Image par Matti Blume de [Wikimedia Commons](https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Toyota,_Paris_Motor_Show_2018,_Paris_(1Y7A2076).jpg) / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0).

Chapitre 13 Les stratégies pour dépasser l’intensité concurrentielle

13.1 Introduction

Avant de commencer…

Découvrez cette anecdote, où l’on voit un économiste et une entreprise s’affronter.

Ironie du sort

1883, aux États-Unis. Âgé de 16 ans, George Parker lance, seul, une entreprise de jeux de société ! Il est bientôt rejoint par ses frères Charles et Edward.

Ironie du sort, dans les années 1970, la société Parker Brothers passe des années à se battre devant les tribunaux pour protéger son monopole sur un jeu de société, le Monopoly. Le jeu d’achat et de vente de biens immobiliers a d’abord été commercialisé par Parker Brothers en 1935.

Dans une série de contentieux dans les années 1970, Parker Brothers essaye d’empêcher Ralph Anspach, un professeur d’économie, de vendre un jeu de société concurrent appelé Anti-Monopoly. Anspach soutient que Parker Brothers n’a pas inventé le jeu Monopoly, donc la société n’a pas de droits exclusifs sur le nom.

À la suite d’une décision de justice en faveur d’Anspach, plusieurs versions du Monopoly apparaissent sur le marché.

Profitant d’un changement ultérieur de la législation, Parker Brothers dépose en 1984 la marque Monopoly, recréant ainsi un monopole sur la vente du Monopoly.

Les négociants se rassemblaient chaque jour au petit matin et, le signal donné, couraient rejoindre leur stand préféré. Cohen maîtrisait comme personne la technique de jeter sa casquette pour se positionner sur le stand le plus en vue.

« Faites de grandes piles et vendez à bas prix », telle était la devise de Jack Cohen, le fondateur du distributeur Tesco.

Cohen commença sa carrière dans le monde des affaires en 1919 comme négociant sur un marché ambulant dans le quartier de l’East End de Londres, et ouvrit son premier magasin dix ans plus tard. Les premiers magasins Tesco imitaient les stands du marché, sans portes. Dans les années 1950, Cohen a commencé à ouvrir des supermarchés sur le modèle américain et s’est rapidement adapté à ce nouveau type d’exploitation.

Tesco est devenu le leader du marché britannique en 1995. Aujourd’hui, au Royaume-Uni, sur 9 livres sterling dépensées dans un magasin, 1 livre sterling l’est dans un magasin Tesco.

L’entreprise s’est aussi développée à l’international dans les années 1990 et emploie aujourd’hui plus d’un demi-million de personnes en Europe et en Asie. Le programme Money de la BBC a ainsi résumé les trois commandements de Tesco : « être partout », « vendre de tout » et « vendre à tout le monde ».

Maintenir des prix bas, comme le recommandait Cohen, est l’une des stratégies possibles pour une entreprise cherchant à maximiser ses profits. Même si le profit réalisé sur chaque article est faible, le prix bas peut attirer un nombre si important de clients que le profit total est finalement élevé. En 2014, les profits de Tesco étaient supérieurs à ceux de tout autre distributeur au monde, à l’exception de Walmart. Aujourd’hui, la stratégie de fixation des prix de Tesco vise tous les segments du marché, en labellisant certains produits de sa propre marque comme étant de qualité supérieure et d’autres, d’un bon rapport qualité-prix.

Le succès d’une entreprise ne dépend pas seulement de la détermination du bon prix. Le choix du produit et sa capacité à attirer les clients, à produire à moindres coûts en proposant une qualité supérieure à celle de la concurrence importent tout autant. Elle doit aussi être en mesure de recruter et de garder les salariés qui rendent possibles toutes ces choses. L’Illustration 13.1 illustre les décisions clés que doit prendre une entreprise.

Illustration 13.1 Les décisions d’une entreprise.

