comment le montant de céréales produit dépend du nombre d’heures travaillées chaque jour.

Heures travaillées 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 18 24
Céréales 0 9 18 26 33 40 46 51 55 58 60 62 64 66 69 71

Tableau 2.3 Comment le temps passé à travailler affecte-t-il la production d’Angela ?

Angela choisit son nombre d’heures de travail. Par exemple, si elle travaille 12 heures par jour, elle produira 64 unités de céréales. Nous faisons l’hypothèse que si elle produit trop peu de céréales, elle mourra de faim. Pour quelle raison ne peut-elle pas produire le plus de céréales possible ?

Tout comme Alexeï, Angela accorde de la valeur au temps libre : elle doit faire un choix entre consommer des céréales et consommer du temps libre.

Exercice 2.2 Hypothèses ceteris paribus

On vous a demandé de conduire dans votre lycée une étude similaire à celle menée à l’université d’État de Floride.

  1. Hormis l’environnement de travail, quels facteurs selon vous devraient être maintenus constants dans un modèle portant sur la relation entre les heures passées à étudier et la note finale ?
  2. Outre les conditions pour étudier (environnement de travail), quelles autres informations voudriez-vous collecter sur les lycéens ?

2.3 Préférences individuelles

interactions sociales
Situations dans lesquelles les actions entreprises par chacun affectent le résultat des autres ainsi que le résultat individuel.

Les individus interagissent les uns avec les autres, ainsi qu’avec la nature, en produisant leurs moyens de subsistance. Mais dans les modèles que nous avons étudiés jusqu’ici, le résultat ne dépend de personne d’autre. Ni le lycéen ni la fermière ne sont engagés dans des interactions sociales, c’est-à-dire des situations où il y a deux personnes ou plus et où les actions prises par chacun affectent non seulement leur résultat individuel, mais également celui des autres.

Considérez la situation suivante. Un ami et vous marchez dans une rue déserte et vous voyez un billet de 100 euros par terre. Comment décideriez-vous de partager votre trouvaille ?

norme sociale
Un accord commun entre la plupart des membres d’une société sur ce que les individus devraient faire dans une situation donnée, quand leurs actions affectent les autres.

Si vous partagez le billet en deux montants égaux, cela pourrait peut-être refléter une norme sociale dans votre communauté, selon laquelle ce que vous obtenez par chance doit être partagé de façon égalitaire. Les normes sociales sont communes à un groupe d’individus en entier (la quasi-totalité d’entre eux les suit) et elles indiquent ce qu’il faut faire aux yeux de la plupart des individus de la communauté.

Nous nous attendrions à ce que, même si la norme du 50-50 prévalait au sein de la communauté, certains individus ne respectent pas scrupuleusement ladite norme. Il est possible que certains individus se comportent plus égoïstement que ce que la norme requiert, et d’autres plus généreusement. Ainsi, les préférences de chacun sont individuelles : elles peuvent être influencées par les normes sociales, mais elles reflètent ce que les gens veulent faire autant que ce qu’ils pensent devoir faire.

Supposez que l’individu qui a vu l’argent en premier l’ait ramassé. Il y a au moins trois raisons pour lesquelles cette personne pourrait en donner une partie à un ami :

altruisme
La volonté de supporter un coût afin de faire bénéficier quelqu’un d’autre.
équité
Une façon d’évaluer une allocation basée sur sa propre conception de la justice.
aversion pour les inégalités
Une aversion pour les résultats où certains individus reçoivent moins que d’autres.
réciprocité
Un type de préférence où l’on est bienveillant et disposé à aider ceux qui sont bienveillants et serviables, et, au contraire, où l’on n’est ni bienveillant ni disposé à aider ceux qui ne le sont pas.
  1. Cette personne peut être altruiste et faire attention au bonheur ou à d’autres aspects du bien-être d’autrui (altruisme).
  2. La personne qui détient l’argent peut également penser que la règle du 50-50 est équitable (équité). Dans ce cas, l’individu est motivé par l’équité, ou par ce que les économistes appellent l’aversion pour les inégalités.
  3. Par le passé, l’ami peut avoir été gentil envers l’individu qui a trouvé l’argent ou envers les autres, et mérite d’être traité généreusement pour cela (réciprocité). Le cas échéant, on dit que celui qui a trouvé l’argent a des « préférences réciproques ».
préférences sociales
Le type de préférences où l’individu valorise la situation d’autrui et le fait d’agir moralement, quand bien même cela résulterait en des gains inférieurs pour soi.

Si l’individu partage donc son butin avec un ami pour une des trois raisons citées ci-dessus, nous disons que l’individu manifeste des préférences sociales. Ces préférences sociales influencent notre comportement, parfois dans des sens opposés. C’est par exemple le cas si l’individu qui trouve l’argent a une forte préférence pour l’équité, tout en sachant que son ami est complètement égoïste. La préférence pour l’équité pousse l’individu à partager, mais la préférence pour la réciprocité le pousse à garder l’argent.

Ainsi, le partage du billet dépendra à la fois de la norme sociale (ce qu’il semble « normal » de faire au sein de sa communauté, résultat de l’évolution des attitudes relatives à l’équité sur de longues périodes), mais également des préférences spécifiques des individus concernés.

