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Chapitre 9 La structure de consommation des ménages

9.1 Introduction

Avant de commencer…

Découvrez cette anecdote, où l’on apprend que certains achats peuvent avoir des motivations sociales.

La communauté Supreme

27 février 2020, à midi. Comme chaque jeudi, la célèbre marque de streetwear Supreme met en vente ses articles dans ses boutiques et sur son site Internet.

Deux minutes plus tard, tout est épuisé ! Autant dire qu’il ne fallait pas arriver en retard !

Pourtant, les articles Supreme ne sont pas donnés : par exemple, il faut compter 28 euros pour un tee-shirt classique, 60 euros pour une casquette et 158 euros pour un sweat à capuche !

Qu’est-ce qui peut donc pousser à de tels achats ? Il s’agit sans doute d’acheter ces articles pour en faire étalage, en particulier pour afficher son identité en indiquant clairement la communauté à laquelle on appartient ou souhaite appartenir, ce qui explique en grande partie le succès de Supreme.

Entre le milieu du 16e siècle et la fin du 19e siècle, lorsque les récoltes étaient mauvaises ou la pêche était maigre, il y avait en Europe une vague de tueries de « sorcières ». Ces dernières étaient le plus souvent des femmes célibataires, en particulier des veuves.1

La nécessité d’avoir juste assez de nourriture pour vivre semble avoir poussé certaines communautés à prendre des décisions plutôt extrêmes. Cela faisait sens, économiquement parlant, de sacrifier certaines personnes, afin que d’autres aient suffisamment de nourriture pour pouvoir travailler et gagner assez pour vivre.

Même dans des époques plus récentes, des preuves que des familles pauvres pourraient parfois être obligées de prendre des décisions aussi extrêmes ne sont pas difficiles à trouver. Chaque fois qu’il y a une sécheresse, la Tanzanie connaît aussi une vague de tueries de « sorcières », une façon encore une fois commode de se débarrasser d’une « bouche à nourrir » improductive de plus à un moment où les ressources sont très limitées.2

Il semble que des familles découvrent soudainement qu’une femme plus âgée vivant avec elles (généralement une grand-mère) est une sorcière, après quoi elle est chassée ou tuée par des habitants du village.

consommation
Dépense dans des biens de consommation incluant des biens et services de courte durée ainsi que des biens et services de longue durée que l’on appelle biens durables.

Pourtant, la plupart des pauvres ne semblent pas agir comme s’ils mouraient de faim. Si cela était le cas, ils consacreraient sans doute chaque centime disponible à l’achat de nourriture. Cependant, dans un ensemble de données décrivant la vie des personnes extrêmement pauvres (vivant avec moins d’un dollar par jour) dans dix-huit pays, la nourriture représente entre 36 et 79 % de la consommation des paysans et entre 53 et 74 % parmi leurs homologues citadins. Et ce n’est pas parce que le budget restant est consacré à d’autres nécessités. Les pauvres ne choisissent tout simplement pas de dépenser en nourriture autant qu’ils le pourraient.3

Illustration 9.1 Hyderabad, Inde.

Pixabay.

Ce n’est donc pas que le manque de nourriture ne puisse pas être un problème ou ne le soit pas de temps en temps. Mais il semble que la plupart des personnes, même les plus pauvres, gagnent suffisamment d’argent pour pouvoir se permettre une alimentation adéquate, tout simplement parce que les calories ont tendance à être assez bon marché, sauf dans des situations extrêmes.4

coefficient budgétaire
Part de la dépense de consommation consacrée à un bien ou à un service.
structure de consommation
Répartition des dépenses de l’ensemble des ménages.
en valeur
Corrigé de la variation des prix par rapport à une donnée de base ou de référence.
en volume
Simple variation de la quantité, sans tenir compte de la variation des prix.
prix relatif
Le prix d’un bien ou d’un service relatif à un autre (habituellement exprimé sous forme d’un ratio).

Dans ce chapitre, nous verrons que les coefficients budgétaires permettent d’appréhender la structure de consommation des ménages (Section 9.2). Nous montrerons que sur les cinquante dernières années, ils ont fortement évolué en valeur, mais ils sont plus stables en volume (Section 9.3). Nous montrerons ainsi que la part des services dans la structure de consommation augmente notamment parce que son prix relatif par rapport aux produits industriels augmente fortement (Section 9.4).