Dans la plupart des marchés, il y a de la concurrence. Une entreprise demandant un prix élevé, par exemple, observera que les consommateurs préfèrent acheter auprès d’autres entreprises formant la concurrence.

monopole
Une entreprise qui est l’unique vendeur d’un produit n’ayant pas de substituts proches. Se dit aussi d’un marché avec un seul vendeur. Voir également : pouvoir de monopole, monopole naturel.

Dans ce chapitre, nous montrerons que la concurrence fait disparaître les surprofits de monopole. Nous verrons que certaines entreprises vont alors innover et différencier en qualité leurs produits pour pouvoir conserver des créneaux haut de gamme en termes de produits avec des prix élevés.

Contextes et finalités Notions
La concurrence fait disparaître les surprofits de monopole. Certaines entreprises vont alors innover et différencier en qualité leurs produits pour pouvoir conserver des créneaux haut de gamme en termes de produits avec des prix élevés. Sur le long terme et grâce aux entreprises innovantes mais aussi imitatrices, l’innovation va permettre d’abaisser les prix relatifs des produits innovants (TV, voitures, ordinateurs…). Le consommateur bénéficie de nouveaux produits meilleurs en qualité et en contenu technologique. L’innovation, la différenciation des produits.
Le monopole, l’oligopole.

Tableau 13.1 Les stratégies pour dépasser l’intensité concurrentielle : notions, contextes et finalités.

13.2 Le monopole, l’oligopole

Au 19e siècle, le travail de l’économiste français Augustin Cournot (1801–1877) a posé les principes de base que nous utilisons encore aujourd’hui pour penser le comportement des entreprises et influencé d’autres économistes du 19e siècle, comme Alfred Marshall (1842–1924) et Léon Walras (1834–1910), un économiste français.

côté « demande »
Le côté d’un marché au sein duquel les participants sont disposés à dépenser de l’argent afin d’acquérir un bien ou un service (par exemple, les consommateurs qui achètent du pain). Voir également : côté « offre ».
élasticité-prix de la demande
La variation en pourcentage dans la demande qui aurait lieu en réponse à une hausse du prix de 1 %. On l’exprime comme un nombre positif. La demande est élastique si l’élasticité est supérieure à 1, et inélastique si l’élasticité est inférieure à 1.

Bien qu’il ait utilisé l’algèbre plutôt que des graphiques, l’analyse faite par Cournot de la demande et de la maximisation des profits est très similaire à la nôtre. Le Graphique 13.1 représente une situation dans laquelle la demande est fortement élastique. La courbe de demande est assez plate, donc de faibles variations de prix entraîneront des variations importantes des quantités vendues.

Quantité Prix (€) Coût marginal (€) Recette marginale (€) Profit (€)
34 4 480 3 040 3 490 35 640
35 4 450 3 100 3 430 36 000
36 4 420 3 160 3 370 36 240
37 4 390 3 220 3 310 36 360
38 4 360 3 280 3 250 36 360
39 4 330 3 340 3 190 36 240
40 4 300 3 400 3 130 36 000

Graphique 13.1 Entreprise confrontée à une forte élasticité de la demande.

marge bénéficiaire
La différence entre le prix et le coût marginal.
coût marginal
L’effet sur le coût total de produire une unité supplémentaire.

Afin de réaliser un maximum de profits, l’entreprise devrait produire Q = 37 voitures et les vendre au prix P = 4 390 €. Le prix est supérieur au coût marginal. Le coût marginal de la 37e voiture est de 3 220 euros. Vous pouvez voir que la marge bénéficiaire (la différence entre le prix et le coût marginal de production) est relativement faible.

Le Graphique 13.2 montre la décision prise par une entreprise ayant les mêmes coûts de production, mais faisant face à une demande moins élastique de ses voitures. Lorsque le prix augmente, de nombreux consommateurs sont toujours prêts à payer. Elle peut déterminer un prix bien au-dessus du coût marginal sans perdre de clients. Dans ce cas, la quantité produite est faible et la marge bénéficiaire est élevée.