Question 2.2 Choisissez les bonnes réponses

Le passe-temps préféré d’Anastasia et Belinda est la recherche de métaux. Lors d’une de leurs excursions, Anastasia trouve quatre pièces romaines alors que Belinda n’a rien trouvé. Les deux femmes ont des préférences réciproques. Nous pouvons, à partir de là, dire que :

  • Si les deux femmes sont altruistes, alors elles partageront évidemment à 50-50.
  • Si Anastasia est altruiste et Belinda égoïste, alors Anastasia pourrait ne pas partager sa trouvaille.
  • Si Anastasia est égoïste et Belinda altruiste, alors Anastasia ne partagera sûrement pas sa trouvaille.
  • Si Anastasia est altruiste et Belinda croit en l’équité, alors il se pourrait qu’elles partagent ou pas à 50-50.
  • Cela dépend du degré d’altruisme d’Anastasia. Elle pourrait être altruiste, mais ne donner qu’une pièce à Belinda.
  • Comme Anastasia a des préférences réciproques, elle pourrait vouloir punir Belinda pour s’être montrée égoïste par le passé. Donc, même si elle est altruiste, elle pourrait tirer une plus grande satisfaction de la punition plutôt que du partage.
  • La réciprocité signifie qu’Anastasia pourrait partager, si elle a profité de l’altruisme de Belinda par le passé ou si elle espère en bénéficier dans le futur.
  • L’altruisme d’Anastasia et le désir de ne pas s’opposer à l’exigence d’équité de Belinda – afin de ne pas courir le risque d’être punie – pourraient ou non être suffisant pour l’encourager à partager 50-50.

2.4 La rationalité et l’utilité individuelle

Une journée compte 24 heures. Alexeï doit diviser ce temps entre ses études (le temps qu’il passe à apprendre) et son temps libre (c’est-à-dire le reste de son temps). Nous illustrons ses préférences dans le Graphique 2.2, représentant le temps libre en abscisse et la note finale en ordonnée.

Graphique 2.2 Représentation des préférences d’Alexeï.

Adapté de la Figure 3.6 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Le temps libre fait référence au temps qui n’est pas passé à étudier. Chaque point du graphique représente une combinaison différente de temps libre et d’une note finale.

Nous pouvons supposer :

Comparons toutefois les points A et D dans Graphique 2.2. Alexeï préférerait-il D (note faible et beaucoup de temps libre) ou A (note élevée et moins de temps libre) ? Une manière de le découvrir serait de lui demander.

utilité
Indicateur numérique de la valeur qu’un individu confère à un résultat possible, de sorte qu’un résultat avec une valeur supérieure sera toujours choisi par rapport à un résultat présentant une valorisation inférieure, lorsque les deux sont disponibles.

Supposons qu’il se déclare indifférent entre A et D, ce qui implique qu’il tirerait la même satisfaction des deux résultats. Nous disons alors que ces deux résultats lui procurent la même utilité. Et nous savons qu’il préfère A à B, donc que B lui procure une utilité moindre que A ou D.

Une manière systématique de représenter les préférences d’Alexeï serait de commencer par déterminer l’ensemble des combinaisons qui lui procurent la même utilité que A et D.

Nous pourrions poser une autre question à Alexeï : « Imagine que tu puisses avoir la combinaison A (15 heures de temps libre, 84 points). Combien de points serais-tu prêt à sacrifier pour obtenir une heure supplémentaire de temps libre ? » Supposons qu’après mûre réflexion sa réponse soit « 9 ». Nous saurions alors qu’il serait indifférent entre A et E (16 heures de temps libre, 75 points). Nous pourrions poser la même question pour la combinaison E, et ainsi de suite jusqu’au point D. En continuant ainsi, nous pourrions établir une liste comme celle du Tableau 2.4.

  A E F G H D
Heures de temps libre 15 16 17 18 19 20
Note finale 84 75 67 60 54 50

Tableau 2.4 Représentation des préférences d’Alexeï.

Alexeï est indifférent entre A et E, entre E et F, et ainsi de suite – ce qui signifie qu’il est indifférent entre l’ensemble des combinaisons situées entre A et D.

bien de consommation
Un bien ou un service qui satisfait les besoins des consommateurs sur une courte période.

Pour décrire les préférences, il n’y a pas besoin de connaître l’utilité exacte de chaque option ; nous avons seulement besoin de connaître quelles combinaisons procurent une utilité supérieure ou inférieure à celle apportée par les autres. Dans notre modèle des préférences d’un lycéen, les biens sont « la note finale » et « le temps libre ». Dans d’autres modèles, il s’agira souvent de biens de consommation, comme la nourriture ou les vêtements, et nous appelons l’individu un consommateur.

Pour comprendre le comportement économique, nous avons besoin de connaître les préférences des gens. En économie, nous nous figurons les personnes comme prenant des décisions selon leurs préférences, ce par quoi nous désignons les goûts, les dégoûts, les attitudes, les sentiments et les croyances qui les animent et les motivent.

Si vous demandez à quelqu’un s’il aime les glaces, il répondra probablement honnêtement. En revanche, la réponse à la question : « À quel point êtes-vous altruiste ? » peut être un mélange de vérité, d’autopromotion et de vœu pieux. C’est pourquoi les économistes utilisent parfois des expériences afin d’observer le comportement des individus sous des conditions bien définies. Les expériences mesurent ce que les gens font, plutôt que ce qu’ils disent.

Parfois, il est possible de mener des expériences « sur le terrain » : c’est-à-dire de changer délibérément les conditions économiques dans lesquelles les individus prennent des décisions, et d’observer comment leur comportement se modifie. Une illustration est donnée par le travail de Juan Camilo Cárdenas, un économiste de l’université des Andes à Bogota, en Colombie. Dans notre vidéo Économiste en action, il décrit son recours à l’économie expérimentale dans des situations réelles, et comment cela nous aide à comprendre pourquoi les individus coopèrent, même lorsqu’il existe des incitations manifestes à ne pas le faire.

Exercice 2.3 Quelles sont vos préférences ?

Imaginons que vous preniez un goûter. Considérons deux aliments : des carrés de chocolat et des fraises. Nous illustrons vos préférences dans le tableau suivant.

  Goûter n° 1 Goûter n° 2 Goûter n° 3 Goûter n° 4 Goûter n° 5
Nombre de fraises 10        
Nombre de carrés de chocolat 1        
  1. Imagine que vous puissiez avoir le goûter n° 1 (1 carré de chocolat, 10 fraises). Combien de fraises seriez-vous prêt à sacrifier pour obtenir un carré de chocolat supplémentaire ?

