Chapitre 12 Le degré de concurrence selon les marchés
12.1 Introduction
Avant de commencer…
Découvrez cette anecdote, où l’on apprend que la technologie peut éviter de gâcher des sardines.
La pêche miraculeuse
La ville de Vadakara, située dans le sud de l’Inde au bord de la mer d’Arabie, vit principalement de la pêche. Un jour de janvier 1997, alors que des pêcheurs accostent avec leurs embarcations pleines de sardines, ils ont la mauvaise surprise de constater que le marché a déjà été largement approvisionné. Les poissonniers ne veulent plus rien leur acheter !
Les voilà donc obligés de rejeter à la mer tout le fruit de leur labeur… Ce qu’ils ignorent, c’est que dans une autre ville de la côte, à environ 10 kilomètres de là, de nombreux acheteurs repartent bredouilles du marché, car il n’y a pas assez de poissons !
Quelle absurdité… Et le pire, c’est que cette situation se produit régulièrement ! Heureusement pour nos pêcheurs, les choses ne vont pas tarder à changer. Comment cela ? Grâce à la technologie.
Eh oui ! Dès les années 2000, les pêcheurs, équipés de téléphones portables, appellent les différents marchés des villes côtières depuis leurs bateaux et n’ont plus qu’à aller livrer leur prise là où la demande est forte, et donc le prix plus élevé.
On apprend ainsi que l’offre rencontre plus facilement la demande… si l’information circule bien !
Lors du déclenchement de la guerre civile américaine, le 12 avril 1861, le président Abraham Lincoln a ordonné à la marine américaine de bloquer les ports des États confédérés. Ces États du Sud avaient unilatéralement déclaré leur indépendance par rapport aux États-Unis, de manière à préserver l’esclavage, qui avait cours dans les champs de coton et les autres exploitations agricoles de la région. Naviguant de nuit, quelques navires sont parvenus à échapper aux patrouilles de Lincoln, mais 1 500 navires ont été détruits ou capturés.
Division de la géographie et de la cartographie de la Bibliothèque du Congrès, Washington, D.C. Entrée en 1861 conformément à la loi du Congrès par J. B. Elliott de Cincinnati. Notes : cette carte animée illustre le plan du général Winfield Scott pour écraser économiquement la Confédération pendant la guerre civile. On l’appelle parfois le « Plan Anaconda » : il se traduit à partir de 1862 par un blocus global des ports du Sud et cible non seulement les principaux points d’entrée pour les esclaves mais aussi les exportations de coton brut. Cette carte décrit le « Plan Anaconda » de Winfield Scott de manière humoristique.
- côté « offre »
- Le côté d’un marché au sein duquel les participants sont disposés à offrir quelque chose en échange d’argent (par exemple, ceux qui vendent du pain). Voir également : côté « demande ».
- excès de demande
- Une situation dans laquelle la quantité d’un bien demandée est supérieure à la quantité offerte au prix en vigueur. Voir également : excès d’offre.
Conséquence du blocus naval, les exportations de coton brut américain à destination des filatures de textile du Lancashire en Angleterre, qui représentaient trois quarts de leurs approvisionnements en cette matière première essentielle, se sont pratiquement arrêtées. Les faibles quantités atteignant l’Angleterre lors du blocus correspondaient à une réduction dramatique de l’offre de coton brut. Il y avait un large excès de demande, c’est-à-dire que, au prix en vigueur, la quantité demandée dépassait l’offre disponible. Par conséquent, certains vendeurs ont réalisé qu’ils pouvaient tirer profit de la situation en augmentant leurs prix. Certaines entreprises firent faillite et quittèrent le secteur du fait de la hausse de leurs coûts, faisant perdre leur emploi à des centaines de milliers de personnes qui travaillaient dans les filatures de coton.
- côté « demande »
- Le côté d’un marché au sein duquel les participants sont disposés à dépenser de l’argent afin d’acquérir un bien ou un service (par exemple, les consommateurs qui achètent du pain). Voir également : côté « offre ».
Les propriétaires des filatures réagirent. La hausse des prix représentait en effet pour eux une réduction de leurs profits. Le seul pays producteur de coton pouvant combler le déficit laissé par les États-Unis était l’Inde. Les propriétaires des filatures se tournèrent vers l’Inde pour trouver une alternative au coton américain, augmentant ainsi fortement la demande pour le coton indien. Sur le marché du coton indien, certains vendeurs profitèrent à leur tour de la demande excédentaire pour augmenter leurs prix, ce qui entraîna une hausse des prix du coton indien, qui crûrent rapidement, atteignant un niveau proche de celui du coton américain.
Comme la demande pour ce nouvel équipement augmentait fortement, des entreprises qui fabriquaient de la machinerie pour textile, comme Dobson & Barlow, virent leurs profits décoller. Elle a réagi, à l’époque, en augmentant la production de ces nouvelles machines et d’autres équipements. Nous le savons pour cette entreprise, car les registres détaillés de ses ventes ont été conservés.
Il y avait toutefois un problème. Le coton indien différait du coton américain et nécessitait un tout autre traitement mais, quelques mois après le passage au coton indien, de nouvelles machines furent développées pour le traiter. Aucune filature ne pouvait se permettre de prendre du retard dans la course au rééquipement, car sinon il leur était impossible d’utiliser la nouvelle matière première. Il en résulta, selon les mots de Douglas Farnie, un historien spécialisé dans l’histoire de la production de coton, « un tel investissement en capital que cela était quasiment équivalent à la création d’une nouvelle industrie ». En commandant de nouvelles machines, les propriétaires des filatures ont déclenché un essor pour l’investissement et de nouveaux emplois.
Du fait des revenus plus élevés qu’ils pouvaient désormais obtenir en cultivant le coton, les agriculteurs indiens abandonnèrent les autres cultures au profit de celui-ci. Le même phénomène se produisit partout où le coton pouvait être cultivé, notamment au Brésil. En Égypte, les agriculteurs qui s’étaient empressés d’accroître leur production de coton en réponse à la hausse des prix commencèrent à employer des esclaves, capturés en Afrique subsaharienne (à l’instar des esclaves américains pour la libération desquels Lincoln se battait).
- coût marginal
- L’effet sur le coût total de produire une unité supplémentaire.
- concurrence parfaite
- Un marché hypothétique pour lequel : le bien ou service échangé est homogène (il ne diffère pas d’un vendeur à l’autre) ; il existe un grand nombre d’acheteurs et de vendeurs potentiels de ce bien, chacun agissant indépendamment des autres ; acheteurs et vendeurs peuvent aisément savoir les prix auxquels d’autres acheteurs et vendeurs échangent le bien.