Quantité Prix (€) Coût marginal (€) Recette marginale (€) Profit (€)
27 6 760 2 620 3 640 85 650
28 6 640 2 680 3 400 86 400
29 6 520 2 740 3 160 86 850
30 6 400 2 800 2 920 87 000
31 6 280 2 860 2 680 86 850
32 6 160 2 920 2 440 86 400
33 6 040 2 980 2 200 85 650

Graphique 13.2 Entreprise confrontée à une élasticité de la demande moins importante.

Comment l’élasticité de la demande affecte-t-elle les décisions d’une entreprise ?

Ces exemples montrent que plus l’élasticité de la demande est faible, plus l’entreprise augmente le prix au-dessus du coût marginal pour obtenir une marge bénéficiaire élevée.

taux de marque
Le prix moins le coût marginal divisé par le prix. Il est inversement proportionnel à l’élasticité de la demande pour le bien.

Quand l’élasticité de la demande est faible, l’entreprise a le pouvoir d’augmenter les prix sans perdre beaucoup de clients, et le taux de marque – marge bénéficiaire exprimée en proportion du prix de vente – est élevé.

monopole
Une entreprise qui est l’unique vendeur d’un produit n’ayant pas de substituts proches. Se dit aussi d’un marché avec un seul vendeur. Voir également : pouvoir de monopole, monopole naturel.

Augustin Cournot a mené une analyse similaire, en utilisant l’exemple de l’eau en bouteille venant « d’une source minérale, à laquelle on vient de reconnaître des propriétés salutaires qu’aucune autre ne possède ». Cournot fait ainsi référence à un cas de monopole, qui n’a aucun concurrent. Il a montré, comme nous l’avons fait, que, dans ce cas, l’entreprise fixe un prix plus élevé que le coût marginal de production.

oligopole
Un marché avec un petit nombre de vendeurs, donnant à chaque vendeur un certain pouvoir de marché.

Cournot était célèbre aujourd’hui pour son modèle d’oligopole (un marché ne comptant qu’un petit nombre d’entreprises). Dans ce cas, les entreprises ont toujours le pouvoir de déterminer leur propre prix, bien que la présence éventuelle de concurrents proches implique une demande élastique et une fourchette de prix possibles relativement étroite.

Les profits qu’une entreprise peut réaliser dépendent de la courbe de demande pour son produit, qui dépend elle-même des préférences des consommateurs et de la concurrence sur le marché.

Exercice 13.1 Le monopole

Choisissez à partir de vos recherches une situation de monopole. Vous réaliserez sous format d’exposé une présentation du monopole choisi, l’organisation de la fixation des prix sur son marché, le pouvoir ou non des consommateurs, les interventions réglementaires éventuelles.

13.3 L’innovation, la différenciation des produits

L’innovation

En 1920, un maître japonais utilisant un abaque pouvait réaliser des calculs (comme diviser un nombre par un autre) 4,5 fois plus rapidement que ne pouvait le faire à la main une personne compétente en mathématiques. Cette différence a probablement été constante pendant des siècles, car l’abaque est un instrument de calcul ancien.

Cependant, aux alentours de 1940, la vitesse de calcul s’est envolée. Par exemple, l’IBM 1130 introduit en 1965 était 4 520 fois plus rapide que le calcul à la main, comme vous pouvez le voir sur le Graphique 13.3. L’entrée la plus récente, le super-ordinateur SiCortex, réalise un milliard de calculs à la seconde. C’est plus qu’un quadrillion de fois plus rapide que vous : le processus ne semble donc pas ralentir.

Graphique 13.3 Innovation en puissance de calcul : indice de vitesse de calcul.

William D. Nordhaus. 2007. ‘Two Centuries of Productivity Growth in Computing’. The Journal of Economic History 67 (01), Indice mis à jour en 2010. Note : certains exemples spécifiques sont indiqués en couleur et labellisés.