  2. Supposons que, après mûre réflexion, votre réponse soit le goûter n° 2. Nous vous posons la même question pour le goûter n° 2 (combien de fraises seriez-vous prêt à sacrifier pour obtenir un carré de chocolat supplémentaire ?), et ainsi de suite jusqu’au goûter n° 5.

  3. Dirions-nous alors que ces cinq goûters vous procurent la même utilité ?

Exercice 2.4 Préférences

Imaginons que vous souhaitiez dîner au fast-food avec des amis. Le fast-food A offre des menus à 9 euros et est situé à 10 minutes en bus.

  1. Tracez un graphique représentant le prix en abscisse et la distance en ordonnée, et identifiez la combinaison correspondant au fast-food A.
  2. Imaginez maintenant que le fast-food B propose les mêmes menus avec une réduction, mais est situé à 25 minutes en bus. Quel niveau de réduction vous laisserait indifférent(e) entre le fast-food A et le fast-food B ?

    Imaginons que l’on vous propose un emploi à la fin de vos études, avec un salaire horaire (après impôts) de 12,50 euros. Votre futur employeur vous annonce également que vous travaillerez 40 heures par semaine, vous laissant 128 heures de temps libre par semaine. Vous dites à un ami : « Pour ce salaire, la durée de travail de 40 heures me convient parfaitement ! »

  3. Tracez un graphique représentant le temps libre en abscisse et la rémunération hebdomadaire en ordonnée, et identifiez la combinaison correspondant à l’offre que vous avez reçue. Supposez que vous avez besoin d’environ 10 heures par jour pour dormir et manger, donc vous aurez peut-être besoin que l’origine de l’axe des abscisses soit à 70 heures.
  4. Imaginez maintenant qu’on vous offre un autre poste nécessitant 45 heures de travail par semaine. Quel niveau de rémunération hebdomadaire vous laisserait indifférent(e) entre cette nouvelle offre et l’offre initiale ?

2.5 Les coûts d’opportunité

Revenons maintenant au problème d’Alexeï, qui doit arbitrer entre ses notes et son temps libre. Cette fois-ci nous montrerons comment la note finale dépend de la quantité de temps libre plutôt que du temps passé à étudier. Le Tableau 2.5 montre la relation entre sa note finale et le nombre d’heures de temps libre par jour — soit l’image inversée du Tableau 2.2.

Heures de temps libre par jour 24 23 22 21 20 19 18 17 16 15 14 13 12 11 10 9 ou moins
Note 0 20 33 42 50 57 63 69 74 78 81 84 86 88 89 90

Tableau 2.5 Comment le temps passé à étudier affecte-t-il la note d’Alexeï ?

Si Alexeï travaille pendant 24 heures, cela signifie qu’il n’a pas de temps libre et que sa note finale est de 90. S’il choisit d’avoir 24 heures de temps libre par jour, il aura une note de zéro. Une autre façon d’exprimer cela est de dire que le temps libre a un coût d’opportunité : pour avoir plus de temps libre, Alexeï doit renoncer à l’opportunité d’avoir une note plus élevée.

Le temps libre a un coût d’opportunité, sous la forme d’une perte de points de sa note (de façon équivalente, il est possible de dire que les points ont un coût d’opportunité – à savoir le temps libre auquel Alexeï doit renoncer pour les obtenir). Cela représente l’arbitrage qu’il doit faire entre la note et le temps libre.

Tout comme Alexeï, Angela fait face à un problème de rareté : chaque heure de travail d’Angela revient à renoncer à une heure de temps libre et elle retire à la fois de l’utilité du temps libre et de la consommation de céréales. L’heure de temps libre sacrifiée constitue le coût d’opportunité des céréales produites.

En économie, les coûts d’opportunité sont pertinents dès lors que nous étudions les choix réalisés par les individus face à différentes opportunités mutuellement exclusives. Quand nous considérons le coût de l’action A, nous incluons le fait qu’en choisissant A, il est impossible de réaliser B. Ainsi, le fait de « ne pas réaliser B » devient une partie du coût associé au choix A. On parle de coût d’opportunité, car choisir A revient à renoncer à l’opportunité de réaliser B. Les coûts d’opportunité décrivent les compromis (ou arbitrages) inévitables en situation de rareté : privilégier un objectif implique qu’il faut renoncer en partie à la satisfaction d’autres objectifs.

Nous allons maintenant voir que renoncer à des biens, dont on peut profiter plus tard, permet parfois d’avoir plus de biens maintenant. Pour voir comment cela fonctionne, nous allons prendre l’exemple de Julia, qui a besoin de consommer maintenant, mais n’a pas d’argent aujourd’hui. Elle sait qu’à la prochaine période (plus tard), grâce à son salaire ou à sa récolte, elle aura 100 euros.

Pour consommer maintenant, Julia envisage de contracter un prêt sur son salaire qu’elle gagnera à la prochaine période (elle pourrait également être une fermière empruntant pour financer sa consommation avant de pouvoir récolter et vendre ses cultures).

Julia pourrait, par exemple, emprunter seulement 30 euros maintenant et promettre au prêteur de rembourser les 30 euros plus tard. Avec un taux d’intérêt de r = 10 %, son remboursement total des 30 euros inclurait le montant du principal (ce qu’elle a emprunté, les 30 euros) plus les intérêts au taux r, soit :

On peut se représenter le taux d’intérêt comme étant le prix à payer pour transférer du pouvoir d’achat du futur vers le présent. Au même taux d’intérêt (10 %), elle pourrait aussi emprunter 40 euros pour les dépenser maintenant et rembourser 44 euros à la fin de l’année, c’est-à-dire :

Dans ce cas, puisque son salaire futur est de 100 euros, elle aurait 56 euros à dépenser l’année prochaine. Une autre combinaison possible consiste à emprunter et dépenser 50 euros maintenant, ce qui laisserait à Julia 45 euros à dépenser l’année prochaine, après le remboursement de son prêt.