Contexte et finalités Notions
Les coefficients budgétaires permettent d’appréhender la structure de consommation des ménages. En valeur sur les cinquante dernières années, ils ont fortement évolué. La part de l’alimentation baisse au profit des dépenses de transport, de logement, de santé, des dépenses de loisirs et de services. En volume cependant, les structures sont plus stables. La part des services dans la structure de consommation augmente, notamment parce que son prix relatif par rapport aux produits industriels augmente fortement. La composition des dépenses des ménages.
Les coefficients budgétaires.
Les prix relatifs comparés des biens et services.

Tableau 9.1 La structure de consommation des ménages : notions, contexte et finalités.

9.2 Les coefficients budgétaires

La consommation des ménages occupe une place de première importance parmi les grands agrégats économiques. Le Graphique 9.1 montre la part de la consommation des ménages dans le PIB, en se fondant sur les comptes nationaux d’économies de trois continents différents : la Chine, la zone euro et les États-Unis.

Graphique 9.1 Consommation des ménages aux États-Unis, en zone euro et en Chine (2018).

Les données du Graphique 9.1 indiquent que, dans les économies avancées, la consommation des ménages est de loin la composante la plus importante du PIB, de l’ordre de 54 % dans la zone euro et de 68 % aux États-Unis. Par contraste, en Chine, la consommation des ménages ne représente qu’environ 39 % du PIB.

Souvent, l’analyse économique met davantage l’accent sur son rôle dans la dynamique économique à court terme. Pour la plupart des pays, les dépenses de consommation privée constituent la plus grande part du PIB.

produit intérieur brut (PIB)
Une mesure de la valeur marchande de la production de l’économie à une période donnée.

Pour autant, la consommation se modifie aussi sur le long terme, en niveau comme en structure, et ces évolutions correspondent à des transformations profondes des modes de vie. Le Graphique 9.2 montre l’évolution de la consommation des ménages par habitant en France depuis 1949. Le graphique présente également l’évolution de quelques indicateurs économiques clés : le PIB par habitant et le taux d’épargne des ménages.

Graphique 9.2 Consommation des ménages par habitant, PIB par habitant et taux d’épargne en France (1949-2018).

Insee, comptes nationaux, base 2014 (base de données).

épargne
Quand les dépenses de consommation sont inférieures au revenu net. Voir également : revenu net.

Sur les soixante-dix dernières années, la hausse des dépenses de consommation des ménages a été quasi continue, si bien qu’en volume la consommation des ménages par habitant est aujourd’hui cinq fois plus élevée qu’en 1949. Le premier choc pétrolier en 1974 a marqué une rupture dans le rythme de croissance tendanciel de l’économie française. Malgré cela, les ménages ont maintenu un rythme de consommation soutenu, en diminuant sensiblement leur épargne dont le taux a perdu 10 points, passant de 21 % en 1975 à 11 % en 1987. Revenu à 15 % au début des années 1990, le taux d’épargne s’est ensuite stabilisé, la croissance de la consommation des ménages suivant celle du PIB.

Cette évolution globale recouvre de profonds changements dans la structure de consommation.

Pour un poste donné (alimentation, logement, par exemple), le coefficient budgétaire rapporte le niveau des dépenses de ce poste au niveau total des dépenses. Par exemple, si vous dépensez 1 000 euros, dont 90 euros pour acheter des vêtements, le coefficient budgétaire des vêtements sera de 0,09 (90/1 000), soit 9 %. Le coefficient budgétaire peut être calculé au niveau d’un individu, mais aussi à l’échelle d’un ménage ou d’une économie, comme dans le Graphique 9.3a.

Suivez les étapes de l’analyse du Graphique 9.3a pour voir que, sur les soixante dernières années, le coefficient associé à l’alimentation s’est réduit, au profit notamment du logement, des transports, de la santé et des loisirs.

Graphique 9.3a Coefficients budgétaires en valeur en France (1959-2018).