- monopole
- Une entreprise qui est l’unique vendeur d’un produit n’ayant pas de substituts proches. Se dit aussi d’un marché avec un seul vendeur. Voir également : pouvoir de monopole, monopole naturel.
- barrières à l’entrée
- Facteurs qui empêchent ou découragent l’entrée de nouvelles entreprises sur un marché même lorsque les entreprises en place réalisent des bénéfices excédentaires.
- substituts
- Deux biens pour lesquels la hausse du prix de l’un cause une augmentation de la quantité demandée de l’autre. Voir également : compléments.
Dans ce chapitre, nous verrons que le prix d’un bien ou service correspond à la valeur à laquelle un échange peut être réalisé. Nous montrerons que si le marché est concurrentiel, le prix converge vers le coût marginal de production et sera donc plus avantageux pour le consommateur qu’un prix de concurrence imparfaite ou celui d’un monopoleur. Nous verrons aussi que le degré de concurrence sur un marché dépend du nombre d’entreprises, de leurs stratégies, de l’entrée potentielle de nouveaux concurrents, des barrières à l’entrée et de l’existence de produits substituables.
Contexte et finalités | Notions |
---|---|
Le degré de concurrence sur un marché dépend du nombre d’entreprises, de leurs stratégies, de l’entrée potentielle de nouveaux concurrents, des barrières à l’entrée et de l’existence de produits substituables. Le prix d’un bien ou service correspond à la valeur à laquelle un échange peut être réalisé. Si le marché est concurrentiel, le prix converge vers le coût marginal de production et sera donc plus avantageux pour le consommateur qu’un prix de concurrence imparfaite ou celui d’un monopoleur. |
L’offre et la demande. Le prix d’équilibre. L’élasticité prix-demande. L’élasticité croisée. Le coût marginal. Concurrence, oligopole, monopole, cartel. Concurrence imparfaite. Barrières à l’entrée. Produits substituables, produits complémentaires. Indice de concentration sur un marché. |
12.2 Le coût marginal
Dans ce chapitre, nous allons examiner des marchés où de nombreux acheteurs et vendeurs interagissent et nous allons montrer comment le prix sur un marché concurrentiel est déterminé à la fois par les préférences des consommateurs et par les coûts des fournisseurs.
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 2, les économistes simplifient fréquemment l’analyse en laissant de côté tout ce qu’ils considèrent comme étant de moindre importance au regard de la question qui les intéresse. Pour ce faire, ils construisent des modèles, c’est-à-dire des représentations simplifiées qui nous aident à comprendre ce qui se passe en se concentrant sur ce qui est important.
Pour une représentation simplifiée d’un marché comportant de nombreux acheteurs et vendeurs, prenez l’exemple d’une ville où un grand nombre de petites boulangeries font du pain et le vendent directement aux consommateurs.
Supposez que vous êtes le propriétaire d’une petite boulangerie. Chaque matin, vous devez décider de la quantité de miches de pain à produire et du prix auquel les vendre afin de maximiser vos profits.
Supposez aussi que des boulangeries à proximité vendent des miches de pain identiques aux vôtres pour 2,34 euros. C’est le prix de marché en vigueur, et vous ne serez pas en mesure de vendre votre pain à un prix plus élevé car personne ne l’achèterait. Si vous choisissez un prix plus élevé, les clients se tourneront vers d’autres boulangeries.
- coût moyen
- Le coût total de la production d’une entreprise divisé par le nombre d’unités produites.
Lorsque la quantité produite est faible, le coût moyen d’une miche est élevé, mais le coût marginal (le coût de production d’une miche supplémentaire) est faible, proche d’un euro : une fois les pétrins, fours et autres équipements installés et un boulanger employé, le coût additionnel associé à la production d’une miche de pain est relativement faible.
Le coût marginal augmente avec la production de pain. Lorsque le nombre de miches produites quotidiennement augmente, le coût moyen diminue mais le coût marginal augmente progressivement, car vous devez employer plus de personnel et utiliser l’équipement de manière plus intensive.
Lorsque la quantité produite est très élevée, le coût marginal devient supérieur au coût moyen ; ce dernier augmente alors de nouveau.
Le Tableau 12.2a montre comment choisir la quantité.
Quantité | Coût moyen (€) | Coût marginal (€) | Profit (€, P* = 2,34 €) |
---|---|---|---|
115 | 1,67 | 2,25 | 77,23 |
116 | 1,67 | 2,27 | 77,31 |
117 | 1,68 | 2,29 | 77,37 |
118 | 1,68 | 2,31 | 77,41 |
119 | 1,69 | 2,33 | 77,43 |
120 | 1,69 | 2,34 | 77,44 |
121 | 1,70 | 2,36 | 77,43 |
122 | 1,71 | 2,38 | 77,40 |
123 | 1,71 | 2,40 | 77,34 |
124 | 1,72 | 2,42 | 77,28 |
125 | 1,72 | 2,44 | 77,19 |
Le prix de marché est P* = 2,34 €.
Si vous produisiez à un niveau où le coût marginal est inférieur à P*, vous pourriez produire au moins une unité supplémentaire et réaliser un profit sur sa vente.
Si vous augmentiez votre production jusqu’à un niveau où le coût marginal est supérieur à P*, le coût de fabrication de la dernière unité serait supérieur à P*, de telle sorte que vous réaliseriez une perte sur cette unité et pourriez augmenter vos profits en réduisant votre niveau de production.
Vous avez donc intérêt à augmenter le volume de production jusqu’à ce que le coût marginal soit égal à P*. Vos profits y sont maximaux.
Le prix de marché est égal au coût marginal associé à la production de la 120e miche de pain : vous devriez produire 120 miches de pain par jour, et les vendre au prix de marché, soit 2,34 euros pièce.
Que feriez-vous si le prix de marché venait à changer ? Si P* augmentait, passant à 3,20 euros, afin de maximiser vos profits, vous devriez produire 161 miches de pain par jour (Tableau 12.2b).
Quantité | Coût moyen (€) | Coût marginal (€) | Profit (€, P* = 3,20 €) |
---|---|---|---|
156 | 1,93 | 3,08 | 198,60 |
157 | 1,93 | 3,11 | 198,70 |
158 | 1,94 | 3,13 | 198,79 |
159 | 1,95 | 3,15 | 198,84 |
160 | 1,96 | 3,18 | 198,88 |
161 | 1,96 | 3,20 | 198,89 |
162 | 1,97 | 3,22 | 198,88 |
163 | 1,98 | 3,25 | 198,85 |
164 | 1,99 | 3,27 | 198,79 |
165 | 2,00 | 3,29 | 198,71 |
166 | 2,00 | 3,32 | 198,60 |
- profit économique
- Les recettes d’une entreprise auxquelles on soustrait les coûts totaux (y compris le coût d’opportunité du capital).