À ce taux d’intérêt, Julia ne peut emprunter au maximum que 91 euros aujourd’hui, parce que, à 10 %, les intérêts sur un emprunt de 91 euros s’élèvent à 9 euros, ce qui revient à utiliser la totalité de son revenu futur de 100 euros.

Emprunter nous permet d’acheter plus maintenant, mais nous contraint à acheter moins plus tard. Le coût d’opportunité lié au fait d’avoir plus de biens tout de suite est d’avoir moins de biens plus tard. Le coût d’opportunité d’un euro dépensé maintenant implique que Julia devra dépenser 1,10 (1 + r) euro de moins dans le futur.

Exercice 2.5 Explorer La Rareté

Décrivez une situation dans laquelle les points de note et le temps libre d’Alexeï ne seraient pas rares.

2.6 La rareté, la valeur, l’utilité marginale

Le fait que Julia puisse emprunter signifie qu’elle n’est pas contrainte d’attendre la période suivante pour consommer. En revanche, plus elle consomme maintenant, moins elle peut consommer plus tard.

Elle voudrait lisser sa consommation parce qu’elle apprécie davantage une unité supplémentaire de quelque chose dont elle n’a pas encore beaucoup consommé. Pensez à de la nourriture : les premières bouchées d’un plat sont probablement beaucoup plus plaisantes que les bouchées de votre troisième portion. Il s’agit là d’une réalité psychologique fondamentale, parfois appelée loi de satiété des besoins.

Plus généralement, pour un individu, plus la consommation augmente, plus la valeur d’une unité supplémentaire de consommation à une période donnée diminue. C’est ce qu’on appelle les rendements marginaux décroissants de la consommation. Les rendements marginaux décroissants de la consommation à chaque période traduisent le fait que Julia aimerait lisser sa consommation, autrement dit, éviter de consommer beaucoup à une période et peu à l’autre.

2.7 La contrainte budgétaire

Imaginons que vous cherchiez un emploi juste après votre sortie de l’université. Pris ensemble, le salaire et les heures de travail déterminent la quantité de temps libre dont vous bénéficiez et vos revenus totaux.

Comme pour Angela, nous allons réfléchir en termes de consommation et de temps libre, par jour et en moyenne. Nous supposons que vos dépenses – c’est-à-dire votre consommation moyenne de nourriture, de logement et d’autres biens et services – ne peuvent pas excéder vos revenus (donc, par exemple, vous ne pouvez pas emprunter pour augmenter votre consommation) :

Nous appellerons cette équation votre contrainte budgétaire, parce qu’elle permet de calculer ce que vous pouvez vous permettre d’acheter.

Vous vous attendez à gagner un salaire de 15 euros par heure. Dans les colonnes du Tableau 2.6a nous avons calculé votre temps libre pour des heures de travail variant entre 0 et 16 heures par jour, et votre consommation maximale, quand votre salaire horaire est de 15 euros. L’équation de la contrainte budgétaire est :

Heures de travail Temps libre Consommation
0 24 0
2 22 30 €
4 20 60 €
6 18 90 €
8 16 120 €
10 14 150 €
12 12 180 €
14 10 210 €
16 8 240 €

Tableau 2.6a Comment le temps passé à travailler affecte-t-il votre consommation quotidienne ?

Les emplois diffèrent par le nombre d’heures que vous devez passer à travailler — quel serait donc votre nombre d’heures travaillées idéal ?

Tout comme Alexeï, vous cherchez un équilibre entre deux arbitrages :

  1. Le montant de consommation que vous êtes désireux(se) d’échanger contre une heure de temps libre.
  2. Le montant de consommation que vous pouvez obtenir en renonçant à une heure de temps libre, qui est égal au salaire.

Alors que vous étudiez cette possibilité, vous recevez un courriel. Un mystérieux bienfaiteur souhaiterait vous proposer, à vie, un revenu quotidien de 50 euros (la seule chose qu’il vous demande de faire est de fournir vos coordonnées bancaires). Vous réalisez immédiatement que cela modifiera votre choix d’emploi.

La nouvelle situation est décrite dans le Tableau 2.6b : pour chaque niveau de temps libre, votre revenu total (vos revenus augmentés du don mystérieux) est supérieur de 50 euros au niveau précédent. Votre contrainte budgétaire est maintenant :

Heures de travail Temps libre Consommation
0 24 50 €
2 22 80 €
4 20 110 €
6 18 140 €
8 16 170 €
10 14 200 €
12 12 230 €
14 10 260 €
16 8 290 €

Tableau 2.6b Comment le temps passé à travailler affecte-t-il votre consommation quotidienne ?

Remarquez que le revenu additionnel de 50 euros ne change pas votre coût d’opportunité du temps : chaque heure de temps libre supplémentaire réduit toujours votre consommation de 15 euros (le salaire).

Vous réalisez soudain qu’il ne serait probablement pas sage de donner au mystérieux étranger vos coordonnées bancaires (il s’agit peut-être d’un canular). Une année plus tard, votre chance tourne : votre employeur augmente votre salaire de 10 euros par heure, et vous laisse la possibilité de renégocier vos heures. Votre contrainte budgétaire est désormais égale à :

Dans le Tableau 2.6c, vous pouvez voir comment la contrainte budgétaire évolue lorsque le salaire augmente.

Heures de travail Temps libre Consommation
0 24 0
2 22 50 €
4 20 100 €
6 18 150 €
8 16 200 €
10 14 250 €
12 12 300 €
14 10 350 €
16 8 400 €

Tableau 2.6c Comment le temps passé à travailler affecte-t-il votre consommation quotidienne ?

Comparez les résultats dans le Tableau 2.6a et le Tableau 2.6c. Avec 24 heures de temps libre (et pas de travail), votre consommation serait de 0, quel que soit le salaire. Mais pour chaque heure de temps libre à laquelle vous renoncez, votre consommation augmente désormais de 25 euros, au lieu de 15 euros précédemment.