Exercice 13.2 Innovation en puissance de calcul

  1. Identifiez les deux grandes périodes de ce graphique.
  2. Que s’est-il passé à partir des années 1920 ? Expliquez pourquoi ?
  3. En quoi ce processus est-il lié à l’innovation ?
innovation de produit
Une innovation qui produit un nouveau bien ou service à un coût qui attirera des acheteurs.
innovation de procédé
Une innovation qui permet à un bien ou service d’être produit à un coût moins élevé que ses concurrents.

Une entreprise innovante peut produire un nouveau bien ou un service à un coût qui attirera les acheteurs ou un bien à un coût plus faible que ses concurrents. Le premier est appelé une innovation de produit, le second une innovation de procédé.

L’innovation radicale introduit une technologie ou une idée entièrement nouvelle, qui n’était pas disponible jusqu’à présent. Le format MP3 a permis la compression de la musique de manière à permettre un stockage facile sur des disques durs et de la transmettre via Internet, offrant ainsi une manière sensiblement différente des CD ou vinyles de stocker de la musique. Vous avez déjà découvert l’amélioration incrémentale de la machine à tisser (spinning jenny) – l’une des inventions majeures de la Révolution industrielle – dotée initialement de seulement huit broches pour finir par en avoir plusieurs centaines. Elle améliore un produit ou procédé existant, de manière cumulative.

Après avoir regardé la vidéo « Vies d’entreprises : une entreprise exportatrice », expliquez en quoi Thuasne est une entreprise innovante.

Les innovations technologiques peuvent permettre de dépasser les concurrents.

Imaginez que vous avez trouvé un nouveau moyen de reproduire un son en haute qualité. Votre méthode est vraiment moins chère que les autres méthodes utilisées. Vos concurrents ne peuvent pas vous copier, soit parce qu’ils n’arrivent pas à développer cette méthode, soit parce que vous avez breveté ce procédé (rendant illégale toute tentative de vous copier).

Supposons que vos concurrents continuent à proposer leurs services à un prix nettement supérieur à vos coûts. Si vous proposez un prix identique ou juste inférieur au leur, vous pourrez vendre autant que ce que vous pouvez produire : vous fixez donc un prix similaire, mais vous réalisez des profits bien plus élevés que ceux de vos concurrents.

rentes d’innovation
Surplus de profits par rapport au coût d’opportunité du capital qu’un innovateur génère en introduisant une nouvelle technologie, structure organisationnelle ou stratégie de marketing. Connu également sous le terme : rentes schumpétériennes.

Dans ce cas, nous disons que vous profitez d’une rente d’innovation.

Les rentes d’innovation ne durent pas éternellement. Les autres entreprises, remarquant que des entrepreneurs réalisent des rentes économiques, finiront par adopter la nouvelle technologie. Elles vont également réduire leurs coûts et leurs profits augmenteront.

coût d’opportunité du capital
La quantité de revenu qu’un investisseur aurait pu obtenir en investissant l’unité de capital ailleurs.
profit économique
Les recettes d’une entreprise auxquelles on soustrait les coûts totaux (y compris le coût d’opportunité du capital).

La perspective de ces rentes d’innovation entraîne d’autres acteurs à essayer de copier l’invention. S’ils réussissent, les rentes d’innovation temporaires finissent par être dissoutes par la concurrence. À l’issue du processus d’imitation, l’innovateur initial reçoit uniquement de quoi couvrir le coût d’opportunité du capital, ramenant les profits économiques à zéro.

Sur le Graphique 13.4, on a représenté les coûts de recherche, de développement et de déploiement d’une innovation ainsi que la rente d’innovation (profits supérieurs au coût d’opportunité du capital) associée à une même invention fructueuse.

Graphique 13.4 Coûts et rentes associés à l’innovation.

Les derniers arrivés peuvent aussi être poussés à adopter l’innovation, car les prix plus faibles qui résultent d’une large adoption des nouvelles méthodes menacent de faillite ceux qui conservent l’ancienne technologie. Une entreprise qui n’innove pas fera des profits économiques négatifs, c’est-à-dire que ses recettes ne seront pas suffisantes pour couvrir le coût d’opportunité du capital.

invention
Le développement de nouvelles méthodes de production et de nouveaux produits.
diffusion
La diffusion de l’invention dans l’économie.