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Coefficients budgétaires

La part de l’alimentation baisse au profit des dépenses de transport, de logement, de santé, des loisirs.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Alimentation

La part de ce poste dans la consommation a baissé de 22 points entre 1959 et 2018. La très forte hausse des niveaux de vie a d’abord permis de desserrer la contrainte des dépenses de première nécessité.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Logement

Les Trente Glorieuses ont été marquées à la fois par la hausse du nombre de logements, de leur qualité, et par la diffusion intensive de leur équipement en meubles et appareils électroménagers. La part budgétaire consacrée à ce poste a ainsi crû sensiblement entre 1959 et 1975.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Transports

Le poids du poste des dépenses des transports dans le budget des ménages a progressé fortement entre 1959 et le début des années 1980. Les fortes hausses du pouvoir d’achat ont favorisé cette croissance.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Loisirs

La part budgétaire consacrée aux services de loisirs est plus stable.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Santé

Sa part est passée de 2,5 % du budget de consommation en 1959 à 4 % en 2018.

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

loi de satiété des besoins
À mesure que la dépense de consommation augmente, la part consacrée à l’alimentation diminue. Le statisticien prussien Ernst Engel (1821-1896) fut le premier à documenter systématiquement cette relation dans un article publié il y a environ 160 ans.

Les ménages consacrent à l’alimentation une part de plus en plus réduite de leur dépense de consommation : 38 % en 1959 contre 23 % en 2018. Le montant consacré à l’alimentation a certes augmenté, mais cette augmentation est plus faible que celle des autres postes de consommation. Ce recul relatif s’explique en premier lieu par l’augmentation du niveau de vie des ménages qui leur permet de consacrer une part moins élevée de leur budget aux biens alimentaires. Le statisticien prussien Ernst Engel (1821-1896) fut le premier à documenter systématiquement cette relation dans une étude réalisée il y a environ 160 ans. Cette relation a depuis été appelée la loi d’Engel. Comme nous l’avons vu au Chapitre 8, il s’agit là d’une réalité psychologique fondamentale, parfois appelée loi de satiété des besoins. Les besoins en produits alimentaires et en boissons sont en effet limités. Le niveau de vie atteint par la plupart des habitants des pays développés leur permet désormais d’assurer leurs besoins de première nécessité.5

L’évolution en valeur d’un coefficient budgétaire dépend de deux paramètres : l’évolution relative des prix et celle des volumes.

déflater
Corriger des effets de l’inflation afin de ramener un bien à un prix de départ.

Pour fixer les variations des prix relatifs et suivre ainsi les seules évolutions par poste en volume (c’est-à-dire déflatées) il faut choisir une année de référence. En utilisant ensuite sur les prix de cette année, on peut alors définir un coefficient budgétaire en volume et le faire évoluer au cours du temps. Le Graphique 9.3b montre les coefficients budgétaires en volume en France depuis 1959. Dans notre cas, l’année de référence est 2014. Par définition, les coefficients budgétaires en volume de 2014 coïncident avec ceux en valeur de la même année. Mais pour les autres années, ils dépendent des évolutions relatives des volumes consommés.

Graphique 9.3b Coefficients budgétaires en France : en volume (1959-2018).

Insee, comptes nationaux, base 2000 (base de données).

Le coefficient budgétaire associé au logement est stable de 1960 à 1990 puis décroît quelque peu en volume, alors que, en valeur, il progresse continûment, passant de 20 % en 1960 à 30 % en 2007. Cette hausse de la part budgétaire consacrée au logement résulte à la fois d’un effet-prix, le prix des loyers ayant augmenté plus fortement que l’inflation globale, et d’un effet-volume, la quantité et la qualité des logements ayant augmenté plus vite que la consommation d’ensemble. S’agissant des loisirs, leur part relative augmente fortement en volume, mais apparaît beaucoup plus stable en valeur sur une longue période, les volumes consommés ayant pâti d’une évolution relativement défavorable de leurs prix. En revanche, celle associée aux consommations alimentaires baisse à long terme dans les deux cas.

Exercice 9.1 Répartition des dépenses des ménages selon la catégorie socioprofessionnelle

Le tableau suivant présente la répartition des dépenses des ménages selon la catégorie socioprofessionnelle (CSP) de la personne de référence en 2011.