- coût d’opportunité du capital
- La quantité de revenu qu’un investisseur aurait pu obtenir en investissant l’unité de capital ailleurs.
Remarquez toutefois que si le prix baissait et passait à 1,52 euro, votre meilleur choix serait de produire 66 miches de pain mais votre profit économique serait nul (Tableau 12.2c). Vous, en tant que propriétaire, obtiendriez un rendement normal sur votre capital. Comme dans le Chapitre 2, le coût d’opportunité du capital est inclus dans les coûts.
Quantité | Coût moyen (€) | Coût marginal (€) | Profit (€, P* = 1,52 €) |
---|---|---|---|
61 | 1,5243 | 1,4673 | -0,130 |
62 | 1,5235 | 1,4786 | -0,081 |
63 | 1,5228 | 1,4901 | -0,043 |
64 | 1,5224 | 1,5018 | -0,017 |
65 | 1,5222 | 1,5135 | -0,003 |
66 | 1,5222 | 1,5254 | 0,000 |
67 | 1,5223 | 1,5373 | -0,009 |
68 | 1,5226 | 1,5494 | -0,030 |
69 | 1,5231 | 1,5617 | -0,064 |
70 | 1,5237 | 1,5740 | -0,109 |
71 | 1,5245 | 1,5865 | -0,168 |
Si le prix baissait jusqu’à devenir inférieur à 1,52 euro, votre boulangerie accuserait des pertes. Dans ce cas de figure, il vous faudrait décider si continuer à fabriquer du pain en vaut la peine. Votre décision dépend de ce que vous pensez qu’il va se produire.
- Si vous vous attendez à ce que les conditions de marché restent mauvaises, mieux vaudrait peut-être vendre votre entreprise et quitter le marché. Vous pourriez en effet obtenir un rendement sur votre capital plus élevé en investissant ailleurs.
- Si vous vous attendez à ce que le prix augmente bientôt, vous pourriez accepter de subir des pertes à court terme, tant que les recettes vous permettent au moins de couvrir les coûts d’entretien et de payer votre personnel.
Exercice 12.1 Pour en savoir plus : le coût marginal
Les valeurs de coûts marginal et moyen sont reportées dans le Tableau 12.2a. Tracez-les avec un tableur Excel en utilisant les valeurs de la colonne indiquant la quantité. À quoi ressemblent les courbes de coût moyen et de coût marginal ?
12.3 L’offre et la demande
Si de nombreuses entreprises fabriquent des produits identiques et si les clients peuvent facilement passer d’une entreprise à l’autre, alors les entreprises n’ont aucun avantage à vendre à un prix différent de celui en vigueur. La concurrence des autres entreprises produisant des biens identiques implique qu’elles n’ont aucun pouvoir pour fixer leurs propres prix. Les fournisseurs vont donc choisir la quantité à produire de telle sorte que le coût marginal (le coût associé à la dernière unité produite) soit égal au prix de marché. Cela signifie que l’entreprise accepte le prix de marché et choisit la quantité, telle que le coût marginal égale le prix de marché.
Nous allons voir dans ce chapitre que le prix de marché d’un bien tel que le pain dans notre ville factice est déterminé par l’interaction entre l’offre et la demande. Sur le marché du pain, il y a de nombreuses boulangeries et de nombreux consommateurs.
- courbe d’offre
- La courbe d’offre qui montre les quantités qui seraient produites pour chaque prix donné. Pour un marché, elle montre la quantité totale que toutes les entreprises pourraient produire pour chaque prix donné.
La courbe d’offre de marché indique la quantité totale produite par l’ensemble des boulangeries pour n’importe quel niveau de prix donné. Supposez qu’il y ait 50 boulangeries. Pour trouver la courbe d’offre de marché, il suffit d’additionner les quantités mises sur le marché par chaque boulangerie pour chaque niveau de prix. Par exemple, si le prix de marché est 2,75 euros, l’offre totale de marché est 7 000 (Graphique 12.1).
- courbe de demande
- Courbe qui donne la quantité que les consommateurs achètent à chaque prix possible.
- disposition à payer
- Indicateur de la valeur attribuée à un bien par un individu, mesurée par la somme maximale que cet individu est prêt à payer pour obtenir une unité de ce bien. Voir également : disposition à accepter.
Le Graphique 12.2 montre ce à quoi pourrait ressembler la courbe de demande (la demande quotidienne totale de pains de la part de l’ensemble des consommateurs de la ville). Comme d’habitude, la courbe est descendante car, lorsque les prix augmentent, moins de consommateurs sont disposés à acheter. Pour votre boulangerie, ce n’est pas la courbe de demande de marché du Graphique 12.2 qui influence la demande à laquelle vous faites face, mais plutôt le prix appliqué par vos concurrents. Si votre prix est plus élevé que P*, la demande pour vos produits sera égale à zéro. En choisissant un prix égal ou inférieur à P*, vous pouvez vendre autant de miches de pain que vous le souhaitez.
- prix d’équilibre
- À ce prix, il n’y a ni excès d’offre, ni excès de demande. Voir également : équilibre.
L’économiste Alfred Marshall (1842–1924) a appelé prix d’équilibre le prix égalisant l’offre et la demande. Nous pouvons trouver le prix d’équilibre en dessinant les courbes d’offre et de demande sur un graphique.
12.4 Le prix d’équilibre
À la fin du 19e siècle, la plupart des villes anglaises avaient un marché au blé (appelé grain exchange, en anglais) : un bâtiment où les agriculteurs rencontraient les marchands pour leur vendre leurs céréales.
- disposition à accepter
- Le prix de réserve d’un vendeur potentiel, qui serait prêt à vendre une unité seulement à un prix au moins aussi élevé. Voir également : disposition à payer.
À l’époque, Marshall a décrit la manière dont la courbe d’offre des céréales était déterminée par les prix que les agriculteurs étaient disposés à accepter, et la courbe de demande par la disposition à payer des marchands.
- excès d’offre
- Une situation dans laquelle la quantité offerte d’un bien est supérieure à la quantité demandée au prix en vigueur. Voir également : excès de demande.