Nous utilisons le mot innovation pour désigner aussi bien le développement de nouvelles méthodes de production et de nouveaux produits (invention) que la diffusion de l’invention dans l’économie (diffusion).

Lorsque l’entreprise parvient à innover, elle peut en tirer des rentes, au moins dans le court terme, jusqu’à ce que ses concurrents la rattrapent. D’autres innovations peuvent alors être nécessaires pour rester en tête. Une fois commercialisée par Toyota en 1997, la Prius, la première voiture hybride produite à grande échelle, a efficacement monopolisé le marché des hybrides. Une telle entreprise gagne des rentes de monopole (des profits économiques au-dessus de ses coûts de production) provenant de sa position d’unique fournisseur de ce type de voitures. Plusieurs années se sont écoulées sans trop de véhicules comparables sur le marché, et ce n’est qu’à partir de 2003 que plusieurs marques lui ont fait une concurrence sérieuse. La Toyota Prius est ainsi restée leader sur le marché avec plus de 50 % des ventes.

La différenciation des produits

produit différencié
Un produit d’une seule entreprise qui a des caractéristiques uniques qui le différencient des produits des autres entreprises.

Toutes les voitures ne sont pas identiques. Ce sont des produits différenciés. Chaque marque et chaque modèle est produit par une seule et même entreprise et a des caractéristiques uniques en termes de conception, de performances, qui le différencient des voitures fabriquées par d’autres entreprises.

Le Tableau 13.2 indique, par exemple, les prix d’achat de berlines trois portes 1 litre au Royaume-Uni en janvier 2014, qu’un consommateur pouvait trouver sur un comparateur de prix sur Internet. Bien que les principales caractéristiques de ces voitures soient similaires, le site Internet compare 75 autres caractéristiques, qui diffèrent souvent en fonction de la marque.

  Prix
Ford Fiesta 11 917 £
Vauxhall Corsa 11 283 £
Peugeot 208 10 384 £
Toyota IQ 11 254 £

Tableau 13.2 Prix d’achat de voitures au Royaume-Uni (2014).

Autotrader.com, janvier 2014.

Les personnes désirant acheter une voiture cherchent différentes combinaisons de caractéristiques. Les marchés de produits différenciés reflètent des différences de préférences entre les consommateurs. La disposition à payer d’un consommateur pour un produit donné dépend non seulement des caractéristiques de ce produit, mais aussi des caractéristiques et du prix de produits similaires d’autres marques.

Quand les consommateurs sont en mesure de choisir entre plusieurs voitures assez similaires, il est probable que la demande pour chacune des voitures soit plutôt élastique. Si, par exemple, le prix de la Ford Fiesta venait à baisser, la demande augmenterait, car les consommateurs seraient plus attirés par celle-ci. De la même manière, si le prix de la Ford Fiesta venait à augmenter, la demande baisserait, car les consommateurs choisiraient d’acheter l’une des autres marques à la place. Plus les autres voitures sont similaires à la Ford Fiesta, plus les consommateurs sont sensibles à la différence de prix. Seuls ceux ayant une forte fidélité à la marque Ford ou une préférence prononcée pour les caractéristiques proposées (et que les autres voitures n’ont pas) seront insensibles. L’entreprise Ford choisira donc un prix et une marge bénéficiaire relativement faibles.

À l’inverse, un fabricant de voitures très spécialisées, très différentes de toutes les autres marques sur le marché, fait face à peu de concurrence et donc à une demande moins élastique. Une entreprise est donc dans une position de force s’il y a peu d’entreprises produisant des substituts proches de sa propre marque, car elle fait face à peu de compétition. L’élasticité de la demande sera donc relativement faible.