2.8 Que produire ? La production, les ressources et les facteurs de production

Peut-on vivre en n’utilisant que des produits conçus et fabriqués majoritairement en France ? C’est la question qui a poussé Benjamin Carle, un jeune journaliste de 25 ans, à faire l’expérience de vivre pendant neuf mois en consommant exclusivement des produits français.

spécialisation
Elle apparaît quand un pays ou toute autre entité produit une gamme de biens et services plus étroite que ceux qu’ils consomment ; il leur faut acquérir par l’échange les biens et services qu’ils ne produisent pas.

Il y a cent ans, les économistes suédois Eli Heckscher (1879–1952) et Bertil Ohlin (1899–1979) s’employaient à mieux comprendre la structure de la spécialisation et des échanges. Par exemple, pourquoi est-ce que l’Allemagne du Sud se spécialise dans la production de machines-outils, l’automobile de pointe et d’autres biens manufacturés, tandis que la côte sud de la Chine est le centre mondial pour la fabrication d’ordinateurs qui fonctionnent grâce à des logiciels produits aux États-Unis ? Pourquoi est-ce que l’île Maurice produit des chemises et que les résidents de l’Alberta, au Canada, produisent des céréales ?

Ils affirmaient que les différences fondamentales entre les pays avaient trait à la relative rareté de la terre, du capital (machines, équipement et structures) et de la main-d’œuvre. La main-d’œuvre fournit du travail, comme les activités consistant à semer, à labourer et à récolter quand on cultive des céréales. Le travail et le capital (et les autres ressources comme la terre) sont appelés des facteurs de production, ce qui signifie qu’ils constituent des intrants dans le processus de production.

Eli Heckscher et Bertil Ohlin s’intéressaient particulièrement à la spécialisation de la fin du 19e siècle. Le Canada et les États-Unis avaient des terres abondantes par rapport au facteur travail (ils étaient moins dotés de travailleurs que d’espaces à cultiver), et devraient donc se spécialiser dans la production et l’exportation de biens agricoles.

Les biens agricoles étaient alors exportés par des pays où la terre était abondante (et la main-d’œuvre rare) comme les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Argentine et la Russie. Les biens manufacturés étaient exportés par des pays du nord-est de l’Europe où la main-d’œuvre était abondante (et la terre rare) comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.

Il est possible d’appliquer aussi cette théorie au monde actuel, bien que les facteurs de production concernés aient évolué : nous comparons aujourd’hui l’accès au capital. Par exemple, avec plus de capital et moins de main d’œuvre qu’en Chine, la France exporterait des biens intensifs en capital vers la Chine.

Wassily Leontief (1906–1999) contesta en 1953 la théorie d’Heckscher-Ohlin, alors largement acceptée. En utilisant la méthode d’analyse des entrées et sorties qu’il avait inventée, il mesura la quantité de travail et de biens d’équipement utilisée dans la production de biens exportés et importés par les États-Unis. Il a déterminé, par exemple, la quantité de travail nécessaire à :

En se fondant sur la théorie d’Heckscher-Ohlin, Leontief s’attendait à ce que les exportations américaines soient à forte intensité capitalistique et les importations intensives en facteur travail, puisque les États-Unis étaient le pays dans le monde où le capital (mesuré par le stock de machines, les bâtiments et d’autres biens d’équipement par travailleur) était le plus abondant. Mais il trouva le contraire.

paradoxe de Leontief
Le constat inattendu de Wassily Leontief que les exportations américaines étaient intensives en main-d’œuvre et les importations à forte intensité capitalistique. Ce résultat était incompatible avec les prédictions des théories économiques : un pays où le capital est abondant (comme les États-Unis) devrait exporter des biens qui utilisent beaucoup de capital dans leur production.

Pendant plus de 50 ans, les économistes ont vainement essayé de résoudre le paradoxe de Leontief. Leontief a émis l’hypothèse selon laquelle la main-d’œuvre pourrait être abondante aux États-Unis si, au lieu de mesurer simplement la quantité de travailleurs, les calculs prenaient en compte les facteurs culturels et organisationnels permettant d’atteindre un niveau élevé de travail effectif par employé.

rendements d’échelle croissants
C’est le cas lorsque doubler tous les facteurs de production fait plus que doubler le niveau de la production. La forme de la courbe de coût moyen à long terme de l’entreprise dépend non seulement des rendements d’échelle dans la production, mais également de l’effet d’échelle sur les prix que l’entreprise paye pour ses facteurs de production. Connu également sous le terme : économies d’échelle

Au cours des années 1980, les économistes Avinash Dixit, Elhanan Helpman, Paul Krugman, parmi d’autres, ont développé des explications du commerce international dans lesquels l’échange n’était plus dû à des différences entre les pays, mais aux rendements d’échelle croissants.

technologie
Un procédé transformant un ensemble de matériaux et d’autres facteurs de production, y compris la force de travail et les machines, en production.

Les économistes utilisent le terme de rendements croissants ou d’économies d’échelle pour décrire les avantages technologiques de la production à grande échelle : la production à grande échelle nécessite souvent moins de matières premières par unité produite. Par exemple, si doubler la quantité de chaque facteur de production triple la production, alors l’entreprise connaît des rendements croissants. Dans le langage courant, la « technologie » fait référence aux machines, équipements et outils développés grâce au savoir scientifique. En économie, la technologie est un processus qui transforme un ensemble de matériaux et d’autres facteurs de production (input, en anglais) – incluant la main-d’œuvre et les machines – et crée un produit (output, en anglais).

En fin de compte, les deux explications (la différence d’accès aux facteurs de production et les rendements croissants) sont souvent nécessaires pour expliquer la spécialisation.