Agriculteurs Artisans, commerçants, chefs d’entreprise Cadres Professions intermédiaires Employés Ouvriers Retraités Autres inactifs Ensemble
Produits alimentaires et boissons non alcoolisées 20,7 14,8 13,2 15,0 15,6 17,0 19,9 17,4 16,4
Boissons alcoolisées et tabac 3,2 2,9 2,2 2,7 3,3 4,0 3,0 3,6 3,0
Articles d'habillement et chaussures 3,9 5,7 5,7 5,7 5,7 5,5 3,4 5,3 5,0
Logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles 10,2 11,8 13,3 14,7 17,6 17,4 16,6 23,1 15,7
Meubles, articles de ménage et entretien courant de la maison 6,4 6,8 6,7 5,3 5,0 4,9 6,7 4,5 5,9
Santé 1,6 1,5 1,7 1,6 1,8 1,6 2,3 1,8 1,8
Transports 19,8 20,5 17,5 19,4 17,3 18,6 15,0 12,2 17,4
Communications 3,7 3,3 2,6 3,3 4,1 3,8 2,9 4,1 3,3
Loisirs et culture 8,0 10,4 11,8 9,8 8,5 7,9 9,5 7,9 9,6
Enseignement 0,7 1,2 1,1 0,5 0,7 0,4 0,1 3,1 0,7
Restauration et hôtels 4,3 7,2 9,8 7,5 6,4 5,2 4,3 6,2 6,6
Biens et services divers (*) 17,5 13,7 14,4 14,3 14,0 13,8 16,5 10,8 14,7
Dépense totale (**) 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Insee, enquête Budget de famille 2011. Notes : (*) notamment, biens et services de soins personnels, bijouterie et maroquinerie, dépenses relatives aux gardes d’enfants hors du domicile, assurances et services financiers, divers autres services (services juridiques, cotisation à des associations…) ; (**) la dépense totale s’entend ici hors impôts, gros travaux, remboursements de prêts et prélèvements effectués par l’employeur, transferts financiers entre ménages ; France métropolitaine.

En vous appuyant sur ce tableau, répondez aux questions suivantes :

  1. La répartition des dépenses est-elle la même pour toutes les CSP ? Justifiez votre réponse.
  2. Selon vous, pourquoi existe-t-il de tels écarts ?

Exercice 9.2 Consommation des ménages en biens et services TCSI

Le graphique suivant montre le coefficient budgétaire des TCSI (technologies, contenus et supports de l’information) en France entre 1960 et 2017.

  1. Présentez puis commentez son évolution.

Le graphique suivant montre l’évolution du volume relatif et du prix relatif des TCSI en France entre 1960 et 2017.

  1. Quels sont les biens associés aux plus importantes hausses des volumes relatifs ?
  2. Selon vous, pourquoi les volumes relatifs augmentent moins rapidement à partir de 2008 ?

9.3 La composition des dépenses des ménages

Le déplacement relatif de la consommation depuis les postes d’alimentation vers le logement et d’autres postes recouvre des phénomènes encore plus significatifs.

dépenses pré-engagées
Désignent l’ensemble des dépenses des ménages réalisées dans le cadre d’un contrat difficilement renégociable à court terme (par exemple : loyers, assurances, services financiers…)

Le Graphique 9.4 montre la part des dépenses « pré-engagées » dans la consommation des ménages en France depuis 1949. Il s’agit des dépenses qui font partie d’un engagement contractuel qui lie les ménages à court terme : loyers et dépenses liées au logement, services de télécommunications, frais de cantine, services de télévision, assurances et services financiers. Alors que les dépenses pré-engagées ne représentaient que 15 % des dépenses des ménages en 1959, elles atteignent, en 2016, un peu plus de 34 %.

Graphique 9.4 Les dépenses pré-engagées (1959-2018).

La consommation effective des ménages comprend, en plus des biens et des services acquis par leurs propres dépenses de consommation finale, les biens et les services qui donnent lieu à des transferts sociaux en nature de leur part vers les ménages. En effet, les ménages ne paient pas directement tout ce qu’ils consomment. Une partie est prise en charge par les administrations publiques ou les institutions sans but lucratif au service des ménages : on parle alors de dépenses socialisées. Les dépenses socialisées concernent essentiellement la santé (le remboursement de médicaments ou la prise en charge de soins à l’hôpital), l’enseignement (la scolarisation gratuite dans les écoles publiques), l’action sociale (la prise en charge partielle d’une aide-ménagère pour une personne âgée) et le logement (une allocation logement versée à un locataire). L’Illustration 9.2 résume la relation entre ces trois concepts de dépenses.