Il a ensuite soutenu que, bien que sur le marché le prix « puisse être renvoyé ici et là comme un volant (dans un jeu de badminton) » au cours du « marchandage et de la négociation », il ne se situerait jamais très loin du prix exact pour lequel la quantité demandée par les marchands serait égale à la quantité fournie par les agriculteurs. Si le prix était supérieur au prix d’équilibre, les agriculteurs voudraient vendre une grande quantité de céréales, mais peu de marchands voudraient acheter, ce qui produirait un excès d’offre. Dans ce cas, même les marchands prêts à payer un prix aussi élevé réaliseraient que les agriculteurs vont être contraints de diminuer leurs prix afin d’écouler toute leur production et attendraient que cela ait lieu. De même, si le prix était inférieur au prix d’équilibre, les agriculteurs préféreraient attendre plutôt que de vendre à ce prix. Marshall a montré par ce raisonnement que si, au prix en vigueur, la quantité offerte n’était pas égale à la quantité demandée, certains vendeurs ou acheteurs pourraient réaliser des bénéfices en fixant un autre prix.
- équilibre
- Un résultat d’un modèle qui est auto-entretenu. Dans ce cas, l’objet d’intérêt ne change pas à moins qu’une force extérieure ne soit introduite altérant ainsi la description de la situation donnée par le modèle.
Le prix aurait donc tendance à être fixé à un niveau d’équilibre, où l’offre égale la demande. En langage courant, une chose est à l’équilibre si toutes les forces exercées sur elle se compensent, de telle sorte qu’elle reste immobile. Nous disons qu’un marché est à l’équilibre si les actions des acheteurs et des vendeurs n’ont pas de propension à faire varier le prix ou les quantités achetées et vendues, à moins d’un changement dans les conditions du marché, tels le nombre d’acheteurs et de vendeurs potentiels et leur valorisation du bien.
Le marché sera-t-il toujours à l’équilibre ? Comme nous l’avons vu, Marshall soutenait que les prix ne pouvaient dévier loin de leur niveau d’équilibre, car les agents voudraient alors modifier leurs prix en présence d’un excès d’offre ou de demande.
Nous connaissons maintenant la courbe d’offre (Graphique 12.1) et la courbe de demande (Graphique 12.2) du marché du pain pris dans son ensemble. Nous trouvons l’équilibre en traçant les courbes d’offre et de demande sur le même graphique, comme le Graphique 12.3.
Le Graphique 12.3 montre que le prix d’équilibre est exactement de 2 euros.
Supposez que les boulangeries adoptent une nouvelle technique de production permettant à chaque ouvrier de faire du pain plus rapidement. Cela induit une baisse du coût marginal associé à la production d’une miche, quel que soit le niveau de production. Comme les coûts ont baissé, la quantité mise sur le marché par les boulangeries pour chaque niveau de prix sera plus élevée, ce qui revient à une augmentation de l’offre. L’effet de la baisse du coût marginal est une augmentation de l’offre sur le marché. Au prix d’origine, il y a plus de pain que ce que les acheteurs veulent acheter (offre excédentaire). Les boulangeries seront enclines à baisser leurs prix.
En revanche, suivant une augmentation de la demande, la quantité d’équilibre augmente, ainsi que le prix.
De tels changements d’offre ou de demande sont souvent appelés chocs en analyse économique. Pour en savoir plus, regardez la vidéo « Comment expliquer la hausse du prix du logement en France ? ».
Il arrive que les entreprises ou les États fixent les prix et mettent en œuvre d’autres mesures entravant l’équilibre des marchés. Pour en savoir plus, regardez la vidéo « Pourquoi le marché du livre est-il encadré ? ».
- profits normaux
- Correspondent aux profits économiques nuls et impliquent que le taux de profit est égal au coût d’opportunité du capital. Voir également : profit économique, coût d’opportunité du capital.
Les boulangeries doivent individuellement accepter le prix en vigueur sur le marché, déterminé par les courbes d’offre et de demande.
Imaginez de nouveau que vous êtes le propriétaire d’une boulangerie. Quand le prix de marché est de 2 euros, vous fournissez 100 miches de pain (Tableau 12.2d) : votre boulangerie produit 100 miches de pain (où le prix égale le coût marginal). Vous réalisez alors un profit de 40 euros par jour, en plus des profits normaux.
Quantité | Coût moyen (€) | Coût marginal (€) | Profit (€, P* = 2,00 €) |
---|---|---|---|
95 | 1,58 | 1,92 | 39,80 |
96 | 1,58 | 1,94 | 39,87 |
97 | 1,59 | 1,95 | 39,93 |
98 | 1,59 | 1,97 | 39,97 |
99 | 1,60 | 1,98 | 39,99 |
100 | 1,60 | 2,00 | 40,00 |
101 | 1,60 | 2,02 | 39,99 |
102 | 1,61 | 2,03 | 39,97 |
103 | 1,61 | 2,05 | 39,93 |
104 | 1,62 | 2,06 | 39,87 |
105 | 1,62 | 2,08 | 39,80 |
Si les profits économiques sont supérieurs à zéro, les entreprises reçoivent une rente économique (des profits en plus des profits normaux). Dans l’équilibre de marché que nous avons décrit pour le pain, les propriétaires des boulangeries (en faisant l’hypothèse qu’elles sont identiques) reçoivent donc des rentes économiques, incitant d’autres entreprises à investir dans le secteur de la boulangerie.
Puisqu’il y est possible de réaliser des profits supérieurs aux profits normaux en vendant du pain dans cette ville, de nouvelles boulangeries peuvent décider d’entrer sur le marché. Dès qu’il existe des rentes économiques, quelqu’un peut agir pour en tirer bénéfice. Dans notre cas, nous pouvons nous attendre à ce que les rentes économiques attirent de nouvelles boulangeries sur le marché.
Question 12.1 Choisissez la bonne réponse
Pensez aux échanges potentiels d’exemplaires d’occasion d’un manuel recommandé pour un cours d’économie au niveau universitaire. Le diagramme présente les courbes d’offre et de demande pour un manuel. Les courbes s’intersectent au point (Q; P) = (24; 8). Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- À 10 euros, le prix est supérieur au prix d’équilibre de 8 euros, d’où un excès d’offre de manuels.
- Pour un prix de 8 euros, tous les acheteurs dont la disposition à payer est de 8 euros ou plus peuvent être appariés avec des vendeurs dont la disposition à accepter est de 8 euros ou moins. Si un de ces vendeurs augmentait son prix à 9 euros, l’acheteur pourrait trouver un autre vendeur prêt à en accepter un prix moindre.
- Pour un prix de 8 euros, la quantité demandée est égale à la quantité offerte — autrement dit, le marché s’équilibre.