En effet, le climat et le sol de l’Alberta sont idéaux pour faire pousser des céréales. Pour produire du textile, il faut beaucoup de main-d’œuvre et peu de biens d’équipement, ce qui correspond à la disponibilité des facteurs de production sur l’île Maurice. En Allemagne, le système d’apprentissage et de formation crée une main-d’œuvre qualifiée pour la production de machines-outils. En revanche, la production d’avions donne lieu à de très importantes économies d’échelle. L’usine Boeing à Everett, dans l’État de Washington aux États-Unis, est le bâtiment le plus grand au monde (il fait un volume de plus de 13 millions de mètres cubes).

économies d’agglomération
Les avantages dont peuvent profiter les entreprises quand elles sont situées à proximité d’autres entreprises appartenant au même secteur ou à des secteurs apparentés.
économie de gamme
Économies en termes de coûts, réalisées lorsque deux produits ou plus sont produits conjointement par une même entreprise, au lieu d’être produits dans des entreprises distinctes.

L’écriture de code informatique ne donne pas lieu à des économies d’échelle, mais à des économies de colocalisation, appelées économies d’agglomération. Ce sont les réductions de coûts dont peuvent profiter les entreprises quand elles sont situées à proximité d’autres entreprises appartenant au même secteur ou à des secteurs apparentés. Les bons logiciels sont produits dans des lieux où un grand nombre de personnes travaillent au même genre de tâches, partageant des informations et innovant. Attention, il ne faut pas confondre ces économies d’agglomérations, dues à la proximité entre des entreprises similaires, avec les économies d’échelle ou les économies de gamme, qui s’appliquent à une seule entreprise lorsqu’elle croît. Par conséquent, la production allemande de machines-outils bénéficie donc non seulement du haut degré de qualification de la main-d’œuvre allemande, mais aussi du partage d’information entre entreprises qui développent des standards industriels communs pour les composants et stimulent la recherche dans la région, dont elles bénéficient en retour.

Exercice 2.6 Made in France

Après avoir regardé la vidéo « Made in France – L’année où j’ai vécu 100 % français », indiquez où sont conçus et fabriqués les produits qu’utilise Benjamin Carle au cours d’une journée ordinaire.

Exercice 2.7 Évaluer certaines structures de spécialisation de la production des pays

Choisissez quelques biens et services qui n’ont pas été évoqués dans cette section (par exemple, le vin, les automobiles, les services professionnels comme la comptabilité et l’audit, les produits électroniques grand public, les vélos ou les articles de mode). Utilisez le site OEC ainsi que vos connaissances et recherches sur les biens choisis pour expliquer quels sont les pays qui se sont spécialisés dans la production de ces biens et services et pourquoi.

2.9 Quelle quantité produire ? La maximisation et le raisonnement « à la marge »

Apple fixe des prix élevés pour ses iPhone et iPad afin d’augmenter ses profits, plutôt que de baisser les prix pour toucher plus de clients. D’autres entreprises adoptent des stratégies plus ou moins différentes. Par exemple, entre septembre 2017 et septembre 2018, le profit unitaire de Ford se situait entre 2,7 et 6,1 %. À la même période, le profit unitaire réalisé sur la vente des produits d’Apple représentait entre 38,4 et 38,9 % du prix.

Dans cette section, nous allons étudier la manière dont les entreprises qui fabriquent des produits différenciés fixent un prix et choisissent la quantité à produire afin de maximiser leurs profits. Cela dépend de la demande qui lui est adressée, c’est-à-dire de la disposition des clients potentiels à payer pour le produit, et des coûts de production.

produit différencié
Un produit d’une seule entreprise qui a des caractéristiques uniques qui le différencient des produits des autres entreprises.

Prenez l’exemple d’une entreprise qui fabrique des voitures. Toutes les voitures ne sont pas identiques. Ce sont des produits différenciés. Chaque marque et chaque modèle sont produits par une seule et même entreprise et ont des caractéristiques uniques en termes de conception, de performances, qui les différencient des voitures fabriquées par d’autres entreprises. Par rapport à Ford, qui produit environ 6,6 millions de véhicules par an, notre entreprise fictive produit des voitures pour un marché de niche et est plutôt petite : nous l’appellerons donc Beautiful Cars.

Les coûts de production de Beautiful Cars

Pensez aux coûts de fabrication et de vente des voitures. L’entreprise a besoin de locaux (une usine) équipés de machines pour le moulage, le forgeage, le montage et le soudage des carrosseries. Elle peut les louer à une autre entreprise ou rassembler le capital financier nécessaire pour investir dans ses propres locaux et équipements. Ensuite, elle doit acheter les matières premières et les composants et rémunérer les ouvriers qui font fonctionner les équipements. Elle a aussi besoin de salariés pour gérer les processus d’achat, de production et pour vendre les voitures.

coût d’opportunité du capital
La quantité de revenu qu’un investisseur aurait pu obtenir en investissant l’unité de capital ailleurs.

L’une des composantes du coût de production des voitures est le montant à verser aux propriétaires de l’entreprise (les actionnaires) afin de couvrir le coût d’opportunité du capital, c’est-à-dire pour les inciter à continuer à investir dans les actifs dont l’entreprise a besoin pour produire des voitures. En général, les actionnaires n’investiront pas s’ils peuvent faire un meilleur usage de leur argent en investissant et en réalisant des profits ailleurs. Ce qu’ils pourraient recevoir ailleurs, pour chaque euro investi, est un autre exemple de coût d’opportunité (abordé dans la Section 2.5), appelé ici coût d’opportunité du capital.

coûts fixes
Coûts de production qui ne varient pas avec le nombre d’unités produites.

Certains coûts ne varient pas avec le nombre de voitures. On les appelle coûts fixes. Suivez les étapes de l’analyse du Graphique 2.3 pour voir que plus il y a de voitures produites, plus les coûts totaux (les coûts fixes et les coûts variables, comme le nombre d’heures travaillées à rémunérer aux employés) sont élevés.

Graphique 2.3 Coût total de production.