Illustration 9.2 Deux concepts de consommation.

Le Graphique 9.5 montre la part des dépenses socialisées dans la consommation effective des ménages en France depuis 1959. Depuis 70 ans, la part des dépenses socialisées dans la consommation effective a beaucoup augmenté, passant de 13,6 % en 1950 à 25,1 % en 2018.

Graphique 9.5 Dépenses socialisées, consommation effective des ménages et PIB (1950-2018).

Insee, comptes nationaux, base 2014 (base de données). Note : consommation effective et PIB en volume.

Les dépenses pré-engagées et socialisées stabilisent l’économie. Le Graphique 9.5 montre aussi les variations de la consommation effective des ménages et du PIB. Les pics et les creux de la série pour le PIB sont donc plus importants que ceux de la série pour la consommation. Cette stabilité relative résulte de l’inertie naturelle de certaines de ces dépenses, qui répondent peu, ou de façon décalée, aux fluctuations économiques et continuent à croître quand bien même le PIB diminue.

Exercice 9.3 Les nouvelles modes de consommation et la composition des dépenses des ménages

Au-delà de la « simple » évolution de la composition des dépenses, on remarque l’apparition de nouveaux modes de consommation.

Nous avons récemment observé une prolifération de plateformes Internet qui connectent des individus de deux groupes, en commençant par le lancement en 1995 d’eBay, permettant des transactions de consommateur à consommateur. On parle de consommation collaborative.

Airbnb constitue un autre exemple : c’est un service qui connecte des voyageurs cherchant une location d’appartement de court terme et des propriétaires cherchant à gagner de l’argent en rendant leur logement disponible lorsqu’ils ne l’occupent pas. Airbnb est donc une plateforme qui met en contact le groupe des locataires potentiels avec le groupe des propriétaires d’appartements qui voudraient offrir leur appartement contre un loyer.

La consommation collaborative recouvre, à la fois, des plateformes d’offres commerciales et des plateformes d’échanges de biens et de services entre particuliers sans une contrepartie monétaire. Ainsi, en 2016, grâce à une série d’échanges de particulier à particulier, un jeune Canadien est devenu propriétaire d’une maison en partant d’un trombone !

Selon vous, quelle peut être la conséquence de ces nouvelles formes de consommation sur la structure de consommation des ménages ? Vous répondrez à cette question sous forme de paragraphe argumenté.

Pour en savoir plus, regardez la vidéo « L’économie circulaire », de la Cité de l’économie et de la monnaie.

9.4 Prix relatifs comparés des biens et services

Nous savons que les coûts s’accroissent plus fortement dans la production de services (coupes de cheveux, par exemple) que dans la production manufacturière (comme des tee-shirts). Cela tient au fait que les gains de productivité (production par heure de travail) induits par le progrès technique bénéficient surtout à la fabrication des biens manufacturés, alors même que les augmentations salariales se diffusent dans tous les secteurs d’activité. Ces exemples illustrent bien la raison de la plus lente croissance de la productivité dans les services : faire une coupe de cheveux nécessite à peu près autant de temps aujourd’hui qu’il y a 100 ou 200 ans, mais produire un tee-shirt prend beaucoup moins de temps qu’il y a 200 ans (probablement moins d’un cinquième).

Les coûts de production des biens ont fortement baissé par rapport aux coûts de production des services, donc les prix des services ont augmenté par rapport aux prix des biens. Sur une longue période, le prix des biens, en particulier celui des biens manufacturés, évolue nettement moins rapidement que celui des services.

C’est pourquoi, à structure de consommation inchangée en volume, la simple augmentation relative du prix des services par rapport à celui des biens tend à déformer la structure du budget des ménages. Les prix relatifs présentent une tendance positive et jouent un rôle important dans la croissance globale de la valeur relative des services.

prix courants
Prix tels qu’ils sont indiqués à une période donnée, ils sont dits en valeur nominale.

Le Graphique 9.6 illustre cela en décomposant la croissance de la consommation des services des ménages par rapport aux biens à prix courants en la croissance du prix relatif des services et des quantités relatives.