- Le niveau maximal de demande est 40, mais 16 de ces échanges potentiels ne seront pas concrétisés, car la disposition à payer des acheteurs est en deçà du prix qui amène le marché à l’équilibre, c’est-à-dire 8 euros.
12.5 Barrières à l’entrée
Nous avons analysé l’équilibre du marché du pain dans le cas où il y aurait 50 boulangeries dans la ville. Nous avons trouvé la courbe d’offre du secteur en additionnant les quantités de pain produites par chaque boulangerie pour tout prix donné, nous avons ensuite trouvé le prix et la quantité d’équilibre.
Mais nous avons aussi vu que, au prix d’équilibre, les boulangeries touchaient des rentes (leurs profits étaient supérieurs à zéro), offrant une opportunité de profit à d’autres entreprises qui voudraient entrer sur le marché.
Il s’agit donc d’un équilibre de court terme, car d’autres entreprises voudront entrer sur le marché. De nouvelles boulangeries vont entrer sur le marché, faisant baisser le prix de marché, jusqu’à ce qu’il soit égal au coût moyen d’une miche de pain, et que les boulangeries fassent des profits normaux. Bien que personne ne gagne plus que des profits normaux, personne non plus ne devrait gagner moins que des profits normaux.
À long terme, les profits réalisables sur le marché du pain ne sont pas supérieurs à ceux que de potentiels propriétaires de boulangerie pourraient réaliser en plaçant leurs ressources ailleurs. Si un propriétaire pouvait obtenir davantage en utilisant ses locaux différemment (ou en les vendant et en investissant dans une autre affaire), nous nous attendrions à ce qu’il le fasse.
En réalité, les marchés ne sont pas exactement conformes au modèle.
Les barrières à l’entrée sont des facteurs qui empêchent ou découragent l’entrée de nouvelles entreprises sur un marché, même lorsque les entreprises en place réalisent des rentes économiques. Il existe deux grandes catégories de barrières à l’entrée : structurelles et stratégiques.
Les barrières à l’entrée structurelles découlent des caractéristiques fondamentales du marché, telles que la technologie, les coûts et la demande. On en trouve de nombreux exemples dans les marchés liés aux technologies. C’est le cas lorsque les gens sont plus à même d’acheter un produit ou un service parce qu’il a déjà de nombreux clients. Par exemple, un logiciel est plus utile quand tout le monde utilise une version compatible.
Les barrières à l’entrée stratégiques découlent du comportement des entreprises en place. Dans un célèbre cas d’anti-trust, le ministère américain de la Justice a accusé Microsoft d’agir à l’encontre de la concurrence en associant systématiquement son navigateur Internet Explorer à son système d’exploitation Windows.1
Exercice 12.2 Barrières à l entrée
Étudiez le cas de Google. Pensez-vous que l’entreprise génère des barrières à l’entrée ?
12.6 Concurrence imparfaite
À partir du début du 19e siècle, les prises des pêcheurs de l’Atlantique débarquées au port de New York étaient vendues aux restaurateurs et aux commerçants sur le marché aux poissons de Fulton, à Manhattan (en 2005, le marché a été relocalisé dans le Bronx). Ce marché reste le plus important marché de poissons frais aux États-Unis, bien que les poissons soient maintenant acheminés par transport routier ou aérien.
Kathryn Graddy, une économiste spécialisée dans la manière dont les prix sont fixés, a étudié le marché aux poissons de Fulton.2 3
Les revendeurs n’affichent pas les prix. À la place, les clients peuvent inspecter le poisson et demander un prix avant de prendre leur décision, faisant de ce marché aux poissons un marché qui semble encourager la concurrence. Il y avait environ 35 vendeurs, dont les stands proches les uns des autres permettaient aux clients d’observer facilement la quantité et la qualité des poissons disponibles et de demander leurs prix à plusieurs vendeurs. Elle a enregistré le détail de 3 357 ventes de merlan effectuées par un vendeur, incluant le prix, la quantité et la qualité du poisson, ainsi que les caractéristiques des acheteurs.
Évidemment, les prix enregistrés n’étaient pas identiques pour toutes les transactions : d’un jour à l’autre, la qualité variait et l’offre de poisson changeait.
En revanche, elle trouva de manière surprenante que les acheteurs de type asiatique payaient en moyenne environ 7 % de moins que les acheteurs blancs (tous les vendeurs étaient blancs). Il semblait ne pas y avoir de différence entre les transactions impliquant des acheteurs blancs ou des acheteurs asiatiques qui aurait permis d’expliquer la différence de prix.
Comment expliquer ce phénomène ? Si l’un des vendeurs décidait de fixer des prix élevés pour les acheteurs blancs, pourquoi les autres vendeurs n’essayaient-ils pas d’attirer ces acheteurs vers leur propre stand en offrant des prix de vente plus faibles ? Comme pour le marché au blé, nous nous attendons à ce que la plupart des transactions aient lieu à des prix semblables.
En théorie, un accès facile à l’information relative aux prix du marché aurait dû permettre à tous les acheteurs de trouver rapidement des prix similaires. Mais en pratique, Kathryn Graddy a remarqué que les négociations sur les prix étaient rares et ne bénéficiaient qu’aux acheteurs de grosses quantités.
Kathryn Graddy a remarqué que les commerçants savaient, en pratique, que les acheteurs blancs étaient prêts à acheter plus cher que les acheteurs asiatiques. Les commerçants le savaient sans avoir besoin de s’entendre entre eux pour fixer les prix.
Regardez notre entretien avec Kathryn Graddy, « Kathryn Graddy : À la pêche à la concurrence parfaite », pour découvrir la manière dont elle a collecté les données et ce qu’elle en conclut quant au modèle de concurrence parfaite, un marché hypothétique pour lequel :
- Le bien ou service échangé est homogène (il ne diffère pas d’un vendeur à l’autre).
- Il existe un grand nombre d’acheteurs et de vendeurs potentiels de ce bien, chacun agissant indépendamment des autres.
- Acheteurs et vendeurs peuvent aisément savoir les prix auxquels d’autres acheteurs et vendeurs échangent le bien.
- équilibre de concurrence parfaite
- Dans cet équilibre, toutes les transactions se font au même prix. C’est également appelé la « loi du prix unique ». À ce prix, la quantité offerte est égale à la quantité demandée : le marché est à l’équilibre. Aucun acheteur ou vendeur n’a avantage à modifier le prix qu’ils demandent ou offrent.
Le modèle de concurrence parfaite décrit un ensemble de conditions de marché idéales permettant l’existence d’un équilibre concurrentiel.