Adapté de la Figure 7.6 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Coûts fixes

Avec zéro voiture produite, les seuls coûts sont les coûts fixes. Par exemple, une fois que l’entreprise a décidé de la taille de l’usine et acheté les biens d’équipement nécessaires, ces coûts resteront stables, quel que soit le niveau de la production.

Les coûts totaux sont croissants

Les coûts totaux augmentent avec la quantité d’unités produites, en partie parce que l’entreprise a besoin d’employer plus d’ouvriers.

coût moyen
Le coût total de la production d’une entreprise divisé par le nombre d’unités produites.

Suivez les étapes de l’analyse du Graphique 2.4 pour voir que, à partir du coût total de production, nous avons déterminé le coût moyen d’une voiture, et la manière dont il varie avec la production. La partie supérieure du Graphique 2.4 montre la manière dont les coûts totaux dépendent de la quantité de voitures produites chaque jour. La variation du coût moyen est présentée sur la partie inférieure.

Graphique 2.4 Beautiful Cars : variation du coût total et moyen.

Adapté de la Figure 7.6 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Coût moyen

Si l’entreprise produit dix voitures par jour, le coût moyen d’une voiture est 61 000 euros divisé par dix. Le coût moyen est donc 61 000 € ÷ 10 = 6 100 €.

Baisse du coût moyen

Quand les voitures sont au nombre de 20, les coûts fixes sont partagés sur plus de voitures. Le coût moyen baisse. Par exemple, pour 20 voitures produites, le coût moyen est maintenant 80 000 € ÷ 20 = 4 000 € (il était de 6 100 euros pour 10 voitures produites).

Hausse du coût moyen

Avec 50 voitures, le coût total est de 173 000 euros et le coût moyen de 3 460 euros. Le coût moyen augmente (il était de 3 400 euros pour 40 voitures produites).

Variation du coût moyen

Nous pouvons calculer le coût moyen pour chaque nombre de voitures pour représenter la variation du coût moyen d’une voiture produite du graphique du bas.

Nous pouvons voir sur le Graphique 2.4 que les coûts moyens de Beautiful Cars sont décroissants pour de faibles niveaux de production (jusqu’à 40 voitures produites). Pour des niveaux de production élevés (plus de 40 voitures produites), les coûts moyens augmentent. Cela peut être dû au fait que l’entreprise doit augmenter le nombre de roulements quotidiens des équipes sur la chaîne de montage. Elle doit peut-être aussi payer des heures supplémentaires et l’équipement peut tomber en panne plus fréquemment lorsque la chaîne de montage fonctionne plus longtemps.

Le coût marginal est le coût de production additionnel dû à une unité supplémentaire. Suivez les étapes de l’analyse du Graphique 2.5 pour voir que la production des Beautiful Cars présente des coûts marginaux croissants.

Graphique 2.5 Coût marginal d’une voiture.

Adapté de la Figure 7.7 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Coût marginal avec zéro voiture

Le coût marginal est le coût associé à une augmentation de la production de zéro à une voiture.

Coût marginal avec dix voitures

Le coût marginal associé à la production d’une voiture supplémentaire est plus élevé.

Variation du coût marginal

Si nous calculons le coût marginal à chaque niveau de production de Beautiful Cars, nous pouvons représenter la variation du coût marginal.

La courbe de demande de Beautiful Cars

Afin de fixer un prix, une entreprise a besoin d’informations concernant la demande, notamment le nombre de clients potentiels prêts à payer pour son produit. Pour un modèle simple de la demande de Beautiful Cars, imaginez qu’il y ait 100 clients potentiels qui achèteraient chacun une Beautiful Cars aujourd’hui, si le prix était assez bas. Supposez que nous ordonnons sur une droite l’ensemble des clients potentiels par ordre décroissant de leur disposition à payer, et que nous représentons graphiquement comment la disposition à payer varie le long de cette droite (Graphique 2.6). Alors, pour tout niveau de prix, disons égal à 3 200 euros, le graphique montre le nombre de clients dont la disposition à payer serait supérieure ou égale au prix. Dans ce cas, 60 clients sont prêts à payer 3 200 euros ou plus, donc la demande de voitures pour un prix de 3 200 euros est 60.

Graphique 2.6 Demande de voitures (par jour).

Adapté de la Figure 7.9 de L’équipe Core, L’Économie, 2018. Paris : Eyrolles.

Les courbes de demande sont souvent dessinées sous la forme de lignes droites, comme dans cet exemple, bien qu’il n’y ait aucune raison de penser qu’elles soient droites en réalité : nous avons bien vu que la courbe de demande pour les Cheerios pomme-cannelle n’était pas droite. En revanche, nous pouvons nous attendre à ce que les courbes de demande soient descendantes : lorsque le prix augmente, la quantité demandée par les consommateurs diminue. Réciproquement, quand la quantité disponible est faible, le produit peut être vendu à un prix élevé.

On peut s’attendre à ce qu’une entreprise qui vend un produit différencié connaisse une courbe de demande descendante. Nous en avons vu un exemple empirique avec le cas des Cheerios pomme-cannelle (un autre produit différencié). Si le prix d’une voiture Beautiful Cars est élevé, la demande sera faible, car seuls les consommateurs qui préfèrent Beautiful Cars aux autres marques l’achèteront. Si le prix baisse, davantage de consommateurs seront attirés par Beautiful Cars, ceux-là mêmes qui auraient sûrement acheté une Ford ou une Volvo sinon.

2.10 Quelle quantité produire ? L’égalisation entre coût marginal et recette marginale

Quel est le meilleur choix de prix et de quantité pour le producteur ? Rappelez-vous que les recettes sont données par le prix de vente multiplié par la quantité vendue (Graphique 2.6). La recette marginale correspond à l’augmentation des recettes induite par l’augmentation de la quantité produite. Le Tableau 2.7 montre comment calculer la recette marginale avec 20 voitures produites, c’est-à-dire l’augmentation des recettes lorsque la quantité passe de 20 à 21 voitures produites.