Graphique 9.6 Consommation des ménages en France (1950–2018).

Insee, comptes nationaux, base 2014 (base de données).

Le déplacement relatif des dépenses des biens vers les services s’explique en premier lieu par un effet-prix : l’augmentation de la part des services depuis 1950 n’est pas due à l’augmentation des quantités relatives de services mais de leurs prix relatifs.

De fait, cette déformation de la structure des dépenses en valeur recouvre des évolutions plus complexes sur les volumes consommés. Le Graphique 9.7 montre l’évolution du volume relatif des services depuis 1950.

Graphique 9.7 Consommation des ménages en France (1950–2018).

Insee, comptes nationaux, base 2014 (base de données).

La consommation de masse, caractéristique des Trente Glorieuses, s’est dans un premier temps traduite par la multiplication des acquisitions de biens matériels. Lorsque, grâce à la hausse de leurs revenus, ce type de besoins a commencé à atteindre une forme de saturation, les ménages ont pu chercher à satisfaire de nouveaux besoins, plus immatériels, favorisant ainsi l’essor des services culturels et de loisirs, ceux de santé ou de voyage.

Question 9.1 Choisissez la bonne réponse

Regarder de nouveau le Graphique 9.6. Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La quantité relative des services est une donnée en valeur.
  • L’augmentation de la part des services est due à l’augmentation de la production de services.
  • Si la part relative des services a augmenté, cela signifie que la part relative des biens a diminué.
  • Si la part relative des services a augmenté, cela signifie que le volume de biens produit a diminué.
  • La quantité relative des services est fonction des prix constants, c’est-à-dire des prix corrigés de l’augmentation des prix (inflation) ou de leur baisse (déflation) de telle sorte qu’une unité de monnaie représente toujours le même pouvoir d’achat à différentes périodes de temps. Il s’agit donc d’une donnée en volume.
  • Si la part relative des services augmente (courbe grise) c’est parce que le prix de ces services augmente (courbe orange). Le volume de services produits est resté stable (courbe bleue).
  • Mécaniquement si la part de l’un augmente (service) celle du second diminue (biens).
  • On ne produit pas moins de biens, la structure de consommation reste inchangée en volume, mais pas en valeur. Cela s’explique par les gains de productivité induits par le progrès technique qui ont permis de fortement diminuer le prix des biens.

9.5 Conclusion

Comme nous venons de le voir, la consommation des ménages est un élément d’étude à part entière. Pour l’analyser, il nous faut d’abord la mesurer, notamment à l’aide d’un indice : le coefficient budgétaire.

Grâce à cet indice, nous avons pu observer une modification structurelle de la consommation sur le long terme, des évolutions qui correspondent à des transformations profondes des modes de vie.

Parmi ces évolutions, on remarque la baisse du coefficient budgétaire de l’alimentation au profit des dépenses de transport, de logement, de santé et des loisirs. Ou encore l’augmentation des dépenses pré-engagées.

Un autre point saillant de cette évolution est l’augmentation relative de la consommation des services en comparaison à celle des biens. Une augmentation qualifiée de relative, car en fonction de l’augmentation du prix des services.

Pour finir, cette structure de la consommation mérite d’être questionnée à la lumière des nouveaux modes de consommation, notamment au travers de l’économie collaborative.

Avant de continuer…

Illustrez les notions suivantes par un exemple issu de ce chapitre :

  • La composition des dépenses des ménages.
  • Les coefficients budgétaires.
  • Les prix relatifs comparés des biens et services.

9.6 Références bibliographiques

  1. Emily Oster, “Witchcraft, Weather and Economic Growth in Renaissance Europe”, Journal of Economic Perspectives 18 (1) (Winter 2004): pp. 215–228. 

  2. Edward Miguel, “Poverty and Witch Killing”, Review of Economic Studies 72 (4) (2005), pp. 1153–1172. 

  3. Banerjee, A. V. and Duflo, E., 2007. “The Economic Lives of the Poor”. Journal of economic perspectives, 21(1), pp. 141-168. 

  4. Duflo, E. and Banerjee, A., 2011. Poor Economics. PublicAffairs. 

  5. Chai, A. and Moneta, A., 2010. “Retrospectives: engel curves”. Journal of Economic Perspectives, 24(1), pp. 225-40.