Dans cet équilibre, toutes les transactions se font au même prix. Les acheteurs et vendeurs sont bien sûr libres de choisir un autre prix, mais ils n’en tireraient aucun avantage, car la concurrence des autres vendeurs et acheteurs est assez forte pour que la meilleure attitude soit de commercer au même prix. Personne ne ferait affaire avec un vendeur qui demanderait un prix plus élevé ou qui proposerait un montant plus bas, parce que toute personne avec qui ils voudraient traiter trouverait à la place un autre vendeur ou acheteur.
Une concurrence parfaite requiert une sensibilité suffisante des consommateurs aux prix pour forcer les entreprises à se concurrencer. Cela peut ne pas être le cas dans un marché où les consommateurs doivent chercher les produits. Si la vérification des prix et l’inspection des produits nécessitent du temps et des efforts, par exemple, les consommateurs peuvent décider d’acheter dès qu’ils trouvent un produit à leur convenance, plutôt que de continuer à chercher le produit le moins cher.
Quand Internet a rendu possibles les achats en ligne, plusieurs économistes ont émis l’hypothèse que cela rendrait les marchés de vente au détail plus concurrentiels : les consommateurs pourraient en effet plus facilement consulter les prix de plusieurs offreurs avant de décider d’acheter.
Pourtant, souvent, les consommateurs ne sont pas très sensibles aux prix, même avec Internet.4 Le Tableau 12.3 présente les prix demandés par des vendeurs en ligne britanniques pour un même DVD en mars 2014. La fourchette de prix est large : le vendeur le plus cher demande un prix supérieur de 66 % au prix du vendeur le moins cher.
Le Hobbit : Un voyage inattendu | |
---|---|
Fournisseur | Prix, livraison incluse (£) |
Game | 14,99 |
Amazon UK | 15,00 |
Tesco | 15,00 |
Asda | 15,00 |
Base.com | 16,99 |
Play.com | 17,79 |
Savvi | 17,95 |
The HUT | 18,25 |
I want one of those | 18,25 |
Hive.com | 21,11 |
MovieMail.com | 21,49 |
Blackwell | 24,99 |
Les exemples de cette section montrent qu’il est difficile de trouver des cas de concurrence parfaite. Néanmoins, nous avons vu que notre modèle peut être une approximation utile. Même lorsque les conditions de concurrence parfaite ne sont pas toutes satisfaites, le modèle d’offre et de demande est un outil précieux pour l’analyse économique, applicable lorsqu’il y a assez de concurrence pour que les individus n’aient qu’une influence minime sur les prix.
Ce modèle a grandement influencé la manière dont nombre d’économistes conçoivent les marchés. Ce modèle peut être utile pour décrire approximativement le fonctionnement d’un marché comportant de nombreuses entreprises vendant des produits très similaires, même si les conditions idéales pour l’existence d’un marché parfaitement concurrentiel ne sont pas toutes vérifiées. Les marchés pour les produits agricoles, tels que le blé, le riz, le café ou les tomates, ressemblent à ce marché idéalisé, bien que les biens ne soient pas parfaitement identiques et qu’il soit peu probable que chacun ait connaissance de tous les prix auxquels les transactions se concluent. Cependant, il est clair que les acteurs de ces marchés n’ont que très peu, voire pas du tout, d’influence sur les prix auxquels ils échangent.
Exercice 12.3 Pour en savoir plus : dispersion des prix
Choisissez n’importe quel CD ou DVD que vous avez acheté dans un magasin. Allez sur Internet, et notez le prix de vente proposé par différents vendeurs (Amazon, eBay, une grande surface, etc.). Observez-vous une dispersion des prix et, si oui, comment pouvez-vous l’expliquer ?
12.7 Concurrence, oligopole, monopole, cartel
Concurrence
Dans le modèle d’offre et de demande présenté dans ce chapitre, lorsqu’un acheteur individuel entre en relation avec un vendeur individuel, chacun sait que l’autre peut trouver un partenaire alternatif avec qui échanger au prix de marché. Les vendeurs ne peuvent pas augmenter le prix de vente en raison de la concurrence des autres vendeurs et la concurrence entre acheteurs empêche les acheteurs de le faire diminuer.
En pratique, les économies sont composées d’un ensemble de marchés plus ou moins concurrentiels.
Monopole
- monopole
- Une entreprise qui est l’unique vendeur d’un produit n’ayant pas de substituts proches. Se dit aussi d’un marché avec un seul vendeur. Voir également : pouvoir de monopole, monopole naturel.
Dans un marché monopolisé, à l’instar des compagnies des eaux et des compagnies aériennes nationales ayant obtenu de l’État des droits exclusifs pour opérer des vols domestiques, il n’existe qu’un seul vendeur.
- coûts fixes
- Coûts de production qui ne varient pas avec le nombre d’unités produites.
- monopole naturel
- Existe sur un marché donné si une seule entreprise peut fournir ce marché à un coût moindre que toute combinaison de deux entreprises ou plus.
Dans le cadre de services publics, comme la fourniture d’eau, d’électricité et de gaz, il y a des coûts fixes importants associés à la construction du réseau de distribution (indépendamment de la quantité demandée par les consommateurs). Le coût moyen de production d’une unité d’eau, d’électricité ou de gaz sera très élevé, à moins que l’entreprise n’opère à une très grande échelle. Si une seule entreprise peut fournir le marché entier à un coût plus faible que deux entreprises, elle est dans une situation dite de monopole naturel.
Oligopole
- oligopole
- Un marché avec un petit nombre de vendeurs, donnant à chaque vendeur un certain pouvoir de marché.
Un oligopole est un marché caractérisé par un petit nombre d’entreprises qui se rendent compte qu’elles sont interdépendantes dans leurs décisions en matière de prix et de production. Par exemple, fin 2019, Orange représentait 41,6 % des abonnements haut débit et très haut débit en France. Suivaient derrière Free (22,2 %), SFR (21,9 %), et Bouygues Telecom (13,4 %). Créé en 1916, Boeing était le seul fournisseur d’avion jusqu’en 1974 quand Airbus (créé en 1970) lança son premier avion commercial. Fin 2018, Boeing était leader avec 45,7 % de part de marché. Airbus était deuxième avec 45,5 % de part de marché.
Sur les marchés oligopolistiques, les entreprises ont tendance à être interdépendantes dans leurs décisions en matière de prix et de production, de sorte que les actions de chaque entreprise ont un impact sur les autres entreprises et aboutissent à une contre-réaction de la part des autres entreprises. Lorsque toutes les entreprises sont de taille (à peu près) égale, l’oligopole est dit symétrique. Lorsque ce n’est pas le cas, l’oligopole est asymétrique.