Quantité = 20 Prix = 6 400 € Recette = 128 000 €
Quantité = 21 Prix = 6 320 € Recette = 132 720 €
Variation de la quantité = 1 Variation du prix = 80 € Recette marginale = variation de la recette ÷ variation de la quantité = 4  720 €
Gain de recettes (21e voiture) 6 320 €
Perte de recettes (80 € sur chacune des 20 autres voitures) -1 600 €
Recette marginale 4 720 €

Tableau 2.7 Calcul de la recette marginale.

Quand la production passe de 20 à 21 voitures, les recettes varient pour deux raisons. Une voiture supplémentaire est vendue, mais, étant donné que le nouveau prix de vente est plus faible avec 21 voitures produites, il y a aussi une perte de 80 euros sur chacune des 20 autres voitures vendues au nouveau prix. Les recettes marginales correspondent à l’effet net de ces deux changements.

Sur le Tableau 2.8, nous trouvons la variation des recettes marginales, et l’utilisons pour trouver le point correspondant à un profit maximal. Les deux premières colonnes décrivent la courbe de demande et la troisième colonne décrit la variation du coût marginal. Vous pouvez voir la manière dont le profit varie en fonction de la production dans la dernière colonne du Tableau 2.8.

Prix Quantité Coût marginal Recette marginale Profit
8 000 0 1 000 8 000 -48 000
7 200 10 1 600 6 413 11 063
6 400 20 2 200 4 825 48 250
5 600 30 2 800 3 238 63 563
4 800 40 3 400 1 650 57 000
4 000 50 4 000 63 28 563
3 200 60 4 600 -1 525 -21 750

Tableau 2.8 Recette marginale, coût marginal et profit.

Les trois dernières colonnes dans le Tableau 2.8 suggèrent que le point maximisant les profits se trouve là où la recette marginale égalise le coût marginal. Pour comprendre pourquoi, souvenez-vous que le profit est la différence entre les recettes et les coûts, de sorte que, pour n’importe quel niveau de production, la variation des profits lorsque la production augmente d’une unité (le profit marginal) est égale à la différence entre la variation des recettes et la variation des coûts :

Ainsi :

Dans notre exemple :

Le prix et la quantité maximisant les profits sont 5 440 euros et 32 voitures, correspondant à un profit de 63 360 euros. Rappelez-vous que le profit de l’entreprise est la différence entre ses recettes et ses coûts totaux :

De manière équivalente, le profit est le nombre d’unités produites multiplié par le profit par unité, qui est la différence entre le prix et le coût moyen.

profit économique
Les recettes d’une entreprise auxquelles on soustrait les coûts totaux (y compris le coût d’opportunité du capital).

Cette formule correspond au profit économique. Le profit économique est le profit supplémentaire par rapport au rendement minimal exigé par les actionnaires, qui est appelé le profit normal. Rappelez-vous que les coûts de production prennent en compte le coût d’opportunité du capital (les paiements faits aux actionnaires pour les inciter à prendre des parts). Si le prix est égal au coût moyen, le profit économique de l’entreprise est zéro.

Le succès d’une entreprise ne dépend pas seulement de la détermination du bon prix. Le choix du produit et sa capacité à attirer les clients, à produire à moindres coûts en proposant une qualité supérieure à celle de la concurrence importent tout autant. Elle doit aussi être en mesure de recruter et de garder les salariés qui rendent possibles toutes ces choses.

2.11 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons étudié les grandes questions économiques liées aux choix du producteur et du consommateur, ainsi que leurs enjeux actuels.

Nous avons d’abord vu que la prise de décision sous contrainte de rareté est un problème courant, car nous disposons en général de moyens limités pour atteindre nos objectifs. Les économistes modélisent ces situations en définissant d’abord toutes les actions possibles et en évaluant ensuite laquelle de ces actions est la meilleure, au regard des objectifs. Ainsi, les entreprises produisant des produits différenciés choisissent le prix et la quantité à produire afin de maximiser leurs profits, en tenant compte de la courbe de demande du produit et de la structure des coûts.

Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, les entreprises constituent des acteurs essentiels de l’économie. Ce qui va nous conduire dans les Chapitres 12 (Le degré de concurrence selon les marchés) et 13 (Les stratégies pour dépasser l’intensité concurrentielle) à étudier plus amplement leurs choix.

Nous avons également vu que les sciences économiques étudient comment les individus interagissent avec l’environnement et entre eux afin de produire leurs moyens de subsistance. À ce titre, les expérimentations et d’autres preuves empiriques montrent que l’intérêt personnel, une préoccupation envers les autres et une préférence pour l’équité sont cruciaux pour expliquer comment les individus interagissent.

Avant de continuer…

Illustrez les notions suivantes par un exemple issu de ce chapitre :

  • Les préférences et choix économiques.
  • Les coûts d’opportunité.
  • Préférences individuelles.
  • La rationalité et l’utilité individuelles.
  • La rareté, la valeur, l’utilité marginale.
  • La contrainte budgétaire.
  • La production, les ressources et les facteurs de production.
  • La maximisation et le raisonnement « à la marge ».
  • Égalisation entre coût marginal et recette marginale.

2.12 Références bibliographiques

  1. « Disposition à payer pour un vol dans l’espace » (en anglais). Statista. Mis à jour le 20 octobre 2011. 

  2. Heberton G. Evans. 1967. ‘The Law of Demand—The Roles of Gregory King and Charles Davenant’. The Quarterly Journal of Economics 81 (3). 

  3. Ernst F. Schumacher. 1973. Small Is Beautiful: Economics as If People Mattered. New York, NY: HarperCollins. 

  4. Elizabeth Ashby Plant, Karl Anders Ericsson, Len Hill et Kia Asberg. 2005. ‘Why study time does not predict grade point average across college students: Implications of deliberate practice for academic performance’. Contemporary Educational Psychology 30 (1): pp. 96–116.