Un bon exemple est la guerre des formats vidéo pendant les années 1980 entre deux standards concurrents : VHS et Betamax. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 12, les supports vidéo utilisant un format ne pouvaient pas être lus sur des appareils prévus pour lire l’autre, de telle sorte que chaque entreprise avait un intérêt à ce que son format soit utilisé le plus largement possible. Betamax de Sony ou VHS de JVC aurait constitué un bon format pour stocker des vidéos sur cassette, mais le lancement simultané des deux technologies a mené à une rivalité coûteuse.

Lorsqu’elle décide des caractéristiques du produit à fabriquer, l’entreprise cherche à attirer les clients tout en se démarquant des concurrents. Bien sûr, ce n’est pas tâche aisée : une entreprise souhaitant proposer de nouvelles céréales de petit déjeuner ou une nouvelle voiture sait que de nombreuses marques sont déjà sur le marché. Si toutefois elle y arrive, la demande est élevée – de nombreux consommateurs souhaitent acheter le produit, quel que soit le prix – et son élasticité est faible.

Les entreprises fixent des prix supérieurs aux coûts marginaux lorsque les biens qu’elles produisent, comme des voitures ou des céréales de petit déjeuner, sont différenciés de ceux produits par leurs concurrents. Dans ce cas, elles servent des consommateurs ayant des préférences différentes de ceux qui décident d’acheter le produit d’une autre marque et font face à une concurrence limitée.

Quand les produits sont différenciés, la publicité peut être utilisée pour :

Elle est largement utilisée à la fois par les fabricants de voitures et les producteurs de céréales de petit déjeuner. Selon Schonfeld and Associates, un cabinet d’analystes de marché, la publicité pour les céréales de petit déjeuner représente environ 5,5 % du chiffre d’affaires du secteur aux États-Unis – soit environ 3,5 fois plus que la moyenne pour les produits manufacturés.

Le Graphique 13.5 présente des données relatives aux 35 marques de céréales les plus vendues dans la région de Chicago, en 1991 et 1992. Il montre la relation entre part de marché et dépenses trimestrielles en publicité.

Graphique 13.5 Dépenses en publicité et parts de marché des céréales de petit déjeuner à Chicago (1991–92).

Figure 1 de Shum, Matthew. 2004. ‘Does Advertising Overcome Brand Loyalty? Evidence from the Breakfast-Cereals Market.’ Journal of Economics & Management Strategy 13 (2): pp. 241–72.

Il ressort nettement du Graphique 13.5 que les marques ayant les plus importantes parts de marché sont celles ayant les dépenses publicitaires les plus importantes. En revanche, une analyse attentive suggère que les parts de marché ne sont pas étroitement liées aux dépenses.

Il a analysé les achats de céréales et montré que pour stimuler la demande d’une marque, la publicité était plus efficace que les réductions de prix.

À partir de ces données, l’économiste Matthew Shum a conclu que la fonction principale de la publicité n’est pas d’informer les consommateurs sur le produit, car les marques les plus connues sont aussi celles qui ont les dépenses publicitaires les plus conséquentes, mais plutôt d’augmenter la fidélité à la marque et d’encourager les consommateurs des autres marques à en changer.1

13.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons étudié le rôle de l’innovation dans l’évolution des produits et des procédés. Nous avons abordé les raisons de la différenciation des produits qui contribue à un marché oligopolistique. Nous avons vu, donc, que la concurrence est loin de s’organiser de manière parfaite et que les monopoles qui peuvent résulter de raisons réglementaires ou de secteur participent à une fixation des prix au détriment des consommateurs.

Avant de continuer…

Créez une synthèse personnelle de quelques lignes, ainsi qu’un exemple, sur chacune des notions du chapitre :

  • L’innovation, la différenciation des produits.
  • Le monopole, l’oligopole.

13.5 Références bibliographiques

  1. Matthew Shum. 2004. ‘Does Advertising Overcome Brand Loyalty? Evidence from the Breakfast-Cereals Market’. Journal of Economics & Management Strategy 13 (2): pp. 241–72.