Cartel
- cartel
- Un groupe d’entreprises qui s’entendent pour augmenter leurs profits communs.
Un cartel est un accord formel entre les producteurs sur un marché oligopolistique. Une distinction doit être faite entre les cartels publics et privés.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) est un cartel composé d’une douzaine de pays membres qui, ensemble, représentent environ 40 % de la production mondiale de pétrole actuelle.
Dans le cas des cartels publics, le gouvernement peut établir et appliquer les règles relatives aux prix, à la production et à d’autres décisions similaires. Un exemple bien connu est l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Les membres de l’OPEP s’entendent pour déterminer le niveau de production et ainsi contrôler les prix du pétrole au niveau mondial. L’OPEP définit des quotas de production pour ses pays membres. Les agissements du cartel de l’OPEP ont joué un rôle majeur dans le maintien des prix du pétrole à un niveau élevé à la suite de la forte augmentation des prix en 1973, puis, de nouveau, en 1979.
En revanche, les cartels privés impliquent un accord sur des modalités et conditions dont les membres tirent un avantage mutuel, mais qui ne sont pas connues ou susceptibles d’être détectées par des tiers. En travaillant ensemble et en se comportant à la manière d’un monopole, au lieu de se faire concurrence, ils peuvent augmenter leurs profits.
Bien que les cartels entre entreprises privées soient illégaux dans de nombreux pays, les entreprises trouvent souvent le moyen de coopérer pour fixer les prix et ainsi maximiser leurs profits. Ainsi, au cours des dernières années, les producteurs des barres chocolatées les plus populaires à travers le monde ont été accusés de collusion pour maintenir des prix élevés. Dans les années 1920, un groupe international d’entreprises fabriquant des ampoules électriques, notamment Philips, Osram et General Electric, a formé un cartel qui s’est entendu sur une politique « d’obsolescence programmée », réduisant ainsi la durée de vie de leurs ampoules à 1 000 heures afin que les consommateurs aient besoin de les remplacer plus souvent.
12.8 Indice de concentration
En 2000, la Commission européenne a empêché la fusion de Volvo et Scania, au motif que l’entreprise fusionnée aurait eu une position dominante sur le marché des poids lourds en Irlande et dans les pays nordiques. En effet, en Suède, les parts de marché combinées des deux entreprises représentaient 90 % du marché. L’entreprise fusionnée aurait alors eu une position de quasi-monopole – le cas extrême d’une entreprise n’ayant aucun concurrent.
Afin de mesurer les niveaux de concentration, la Commission utilise souvent l’indice Herfindahl-Hirschman (IHH). L’IHH est calculé en additionnant les carrés des parts de marché individuelles de toutes les entreprises présentes sur le marché. Alors que le niveau absolu de l’IHH peut donner une première indication du degré de concurrence sur le marché après la fusion, le changement de l’IHH est une approximation utile du changement de concentration directement provoqué par la fusion.
Les décideurs publics doivent être préoccupés quand des entreprises acquièrent une position dominante sur un marché. Elles auront ainsi un pouvoir de négociation suffisant dans leur relation avec leurs clients pour fixer un prix élevé sans craindre de les perdre à la concurrence.
Les entreprises dominantes peuvent aussi tirer parti de leur position grâce à des stratégies autres que la seule fixation de prix élevés. Malgré la promesse de prix toujours plus bas, Walmart a été accusé d’abuser de son pouvoir, en faisant pression à la baisse sur les salaires des zones d’implantation de ses magasins, en poussant les petits détaillants à la faillite ou en réduisant les profits des fournisseurs à des niveaux intenables.
12.9 L’élasticité prix-demande
Dans le cas du coton brut, lorsque la décision de Lincoln d’imposer un blocus sur les ports du Sud aboutit à une pénurie drastique sur le marché mondial, certains s’aperçurent de l’opportunité qu’il y avait à profiter de la situation en modifiant le prix du coton.
Finalement, le coton fut vendu à des prix six fois plus élevés qu’avant la guerre, ce qui permit aux marchands chanceux qui parvenaient à contourner le blocus de poursuivre leurs affaires. La consommation de coton chuta de moitié par rapport aux niveaux d’avant la guerre.
- élasticité-prix de la demande
- La variation en pourcentage dans la demande qui aurait lieu en réponse à une hausse du prix de 1 %. On l’exprime comme un nombre positif. La demande est élastique si l’élasticité est supérieure à 1, et inélastique si l’élasticité est inférieure à 1.
L’élasticité prix de la demande est une mesure de la sensibilité des consommateurs à un changement de prix. Elle est définie comme la variation (en pourcentage) de la demande en réponse à une augmentation du prix de 1 %. Par exemple, supposez que lorsque le prix d’un produit augmente de 10 %, nous observions une baisse de 5 % de la quantité vendue. Nous pouvons alors calculer l’élasticité, ε, de la manière suivante :
ε est la lettre grecque epsilon, souvent utilisée pour représenter l’élasticité. Lorsque le changement du prix est positif le changement de demande est négatif et vice versa. Le signe moins (-) dans la formule de l’élasticité garantit donc que la mesure de la sensibilité au prix soit un nombre positif. Dans cet exemple, nous obtenons donc :
On dit que la demande est élastique lorsque l’élasticité est supérieure à 1 et inélastique lorsqu’elle est inférieure à 1.
12.10 L’élasticité croisée
Les étudiants en histoire américaine apprennent que la défaite des États confédérés au cours de la guerre a mis fin à l’institution qu’était l’esclavage. Mais il y a aussi une leçon d’économie à tirer de cet épisode.
La leçon pour les économistes est la suivante : Lincoln ordonna le blocus, mais les agriculteurs et vendeurs qui augmentèrent le prix du coton par la suite ne répondirent pas, eux, à des ordres. Pas plus que les propriétaires des filatures qui réduisirent leur production de textile et licencièrent les ouvriers des filatures, ni que les propriétaires des filatures qui cherchaient désespérément de nouvelles sources d’approvisionnement en matière première.
Toutes ces décisions ont été prises en quelques mois, par des millions de personnes qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas, chacune cherchant à tirer le meilleur parti d’une toute nouvelle situation économique. Le coton américain était devenu plus cher et les individus ont alors réagi, des champs de coton du Maharashtra en Inde jusqu’au delta du Nil, en passant par le Brésil et les filatures du Lancashire.
Pour comprendre la manière dont le changement du prix du coton a transformé le système mondial de production de textile et de coton, vous pouvez penser aux prix déterminés sur les marchés comme des messages. Ces changements de prix ont envoyé un message aux producteurs et aux consommateurs du monde entier pour qu’ils changent leur comportement. L’augmentation du prix du coton américain véhiculait le message suivant : « Trouvez d’autres sources d’approvisionnement et les nouvelles technologies appropriées pour leur utilisation. »
De même, lorsque le prix de l’essence augmente, le message envoyé à l’automobiliste est : « Prenez le train. » Il est aussi transmis à l’opérateur de voies ferrées : « Il y a des profits à réaliser en augmentant le nombre de trains qui circulent. » Quand le prix de l’électricité monte, l’entreprise ou le ménage entend : « Pensez à l’installation de cellules photovoltaïques sur votre toit. »
L’élasticité-prix croisée de la demande fait référence à la variation en pourcentage de la quantité demandée d’un produit donné en raison de la variation en pourcentage du prix d’un autre produit « proche ». Si tous les prix peuvent varier, la quantité demandée du produit A dépend non seulement de son propre prix (voir élasticité de la demande) mais aussi des prix des autres produits.
Ce qui est fascinant concernant les prix déterminés par les marchés est que ce ne sont pas les individus qui envoient les messages, mais plutôt les interactions anonymes impliquant parfois des millions de personnes. Lorsque les conditions changent – un nouveau mode de production de pain moins onéreux, par exemple –, personne n’a besoin de modifier le message : « Proposez du pain au lieu des pommes de terre à table ce soir. » Un changement de prix résulte d’un changement des coûts des entreprises. Un prix du pain en baisse parle de lui-même.
Dans de nombreux cas – comme la chaîne d’événements ayant suivi la décision prise par Lincoln dans son bureau le 12 avril 1861 –, les messages ont un sens non seulement pour les entreprises individuelles et les familles, mais aussi pour la société en général : si quelque chose devient plus cher, il est probable que cela soit dû à une augmentation du nombre de demandeurs, ou à une augmentation du coût de sa production, ou aux deux. En lui trouvant une alternative, l’individu économise de l’argent et préserve les ressources de la société. En effet, sous certaines conditions, les prix reflètent avec précision la rareté d’un bien ou service.
- élasticité-prix croisée de la demande
- Se réfère à la variation en pourcentage de la quantité demandée d’un produit donné en raison de la variation en pourcentage du prix d’un autre produit « lié ».
12.11 Produits substituables, produits complémentaires
La notion d’élasticité-prix croisée de la demande est utilisée dans la définition des marchés pour regrouper les produits susceptibles de se concurrencer.
- compléments
- Deux biens pour lesquels la hausse du prix de l’un cause une réduction de la quantité demandée de l’autre. Voir également : substituts.
Elle est également utilisée pour déterminer si des produits sont ou non des « substituts » ou des « compléments ».
- Si une augmentation du prix du produit A entraîne une augmentation de la quantité demandée de produit B (alors que le prix de B est maintenu constant), alors A et B sont considérés comme des substituts.
- Si l’augmentation du prix du produit A entraîne une diminution de la quantité demandée du produit B (alors que le prix de A est maintenu constant), alors les A et B sont considérés comme des compléments.
Produits substituables
Un bon exemple est celui de la guerre des formats vidéo, pendant les années 1980, entre deux standards concurrents, le format VHS (pour « Video Home System », système vidéo domestique, développé par Victor Company of Japan, JVC) et le format Betamax de Sony. Les vidéos réalisées avec l’un ne pouvaient pas être lues avec un lecteur fait pour lire l’autre.
Le format Betamax de Sony était supérieur au format VHS de JVC, tant sur le plan de la qualité de l’image que du son. Cependant, au début des années 1980, Sony fit l’erreur stratégique de limiter la durée d’enregistrement à 60 minutes. Si les consommateurs voulaient utiliser leur nouveau Betamax de Sony pour enregistrer un film, ils avaient besoin de changer de cassette au milieu de l’enregistrement. Au moment où Sony a étendu la longueur de ses cassettes à 120 minutes, les utilisateurs de VHS étaient tellement plus nombreux que Betamax fut condamné à disparaître.
Produits complémentaires
Les boîtes de conserve furent inventées pour stocker de la nourriture en 1810 par Peter Durand, un marchand britannique et la première usine fabriquant les boîtes de conserve commença la production en 1813. Cependant, les boîtes étaient très difficiles à ouvrir et ne furent pas largement utilisées avant 1858, quand Ezra Warner inventa un ouvre-boîte simple à utiliser.
Exercice 12.4 Produits substituables
Par groupes, recherchez des cas de marché sur lesquels existent des produits substituables et précisez pourquoi les consommateurs peuvent avoir intérêt à remplacer un produit par un autre.
12.12 Conclusion
Nous venons de voir que le degré de concurrence sur un marché dépend du nombre d’entreprises, de l’entrée potentielle de nouveaux concurrents, des barrières à l’entrée et de l’existence de produits substituables.
Nous venons de voir aussi que le prix d’un bien ou service correspond à la valeur à laquelle un échange peut être réalisé. Ainsi, avec un marché concurrentiel, le prix converge vers le coût marginal de production et sera plus avantageux pour le consommateur qu’un prix de concurrence imparfaite.
Avant de continuer…
Créez une synthèse personnelle de quelques lignes, ainsi qu’un exemple, sur chacune des notions du chapitre :
- L’offre et la demande.
- Le prix d’équilibre.
- L’élasticité prix-demande.
- L’élasticité croisée.
- Le coût marginal.
- Concurrence, oligopole, monopole, cartel.
- Concurrence imparfaite.
- Barrières à l’entrée.
- Produits substituables, produits complémentaires.
- Indice de concentration sur un marché
12.13 Références bibliographiques
- L’équipe CORE. 2018. L’économie, Unité 7, Unité 8, Unité 11. Paris : Eyrolles.
-
Richard J. Gilbert et Michael L. Katz. 2001. ‘An Economist’s Guide to U.S. v. Microsoft’. Journal of Economic Perspectives 15 (2): pp. 25–44. ↩
-
Kathryn Graddy. 1995. ‘Testing for Imperfect Competition at the Fulton Fish Market’. The RAND Journal of Economics 26 (1) : pp. 75–92. ↩
-
Kathryn Graddy. 2006. ‘Markets : The Fulton Fish Market’. Journal of Economic Perspectives 20 (2): pp. 207–220. ↩
-
Glenn Ellison and Sara Fisher Ellison. 2005. ‘Lessons About Markets from the Internet’. Journal of Economic Perspectives 19 (2) (June) : p. 139. ↩